Non mais c'est qui cette fille ?

Oui, je sais... Je me répète ! Mais elle est en train de regarder Nysos de la même façon que Téquila zieute sa bouffe !

Je me racle la gorge pour attirer son attention et me rapproche de manière (pas du tout) subtile de Nysos. Après tout, il est censé jouer le rôle de mon petit ami. Bon, je sais bien qu'on a dit que ce n'était que devant nos parents et mon ex pervers-narcissique... mais quand même !

Alors que je m'apprête à mettre les pieds dans le plat, avec ma diplomatie légendaire, Adara m'évite le ridicule en lançant à la sirène :

- Ariel quoi ? Ah non, désolé ! Nysos n'a jamais prononcé ton nom.

Elle accompagne sa phrase d'un magnifique sourire condescendant, comme elle sait si bien les faire. Seul Sören est meilleur qu'elle dans ce domaine ! D'ailleurs, notre M. Freeze lâche un petit rire moqueur du plus bel effet pour approuver l'intervention d'Ada. La bimbo cesse aussitôt son numéro de séduction sirupeux et laisse tomber le masque... Je crois que si elle avait des armes à la place des yeux, Sören ressemblerait aux cibles d'entraînement d'un stand de tir !

- Ah tiens ! Tu es là, toi ? lâche-t-elle d'un ton dédaigneux. Je me disais bien aussi qu'il y avait une odeur nauséabonde, mais je croyais que le bar avait un problème d'égout.

Ah ? Il semblerait que Sören et Ariel se connaissent... Intéressant !

Je n'ai pas le temps de me réjouir de la répartie de mon pote que la loi de Murphy remontre le bout de son nez. Moi qui croyais qu'elle m'avait oubliée ! Apparemment non... Je ne sais pas ce que j'ai fait dans une vie antérieure mais j'ai un retour de flamme-de-karma assez désagréable aujourd'hui !

Alors que la situation est déjà aussi tendue qu'un string d'héroïne de récit érotique, j'entends une voix qui me hérisse les poils (et pas de plaisir, je vous prie de croire.) :

- Ariel, tu es là ! Je te cherchais partout. Ah ! Je vois que tu es en excellente compagnie !

Connard IIIème du Nom.

Par tous les alcools de l'Enfer !

Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une journée pareille ? Je suis pourtant plutôt sympa comme nana. Je m'arrête (presque) toujours pour laisser passer les petits vieux aux passages piétons.

Mon ex diabolique est aussi canon que d'habitude et il a passé un bras autour de la taille de la bimbo sirène. Il lui murmure un truc à l'oreille qui la fait glousser comme une dinde (Une dinde aquatique, ça existe ?), avant de me lancer un clin d'œil canaille.

Comme si j'allais retomber dans le panneau de ce séducteur à deux balles !
(Ok... il y a une infime probabilité tout de même.)

Je me tourne donc vers Nysos et lui demande d'une toute petite voix :

- Mon chéri, je ne me sens pas très bien. J'ai mal à la gorge. Tu peux aller me commander une infusion, s'il te plaît ? 

Vous aurez remarqué l'abandon du surnom « mon petit ourson en sucre »... Déjà que ma mère n'avait pas été dupe, mieux vaut jouer la sécurité avec Connard IIIème du Nom et ne pas trop en faire.

Nysos rentre assez vite dans la peau de son personnage. Il m'offre son plus beau sourire et se lève avant de me répondre :

- Je t'amène ça tout de suite, ma pupuce chérie !

Aïe ! Je surprends le coup d'œil goguenard de mon ex infâme... Je pense que je vais regretter ce surnom stupide !

- Tu es malade, ma pauvre Héty ! Je me disais aussi que tu avais vraiment une sale tête aujourd'hui !

Quel connard ce type !

Je décide de l'ignorer et me concentre donc sur mes amis. Oh mon Dieu ! On est à deux doigts de la catastrophe niveau Tchernobyl ! Ada est tellement énervée par la présence de mon ex qu'elle est passée en mode « dragon » : elle joue avec la flamme de son briquet et celle-ci devient dangereusement élevée. Si ça continue, elle va mettre le feu au bar (ou tous nous faire virer !).

Quant à Sören... Euh... Comment dire ? Vous vous souvenez de la définition de l'ère glaciaire apprise à l'école ?

Voilà !

Je pense qu'il ferait une illustration parfaite du froid polaire. (Et je ne serais même pas étonnée si ses cheveux se transformaient en stalactites...)

Ma pauvre Aliz est prise en sandwich au milieu d'eux ! Elle se tourne vers l'un puis vers l'autre, dans une belle interprétation de girouette affolée, pour essayer de les calmer... sans succès malheureusement.

Je me dévoue donc pour désamorcer la situation en faisant preuve d'un minimum de courtoisie (mais alors, le minimum syndical hein !) :

- Vous avez l'air proches tous les deux ! je ne savais pas que t'avais une nouvelle copine !

Je me mords aussitôt les lèvres tandis que Connard IIIème du nom affiche une expression de prédateur satisfait.

Passer pour l'ex jalouse... check !

Pourtant, cette phrase ne sonnait pas si mal dans ma tête... L'occasion étant trop belle, Monsieur l'Infâme s'en saisit :

- Ne sois pas jalouse ! Ariel est juste mon employée...

- Associée, l'interrompt-elle aussitôt.

- Oui, « associée » si tu veux ! Enfin... C'est grâce à l'argent que j'ai investi que notre boîte tourne...

- Elle ne tournerait pas longtemps sans mes compétences, rétorque-t-elle.

Je détaille Ariel avec plus d'attention. J'apprécie assez qu'elle tienne tête à mon enfoiré d'ex. Je me dis que je vais peut-être bien l'aimer finalement...

Nysos revient avec une grande tasse de verveine et la pose devant moi. Rien que de caler mes mains sur le récipient chaud, duquel s'échappe une fumée odorante, je me sens bien mieux. Alors que mon faux petit-ami s'assoit de nouveau à mes côtés, la bimbo lui lance d'une voix de petite fille :

- Nysos, tu veux bien me raccompagner chez moi s'il te plaît ? J'ai toujours un peu peur quand je suis seule dans les rues la nuit. Et puis, il faut que je te parle d'un truc !

Comme si ce genre de guet-apens allait marcher avec lui ! Cependant, je n'ai pas le temps d'en rire que Nysos se relève aussi sec. Il m'embrasse vite fait sur le front (dans une parodie risible de petit copain) et bafouille quelques excuses, tout en suivant la sirène qui gagne déjà la sortie du bar.

Il n'a pas osé me faire ça ! Je rêve !

Comment ose-t-il m'abandonner aux griffes de mon ex infâme ?

Non mais c'est qui cette fille pour lui ?

Le petit sourire en coin de Connard IIIème du Nom est absolument insupportable. J'ai juste envie de lui envoyer mon infusion brûlante à la figure pour le lui ôter !

Soyez gentils... Remontez quelques lignes plus haut et barrez d'un bon trait de stylo la phrase dans laquelle je dis que je vais peut-être bien aimer Ariel (pour ceux qui lisent en numérique, évitez de rayer votre écran, hein !).

Mais quelle garce !

Ah ! Elle va très bien avec mon ex ! Ils forment un magnifique duo, ces deux-là ! Aussi fourbes et manipulateurs l'un que l'autre !

- Eh bien Héty, me lance-t-il tout mielleux, on dirait que ton petit-ami avait mieux à faire ce soir. Tu es donc libre pour prendre un peu de bon temps avec moi... En plus, j'ai une petite proposition à te faire !

(C'est quand déjà l'ouverture de la chasse à la sirène ? )