Chapitre 26


Nora et ses merveilleuses idées avaient de nouveau frappé. Et elles avaient frappé fort. Notre chère déléguée s'était amenée ce matin même en cours avec un merveilleux bocal à confiture gavé de petits papiers à carreaux. C'était venu sans qu'elle ait eu besoin de consulter personne, comme souvent avec mon amie.

La dernière fois qu'elle avait proposé une idée brillante à la classe, nous nous étions retrouvés à l'extérieur d'un bowling fermé, à attendre qu'il ouvre et, je vous laisse deviner...

Il n'ouvrit jamais.

« Cette fois-ci, reprit-elle devant le regard confus d'Holly, j'ai vu les choses en moins grands. Déjà, pas de bowling, et ça, c'est vraiment cool ».

La classe eut le besoin d'applaudir cette décision et quand nos mains se turent – parce que oui, je faisais partie de ces personnes qui défendaient ardemment le droit que nos corps s'expriment, Nora invita le premier rang à se lever sous le regard amusé du professeur Finnigan.

Peut-être vous demandiez-vous ce qui était passé par la tête de notre déléguée ?

Un Secret Santa. Rien que ça.

L'idée même avait beaucoup plus à l'ensemble de la classe. Nous n'étions pas tous amis, forcément, mais Nora avait vendu le principe comme un moyen amusant de fournir à tous l'occasion de se connaître un peu plus. Le second rang alla donc piocher leur petit papier. Je remuai nerveusement sur ma chaise. J'étais fébrile à l'idée d'avoir mon papier. C'était toujours amusant de se retrouver avec le nom de quelqu'un qu'on pouvait ne pas connaître et de lui trouver une babiole qui lui fasse plaisir. Nora appela le troisième rang et mon cœur menaça de faire exploser ma poitrine. Ça y est, c'était à mon tour ! Allais-je tomber sur Erika, la gothique du premier rang qui était aussi une peintre douée ou sur Peter, le capitaine de l'équipe de football du lycée ? Je m'approchai du bocal, mordant ma lèvre inférieure d'impatience, plongeai la main à l'intérieur, trifouillai les petits papiers avant d'en pincer un entre mon pouce et mon index. Je le retirai et retournai à ma place avant de l'ouvrir.

Ce fut peut-être la plus grande déception de ma vie. Même l'annonce d'une énième saison de la pire série au monde aurait sonné comme une douce mélodie à mes oreilles. J'avais pioché Seth. Seth. Ce petit con de Seth Potter.

Parmi vingt-sept élèves, c'était sur lui que je tombais. Il était mon voisin, mon collègue de travail et maintenant, j'étais son Secret Santa. Si ce n'était pas le sort qui s'acharnait sur moi qu'on me transforme en canard sur place ! J'attendis, comptant mentalement les secondes. Mais rien ne vint. J'étais une bonne fois pour toute liée à Seth, que je le veuille ou non.

Ça m'ennuyait. Une semaine s'était écoulée depuis que je m'étais fâchée contre lui et depuis, je n'osais même plus le regarder en face. Au travail, l'ambiance était plus tendue à cause de nous qu'à cause de Leith et lorsque nous nous retrouvions de service ensemble, je disparaissais dans les cuisines trouvant une tâche dans le plus sombre des recoins de la chambre froide.

Etais-je encore en colère contre lui ? Probablement. Le méritait-il ? Aucune idée. Avait-il dépassé les bornes ? Oui.

Et puis, il m'avait embrassé. Il m'avait putain d'embrasser sans me prévenir. Okay, c'était écrit. Okay, ça devait se finir comme ça entre Benedick et Béatrice. Mais, franchement... Y a des gens pas malins qui ont écrit qu'il fallait tuer son voisin s'il nous volait une poule. Est-ce que je tue mon voisin parce qu'il me vole ma poule et que c'est écrit que je dois ? Non. Parce que je suis une personne censée. Et que si je dois tuer quelqu'un, je préfère vraiment lui demander son accord avant. Comme ça, ça ne reste pas sur ma conscience.

« Maintenant que tout le monde à son petit papier, s'exclama Nora, ce qui me sortit de mon mutisme, voici les quelques règles à respecter dans le cadre de ce Secret Santa. Tout d'abord, soyez original. Essayez d'offrir un objet qui soit personnel. Donc mesdemoiselles, je vous demanderai de nous épargner votre éternel baume à lèvres à la vanille et messieurs, si vous pouviez au moins avoir l'obligeance d'offrir autre chose que des chocolats, je vous en saurais gré. Enfin, le cadeau ne devra pas dépasser les trente dollars mais doit quand même valoir un peu plus qu'un pauvre pécule. »

Tous acquiescèrent et Monsieur Finnigan commença son cours sans demander son reste. J'aurais aimé me plonger corps et âmes dans l'étude d'Orgueils et Préjugés mais quelque chose me retenait. C'était presque agaçant de se dire que quoique je fasse, j'en revenais toujours à Seth.

Et ce même quand il était considéré en Carlyfornie comme la pire des enflures.

Et croyez-moi, la présidente du coin était sacrément rancunière.

OoOoO

Nora et Holly m'attendaient probablement depuis dix minutes à la cafétéria quand je pus me frayer un chemin hors de la bibliothèque. Je devais terminer un essai en histoire et il me manquait une source pour compléter une partie essentielle de mon développement. Evidemment, c'était en ce fameux mercredi que le lycée s'était dit : « oh tiens, et si nous allions tous emprunter un bouquin à la bibliothèque ? », ce qui, évidemment, n'était pas une idée brillante.

Je m'étais donc échappée de justesse d'une file presque aussi longue que ma...

Josiane a censuré cette blague. Au moins, elle a pitié de vous...

Comme je ne voulais pas transporter mes affaires de la matinée avec moi, je m'étais dit qu'un petit détour par mon casier serait la parfait occasion de soulager mes épaules et mon dos. Malheureusement, arrivé à la hauteur de ce dernier, mon cerveau me menaça d'une syncope si je faisais un pas de plus.

Qu'est-ce qu'elle foutait là ?

Avec un peu de chance, Elena ne m'avait pas vu, je pouvais encore faire demi-tour et trouver un autre chemin jusqu'à la cafétéria. Tant pis pour mes épaules et pour mon dos.

« Carly ! chantonna-t-elle. »

Et ce fut trop tard pour m'enfuir. Décidant que j'étais prête à l'affronter, en tout cas plus que je ne l'étais pour Seth, j'avalai la distance qui me séparait de mon casier.

« Oh Elena, que fais-tu là ? demandai-je, pas du tout surprise, mais je n'avais pas trouvé mieux. »

Quand je vous disais que mon cerveau frôlait la syncope.

« C'est trop chou de demander, s'exclama-t-elle. »

Son sourire angélique me faisait l'effet d'une insulte et j'ouvris mon casier. Heureusement, la porte obstrua Elena de mon champ de vision.

« Bon, accouche, soupirai-je. J'ai pas le temps.

- Moi non plus, murmura-t-elle. Je vois Seth, après. »

S'il n'y avait pas eu la porte, cette garce aurait probablement remarqué la seconde d'hésitation qui avait traversé mes gestes si pressés.

« Cool, lui répondis-je un peu froidement. Tu veux que je te prête ma culotte Minnie ? »

Le rire d'Elena était jaune. Ça faisait déjà ça dans ses dents.

« Non, pas la peine, me répondit-elle froidement. Je suis juste venue te demander gentiment de calmer tes ardeurs.

- Calmer mes quoi ? grognai-je en fermant un peu trop brutalement la porte de mon casier.

- Tes ardeurs, chérie, répliqua-t-elle alors qu'elle revenait dans mon champ de vision. »

Son sourire n'était plus charmant. Il était insolent. Si j'avais vécu dans un monde où la violence était autorisée, je le lui aurais fait avaler.

« On sait tous que tu as demandé à Seth de t'embrasser pour prouver que la nouvelle pouvait me chiper mon petit-ami, susurra-t-elle.

- Oh la, la... soupirai-je. Tu as d'autres conneries dans ce qui te sert de crâne où je peux passer ma route ?

- Ne le nies pas, Carly. »

Elle me bloquait carrément le passage, quand j'y repensais.

« Et si c'était le cas, qu'est-ce que ça te ferait ? repris-je.

- Je ne voudrais pas que tu souffres d'une peine de cœur, Carly, me répondit Elena. C'est douloureux, les peines de cœur, tu n'as qu'à demander à Nora... »

Était-elle seulement humaine ?

« Tu nages en plein délire, chérie, l'imitai-je, par peur de perdre contenance. Il n'y a rien entre Seth et moi. »

Du moins, nous pouvions même ajouter qu'il n'y aurait plus rien avant longtemps. Je n'étais absolument pas prête à le laisser revenir comme ça.

« Ah bon ? se moqua-t-elle. Qu'est-ce que tu vas lui offrir pour le Secret Santa, alors ? Ton cœur ? »

Lui faire avaler un casier, était-ce considérer comme un acte de violence ? Ou pourrais-je échapper à une punition parce que j'avais finalement rendu service à la communauté.

« J'en sais rien... grognai-je alors que je sentais que mes nerfs commençaient à lâcher. De toute façon, j'en veux pas de ce papier !

- Vous vous êtes fâchés ? renchérit-elle aussitôt. »

Je sursautais. A la manière dont elle me regardait, je savais qu'elle avait deviné depuis longtemps. Ce n'était pas très compliqué de le deviner, en réalité. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'Elena fasse tout pour en arriver là. Ou alors, j'aurais dû m'y attendre depuis le début.

« Oh tiens, murmurai-je en me forçant à employer un ton ironique. Je vois une petite Elena qui se mêle de ce qui ne la regarde pas...

- Oh, vous êtes vraiment fâchés... »

Elle me tapota l'épaule d'un geste affectueux. J'eus envie de lui faire manger mon poing.

« Je le consolerai, chérie, ne t'en fais pas, il m'a déjà appelé pour ça, ajouta-t-elle malicieusement. En attendant, je te propose un petit échange. »

L'idée que Seth se soit tourné vers Elena me glaça le sang sans que je puisse véritablement comprendre pourquoi. Peut-être parce qu'il était mon ami (du moins, l'avait été et ne le sera plus jusqu'à ce que je digère son comportement de la semaine dernière) et que je détestais Elena ? Et qu'il le savait.

Est-ce que c'était sa manière à lui de se venger de mon rendez-vous avec Leith ? Si oui, c'était complètement gamin.

Cette pensée acheva néanmoins de m'irriter et je fouillais dans ma poche de jean.

« Tu sais quoi ? m'exclamai-je presque hors de moi, ce qui me valut quelques regards tout autour de nous. Bah je te le file, ce putain de papier. »

Je lui balançais à la figure et il tomba par terre. Elena le ramassa tranquillement et me fourra dans les mains le nom de James. Sans attendre qu'elle se félicite, je tournais les talons, bien décidée à couper court à cette discussion.

« Une dernière chose, Carly, ajouta Elena. »

J'étais bien décidée à ne pas lui donner une autre occasion de m'enfoncer.

« Si jamais tu t'approches de Seth, que tu te rabiboches avec lui... s'exclama-t-elle un peu plus fort. Enfin bref, si tu essayes d'arranger les choses, je ferais savoir à Nora qu'il se passe quelque chose entre toi et Leith. »

Je m'arrêtai brusquement. Je n'étais pas violente. Mais adréalinement parlant, j'étais prête à détruire cette gamine sur place.

« Il ne s'est rien passé avec Leith.

- Non, c'est vrai... souligna-t-elle. J'espère que tu pourras le prouver facilement à ton amie, si ça devait être le cas. »

OoOoO

Je ne m'étais jamais sentie aussi tendue. Chacun de mes gestes étaient raides, chacun de mes sourires faux. Dire qu'Elena m'avait mentalement détruite relevait de l'euphémisme.

Et pourtant, je me retrouvais dans la cuisine du café, pâle comme un linge, à éviter scrupuleusement de croiser le regard de mon patron et, tour à tour, celui de Seth ou de Leith. Je ne voulais même pas regarder Seth. Il me dégoutait encore plus.

Je n'osais pas non plus affronter l'air inquiet de Leith. Si les tensions s'étaient largement calmées entre nous, je n'étais pas capable de lui dire ce que je ressentais. S'il apprenait qu'Elena me menaçait, je n'avais aucune idée de sa réaction, mais je ne présageai rien de bon. Après tout, il était encore question de lui, de ce qu'il avait pu se passer avec Nora et de sa relation avec Seth.

Déjà qu'ils se méprisaient plus gravement encore qu'avant le rendez-vous, je n'osais même pas imaginer le massacre à la chope qui s'ensuivrait si je racontais quoique se soit.

Je ne savais pas à qui me confier. Holly s'affolerait, Nora me tuerait, Keira était trop loin pour gérer un état de crise, Seth était une option définitivement rayé de la liste et... et ma mère n'était pas à la maison cette semaine.

J'étais seule. Seule chez moi, seule avec mes problèmes. Et ça me rendait complètement...

« Carly ? m'appela Jack. »

Surprise de retourner si brutalement à la réalité, je lâchai la boule de pâte que je massacrais depuis quelques minutes et relevai un regard curieux vers mon patron.

« Oui ? »

Ma voix tremblait. D'agacement ? De colère ? De fatigue ?

De désespoir ?

« Est-ce que tu pourrais assurer une livraison pour moi ? me demanda-t-il.

- Euh... là maintenant ?

- Oui, là maintenant. C'est Emett. Il a encore brûlé son repas. »

Je n'écoutais déjà plus quand Jack me parla du fait qu'il songeait sérieusement à offrir des cours de cuisine à son meilleur ami.

« Carly ?

- Hm ?

- Tu vas bien ? s'inquiéta Jack. On dirait que t'es ailleurs, aujourd'hui. »

Je frottai mes mains enfarinées sur mon tablier en secouant positivement la tête.

« Oui, oui, ça va... soufflai-je. J'ai juste... »

Ma phrase resta en suspens quand Seth entra dans la cuisine pour déposer de la vaisselle dans l'évier.

« Juste un petit passage à vide... conclus-je en me forçant à sourire. C'est la fatigue. »

Jack hocha la tête.

« Tu es sûre pour la livraison ? »

Un coup d'œil furtif m'indiqua que Seth écoutait notre conversation. Je fis comme si de rien n'était.

« Oui. Je vais partir tout de suite si c'est prêt. »

Peut-être qu'une promenade jusqu'au phare et la chaleur du foyer de mon professeur de littérature me ferait un peu de bien.

En plus, je devais encore lui rendre son livre.

NB.

Bon. Dire que ça pue du postérieur est un bien mignon mot. On revient sur l'arc principal (pour ceux et celles qui se souviendraient des petits cadeaux du Secret Santa) mais on s'en éloigne également. En terme d'écriture, le premier jet faisait 30 chapitre. Je vous annonce que la réécriture les as officiellement dépassé. Ce qui veut dire : beaucoup, mais alors BEAUCOUP de nouveaux chapitres ! Ah j'ai dit que je prenais mon temps.

Enfin voilà, petit update, que vous sachiez où en est mon cerveau complètement ch'tarb... J'espère que ce chapitre 26 aura sur vous séduire. Moi, je pleure intérieurement, mais c'est parce que je connais la suite... x( Mais bon ! Est-ce qu'il vous a plu ? J'espère que voui !

Si c'est le cas, n'hésitez pas à voter, commenter, partager, je vous en serais gré !

A très vite !

E.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top