Chapitre 23
Leith avait appelé un peu plus tôt dans la journée pour s'excuser. Il ne pourrait pas venir ce soir à notre rendez-vous. Ses examens n'allaient pas tarder à arriver et les dossiers qu'ils devaient rendre n'étaient pas tous terminés. Il s'était platement excusé, trois, quatre, cinq fois. Je lui avais murmuré que ce n'était pas grave. Ça n'allait être qu'un autre samedi soir passée seule devant la télé. A la place, nous avions reporté notre soirée ensemble pour la fin du mois. Ce qui, finalement, ne pouvait pas être plus mal. Je n'arrivais pas à me concentrer à mesure que les jours défilaient et je ne connaissais toujours pas ma scène correctement. Même Holly, qui avait accepté de jouer l'un des personnages pour nous, savait ses répliques. Alex ne tarderait pas à maîtriser les siennes et Seth pouvait les réciter dans un sens comme dans l'autre.
De plus, Norah était revenue me voir pour que je me mette à écrire la chronique du mois de novembre. Comme nous en étions à un mois de Noël, la directrice du club pensait que la gazette du lycée se devait de proposer aux étudiants une alternative pour se faire un peu d'argent. Il était clair qu'elle voulait que je parle de petits-boulots et autre conneries dans le genre. Et comme d'habitude, l'article de Pampy devenait un casse-tête sans précédent.
C'était d'ailleurs là que j'en étais quand ma mère apparut dans la salle à manger. Elle portait sa robe verte. Celle qui mettait en valeur sa chevelure et ses yeux sans pour autant ternir le teint de sa peau. J'aurai vendu mon âme au diable pour être comme elle quand je serais plus âgée. Ou pas. Non, en fait, je retire ce que j'ai dit. Vendre son âme au diable, ce n'est pas bien. Tut-tut, je te vois, toi qui étais tenté de faire de-même. Si tu vends ton âme au diable, je...
Mangerai tout tes scoobiscuits ?
« Qu'est-ce que tu fais ? me demanda ma mère.
- J'essaye de rédiger le prochain article de Pamplemousse, répondis-je. Mais j'ai pas d'idées.
- Tu ferais mieux de t'aérer l'esprit, j'ai l'impression que ça fait des heures que je te vois agresser ton clavier.
- Jure... »
Ma mère me fit les gros yeux et un sourire éclaire nos deux visages.
« Donc vous sortez avec Viktor ? l'interrogeai-je.
- Oui. Je reste dormir chez lui.
- Okay.
- Ça ira de dormir seule ce soir ? »
Bah, ce n'était pas la première fois. Quoique que maintenant que j'y pensais, le diable allait peut-être en profiter pour envahir mon espace personnel. Venais-je de faire un amalgame entre Seth et le diable ? Non, pas du tout. Comment oserai-je ?
« Tu n'as qu'à inviter des copines, suggéra ma mère.
- Là, comme ça ? relevai-je, surprise.
- Oui. J'ai fait des courses, vous avez largement de quoi survivre sans moi.
- Yes, m'exclamai-je. Bah je les appelle alors. »
OooO
Norah déposa ses jumelles sur le rebord de fenêtre et se tourna vers moi.
« Il se passe rien d'intéressant dans ta rue, grommela-t-elle. »
Holly leva les yeux au ciel et piqua un autre pop-corn au fond du bol.
« Je suis désolée de vivre dans un coin tranquille... soupirai-je alors que je me débattais avec la capsule d'une bouteille de coca-light. »
Nora haussa les épaules et se gratta le crâne. Nous venions de terminer de regarder un slasher. C'était une idée d'Holly et maintenant, nous jetions régulièrement des coups d'œil autour de nous. Au moindre vibrement de nos téléphones, nous nous raidissions et attendions de savoir si c'était un appel ou une notification. Au final, et dieu merci, nous étions toujours en vie une heure après avoir vu le film. Lorsque Nora m'avait demandé mes jumelles, je me doutais bien qu'elle n'espionnait pas vraiment le quartier. Elle était plutôt en train de guetter le prochain tueur en série qui viendrait gentimment sonner à notre porte.
« Bon, bon, bon... souffla Holly au bout d'un temps. »
Nous échangeâmes un regard vide. Personne n'avait envie de commenter ce drôle de sentiment qui nous rongeait.
« Et si on parlait de ton prochain article, Carly ? me demanda tout à coup Nora.
- Ah oui, tiens, soufflai-je. Je me demandai quand est-ce que tu reviendrais me supplier de faire exploser les ventes...
- Tu te la pètes, commenta Holly alors qu'elle se blottissait un peu plus dans le canapé. »
Plus le temps passait, plus l'amérindienne donnait le sentiment qu'elle tentait de devenir elle-même un coussin. Peut-être était-ce sa technique pour ne pas se faire attraper si quelqu'un tentait de nous poignarder. Pendant un instant, j'eus envie de l'imiter.
« C'était de l'ironie... grognai-je en parvenant finalement à ouvrir la bouteille de coca.
- Toujours est-il que l'édition du mois de novembre sort dans une semaine et j'attends toujours la chronique de Pampy, trancha Nora.
- D'ailleurs, pourquoi avoir signé avec le nom de ton chat ? intervint Holly."
Je plaquai dramatiquement ma main sur mon front.
« Parce qu'au fond, l'anonymat... déclamai-je en roulant le peu de r que je prononçais, n'est-ce pas mystérieux ?
- Cette fille me fait peur... souffla Nora. »
Je voulus éclater de rire mais fus coupée dans mon élan par mon téléphone. Ce dernier s'était soudain animé, se déplaçant de quelques millimètres sur la table du salon alors qu'il vibrait lourdement. Nora blêmit, Holly se tassa un peu plus dans le canapé.
« Qu'est-ce que c'est ? demanda Nora. »
Je m'avançais. Le numéro était inconnu. Un frisson parcourut ma nuque et je me surpris à repousser doucement le téléphone vers la présidente du club de journalisme.
« Vas-y réponds ! murmurai-je à Nora.
- T'es folle ! hallucina la brunette. C'est ton téléphone.
- Et alors ? souffla Holly. Il faut que quelqu'un décroche. »
Par réflexe, je positionnais mes bras en triangle au-dessus de ma tête.
« Chapeau chinois, couinais-je. Ce sera pas moi.
- Chapeau chinois ! s'exclama Holly en m'imitant. »
Nora nous fusilla du regard et attrapa mon téléphone. Elle fit glisser l'icône pour décrocher et le silence tomba sur la pièce.
« A-allo ? »
Un long silence s'ensuivit. Puis la personne à l'autre bout du film raccrocha.
« Oh putain ! s'exclama Nora alors qu'elle me balançait mon téléphone. »
Gourde comme je l'étais, le téléphone m'échappa des mains et glissa par terre. Puis la sonnette brisa le silence.
« Oh putain ! répéta Nora qui se jeta dans le canapé, poussant Holly par terre.
- C'est pas moi qui ouvre ! pleurnicha Holly.
- Moi non plus ! répondit Nora. Carly, c'est chez toi, c'est toi qui meurs la première ! »
Je les détestais. Mais, comme je n'étais pas non plus la pire personne au monde, je fis ce que mon courage me dictait. Saisissant le décapsuleur, je me levai, courant à la porte. Le couloir était complètement allumé et les portes closes.
La cuisine était éclairée par un filet de lumière qui venait des lampadaires. L'ombre d'une mouette fut projetée sur le mur. Si je ne parvenais pas à me concentrer sur autre chose que les battements de mon cœur, j'entendis cependant le plancher de mon porche grincer.
Tout doucement, je posai ma main sur la poignée. Le fer froid n'aida pas la chaire de poule qui parsemait la peau de mes bras. Dans le salon, mon téléphone se remit à vibrer. Nora poussa un gémissement plaintif et Holly couina. On sonna de nouveau à la porte.
Je ne pouvais plus reculer. Josiane, tu fus la meilleure bonne conscience qu'il m'ait donnée d'avoir. Pamplemousse, je te lègue ma collection de caillou blanc. Sam, tu peux disposer de mes cahiers de poésie. Keira, te voilà propriétaire de mon appareil photo argentique et de mon baladeur cassette. Adieu, monde cruel.
D'un geste sec, j'ouvris la porte, brandissant mon décapsuleur...
« Bonsoir. »
... Et vidant l'air de mes poumons en criant : « crève, tueur sans cœur. » à James, Seth et Alex. Ils me dévisagèrent, surpris. Je les dévisageai, hébétée. Nous restâmes quelques minutes comme ça, sans bouger. Puis la tête de Nora apparut dans le couloir.
« Carly, tu es morte ? »
Elle constata que non, puis remarqua la présence des garçons. Elle voulut dire quelque chose mais fut interrompue par un jet d'oreiller. Seth, qui se trouvait entre James et Alex fut percuté de plein fouet par un tir justement porté d'Holly. Elle était rouge de colère.
« Bande de débile ! gueulai-t-elle en dépassant Nora. J'ai cru que j'allais mourir et ce n'était que vous !
- Euh... marmonna James qui n'eut pas le temps de finir.
- Quand on appelle, le coupais-je, folle de rage, eh bah on dit quelque chose ! On répond !
- Mais on a... voulut se défendre Alex.
- Et surtout, on ne sonne pas à vingt-trois heures chez ses voisins ! s'écria Nora.
- J'ai pas... souffla Seth dont le visage était rougi par le coup.
- Bande de malade ! m'exclamai-je en leur claquant la porte au nez. »
Je me ravisais aussitôt. J'ouvris la porte, jetai un regard dédaigneux à mes trois amis et arrachai le paquet de chips que Seth tenait entre ses mains avant de claquer la porte.
« Quels bande de goujats, grognai-je.
- Je déteste Seth, me répondit Nora en acceptant la chips que je lui tendais.
- On va vraiment les laisser dehors ? s'inquiéta Holly dont la colère était brutalement retombée. »
Je jetai un coup d'œil à Nora. Ce n'était pas comme si Seth se trouvait dans le lot. Elle hésita quelques secondes, grignota sa chips jusqu'au bout et poussa un profond soupir.
« Tu peux leur ouvrir, Holly, marmonna-t-elle à contre-cœur. Mais je vous préviens, je ne lui adresse pas la parole. »
OooO
Ma mère était venue en retard. Elle avait raté la réunion collective et me traînai à présent de portes en portes pour rencontrer mes professeurs. La réunion parents-professeurs existait avant tout pour tenir les adultes au courant de notre programme de l'année. Mais la lycée proposait également des entretiens pour faire le point sur les plus et les moins de chaque élève. C'était censé nous permettre d'améliorer nos profils universitaire, mais j'imaginai que c'était une idée sadique des professeurs pour nous enfoncer devant nos parents, voir nous encenser pour nous mettre la pression et nous empêcher de nous relâcher.
Ma mère avait donc vu chacun de mes professeurs. En sciences, Madame Sinclair avait été plutôt satisfaite de mes progrès mais avait insisté sur le fait que je n'avais clairement pas un profil scientifique auprès de ma mère. En français, Monsieur Martin s'était empressé de signaler que non : « fromage » et « savon » n'étaient pas des aliments et que si je continuais à « persister dans mon refus de prononcer les r et les o correctement », il ne pourrait rien faire pour moi le jour des examens finaux. Ça avait le mérite d'être clair.
Ensuite, nous étions allées nous rafraîchir à la cafétéria ou ma mère rencontra la mère de Seth. Seth qui n'avait pas été forcé de passer la soirée dans son lycée et qui devait sûrement se payer de ma tête en ce moment-même, parce que moi, j'étais coincée ici.
Puis, comme ça ne suffisait pas à Sam Green, nous allâmes encore voir mon professeur de sociologie pour l'entendre dire que j'étais une bonne élève et que je devrais participer un peu plus souvent. Enfin, quelques minutes plus tard, nous sortions de l'entrevue avec Kreitz, mon professeur d'histoire.
« Bon, on a fini, s'exclama ma mère. Pizza ? »
Je jetai un coup d'œil à ma feuille.
« On est pas allé voir Finnigan, remarquai-je, surprise.
- Qui ? »
Je m'arrêtai au beau milieu du couloir, un peu surprise. Ce n'était pas comme si je n'avais jamais parlé de mon professeur de littérature à ma mère.
« Bah, maman... mon professeur référent...
- Ah. On a pas le temps. »
C'était assez direct comme réponse. Mais ça me laissa également dubitative.
« Tu as eu le temps d'aller voir mon professeur de sport alors que tu sais très bien que je ne vais jamais faire de sport à l'université... notai-je.
- L'espoir fait vivre, murmura Sam plus pour elle que pour moi. Non, mais, chaton, il est tard, et je voudrais rentrer.
- Tu étais absente pour la réunion générale. Et littérature est une de mes matières fortes. »
Ma mère se remit à marcher, me forçant à presser le pas pour la rattraper. Elle se retourna légèrement pour continuer de s'adresser à moi.
« J'ai eu une longue journée, chérie.
- Maman, tu n'avais rien ce matin.
- Carly, je n'aime pas le ton que tu empruntes avec moi...
- Mais c'est toi qui a... »
Ma mère percuta de plein fouet mon professeur de littérature. A la dernière minute, ce dernier la rattrapa avant qu'elle ne bascule en arrière et l'aida à se redresser. Mon professeur me lança un regard surpris, puis jeta un coup d'œil à la femme qu'il venait d'aider et qui se dégageait un peu brutalement. Quelle manière polie de le remercier.
« Maman, je te présente mon professeur de littérature, Monsieur Finnigan, dis-je en m'avançant à leur hauteur. »
Ma mère ne cilla pas. Finnigan émit un petit geste vers, comme s'il allait se pencher, puis tendit une main timide vers elle.
« Bonsoir... Madame Green, souffla-t-il.
- Bonsoir, finit par articuler ma mère. »
Il fallut que je la regarde de travers pour qu'elle serre enfin la main de mon professeur.
« Elle n'était pas à la réunion, ajoutai-je. Mais euh...
- Je suis désolé, Carly, mais je rentre, me coupa doucement mon professeur.
- Nous aussi, nous rentrons, décida ma mère en hochant vaguement la tête pour m'indiquer la sortie qui se trouvait au bout du couloir. »
La situation était vraiment étrange. On aurait dit que ma mère avait vu un fantôme. Quant à mon professeur, j'avais l'impression qu'il ne savait plus trop où se mettre. Est-ce qu'ils s'étaient déjà rencontrés ?
Peut-être était-ce lui, le type à vélo que ma mère avait failli se prendre en voiture et qui l'avait mise très en colère la semaine dernière. Après tout, Blueberry's Harbour n'était pas aussi grand que New York.
« Mais, euh, pour la réunion ? insistai-je.
- Une autre fois, Carly, soupira ma mère. »
Si je n'étais pas moi, je n'aurais jamais su qu'elle était énervée. Mais jusqu'aux dernières nouvelles, j'étais bien la fille de Samantha Green et ma mère n'avait pas l'air contente du tout.
« Bon, finis-je par souffler. A demain, Monsieur Finnigan.
- A demain, Carly. »
Il marqua une pause avant de faire de nouveau face à ma mère.
« Au revoir, Madame Green. »
Ma mère hocha de nouveau la tête et attrapa mon avant-bras pour me tirer vers la sortie.
Qu'est-ce qu'il venait de se passer ?
Hey !
Oui je sais, j'ai posté un chapitre hier. Oui je sais, je vous gâte. Oui, je vais devenir parano et ne rien poster jusqu'à ce que j'ai cinq chapitres d'avance. Oui, je suis fatiguée.
Mais du coup, ta-da, voilà un chapitre un peu froid parce qu'en vrai, ça fait un petit moment qu'il est dans mon ordinateur. Oh, que je l'aime celui-là ! J'espère qu'il vous plaira parce qu'il reprend un passage que j'avais détesté écrire (mais si, le cambriolage...) et je l'ai transformé et honnêtement, il est beaucoup plus chouette comme ça ! :D
Bon, bon. Vous avez aimé ? Si oui, dites-le en commentaires (ouais, j'fais mon influenceuse, oui j'ai honte, non, je laisserai quand même ce moment où j'ai cru que j'étais subitement devenue ultra lue sur Wattpad...), votez pour m'aider à grimper dans les stats et hésitez point à partager !
Si vous n'avez pas aimé, dites-le moi aussi ! J'enverrais Pampy à vos trousses... nan j'rigole, mais je prendrais avec plaisir en compte toutes critiques constructives ! :)
Sur ce, ayez une agréable soirée !
E.
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