Chapitre 7 : Mozzarella fondante supplément ananas
C'est bizarre. Je suis en train de marcher avec mon ennemie. J'ai l'impression de me trahir. Pire, de trahir la team des super-vilains des pizzas et Ezéchiel. C'est catastrophique. Et connaissant mon voisin, on va aller manger dans la pizzeria du livreur. Et moi qui ne lui ai pas demandé son numéro… j'aurais pu au moins le prévenir que cette arrivée fortuite n'est en fait qu'une ruse pour m'infiltrer dans la tête de mon ennemie. Technique super intelligente de serial-killeuse.
(Quoi que je ne vais pas dire ça à un potable crush ou il risque de prendre peur et s'enfuir en courant)
(Mais en y réfléchissant bien, il a quand même suivit mon idée bizarre de vengeance avec de l'ananas sur des pauvres pizzas. Et il a aimé le nom de mon chat. Enfin, je suppose. Donc ça peut aller)
(Je me pose parfois trop de question dans des parenthèses. Il faut que j'arrête)
Thomas est super silencieux, et j'avoue que je n'ai pas très envie de lui faire la conversation. Alors, je l'observe comme toute bonne future victime de ma magnifique vengeance.
Il est pas très beau. Il est tout filiforme, il doit faire beaucoup de sport. Je le vois bien…crapahuter sur les murs des immeubles de cette ville immonde. Il a les cheveux blonds vénitiens, coupés assez courts, et lisse. Il ne doit pas prendre beaucoup le soleil car sa peau blanche est…blanche. Les seules choses intéressantes dans sa personne sont ses petites tâches de rousseurs assez mignonnes et le bleu mer de ses yeux. L'univers se moque de moi. Il sait que j'aime bien les gars aux yeux bleus.
C'est affreux. C'est l'ennemi. Je ne dois pas le trouver mignon.
Je vois que lui aussi, il est passé en mode scanner. Je n'ai pas fait le moindre effort. Mes cheveux roux sont dans un espèce de chignon informe, je ne suis pas maquillée alors que j'adore ça — mais la flemme était plus grande ce matin. Quand à mes vêtements, c'est les trucs habituels, un sweat et un jeans, avec mes fidèles Converses. Et puis de toute manière, c'est l'ennemi, je me fiche complètement de comment il me trouve.
— Alors voisine, tu fais quoi comme études ?
Je le fixe avec un air un peu biaisé. Le pauvre, il va rencontrer mon caractère.
— Par contre, j'ai un prénom, c'est pas pour faire joli. Sinon, je t'appelle le bruyant.
Je lui fait un grand sourire bien hypocrite en tournant à droite, en bas de notre rue.
— Désolé Ludivine. Alors, que fais-tu de ta vie ?
Bon point pour lui, je pensais qu'il allait me remballer comme un papier cadeau. Je réponds donc avec joie.
— Je suis en troisième année de lettres modernes. Et toi du coup ?
— Je suis en école d'ingénieur. Et donc, tu veux devenir prof ?
— Absolument pas. Si j'ai des gosses en face de moi, je les frappe ou je les balance par la fenêtre. Je pense pas qu'on me laissera entrer dans une classe. Mais je fais une option qui est destinée aux futurs professeurs des écoles. Je voulais faire des maths. Drôle d'idée hein ?
— Bah, si tu cartonnes au partiel, non, c'est même carrément une bonne idée.
Il s'avère que je doute forcément de cartonner au partiel. J'ai l'impression que la prof de maths me parle martien avancé. Et dire que j'ai été un jour en terminale S. Si Je lui raconte, je suis certaine qu'il ne va même pas me croire.
La discussion retombe comme un mauvais soufflé. Je n'ai pas trop envie de lui faire la conversation, en fait. Il a l'air sympa, mais ça reste le voisin du dessus. Et maintenant que je connais sa voix et son prénom, je vais pouvoir savoir lequel d'entre eux est le plus bruyant.
— Au fait, ton ananas lumineux est vraiment cool. Tu l'as acheté où ?
Je sursaute. Je ne m'y attendais pas, parce que c'est directement lié à nos histoires de voisins. Je me gratte la joue et regarde la route qui défile sous nos pas.
— Je l'ai eu en cadeau, pour mon anniversaire. Ce sont des amies un peu lointaines qui me l'ont offert.
— Et c'était quand ton anniversaire ?
— Le jour où vous vous êtes foutus de moi devant ma fenêtre parce que je chantais avec une bouteille de jus de fruit, répondis-je du tac-au-tac.
C'est à lui d'être gêné. Bien fait. Il baisse la tête, fixe la station essence droit devant nous. Il n'ose plus rien rajouter et je ne l'aiderais pas le moins du monde. C'est à lui de commencer et de s'excuser.
— Je suis désolé. C'était un peu dégueulasse quand même, de faire ça.
Ça sonne faux. Alors je me cale sur la même partition et je lui sors.
— Ça fait rien. C'est oublié.
Je suis une menteuse professionnelle. C'est tellement oublié que je continue à planifier ma vengeance, dont la première partie fut un franc succès.
Nous arrivons à la pizzeria et notre discussion redescend vers un sujet plus terre-à-terre. Son estomac gargouille et le mien de réjouit de manger également. J'espère juste que Ezéchiel sera là.
Bingo, c'est sa touffe rose que je remarque en premier lorsque je vais m'installer avec mon ennemie. Il me fait un très rapide geste de la main, auquel je répond en espérant que l'autre ne m'a pas vu.
— Je passe vite aux toilettes. Regarde la carte si tu veux. Et je t'invite, pour m'excuser, tout ça.
Il me fait un clin d'oeil et je tique intérieurement. Qu'est-ce que c'est que ça ?
Dès que je suis hors de sa vue, je cours à toute vitesse vers le comptoir pour saluer Ezéchiel. Enfin, le resaluer.
— Y a du retournement de situation dans le plan. Ça a tellement bien marché que Thomas m'a invité à manger ici. J'ai dis oui pour en apprendre plus sur l'ennemi. Et pour emmerder les deux autres là-haut aussi, parce que c'était vraiment trop drôle de voir leur tronche d'ahuris.
— Sois proche de tes amis mais plus encore de tes ennemis, c'est ça ?
Il m'offre un petit sourire en coin fort mignon en lâchant ce proverbe.
— Exactement. Je suis une espionne. Je vais m'infiltrer dans sa tête.
— Tu parles comme une serial killeuse.
Oups. C'est pas bon pour moi. Il va vouloir qu'on rompe notre partenariat dans le crime contre voisin. Et je ne vais plus jamais pouvoir manger de pizzas. Ma vie sera triste.
— J'adore ça. Tu es vraiment à fond dans ton rôle de super vilaine. C'est fun.
Je suis de la mozzarella dans un four. Je fond. Entendant le bruit de la porte des toilettes, je me déporte comme une fusée vers la table et fais semblant d'être plongée dans la carte.
— Alors ? T'as choisi ?
Petit regard vers le comptoir. Nouvelle sensation de fromage fondu. Retour vers la carte.
— Une pizza quatre fromages.
PS : j'ai vraiment pas cartonné au partiel de maths. Et j'ai fait encore pire au rattrapage. Cette chose n'est franchement pas pour moi.
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