Chapitre 07
Le mardi, j'étais malade.
J'ignorai si c'était la fuite d'eau dans ma chambre ou le rythme effréné et contrariant de mon lundi, mais j'avais passé une nuit affreuse à me moucher et pleurnicher parce qu'à force, mon nez était irrité. Le lendemain matin, la fatigue avait eu raison de moi et une fièvre légère avait pointé le bout de son nez, espérant être ma colocataire pour une durée indéterminée. Aussi, cela avait été une journée calme, ponctuée par des appels incessants de Nora et d'innombrables messages d'excuses de la part d'Holly. Et pour cause ! Moi qui étais en convalescence, à demi-morte dans mon lit, le nez bouché, la gorge asséchée, les yeux gonflés et les joues rouges, je devais encore subir le harcèlement téléphonique de ma nouvelle amie, prête à tout pour que je sois le cinquième et dernier membre de son club.
Ce n'était pas une histoire de haine envers l'écriture. En réalité, j'adorais ça. Et le journalisme était une carrière que j'avais envisagée après un stage en première année de lycée. Je m'imaginai déjà diriger une gazette sur un monde imaginaire, dirigée par des chats et dont le président, Pampy Ier, serait un comique et un petit malin toujours prêt à prendre les mauvaises décisions. Les informations seraient actuelles et véridiques mais tourner de telles manières à ce qu'en les lisant, le lecteur n'ait pas l'impression que le monde s'effondre dans la minute suivante. Je voulais être une journaliste de l'optimisme, pleine de passion et de bonne volonté pour un métier que beaucoup exerçaient à présent avec une pointe de lassitude et un soupçon de magouille qui me déplaisait fortement.
Alors, me diriez-vous, pourquoi ne pas participez au club de journalisme ? Parce que ma seule et unique expérience dans un club durant mes années lycée avaient été une catastrophe. Et plutôt ne jamais recommencer que de revivre encore cette humiliation. Et non, je n'en parlerai pas. Josiane a classé ce dossier sous scellé et nous procèderons bientôt à son incinération.
Tiens, incinérer. Comme mon crâne, brûlant de fièvre. Je jetai un coup d'œil à ma fenêtre. La nuit était tombée depuis une heure, le soleil se couchant de plus en plus tôt à mesure que l'automne habillait la ville de rouge et d'or. En face, la lumière dans la chambre de Seth était allumée. Comme à mon habitude, je jetai un coup d'œil indiscret et très curieux à l'extérieur, en profitant pour sortir de mon lit et me dégourdir les jambes.
Là, dans la chambre de mon voisin, deux silhouettes se détachaient des murs blancs. Un petit sourire satisfait s'accrocha à mes lèvres. Seth avait de la visite et cette visite semblait tourner tout à son avantage. Ç'aurait été trop bête que la partie de plaisir se finisse ici, n'est-ce pas ? Après tout, il semblait sur le point de conclure son devoir avec un baiser passionné et probablement... eurk. Je ne préférai même pas y penser. Mais je tenais-là la vengeance que j'attendais pour mon heure de colle de la veille.
Saisissant mon téléphone, je composai le numéro de mon voisin. Observant avec un sourire narquois ce qui se passait chez Seth, je le vis se reculer, sûrement à contrecœur et décrocher. Ce petit malin ne se doutait sûrement pas de ce qui allait suivre et j'espérai que cette fille avait un excellent sens de l'humour car en décrochant, la première chose que marmonna Seth était :
« Attends, je te mets sur haut-parleur. »
Ah. Pauvre de toi. Il pensait probablement s'en tirer facilement, quoique je puisse lui dire. Eh bien il se trompait ! Il était temps de mettre mon plan diabolique à exécution.
« Seth, je suis désolée de déranger... marmonnai-je d'un ton détaché. Tu devais pas être avec cette Sabrina ? Euh, mince non... Aujourd'hui tu m'as dit que c'était Jin... Ou alors... »
Je marquai une pause, savourant le silence de plomb à l'autre bout du fil. Seth, qui regardait par la fenêtre, me foudroyait du regard.
« Ou alors c'est Ashley ? demandai-je.
- Non, c'est Juliet ! me répondit la fille, sèchement, en se penchant vers le téléphone.
- Oh pardon... répliquai-je, faussement gênée. Je vois tellement de fille passer dans cette chambre que j'en perds le compte...
- Comment ça ? m'encouragea Juliet qui avait à présent arraché le combiné des mains de Seth. »
J'adorai ce jeu. En plus d'avoir le son, il me suffisait de regarder l'image à travers la fenêtre. Comme à la télévision. Il fallait clairement que j'envisage une carrière en télé-réalité.
« Oh tu sais, quand on est aussi beau et populaire que Seth, les filles se pressent, marmonnai-je, de nouveau las. Beaucoup d'entre elles se font avoir. Un petit tour et puis s'en va, comme dirait la comptine, n'est-ce pas...
- Je m'en doutai ! s'exclama rageusement Juliet. Seth Potter, tu n'es qu'un macho sans cœur et en plus de ça, un raté. »
Et là, devant mes yeux ébahis, Juliet balança son poing dans la figure de mon voisin qui sauta de sa chaise. Puis sans demander son reste, elle ramassa ses affaires et sortit de la pièce. Il y eut un petit temps de flottement puis je vis Juliet sortir et remonter la rue, furax. Hilare, je me retenais de rire au nez de Seth quand celui-ci porta le téléphone à ses lèvres.
« Tu ne perds rien pour attendre... grogna-t-il en se massant le nez.
- En souvenir de mon heure de colle, très cher adversaire.
- Tu vas mourir.
- J'ai très peur...
- Je vais te réduire en poussière !
- Il faudrait déjà que je sois un vampire... ou alors tu connais une méthode efficace ?
- Je ne suis même pas un dragueur comme ça ! se défendit mon voisin.
- C'est la vie, mon petit Seth. »
Le garçon marqua une pause, ne trouvant rien à me redire. Puis tout à coup, je le sentis sourire au combiné.
« Tu as dit que j'étais beau. »
Prise sur le fait, incapable de me défendre, je raccrochai vivement et me détournai brusquement. Catastrophe. Je lui avais tendu une perche sans m'en rendre compte. Quelques minutes passèrent sans que je sache si c'était mon cœur qui battait aussi fort où la fièvre qui jouait de la batterie dans mon crâne et tout à coup, la sonnette de la porte d'entrée me fit bondir. Est-ce que c'était Seth ?
Paniquée, je dégringolais les escaliers, enfilant un pull au passage et jetait un coup d'œil par le judas.
« Nora ? m'exclamai-je, surprise.
J'ouvrais la porte, légèrement agacée. Je ne savais pas si mon cerveau enrhumé était prêt à supporter un déluge noravien et je n'en avais pas spécialement envie. Il y eut néanmoins un éclairci dans cet orage quand j'aperçus Holly qui se cachait derrière. L'amérindienne grimaçait, visiblement agacée. Si j'avais été une connaissance de la jeune femme, je ne me serais jamais doutée que c'était l'ennui qui avait sonné à ma porte. Or, et à mon plus grand damne, je savais ce qui se cachait derrière cette moue ma foi tout à fait adorable. Un déluge appelé Nora.
« Coucou Carl'. »
Horreur, Nora avait mis la main sur mon surnom. Retenant une sorte de relent désagréable, je souriais malgré-moi.
« Wah, c'est qu'il est super tard, hein... soupirai-je en m'étirant. Et je suis très malade. N'est-ce pas Holly ?
- Excuse-moi pour ma franchise, mais tu ressembles à une espèce de zombie, poursuivit l'amérindienne.
- Oui affreux. Je manque de sommeil. »
Nora leva la main, ouvrit la bouche et Josiane pressa le bouton « réparti » sans crier gare.
« C'est gentil d'être venue me voir. Bonne nuit les filles. »
Entraînée par cette super réplique digne d'un nanar raté, je m'apprêtai à refermer ma porte. Mais Nora étant celle qu'elle était, son pied vint se loger à ce même endroit où, dans les nanars ratés, le garçon met son horrible panard pour empêcher la fille de couper court à ce moment plus que romantique et cruciale. J'aurais dû claquer ma porte, ça l'aurait peut-être fait fuir.
« Carl... soupira Nora, amusée.
- Ne m'appelle plus jamais, Carl ! grognai-je.
- Ca ?
- Encore moins.
- Chat ?
- Tu veux mourir ?
- Carlotta ?
- Je n'ai pas de fusil chez moi mais je devrais trouver quelque chose pour t'abattre si tu continues. »
Holly ne put retenir son petit rire cristallin et Nora en profita pour tromper ma vigilance et se faufiler dans mon couloir. Presque indignée, je m'apprêtais à appeler Pampy en renfort quand le pas de ma mère résonna dans l'escalier. Eh bien. Il ne manquait plus qu'elle.
« Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle en arrivant à la hauteur de Nora. Oh, mais tu es l'amie de Carly ? »
Oh non. Ce sourire. Cette main tendue en signe de salutation, ces yeux pétillants. Si je ne faisais pas quelque chose rapidement, ma mère me trahirait à son tour. D'abord Holly, ensuite ma génitrice... Il ne manquait plus que Pampy pour compléter cette soirée haute en traîtrise et complot pour me faire tourner en bourrique.
« Rentrez vite, ne restez pas dehors, je vais vous faire un thé ! proposa Sam Green dans toute sa splendeur. Carl', tu aurais quand même pu les faire rentrer. »
Il est à présent d'usage que je songe à me munir d'une arme à feu pour commettre un crime ou deux.
« Elles ne vont pas rester... murmurai-je et je regardai Holly. Hein, vous n'allez pas rester...
- Bien sûr que... commença Holly qui tirait Nora en arrière, l'air tout de même un peu gênée par la situation.
- Si, si. Merci beaucoup pour votre attention ! la coupa Nora qui entra, en me passant devant. »
Ma mère installa mes deux amies dans le grand canapé, m'obligea à porter ma robe de chambre pour paraître correcte devant nos invités et servit son thé préféré, celui au jasmin. Là, Pampy qui s'était caché sous un meuble (enfin, caché, c'était un bien grand mot), se joignit à notre petit groupe et pensa qu'il était intelligent de venir me ronronner dans les oreilles. Ce soir, je doublais la dose de médicaments.
« Nous t'avons ramené les cours que tu as manqué, expliqua Nora d'un air innocent.
- Tu ne vas pas me faire croire que tu es venue vers vingt-et-une heure passée juste pour m'apporter mes cours ? la questionnai-je immédiatement, évitant consciencieusement le regard outré de ma mère.
- Il est vrai, concéda Nora. Tu me connais bien. »
Holly poussa un petit soupir. Son langage corporel disait clairement : « je ne sais pas pourquoi je suis ici, ni comment je suis arrivée là. Je marchais tranquillement dans un couloir quand Nora m'a attrapée et m'a traînée de force dans ton salon. Libère-moi. S'il te plaît.».
Intriguée par le ton solennel de mon amie, ma mère se redressa sur son siège tandis que je m'enfonçais dans le mien.
« Carly, il faut absolument que tu rejoignes le journal du lycée, me supplia derechef Nora en posant un peu trop brusquement sa tasse de thé sur la petite table du salon. C'est une question de vie ou de mort.
- Non.
- Plaît-il ?
- J'ai dit non.
- Oh mais allez, sois sympas.
- Non.
- Si.
- Non. »
Ma mère et Holly suivaient notre échange comme on suit un match de tennis. Ça devait être tellement amusant pour ma génitrice de me voir patauger dans un tel bourbier. De nous deux, ce n'était jamais moi, la jeune femme en détresse.
« Fais-le pour moi ! insista Nora.
- Non.
- Pour Pampy alors ?
- Non. »
Nora se gratta le menton.
« Tu pourras écrire de faux potins sur Seth.
- Tu ne m'auras pas aussi facilement.
- On a une machine à café. »
Sans pouvoir le retenir, je poussai un petit gémissement. Argh. Ma faiblesse. Mais je ne devais pas craquer pour de belles promesses. Personne ne me garantissait qu'il était de qualité, ce café. Je croisais les bras sur ma poitrine.
« Puisque je te dis que je ne veux pas entendre parler de cette histoire de club... soupirai-je, excédée.
- Ne me dis pas que tu es encore coincée sur cette mauvaise expérience ! intervint tout à coup ma mère en sirotant son thé, l'air tout à fait décontracte alors qu'elle venait de lâcher une bombe.
- Quelle expérience ? demanda Holly, tout à coup curieuse.
- Rien, grognai-je. Aucune expérience. Nada. »
Mais c'était déjà trop tard, ma mère était lancée.
« Quand Carly est entrée au lycée, elle s'est inscrite au club de théâtre, confia-t-elle à mes deux amies. Ça se passait merveilleusement bien.
- J'avais le premier rôle ! ne pus-je m'empêcher de me vanter avant de le regretter aussitôt.
- Le jour J, elle est montée sur scène, a déclamé sa première réplique et est soudain devenue tout pâle... poursuivit ma mère, amusée. Elle a vomi la seconde d'après. Sur la metteuse en scène.
- Est-ce qu'on pourrait éviter de parler des choses qui fâchent... murmurai-je, cramoisie.
- J'ai une vidéo, vous voulez la voir ? »
Je me tournai brusquement vers ma génitrice, outrée. Par politesse, Holly refusa avant que Nora ne puisse accepter. Heureusement que quelqu'un ici s'inquiétait de ma dignité.
« Depuis, Carly a en horreur les clubs.
- Je les hais. »
Nora soupira, amusée par sa découverte et excédée par mon refus.
« Ce n'est pas du théâtre, le journalisme, avança-t-elle. Et puis, personne ne te demandera de te montrer devant toute une foule.
- C'est l'atmosphère que j'aime pas. Ce genre d'endroit, ça me rend malade.
- J'ai un brumisateur si tu veux, proposa Holly qui ne savait décidément pas quel camp choisir. »
Nora se gratta le menton.
« Très bien, j'ai compris. »
Elle déposa sa tasse et remercia poliment ma mère pour le thé. Puis elle se leva, attrapa la main d'Holly, l'obligea à se lever et se rhabilla. On ne pouvait pas être plus lunatique dans son comportement que Nora à cet instant.
« Je comprends que tu ne veuilles pas aider une amie... murmura cette dernière, un peu trop calme à mon goût. »
Mon sourcil gauche s'arqua.
« Je considère donc cela comme une haute trahison... m'expliqua-t-elle doucement. Une petite punition s'impose. Demain, le lycée entier sera au courant de ta phobie des clubs et de l'épisode du vomi théâtrale.
- Quel méchanceté ! s'offusqua Holly, parlant à ma place.
- Cette jeune fille est un génie ! gloussa ma mère.
- Sauf si...reprit Nora, d'un air trop sérieux. Sauf si tu décides de rejoindre le club. »
Il ne me fallut pas longtemps pour prendre ma décision. Je savais de quoi Nora était capable et je n'avais pas envie de faire la une du numéro de septembre.
« Okay, cédai-je. Je n'écris rien, je ne parle pas. Je suis juste là pour le quota et boire du café. »
Nora me tendit sa main pour que je la serre. Ennuyée d'avoir été bêtement arnaquée, je me levai de mon fauteuil et allait accepter cette poignée de main honteusement obtenue.
« Je savais qu'on arriverait à un deal.
- Je te hais... grognai-je.
- On se voit vite, Carl ! »
Heureusement qu'Holly était là, sinon, Nora aurait été retrouvé dans ma poubelle.
La vengeance de CARLY ! :o Bon, c'est rien de fou, mais quand même, je trouvais ça drôle.
Hey ! Comment allez-vous ? Je vous présente le chapitre du mercredi et je commence à perdre de l'avance sur les chapitres écrits et ceux qui ne le sont pas ! XD Bref.
Voici donc le chapitre Sept de cette fiction. J'espère que vous avez aimé ce que vous avez lu ! Si c'est le cas (ou pas), n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire pour me dire votre passage préféré ou que sais-je !
Si vous êtes tout frais, n'hésitez pas à voter, commenter et partager ! Plus on est de lecteurs, plus on rit !
A bientôt,
E.
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