Une amitié nait, une autre meurt

— C'est donc toi le mortel qui fait tant grincer les dents de mon maître !

J'étais plaqué contre le mur, le fouet de cette folle me serrait la gorge et elle tenait une torche enflammée à quelques centimètres de mon visage. Il m'était impossible de bouger.

— Alors ? As-tu une dernière requête avant de mourir ?

Le flambeau se rapprochait de plus en plus. Mais étrangement, je n'avais pas peur, non, je ressentais une toute autre chose, un sentiment inexplicable mais qui me consumait.

Mes ailes se déployèrent, envoyant valser la femme.

Elle se releva et passa sa langue sur le bord supérieur de sa lèvre. Elle craqua son cou de gauche à droite avec un bruit sinistre.

— Ahahahaha ! Que tu es mignon avec tes petites ailes ! Tiens, regarde plutôt les miennes !

Elle déploya à son tour des ailes, semblables aux miennes, des ailes de chauve-souris. Sauf que les siennes étaient beaucoup plus grandes et que les bords étaient déchirés.

Comment était-ce possible ?! Ces ailes me venaient tout droit de Némésis, elles étaient donc censée être unique ! Comme cette femme pouvait-elle avoir les mêmes ?

Je ne pus guère me poser plus de questions car à nouveau, elle s'envola et se jeta sur moi.

J'essayai de lui donner un coup d'aile mais celle-ci l'esquiva sans aucun problème.

Elle fit claquer son fouet et me saisit la jambe. Elle tira d'un coup sec et me fit tomber à la renverse. J'étais en position de faiblesse. Elle s'approcha de moi en riant.

— Franchement, je ne comprends pas comment Dolos et Adicie ont pu échouer face à un faiblard pareil !

— Simplement parce qu'il n'était pas seul ! répondit une voix familière.

La fille qui m'avait aidé contre les deux esprits se tenait là, bouclier à la main. Ses cheveux noirs, ressemblant étrangement aux miens, flottaient derrière elle.

Elle prit son sac mauve et en tira quatre perles. Elle les lança simultanément dans des directions différentes. Elles se mirent à ricocher partout. Mais la femme ailée fit tournoyer son fouet et en dévia deux en les frappant. Elle carbonisa une troisième avec sa torche et frappa la dernière de son aile. Sauf que la perle coupa le lien qui retenait Bart' au plafond, le faisant tomber au sol et le délivrant par la même occasion.

La femme poussa un rugissement et se précipita sur son adversaire.

La fille sortit un deuxième sac vert et prit une poignée de son contenu. Dès que la femme fut assez proche, elle ouvrit sa main et souffla, un poudre argentée en sortit et atteignit la femme ailée qui se mit à éternuer et à se frotter les yeux frénétiquement.

La fille me rejoignit et m'aida à me relever.

— Viens, il faut fuir !

— Et pourquoi je devrais te faire confiance ?

Je savais que ce n'étais pas le moment pour douter ou pour poser ce genre de questions mais il fallait que je sache pourquoi je ressentais de la méfiance à son égard.

— Ce n'est pas le moment de...

— Si tu ne me réponds pas, je reste ici ! la coupai-je.

Elle douta quelques secondes puis elle daigna à répondre.

— Je vois, je vais t'expliquer, si tu te méfies de moi, c'est parce que ma marraine, donc celle qui m'a donné ces pouvoirs, et ta marraine sont ennemies. Tyché, la déesse de la chance et Némésis, la déesse de la vengeance ne sont pas les meilleurs amies du monde. Je m'appelle Chelsea.

Tout s'expliquait ! Voilà pourquoi elle touchait sa cible sans même viser, il s'agissait réellement d'une affaire de chance ! Et voilà pourquoi je me méfiais d'elle de la sorte.

— QUOI ?! TA MARRAINE EST NÉMÉSIS ?! cria la femme qui avait les yeux fermés.

— Oups la boulette... murmura Chelsea pour elle même.

— ALORS CETTE TRAÎTRESSE A OSÉ FAIRE ÇA ?! DIRE QU'EN TANT QU'ÉRINYE, JE SUIS CENSÉE LA SERVIR, IL FAUT QUE J'AILLE PRÉVENIR MON MAÎTRE ET CETTE DÉESSE DE PACOTILLE VA PASSER UN SALE QUART D'HEURE !

Et sur ces mots, l'Érinye battit des ailes et s'envola, sauf qu'étant aveugle, elle s'est écrasée contre le toit du pont et est retombée sur le sol, inconsciente. Elle venait sûrement de perdre toute crédibilité en à peine cinq minutes...

— Il faut trouver un moyen de la faire taire. me dit Chelsea.

— Pourquoi ne pas l'éliminer comme les esprits ?

— Ce n'est pas aussi simple, les Erinyes sont des esprits de la vengeance mais elles sont plusieurs. Si quelqu'un en tue une, la puissance des autres est décuplée.

— Comment allons-nous faire ?

— Je pense que j'ai une idée mais elle est assez risquée...

— De toute façon, au point où on est...

— Oui en effet, bon alors prends ses pieds il va falloir la transporter.

Elle s'avança vers l'Erinye étendue au sol. J'allais l'imiter mais un « pssst » m'interpella. Je me retournai et vis Bart' caché derrière une colonne avec sa tête qui dépassait.

Je m'approchai de lui.

— Hé ben, ça m'a l'air sérieux cette affaire gamin !

— Bart', je suis désolé pour tout ça, je...

— T'inquiète pas va ! Les femmes avec des fouets j'en connais pas mal !

Je préférai ne pas poser de questions sur ce qu'il entendait par là par peur d'entendre la réponse. Au lieu de cela, je ris avec lui.

Mais tout à coup, Chelsea poussa un hurlement et un poignard passa juste à côté de moi, me manquant de peu. Je me retournai et vit Chelsea, horrifiée qui fixait un point derrière moi. Pourtant, derrière moi il n'y avait que... Bart' !

Je fis volte face et le vis s'écrouler au sol, un poignard planté dans la poitrine.

Je m'agenouillai aux côtés de Bart', inanimé. Une mare de sang se répandait autour du corps. Je posai ma tête sur son torse et pleurai. Je me relevai pour observer le visage de mon ami, figé par la mort. Il semblait calme et arborait même un petit sourire comme à son habitude. Il semblait serein.

Un désir m'anima soudain, un désir que jusqu'ici j'avais refusé d'assumer, un désir que je devais à présent assouvir. Je saisis le poignard et l'arrachai du corps de Bart'.

Je me retournai vers l'Erinye que Chelsea s'efforçait de garder au sol. Elle s'était réveillée avait piqué un des poignards de Chelsea et elle m'avait enlevé la dernière personne qui comptait réellement pour moi. J'allais le lui faire payer. J'allais me venger. Chelsea me criait de ne pas le faire mais ses cris restèrent sourd à mes oreilles, le désir de vengeance était plus fort que tout le reste, je n'avais plus le contrôle dès mes actes mais au final, je n'essayai pas de lutter, au fond de moi, je le voulais.

Je m'approchai de l'Erinye de plus en plus et d'un coup sec, lui plantai le poignard en plein coeur, au même endroit que Bart'. Elle se réduisit en poussière, laissant pour seule trace le poignard qui lui avait offert ce qu'elle avait semé : la mort.

— Les autres Erinyes ont sûrement senti la mort de leur sœur et vont sûrement rappliquer... m'annonça doucement Chelsea qui remballa son bouclier et son épée.

— Très bien, qu'elle vienne, je leur réserve le même sort. dis-je d'une voix caverneuse et grave qui n'était pas la mienne.

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