Je fixe la boîte, incrédule.

Il a osé !

Je me retourne vers Mr Freeze qui m'offre son plus beau sourire narquois. Il croit qu'il a gagné la bataille ! Quelle naïveté !

- Ah ! tu veux jouer, dis-je d'une voix presque inaudible.

Aliz se cache derrière l'écran de son ordinateur, les joues en feu. Elle a peur, j'imagine, que l'un d'entre nous la prenne à partie. Elle fait des efforts énormes pour rester neutre dans la guerre des blagues de (plus ou moins) mauvais goût que Sören et moi nous nous livrons. On la surnomme « la Suisse de l'agence ».

Un jour de trêve, d'ailleurs, lui et moi avons profité qu'elle ait le dos tourné pour lui mettre en fond d'écran un montage photos avec le drapeau suisse, du chocolat et des pâturages. Et une belle vache avec une cloche !

Mais si, si... je vous assure, parfois cela nous arrive aussi de travailler !

Je sais que je n'ai rien à craindre de la part d'Aliz mais ce n'est pas elle qui m'inquiète. Je demande à mon amie :

- Adara est partie ?

Ma blonde préférée se racle la gorge, encore gênée par le mauvais tour que Sören m'a joué et me jette un regard compatissant :

- Oui, tu as oublié ? Elle nous a rappelé tout à l'heure qu'elle avait rendez-vous avec notre comptable.

Oui, c'est vrai... Elle nous l'a dit AVANT que j'ingurgite mon café et mes médocs anti-gueule-de-bois. Autant dire que ça ne compte pas !

Adara est absente ? Mais c'est parfait ! Je lance un regard fourbe à Sören et commence à ouvrir la boîte. Je constate que c'est bien de la cire froide. Très bien ! Ce sera encore plus pratique...Je me lève et enlève mon jeans pour me retrouver en boxer (oui, j'ai passé des sous-vêtements décents après ma douche). Aliz a arrêté de taper sur son clavier et en reste bouche bée, tandis que Mr Freeze a son sourire qui s'est figé en une moue dégoûtée...

Je pose le pied sur mon bureau et attrape une bande de cire que je colle sur mon mollet. Et je commence à m'épiler les jambes en plein milieu de l'agence, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.

- Merci Sören, c'est gentil de prendre soin de moi. J'avais bien besoin d'une petite épilation !

Le teint de mon collègue est devenu blême avec des reflets verdâtres d'un plus bel effet. Si j'ai de la chance, je vais même réussir à le faire vomir.

- Arrête ça ! Imagine qu'un client entre... C'est dégoûtant, crache-t-il.

Je viens de retirer d'un coup sec une nouvelle bande et la lève bien haut dans sa direction pour lui montrer les nombreux poils noirs prisonniers de la substance gluante. Aliz ne peut s'empêcher de glousser, mais elle se recompose un visage sérieux dès qu'on se tourne vers elle. Ah ? Une fêlure dans sa neutralité légendaire... Intéressant !

Sa réaction est la goutte d'eau pour Sören qui se rue sur moi, furieux :

- Rhabille-toi, ça suffit !

Il essaie de m'arracher l'objet du délit poilu mais je cours me réfugier de l'autre côté de mon bureau. Je colle en vitesse une nouvelle bande qui pendouille, à moitié accrochée à mon mollet, étant donné le peu d'application que j'y ai mis. Sören étend alors sa main, qui luit d'une aura bleu clair, au-dessus du bocal de Téquila et me menace :

- Si tu continues, je gèle l'eau...

- Non ! On avait dit « pas les animaux » !

- Ah bon ? C'est un animal ? Je n'avais pas remarqué. Je croyais que c'était juste une boule de graisse flottante.

Le traître ! Oser s'attaquer à Téquila (qui est un peu rond, il est vrai, mais ce n'est pas une raison pour se moquer) ! Je le fusille du regard et bats en retraite pour sauver la vie de mon poisson rouge. Sören enlève sa main et retourne s'asseoir en arborant un air satisfait absolument insupportable !

Je remonte à l'appart avec toute la dignité dont je suis capable, compte tenu que je suis en culotte et qu'une bande de cire à moitié décollée se balance sur ma jambe. C'est malin ! Maintenant, il va falloir que je finisse de m'épiler (je ne peux tout de même pas me balader avec une épilation approximative des mollets, même moi j'ai des limites niveau ridicule) et que je reprenne une douche.

Je sens que je vais avoir une matinée productive avec tout ça...

Mais Sören ne perd rien pour attendre !

(Non, ne t'inquiète pas, Téquila ! Il n'aurait pas VRAIMENT osé te transformer en poisson surgelé !)