Chapitre 2 : Qui est cette extraterrestre qui vit à côté ?
Ça fait une semaine que je suis rentrée à la fac. Les cours sont parfois sympas, comme ceux du lundi matin, d'autres nettement moins, comme le jeudi soir à dix-neuf heures, à lire des PowerPoint sur des choses que je sais déjà. Celui-ci est déjà coché comme étant séché d'office. Surtout que les cours sont déjà sur le site de la fac, je suis tranquille d'avance.
Mes aimables voisins du dessus ne se sont pas manifestés à nouveau depuis le jour où je les ai entendu faire un meurtre de meuble Ikea, le jour de mon déménagement. Je les guette au niveau de ma porte, dès que j'entends le moindre bruit je saute et ouvre doucement, pour les observer monter les escaliers. Le problème, c'est que je ne saute pas assez vite vers ma porte et que je n'aperçois que des cheveux bruns et noirs, parce que la lumière s'éteint très rapidement. Et puis, parfois, j'écrase la queue de mon pauvre chat, qui me griffe les jambes. Et comme les fabricants de jeans sont une bande de sadiques, ils coupent le bas de leur pantalon, ce qui est affreux pour ma pauvre personne. L'animal me tranche la peau en faisant de jolies couleurs rouges. J'aurais dû l'appeler Tigrou, pas Chinchard.
J'ai pris mes petites habitudes ; je ne mange quasiment rien le soir, la salade de ma mère se retrouve à pourrir dans le bac à légumes — si bien que la semaine prochaine, je la donnerais à des personnes qui aiment réellement cette chose verte — c'est trop suspect pour moi — pour ne pas la gâcher — et surtout, je peux enfin passer mes soirées à téléphoner à mes ami. e. s et discuter de tout et de rien.
C'est sans doute la meilleure partie de cette migration forcée vers cette ville bizarre et moche — je m'autorise à dire ça, parce que lundi, j'ai vu une affiche qui me disait avec une sympathie absolue de rentrer chez moi. Ma mère n'est pas un dragon, enfin, normalement pas, mais avec elle à côté, j'ai l'impression de me faire écouter et je déteste ça. Alors, je me lâche un peu chez moi, surtout le jeudi soir.
— Alors, tes voisins se sont remanifestés ? me demande-t-on ce jeudi soir, justement.
— Non. Enfin, je les entends quand ils passent devant ma porte, puisque j'ai la très bonne idée d'habiter au rez-de-chaussée, mais sinon, non, plus de meurtres.
Et sitôt ma phrase terminée, du bruit me parvient dans les escaliers. Je débranche Hervé de la Pomme, saute de mon lit comme un kangourou et approche la porte avec une furtivité sans pareille, évitant de me faire repérer en marchant sur la queue de mon chat, par exemple. J'ouvre tout doucement la porte, qui fait un bruit affreux, la bloque avec mon pied pour que la bestiole ne s'évade pas et écoute.
— C'est chez qui la soirée ? commence l'un.
— Aucune idée. Un truc de promo, j'crois. J'sais juste que tout le monde est invité, alors j'vous ai pris avec les gars.
Il y en a qui ont des vies palpitantes. Pendant ce temps, moi, j'espionne mes voisins. Je m'amuse beaucoup, faut pas le croire.
— Au r'gardez les gars, la porte de la meuf du bas est encore ouverte.
La meuf en question, c'est moi. Je suis grillée à trois mille degrés. Je referme vite et observe mon chat. J'oublie un peu mon ordinateur, que je lâche à moitié sur le sol. J'ai honte et j'ai pas envie que mes amis m'entendent.
— Elle est cheloue cette fille. Vous l'avez déjà vue, vous ?
— Non, même pas. J'ai pas envie de me pencher à sa fenêtre quand on rentre des cours, j'ai pas envie de me prendre une claque.
Ah non, mon petit, je ne te mettrais pas une claque. Je t'enverrais mon chat en pleine tronche, et ce sera lui qui te griffera comme du jambon. Moi j'observerais avec plaisir, si tu oses faire ça.
— Par contre, un coup j'suis rentré et j'l'ai entendue causer toute seule. Elle doit venir d'une autre planète, j'vois pas d'autre explication.
Alors, j'accepte qu'on me dise que je suis bizarre, parce que je me considère comme bizarre. Mais alors qu'on me sort que j'arrive tout droit de Mars, ce n'est pas possible. Ça exacerbe mes passions, et n'importe quelle tragédie ne pourra pas jouer de catharsis avec moi. J'attrape mes écouteurs, reprenant la conversation avec mes amis. Et sans le moindre message d'avertissement, je balance :
— La guerre et déclarée !
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