o1||°Un chamboule-tout humain}
Darla, n. f. : être taciturne, un peu princesse sur les bords, qui aime râler quinze heures par jour, et qui raffole des macaronis au fromage.
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MA VIE EST UN ENFER.
Moi, Darla, tout juste seize ans et toutes mes dents, n'avais jamais espéré passer mes vacances ici, dans ce trou paumé, entourée des vaches et des prés. Quand mes parents m'avaient annoncée qu'ils m'envoyaient passer un mois chez ma tante, je pensais qu'ils se moquaient de moi et qu'ils disaient cela seulement pour m'embêter, mais maintenant que je patauge dans la boue, je sais qu'ils ne mentaient pas.
Non pas que je n'appréciais pas ma tante Olga, ni ma cousine Fanny, ni mon oncle Paul, ni la serpillière sur pattes qu'ils nommaient tous Oppy. Non, je ne les détestais pas. Ce que je n'aimais pas, c'était la campagne, le manque de wifi, les gens rustres, le réveil du coq à six heure du mat' ou encore la boue de la cour. Néanmoins, pour ma défense, je n'étais pas née ici, et heureusement. Je n'aurais su supporter le fait d'être loin de mes amis, de me lever tôt tous les jours pour devoir prendre le bus pour me rendre au lycée (le bus quoi), je n'aurais pu vivre dans un endroit aussi sale, aussi peu high-tech, aussi peu... Comme chez moi à vrai dire.
J'avais sorti ces arguments à mes parents alors que nous roulions sur l'autoroute, mais étrangement, ils n'avaient pas fait demi-tour, et ce, même si je les avais incités à le faire une bonne trentaine de fois durant le trajet. Ma mère disait que ce séjour allait me faire du bien, que j'allais pouvoir me "ressourcer" (c'est elle qui a employé ce terme, pensez pas que j'utilise ce verbe), que j'allais délaisser mon côté capricieuse et princesse.
N'importe quoi, je ne suis pas du tout une...
- Merde ! m'écriai-je en me rendant compte que j'avais mis le pied dans une flaque d'eau croupie.
- Qu'est-ce qui se passe ici ?! s'exclama une voix provenant de la fenêtre de la cuisine.
La personne passa sa tête au dehors et je reconnus ma tante Olga, ou "tatie bio" comme je l'appelais secrètement. Dans ses mains, elle tenait une spatule en bois, dont le bout semblait luisant : je ne veux même pas savoir le nombre de plaquettes de beurre qu'elle a mis dans son plat. Ses longs cheveux roux et secs étaient attachés en une queue de cheval basse et son tablier blanc était tâché à plusieurs endroits. Elle plissa les paupières, remonta ses lunettes sur le bout de son nez, cherchant l'endroit d'où provenait le cri. Elle me trouva au bout de quelques secondes et poussa un soupir d'exaspération.
- Darla...Qu'est-ce que tu as encore ? demanda-t-elle en insistant bien sur le dernier mot.
- J'ai marché dans une flaque d'eau. Le risque que je sois contaminée par des bactéries est augmenté à présent. Je pense qu'on peut déjà penser à réserver une chambre d'hôpital, non, plutôt une place au cimetière, me lamentai-je en regardant ma tong trempée.
- Darla..., souffla-t-elle en levant discrètement les yeux au ciel. Pourquoi n'es-tu pas avec ta cousine ?
- Je l'ai perdue. Et je suis perdue. Tu veux bien me laisser rentrer ? Je pense que j'ai passé assez de temps dehors pour aujourd'hui, non ?
- Tu restes là, Darla. Ta mère a été claire : "Olga, je veux qu'elle reste dehors au lieu de passer son temps sur son téléphone". Tu vois, ce n'est pas moi qui le dis, c'est maman. Alors maintenant tu me retrouves Fanny, et par pitié, reste avec elle, termina tatie bio en rentrant sa tête à l'intérieur du corps de ferme.
Super.
Mais qu'est-ce que j'en ai à faire de Fanny au juste ? Ok, elle est sympa et puis j'aimais bien être avec elle quand on était petite, mais elle n'a que quatorze ans alors que je suis âgée de deux ans de plus, je n'ai pas envie de me coltiner un bébé toute la journée ! Et puis Fanny restera à jamais quelqu'un d'étrange dans mon esprit. Sérieusement, qui aime se balader pied nus dans les champs ? Qui parle aux poules et pense à les caresser par moment ? Personne. Aucune personne saine d'esprit ne ferait ça, surtout pas moi d'ailleurs.
Je me remis en marche, poussant un long soupir d'agacement : un mois, mon dieu que ça va être long. Je traversais la cour lentement, veillant à ne pas me faire avoir une deuxième fois : il ne manquerait plus que ça, que je mette l'autre pied en plein dans une flaque d'urine ou je-ne-sais-quoi. Le corps de ferme se dressait sur ma droite, imposant. C'était une belle bâtisse, je ne pouvais dire le contraire, mais je préférais de loin mon appartement moderne. Les pierres apparentes laissaient tomber de la poussière sur le sol en terre battue, et les volets jaunes et criards étaient abîmés aux coins.
De l'autre côté, la porte grande ouverte, laissant toutes les effluves nauséabondes parvenir à mes narines, siégeait la grange. La lourde porte en métal avait glissé sur le côté, laissant une vue sur l'intérieur du bâtiment. Je voyais les petits moutons, bêlant incessamment dans leur enclos, revendiquant probablement leur enfermement. J'aimais bien les prendre dans mes bras quand j'étais petite, mais désormais, je n'oserais à peine les toucher tant ils sentent mauvais.
Près de l'enclos des moutons, se trouvait garé le tracteur de mon oncle, dont les roues boueuses avaient laissé des traces sur le sol en béton. Ce dernier se trouvait non loin de là, et chargeait des sacs de granulés dans sa brouette verte. Il m'accorda un signe de la main lorsqu'il me vit, et je lui retournai, accompagné d'un petit sourire forcé. Je ne voulais pas qu'il croit que je ne me plaisais pas ici, ma tante, je m'en contrefichais, mais pas mon oncle. Il était si gentil, il se plierait en quatre pour satisfaire les autres, et ce, avant lui. Alors même si selon ma génitrice, j'étais une princesse, je ne supportais pas l'idée de le blesser. Il ne le méritait pas.
- Pardon ! cria une voix féminine en face de moi. Darla pousse-toi !
Je tournai rapidement la tête à l'entente de mon prénom et mes yeux s'écarquillèrent : en face de moi, se rapprochant à toute vitesse, se trouvait Fanny. Elle était assise dans une brouette en métal et était poussée par une fille aux longs cheveux bruns volants au vent. Toutes deux riaient à gorges déployées alors qu'elles roulaient sur des cailloux, ce qui faisait dévier la roue. Je vis qu'elle se rapprochait dangereusement de moi, et décidai qu'il était plutôt judicieux de me décaler, du moins si je ne voulais pas que toute cette histoire ne finisse en chamboule-tout humain.
- Wouhou ! s'exclama Fanny, levant les bras au ciel. Plus vite Chloé !
- Je fais ce que je pe...
La roue de la brouette rencontra de plein fouet une pierre, qui la fit brusquement dévier. Les deux jeunes filles furent stoppées dans leur course et la brouette de métal se renversa à même le sol. Fanny heurta la terre battue et se rapa tout le côté droit, tandis que sa compère trébucha juste à côté d'elle et s'étala de tout son long sur les gravillons. À l'entente du bruit, mon oncle abandonna sa besogne et sortit de la grange sombre. Il s'arrêta brusquement lorsqu'il vit les deux jeunes filles entremêlées, inquiet. Néanmoins, sa crainte s'envola rapidement lorsque ces deux-là explosèrent de rire et se tordirent comme de gros vers luisants sur la terre.
- Vous n'avez rien ? demanda-t-il tout de même en posant une main sur son front, essuyant la sueur qui y perlait.
Les deux adolescentes étaient trop occupées à s'esclaffer pour pouvoir l'entendre, alors au bout de quelques secondes d'attente, Oncle Paul retourna à sa besogne, soupirant de soulagement : elles n'avaient rien, c'était le principal. Fanny se redressa la première, un large sourire sur les lèvres, qui dévoilait son appareil dentaire. Elle épousetta le côté de son corps qui était en contact avec le sol, et passa un doigt dans le trou qu'elle venait de faire dans son t-shirt bleu.
Elle haussa les épaules et se remit agilement sur pieds avant d'aider sa compagne à se relever. Cette dernière eut plus de mal qu'elle, tant elle riait de leur chute. Ses paupières étaient plissées alors qu'elle s'esclaffait avidement. Heureusement pour elle, aucun de ses vêtements n'avait été abimé suite au choc, contrairement à ma cousine. Fanny referma la bouche et se tourna vers moi, les mains posées sur la hanche droite, comme si elle avait un poing de côté ou une autre connerie de la sorte.
- D...arla ! Je... Je te cherchais partout ! s'exclama Fanny en reprenant son souffle.
- Je vois ça dis donc, répliquai-je d'un air cynique.
- Si si, j't'assure. Je suis allée jusqu'au paddock du cheval et t'étais plus là, du coup j'ai recruté Chloé pour m'aider. Et puis on a décidé que ce serait plus efficace si on prenait un CMR, expliqua calmement ma cousine.
- Un quoi ? répétais-je en plissant le nez.
- Un CMR, Char Mono Roue. Une brouette si tu veux.
Quand je vous disais qu'elle était bizarre.
- Et voilà comment on a fini ici, termina sa compère aux longs cheveux bruns et emmêlés. Au faite, moi c'est Chloé, mais tu peux m'appeler Chlo' ou encore... Pépito, lâcha-t-elle en se tournant vers ma cousine avant d'exploser de rire.
Au secours.
- Bon. C'était cool de faire ta connaissance, lâchai-je en reculant légèrement. Mais je dois vous laisser, j'ai des trucs à faire, là-bas ! indiquai-je avant de m'enfuir à toutes jambes, ne laissant pas le temps à mes interlocutrices de me répondre.
Enfin j'étais sauvée.
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Merci d'avoir lu ! Comment avez-vous trouvé ce premier chapitre ?
Quels sont vos premières impressions de Darla ? De Fanny ? Et même de Chloé ?
À bientôt !
Capucine❤️
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