o9||°Fanny, experte en plans foireux}
Rencard, n.m. : rendez-vous auquel Darla n'a pas envie d'assister. Mais genre... Vraiment pas.
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- T'ES SÛRE QUE C'EST LÀ ?
- Oui. Y a pas de doute, c'est ici qu'il habite, répondit Fanny en posant son vélo.
- Ok, donc on pose vite le râteau et après on se tire, c'est ça ?
- Ouais, t'as tout compris Chucky, déclara ma cousine en esquissant un petit sourire.
- Eh ! Reprends pas mes expressions toi ! Je sais que je peux être un modèle, mais je vais te faire payer des droits d'auteur si tu continues comme ça.
La brunette aux cheveux courts ignora ma réplique et s'empara du râteau qu'elle avait solidement attaché à son vélo. Sur le manche, écrit en lettres majuscules avec un marqueur sombre, on pouvait lire les termes suivants : "JE SUIS DÉSOLÉE". J'avais longuement hésité avant d'inscrire mon prénom également, mais Fanny avait répliqué qu'il comprendrait sûrement qu'il s'agissait de moi, à l'instant même où il verrait l'outil de jardinage, et ce, même s'il n'était pas des plus intelligents - selon ma cousine bien sûr.
Fanny cala le râteau en fer près de la porte en PVC et se frotta les mains, satisfaite de sa petite entreprise. Elle se tourna vers moi, son habituel sourire bagué esquissé sur le visage et toqua rapidement à la porte. Mes yeux s'écarquillèrent : bon sang mais pourquoi avait-elle fait ça ?! Mon regard croisa le sien et j'eus juste le temps de la voir lever les pouces en l'air avant qu'elle ne déguerpisse à grands coups de pédales. Oh la fourbe ! Elle m'aura faite tourner en bâteau jusqu'à la fin !
- Fanny ! Fanny reviens ici tout de suite sale chieuse ! aboyai-je en montant sur mon vélo.
Je donnai également un grand coup de pédale, imitant ainsi ma cousine déjantée, mais me rappelai bien tard que le vélo est moi, ça n'avait rien d'une histoire d'amour. Et ce qui devait arriver arriva : la chaîne rouillée dérailla une énième fois. Je descendis de ma "monture" et commençai à rejoindre cette petite ingrate à pied, pestant contre ce maudit vélo qui marchait une fois tous les quatre matins. Néanmoins, alors que je pensais me tenir assez loin du lotissement reclu, une voix m'interpella et mon sang se glaça.
- Darla ? Pourquoi t'as déposé un râteau près de ma porte ? questionna Boucle d'or, l'outil de jardinage dans une des mains.
- Je... À demain Noé ! criai-je en m'enfuyant à toutes jambes, poussant mon vélo aussi vite qu'elles me le permettaient.
Stupide. Stupide. Stupide.
C'était le moment ou jamais, le moment de lui dire qu'il était hors de question que je me rende à ce soi-disant rencard. Mais non, comme toujours, j'avais fui mes responsabilités et me retrouvais à assumer la conséquence d'actes qui, au départ, n'étaient même pas censés exister. Pourtant, qui a-t-il de compliqué dans le terme "non" ? Absolument rien. Alors pourquoi ne puis-je pas le dire ? Pourquoi dois-je fuir à chaque fois au lieu de prendre sur moi ? Tant pis, cette petite mésaventure m'apprendra qu'il ne faut jamais faire confiance à plus petit que soit.
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- J'ai pas envie, j'ai pas envie, j'ai pas envie..., me lamentai-je en tournant en rond dans la chambre de Fanny.
Cette dernière, affalée sur son lit aux draps bleus, son téléphone entre les mains, m'observait d'un œil moqueur. Ça y était, nous étions le jour j : mon destin allait s'accomplir et alors que tout s'offrait à moi pour que je le contourne, je n'avais pas réfléchi plus loin que le bout de mon nez et avais foncé tête baissée. Mon dieu que je me maudissais, moi, Darla Vallois, lycéenne de seize ans, lâche et incapable de réagir au bon moment. J'aurais pu renoncer à ce "rendez-vous", j'aurais pu aller trouver Ulysse et le supplier de passer la soirée avec moi, sûrement pour le remercier de m'avoir tant aidée durant la mésaventure impliquant Roger.
Hélas désormais, je me retrouvais à traverser de long en large cette chambre aux couleurs oppressantes, vêtue d'une robe bleu ciel que je détestais au plus haut point et qui, je trouvais, grossissait mes hanches. Mes converses blanches tapaient à un rythme régulier contre le plancher grinçant, comme si elles battaient la mesure, comme si elles battaient le temps, les secondes qui me séparaient du pire moment de ma vie, ce moment que je n'avais pu contrer. Pour l'occasion, cette rustre de Fanny avait natté mes cheveux - sûrement jugeait-elle que tout ceci était une bonne façon de se faire pardonner - et avait même piqué du maquillage à sa mère, pour que je sois : "la plus belle".
Bon sang, je la déteste.
- Allez Darla ! Arrête de faire cette tête ! Je suis sûre que tu vas t'éclater ce soir avec Noé ! lâcha-t-elle en reposant son portable sur sa table de chevet.
- Rappelle-moi de te griffer la prochaine fois que tu dis que je vais m'éclater ce soir, rétorquai-je en m'arrêtant près de la fenêtre, observant les alentours.
En bas, marchant tranquillement en compagnie de mon oncle, Adrien portait un sac de blé. Il ne semblait pas souffrir du fait de l'effort certain, puisque sur son visage, se dessinait un large sourire. Mon oncle, son chapeau de paille vissé sur le crâne, faisait la conversation tout en poussant une brouette en fer, tandis que son voisin se contentait de hocher de la tête, presque continuellement. Ils se dirigeaient tous deux d'un pas vaillant vers le poulailler, vers ces poules, ces êtres ignobles que je trouvais vicieux et qui me détestaient de tout leur cœur.
- Tu sais quoi, si t'avais vraiment pas envie d'y aller, je suis sûre que tu aurais eu le courage de lui dire la vérité, affirma Fanny en se redressant sur son lit. Alors je pense qu'au fond de toi, t'as quand même envie d'y aller.
- Sauf que non, vois-tu. Je n'ai strictement aucune envie d'y aller. Je préfèrerais rester ici plutôt que de devoir sortir vers l'inconnu et de devoir passer avec un garçon qui m'est totalement étranger.
- Si c'est ce que tu penses réellement, pourquoi tu ne lui as pas dit tout simplement ? J'sais pas, c'est pas compliqué de dire ça. D'habitude tu rembarres toujours les gens, alors pourquoi t'y arrives pas là ?
- Je n'en ai aucune idée. Peut-être que j'ai l'espoir qu'on ne soit pas tout les deux seuls, même s'il avait tout de même précisé qu'on le serait lorsqu'il m'avait demandée.
- Mais il t'a dit quoi au juste ? Parce que tu peux pas faire exprès d'accepter un truc que tu veux pas, enfin, je trouve pas ça hyper logique.
Je détournai mon regard de la fenêtre, laissant Oncle Paul et Adrien vaquer à leurs occupations. Fanny me fixait de ses yeux bruns, emplis de curiosité, désireuse de savoir ce qu'il s'était réellement passé lors de la foire du village. Je m'assis sur mon lit, soupirant légèrement, et commençai à jouer avec un des pans de ma robe.
- Eh bien... Noé m'a demandée si cela me dirait de passer du temps avec un des garçons de Montdesbois, et sans réfléchir, j'ai répondu que tout m'allait tant que je ne me retrouvais pas au milieu des vaches. Et c'est là qu'il m'a annoncée la date et l'heure du rendez-vous, ainsi que le lieu où il venait me chercher, racontai-je en me rendant compte de la stupidité dont j'avais fait preuve ce jour-là.
- Mais pourquoi tu ne lui as pas dit que c'était mort ? Que t'avais d'autres choses à faire ?
- J'sais pas. J'sais vraiment pas, Fanny.
- En attendant, maintenant t'es dans le pétrin et même moi, je ne peux pas te sortir de là !
- De toute façon, je comptais pas te demander ton aide, vu le coup que tu m'as fait hier, commentai-je en me rappelant du râteau message qu'on avait déposé devant chez Noé.
- Eh ! C'était l'occasion ou jamais pour lui dire que tu ne voulais pas d'un rencard avec lui, et que tu préférais largement galocher Ulysse plutôt que cet imbécile aux cheveux bouclés !
- Galocher Ulysse ? Mais d'où tu sors ça toi ? demandai-je, sentant mes joues se consteller de points vermillon.
- Je te rappelle quand même que samedi tu m'as demandée de t'arranger un rendez-vous avec Ulysse. Alors excuse-moi, mais ça peut un peu prêter à confusion, argumenta ma cousine en lâchant un petit rire.
- T'es vraiment insupportable...
- Je sais. Et je suis également la reine des plans foireux !
Je consultai ma montre, ne relevant pas la dernière remarque de ma cousine : 17h40. Le rendez-vous sur la place était à 18h, ce qui voulait dire qu'il me restait une vingtaine de minutes pour trouver une solution à ce problème des plus envahissants. Je me tournai une énième fois dans la direction de Fanny, qui elle, avait complément changé de place. Et prise d'un élan soudain d'espoir, mon visage s'illumina vivement et je m'exclamai :
- Tu penses que ta mère pourrait dire non pour ce soir ?
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Yo !
Alors, comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Le plan de Fanny ? La réaction de Darla ? Leur discussion dans la chambre ? Vous pensez que sa tante va accepter qu'elle y aille ou plutôt qu'elle va refuser ?
À Jeudi pour connaître la suite !
Capucine ❤️
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