o6||°Saucisson en folie et coq chantant}
Coq, n.m. : Animal très prétencieux qui peut dérober votre nourriture entre deux numéros chantants.
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SAMEDI. JOUR DE FOIRE À MONTDESBOIS.
C'est avec un manque de joie certain que je m'extirpai de mon lit ce matin. Fanny, comme à son habitude, avait pris de l'avance sur moi et par la fenêtre, je l'entendais déjà siffloter un air de Michael Jackson alors qu'elle marchait paisiblement dans la cours. Je poussai un soupir d'agacement et secouai légèrement la tête en refermant la fenêtre chancelante, épargnant à mes oreilles le chant impitoyable de ma cousine. L'air frais de cette mâtinée s'était rapidement engouffré dans la chambre aux teintes jaunâtres, tant et si bien qu'un frisson parcourut mon être alors que je glissais mes pieds dans mes tongs.
J'ouvris la porte et débouchai sur le petit palier désert. Les marches d'escalier grinçaient sous mon poids et mes doigts effleuraient doucement la rambarde en bois verni. Cette plainte insupportable s'arrêta lorsque mes deux pieds finirent par rejoindre le sol carrelé. Cette partie de la maison semblait déserte : le velux situé au dessus du palier était grand ouvert, laissant un puissant rayon de soleil le traverser et réfléchir sur le dur sol ; il manquait quelques paires de chaussures dans l'entrée et la télévision ne jacassait pas comme elle en avait pourtant l'habitude.
Seul Oppy, le labrador au pelage caramel me regardait de ses grands yeux bruns, intrigué par ma présence en ces lieux désertés. Je m'abaissai à sa hauteur et lui accordai quelques caresses sur le sommet de la tête, ce qui n'eut pas l'air de lui déplaire. J'avais toujours eu un faible pour ce chien, et ce, même si je n'appréciais guère les canidés. Cependant, et sans savoir réellement pourquoi, j'étais éprise de pitié lorsque je voyais Oppy. Non pas parce que ses maîtres le maltraitaient, loin de là même ! Mais parce que cela devait être dur de vivre dans une famille de cinglés.
- Pauvre Oppy, soufflai-je en me relevant, faisant craquer mes genoux au passage.
Quelqu'un passa brusquement la tête par la fenêtre alors que je débouchai dans la cuisine. Je me rapprochai, alors que la personne regardait à droite et à gauche et finis par reconnaître Adrien au bout de quelques instants. Son regard clair s'arrêta sur moi alors qu'il passait une main dans sa tignasse ébène, retirant quelques grains de pollen au passage. Vêtu d'un polo blanc et d'un bermuda bleu, il semblait avoir fait un effort vestimentaire en ce jour de "fête".
- Ah, Darla... Super te voilà ! T'as mangé là ?
- Non, je viens juste de descendre. Pourquoi ? questionnai-je en frottant mes yeux maladroitement.
- On va aider à installer les stands pour cette aprem. Tu viens avec nous ?
- Ai-je vraiment le choix ? rétorquai-je simplement en me saisissant d'une pomme qui reposait paisiblement dans la corbeille de fruits.
- Pas vraiment, ajouta une voix provenant de nulle part.
Aussitôt, Chloé passa sa tête à travers l'encadrement de la fenêtre, poussant son frère pour qu'il lui laisse un peu de place. Elle avait relevé ses longues mèches chocolats en un chignon désordonné et souriait de toutes ses dents, plissant ses paupières jusqu'à faire disparaître ses iris vertes. Au loin, j'entendis le pas de Fanny, qui se rapprochait à toute vitesse de la bâtisse, abandonnant ainsi sa potentielle carrière de chanteuse, ce qui, entre nous, n'était pas plus mal.
J'étais vaincue, je ne pouvais lutter face à ces trois sourires de diablotins qui réussiraient à bousiller le régime de n'importe quelle personne assidue. Alors je me contentai de pousser un énième soupir tout en croquant dans ma pomme.
- Bande de fourbe va.
Et sur ces derniers mots, je m'éclipsai.
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La place du village ne m'avait jamais semblée aussi agitée avant aujourd'hui. Cela courrait d'un bout à l'autre, cela montait et démontait, cela sciait, cela riait, cela coursait des poules et des pigeons en liberté. Je ne savais plus où donner de la tête, tant le vacarme était présent au petit village de Montdesbois. La foire se mettait doucement en place, et vers une heure de l'après-midi, les premiers stands de nourriture furent installés et ouverts, pour mon plus grand bonheur.
- Venez on va aller prendre des sandwichs, lança Adrien en sortant un billet de vingt de sa poche.
Je relevai la tête à l'entente du terme "sandwich" et fut la première à rejoindre le jeune homme, bien avant que Fanny et sa sœur n'aient percuté ce qu'il venait de dire. Bientôt, nous quittâmes le stand de fleur de la mère d'Adrien et de Chloé, et rejoignîmes, d'un pas rapide qui témoignait de la faim qui tiraillait nos entrailles, la boulangerie qui se situait de l'autre côté de la rue. Nous slalomâmes à travers les divers stands, esquivant poules, chiens et même poussins. C'était une vraie basse-cour, une ferme ambulante qui se positionnerait là de façon éphémère, avant de disparaître dès les douze coups de minuit, réglée comme Cendrillon.
Une fois arrivés devant la boulangerie, Adrien demanda à chacune de nous ce qu'elle voulait, et entra dans la petite boutique bariolé de couleurs d'été. Nous restâmes toutes les trois dehors, attendant le retour de notre héros, de notre Messi porteur de sandwichs. Le silence régnait entre nous, contrastant fortement avec le vacarme qui envahissait la place de l'autre côté de la route. Chloé jouait avec le bord de son chemisier à volants, fixant le sol distraitement, tandis que Fanny jetait des coups d'œil circulaires aux alentours, silencieusement. Et moi, moi je jouais avec une de mes mèches orangées, le ventre gargouillant allègrement.
Le tintement d'une cloche retentit enfin, et Adrien sortit de la boulangerie, nos victuailles entre les bras. Il fit la distribution, et s'en que quelqu'un ne prononce le moindre mot, nous nous éloignâmes les uns des autres, vaquant chacun à nos occupations. Alors que je traversais l'asphalte luisant, je croquai un bout de mon sandwich au saucisson, savourant l'effet que produisait la graisse en coulant dans ma gorge. Bon dieu, il n'y avait rien de meilleur au monde. Je fermai les yeux quelques instants, en extase face à cette nourriture qui n'était pas aussi bonne chez moi. C'était d'ailleurs l'un des seuls points positifs que j'avais trouvé à mon séjour, ça et la rencontre avec Ulysse, qui, malheureusement, n'avait pas duré assez longtemps à mon goût.
Lorsque j'arrivai de l'autre côté de la route, le spectacle du coq chantant avait déjà commencé. Une petite foule s'était agglutinée autour d'un cercle constitué de bottes de paille, et les enfants riaient déjà à la vue de Roger, le coq chanteur (Fanny m'avait fait part de ces infos sur le chemin). Je m'arrêtai et pris un énième bout de saucisson, un petit sourire au bord des lèvres. Il faut tout de même avouer que ce coq est plutôt marrant, marrant dans le sens ridicule. Son chant est tellement fort, tellement aiguë et faux qu'il en devient presque risible. J'avais plus l'impression de me trouver devant un spectacle de clown plutôt que devant le prochain candidat de "La France à un incroyable talent".
La représentation dura un bon quart d'heure, quinze minutes durant lesquelles je n'avais toujours pas fini mon déjeuner. Sûrement étais-je trop occupée à me moquer de ce pauvre animal ? Oui, absolument. Toujours est-il que le "dresseur" et son animal de compagnie venait de terminer leur show et que bientôt, la foule de curieux qui s'était amassée autour d'eux, se dissipa aussi rapidement qu'elle s'était formée. Mais moi je restai là, un sourire niais collé au bord des lèvres, mon sandwich entamé pendant au bout de mon bras. Je devais tout de même reconnaître que ce coq m'avait pas mal distraite, et que pendant un instant, j'avais chassé de ma mémoire tout ce que je haïssais ici.
Les vaches, les poules, les moustiques, l'accent du sud... Tout. Tout avait disparu pendant l'espace d'un instant, ne laissant que joie, bonne humeur et légèreté. Et puis plus j'y repensais, plus je me rendais compte que mon séjour aurait pu plus mal commencer : certes, j'avais mis le pied en plein dans une flaque d'urine le premier jour, et certes, j'avais hérité de la cousine la plus lourde et gamine du monde ; mais tout compte fait, ça ne me dérangeait pas plus que cela. J'avais même presque envie de remercier ce fichu piaf chanteur : sans lui, je serais sûrement en train de me lamenter sur mon sort, priant pour que mes parents viennent me récupérer au plus vite, qu'ils m'éloignent aussi vite que leur bagnole le permettait.
Alors prise d'un élan de gentillesse, je me dirigeai d'un pas calme vers Roger, le coq, et m'abaissai à sa hauteur alors que son propriétaire ne le surveillait pas. Je me retrouvai accroupie, une main tendue vers cet sorte d'oiseau soprano, tandis que de l'autre, je tenais mon sandwich au saucisson, qui, soit dit en passant, n'avait pas perdu de son goût divin.
- T'sais que tu m'as faite beaucoup rire sale piaf. Tu devrais peut-être envisager une carrière de clown au lieu de continuer à être un aussi piètre chanteur. Après j'dis ça j'dis rien, mais réfléchis bien à ce que je viens de te dire.
Visiblement Roger n'a pas apprécié mon conseil, puisqu'il a piqué un sprint et volé mon sandwich.
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Hallo !
J'espère que ce nouveau chapitre vous aura plu ! N'hésitez pas à me faire part de votre ressenti en commentaire !
Je m'attarde pas trop car j'ai trop peur d'être à la bourre aujourd'hui, so...
À Lundi !!
Capucine ❤️
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