Bart' : un sauveur

Je volais à toute vitesse par dessus les toits, l'esprit perturbé par la révélation de Dolos. Après tout, je ne savais rien de cette fille. Je regardai plus bas, elle était en train de sauter de toit en toit. Je ne savais pas pourquoi, mais dès que je la voyais, je ressentait une vive répulsion, du dégoût mélangé à de la haine, ce qui n'arrangeait pas le problème de confiance... Je me promis de l'interroger après avoir sauvé Bart'.

La nuit commençait à tomber. Dire qu'en une journée, il s'était passé tout ça, c'était un rêve éveillé, ou un cauchemar... Cette femme en cuir était venue, m'avait donné son pouvoir, puis sont venus Dolos et Adicie qui a eux deux ont presque réussi à me tuer, ensuite l'apparition de cette fille et enfin, les menaces qui pèsent sur mon ami Bart'.

Je me souvenais de notre rencontre comme si c'eût été hier...

J'avais perdu ma mère à l'âge de 12 ans, tuée par un monstre. C'était la dernière personne de ma famille à être vivante. Alors, je m'étais enfui de la maison et j'avais couru, couru tout droit, sans m'arrêter.

Mais la nuit allait tomber. Il fallait que je trouve un abri, un toit où dormir. Par chance, un pont se dessinait au loin. Je décidai de m'y rendre. Une fois en dessous, il se mit à pleuvoir, comme si le sort voulait que je reste protégé par ce pont, ou emprisonné...

Je m'était donc assis sur le bord, regardant l'eau. Quand tout à coup, un groupe de jeunes qui semblaient sous la forte influence de l'alcool s'approchèrent, titubant et se tenant mutuellement.

L'un d'eux s'agenouilla à côté de moi et vomit dans l'eau, puis en se frottant la bouche de sa manche, il m'adressa un : « Qu'est c'tu fais là toi ? ». Il se tourna ensuite vers ses compagnons, et cria : « Hé les mecs, il y a ce gosse qui veut nous piquer notre place ! » d'une voix bourrée.

Ils s'approchèrent de moi, trop tétanisé pour bouger, et se mirent à me crier dessus. L'un d'eux, voulant me pousser du doigt, s'affala au sol en me bousculant, me faisant tomber dans l'eau.

Alors oui, je savais nager, mais il fallait vous imaginer l'eau très froide et la peur d'avoir rencontré des soûlards : tout cela faisait que mes gestes de nage semblaient plutôt ressembler à des gestes de noyade. Le courant m'emportait, j'étais maintenant sous la pluie glaciale. Je n'allais sûrement pas tenir longtemps car ma tête commençait à peu à peu s'immerger dans l'eau.

Pour une raison étrangère, je ne perdais pas connaissance, comme si le sort voulait que j'assiste à ma propre mort.

Je fermais tout de même mes yeux, sentant la fin approcher, sans toute fois arrêter de gesticuler dans l'eau. Et cette lutte paya, j'entendis quelqu'un plonger et quelques secondes plus tard, un bras m'enlaça et me remonta sur la terre ferme.

La personne me mît un couverture pour m'empêcher de grelotter de froid et m'installa auprès d'une source de chaleur. Je ne pouvais la distinguer car j'avais l'impression que mes yeux étaient collés, je n'arrivai plus à les ouvrir. Alors, je cessai d'essayer et m'endormis.

Le lendemain, lorsque je me réveillais et que j'ouvris les yeux, je vis un homme, assis sur le bord du canal où je faillis me noyer la veille.

J'essayai de me relever mais je me sentais encore très faible.

— Reste tranquille, ils ne viendront plus t'embêter.

Je bougeai mes lèvres mais aucun son ne sortit, j'avais ma gorge terriblement sèche et mes lèvres étaient toutes craquelées.

L'homme se leva et fouilla dans un tas de tissu qui devait être du linge sale. Il en sortit un flacon et une barre de chocolat qu'il me tendit ensuite. J'étais beaucoup trop assoiffé et affamé pour faire la fine bouche. Ni une ni deux, je m'enfilai la barre chocolatée et vidai la moitié de la gourde.

Quand je pus enfin parler, je demandai :

— Excusez-moi, mais qui êtes vous ?

L'homme se retourna et me sourit doucement.

— Barthélémy Manchez, mais tout le monde m'appelle Bart'. Enfin, par tout le monde je veux dire les deux ou trois sans abris qui vivent sous le même pont que moi.

Pour une raison que j'ignorais, cet homme m'inspirait une grande confiance. Aussi, je me mis à parler avec lui. J'appris qu'il était sans abri depuis deux ans, dû à la perte de son emploi.

— Tiens, au fait gamin, comment t'es tu retrouvé sous le même pont que le gang des guignols deux ponts plus loin ? Tout le monde sait qu'il sont bourrés en permanence.

Après quels secondes d'hésitation, je répondis :

— Je me suis enfuis de chez moi...

Je ne me suis pas rendu compte tout de suite que ma voix tremblait.

— Et tes parents ne vont pas s'inquiéter ? m'interrogea-t-il.

— Ils- ils sont morts. bredouillai-je.

L'homme parut regretter sa question. Des larmes se mirent à couler le long de mes joues. Le dire était encore plus horrible que de le vivre, cela marquait comme une certaine confirmation des faits. Comme pour montrer que c'était bien la réalité.

Le vieil homme se rapprocha de moi et remonta ma couverture sur mes épaules avant de me taper doucement le dos.

— Écoute gamin, si ça peut te consoler, tu peux rester avec moi aussi longtemps que tu le voudras. J'essaierai de te donner une part de la nourriture que j'arriverai à avoir. Cependant ne t'attends pas à une vie de rêve... Tu es d'accord ?

J'acquiesçai doucement la tête et l'homme me sourit.

— Bien, alors repose-toi, je vois que tu es encore très fatigué.

Et sur ces mots il se leva et se rassis sur les bords du canal. Quand à moi, je me recouchai et me rendormis doucement.

Depuis ce jour, je reste avec Bart'. Nous ne menions pas une vie de luxe mais c'était ma dernière famille, alors nous nous partagions les tâches, parfois j'allais faire la manche, je mendiais de la nourriture dans les parcs, les parkings ou les gares et en dernier recours, si nous n'avions rien à manger, nous piquions de l'argent ou de la nourriture dans les magasins ou dans les sacs des gens.

Nous avions passé de si beaux moments de complicités, je dirais même que j'avais trouvé en lui comme un second père.

Il était hors de question que je le laisse tomber. Il ne pouvait pas mourir. J'accélérai mon vol.

Petit à petit, je pus apercevoir le pont de Bart'. Je me posai juste à côté. Mais là où se trouvaient les affaires de Bart', il ne restait que des cendres.

Un bruit attira mon attention, je relevai la tête et vit Bart' suspendu par le pieds au toit du pont, bâillonné, et faisant de grands signes vers la droite.

Lorsque je retournai la tête dans cette direction, une créature ailée me percuta de plein fouet et me plaqua contre le mur. J'étais immobilisé. La créature était une femme, à la robe déchirée sur les manches et sur le bas. Elle enroula son fouet autour de mon cou et siffla dans mes oreilles.

Une pensée, à travers la douleur, me vint à l'esprit : « Où était la fille ? Et si elle m'avait abandonné ? Et si Dolos avait raison ? »

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