33||°Vodka, gifle et pâte à choux}

Alcool, n.m. : liquide aux effets multiples, censé notamment provoquer de l'euphorie chez la personne qui le consomme, mais qui peut également altérer la vision. Attention, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

||°

- ALLEZ ! C'EST MA TOURNÉE ! m'égosillai-je en levant mon verre dans les airs.

Verre rempli à ras-bord de vodka-orange. Oups.

Des heures s'étaient écoulées depuis mon arrivée à la soirée de la clairière, des heures pendant lesquelles j'étais restée avec Aurore et son groupe, sans apercevoir mes amis ni mon copain. J'avais fini par lâcher l'affaire aux alentours de vingt-deux heure et depuis, avais appris tous les prénoms des personnes avec qui je traînais. La blonde qui m'avait incitée à danser se nommait Juliette, et son copain Benjamin. Il y avait également Diane, la rousse et bien sûr Aurore. Quant à l'incarnation de la Dame Blanche, elle s'appelait Laure et était très gentille en réalité, ses deux autres amis portaient respectivement les prénoms de Yohan et Basile.

Ils étaient tous hyper sympa, même Diane était aimable. J'avais pourtant cru, quand elle s'était approchée de moi tout à l'heure, qu'elle allait me sauter à la gorge et m'assassiner, mais heureusement pour moi, cela ne semblait pas faire parti de ses plans. De toute façon, j'étais bien trop occupée à gigoter dans tous les sens pour m'occuper d'elle. Accompagnée de ma nouvelle amie, j'enchaînais les danses ridicules, tout en buvant entre temps, quelques gorgées d'une boisson beaucoup plus forte que ma pauvre bière de début de soirée.

Le jour avait déclin depuis quelques minutes seulement, et les projecteurs colorés s'étaient enclenchés rapidement, nous aveuglant pendant les premiers instants. La piste de danse, enfin, si on pouvait appeler une clairière ainsi, s'était remplie suite à l'allumage de l'éclairage de fête, et désormais, nous n'étions plus qu'une imposante masse grouillante de partout, et empestant la sueur, l'alcool renversé sur les vêtements et les mélanges de parfums corporels.

Mais étrangement, moi, Darla, fille aux tendances hypocondriaques, cela ne me dérangeait pas.

- Tu veux monter sur mes épaules ? demanda Basile en riant comme un benêt.

- Putain mais carrément ! répliquai-je en tendant mon verre à Juliette.

Oui, j'ai tendance à devenir de plus en plus vulgaire avec l'alcool.

Basile se mit accroupi, attendant que je ne daigne me présenter à lui. Je m'avançai d'un pas légèrement chancelant vers le jeune homme, et m'arrêtai une fois que je fus derrière ses épaules. Je replaçai correctement mon short - il collait affreusement à mes jambes du fait de la chaleur - et posai mes cuisses sur ses épaules, sécurisant mes jambes comme je l'avais appris en acrogym. Basile se releva et je me tins à son cou pour ne pas tomber. Une fois que je fus stable, je pus lâcher le jeune homme et apprécier la vue.

La vue qui donnait pile poil sur Ulysse en train d'embrasser une fille.

Pendant un bref instant, je perdis tout contact avec l'ensemble de mon corps : je regardais naïvement celui que j'aimais avec une autre, un sourire encore béat collé sur le visage. Puis, plus les secondes passaient, plus je reprenais conscience face à la situation qui se présentait à moi. Plusieurs choix s'offraient désormais : faire comme si je n'avais pas vu ; embrasser Basile pour me venger (ou n'importe quel autre garçon potable) ; ou encore aller coller la gifle du siècle à cette ordure intersidérale.

Il est clair que la dernière option fut celle que je pris immédiatement.

- Basile, fais-moi descendre ! criai-je en commençant à m'agiter.

- Mais, tu viens juste de monter ! Tu veux pas rester un peu ?! répondit le jeune homme d'un air perdu.

- Fais ce que je dis au lieu de discuter !

Et Basile me descendit de ses épaules après cette menace. Je posai un pied à terre et manquai de tomber : il faut absolument que j'arrête d'abuser sur la boisson, ça ne me réussit vraiment pas. Je me rattrapai comme je le pus au jeune homme, et, une fois que ma vision fut claire de nouveau, et que les chances d'une prochaine chute furent réduites, je m'élançai dans la direction où se trouvait Ulysse, Ulysse et sa pouffe. Désolé encore pour mes expressions.

- Je vais le tuer... Je vais le tuer, murmurai-je alors que je jouais des coudes pour avancer.

La foule semblait s'être rassemblée en un étau de bras et de jambes, un étau de corps suants. J'avais du mal à passer, et à mon plus grand damne, aucun des autres adolescents ne semblaient lire sur mon visage la colère qui m'animait de l'intérieur. Je ne comptai pas le nombre de fois où je reçus des coups de coudes dans les bras, ni le nombre de gouttes d'alcool qui ont échoué sur ma peau sèche et brûlée par le soleil. Je me fichais de tout pour le moment, de tout sauf de ce qu'était en train de faire Ulysse.

Il fallait que je sache, il fallait que je vois tout ceci de mes propres yeux. J'étais certaine pourtant de ne pas m'être trompée tout à l'heure, sur les épaules de Basile. C'était bien mon copain que j'avais aperçu : même tignasse brune, même carrure svelte et de taille moyenne. La seule chose qui me laissait encore dubitative, était qu'il était de dos, et que par conséquent, je n'avais pas vu s'il s'agissait réellement de lui. Mais après tout, il n'y avait pas trente-six mille personnes ressemblant parfaitement au brun.

Un dernier coup de coude et j'atterris en plein face à Ulysse, enfin, face à son dos plutôt. Il était toujours avec cette fille, cette fille aux airs de bohémienne amoureuse de la nature et amie des animaux. Tout le contraire de moi en somme. Toujours est-il qu'ils étaient en train de s'embrasser, d'une manière... Langoureuse. Mon dieu... Je vais vomir. Au bout de quelques instants, ils se détachèrent, me laissant le champ libre pour exécuter ma vengeance tant méritée.

Je fis un pas, puis deux : je n'étais plus qu'à quelques centimètres d'Ulysse, plus qu'à quelques centimètres de sa joue. Je raclai légèrement ma gorge, craquai mes phalanges, comme si je m'apprêtais à exécuter un acte des plus ardus, et tapotai l'épaule du brun. Ce dernier tourna la tête et avant que je n'eus vu l'expression qu'il affichait, je lui collai une gifle phénoménale sur la joue gauche. Après cela, je me retournai vivement et tombai nez à nez avec Ulysse, la joue absolument intacte.

Attendez... Je viens de gifler qui là ?

- Mais c'est quoi ton problème ! s'exclama l'inconnu que je venais d'agresser.

Ulysse fronça les sourcils, mimant un petit "qu'est-ce qui se passe ?" du bout des lèvres. Et moi, en tant que lâche professionnelle, je me réfugiai derrière lui, espérant secrètement que l'inconnu allait rapidement m'oublier. Néanmoins, lorsque je sentis un bras me happer, je compris tout de suite que ma tranquillité n'était pas prête à reprendre ses droits pour le moment.

- J't'ai posée une question ! Pourquoi tu m'as giflé ?! s'énerva-t-il en me secouant.

- J't'ai pris pour quelqu'un d'autre, me défendis-je en essayant de me dégager de sa maudite emprise.

- Eh ! Qu'est-ce que t'as mec ? demanda Ulysse en posant une main sur l'épaule du type.

- Cette pouffiasse m'a giflé sans raison et cherche même pas à s'excuser ! cracha-t-il en me regardant de haut en bas.

Plus loin, sa copine ne semblait plus savoir où se mettre. Au moins, on était deux dans ce cas-là.

- Répète un peu ce que tu viens de dire ! Tu l'as traitée de quoi là ?! T'as osé dire quoi ?! s'emporta Ulysse en le poussant loin de moi, envahi par la colère.

- Cette meuf c'est qu'une fouteuse de merde ! Une traînée qui s'amuse à gifler les gens qui ne font rien de mal ! Sale traînée ! termina-t-il alors qu'Ulysse serrait les dents.

Fort heureusement, les deux jeunes n'en vinrent pas aux poings : un ami du type l'attrapa par le bras et l'entraîna loin de nous, à mon grand soulagement. Pendant l'espace d'un instant, j'ai cru que ce jeune allait me faire du mal. Et en pensant cela, je me massais machinalement l'endroit où il m'avait attrapée, de sa poigne rude et ferme. Bon dieu... Qu'est-ce que j'étais heureuse d'être avec Ulysse désormais, je me sentais enfin en sécurité : du moins si l'on peut appeler un endroit où des personnes bourrées peuvent vous agresser, un endroit calme.

Ulysse m'attrapa par la main et me tira loin de l'amas de lycéens et de futurs étudiants. Nous marchâmes un certain temps, esquivant les corps enlacés ou à moitié dénudés - je ne ferai pas de commentaires sur ces derniers. Enfin, nous arrivâmes à l'autre bout de la clairière, à l'endroit même d'où j'étais arrivée en compagnie d'Agathe, un peu plus tôt dans la soirée. D'ailleurs, en passant, je ne l'avais pas revue de toute la fête. Ulysse finit par s'arrêter près d'un arbre et ouvrit grand ses bras. Je courus m'y réfugier et calai ma tête contre son torse, respirant la délicieuse odeur de pâte à choux qui émanait de lui.

- Veux rentrer..., grognai-je, la tête enfouie dans son t-shirt bleu marine.

- Vraiment ? Tu veux pas rester encore un peu ? questionna le brun en caressant mes cheveux d'un geste lent.

- Fraîchement, avoir failli déclencher la troisième guerre mondiale entre toi et ce mec, ça m'a vachement refroidie quant au fait de continuer à m'amuser, argumentai-je alors qu'Ulysse esquissa un petit sourire.

- T'es vraiment un phénomène, toi... Bon allez, prends ton vélo... J'te ramène chez ta tante.

Je ne me fis pas prier plus longtemps et m'empressai d'aller décrocher mon vélo. Par chance, il n'avait pas disparu, de même que celui d'Agathe. Ulysse partit chercher le sien, qu'il avait déposé un peu plus loin, et lorsqu'il revint, je constatai, à la lumière de mon téléphone, qu'un ruban vert sapin était noué à son poignet gauche. Je ne pus m'empêcher de sourire et enfourchai par la suite mon vélo.

- Dis, c'est vrai que t'as un penchant pour les rousses aux yeux bruns ? demandai-je, mon petit sourire en coin toujours fixé sur le visage.

- Qui est-ce qui t'a dit ça ? rigola le brun, légèrement gêné suite à ma question.

- La reine du twerk, mon gars.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top