Chapitre 4

- Audar ! Mognar demande à te voir. Pour une fois, tu n'auras pas besoin de filer en douce.

Je relève les yeux vers Leiv, qui me fixe de son regard plus jaune que tous les soleils que j'ai pu voir durant ma vie. Bientôt quatre-cents ans que je suis né, et nous n'avons toujours pas trouvé de planète pour nous abriter. Ingvar commence à fatiguer, je le sais. Mognar a dû scinder notre groupe de dix-huit Kaarbdjorn en trois depuis qu'Ils nous avaient retrouvés, afin de nous permettre de fuir et de ne pas tous être abattus. Mais je ne perds pas espoir. Je sais que tant que Mognar sera là, nous ne risquons rien. Je sais qu'il saura toujours prendre les bonnes décisions pour nous. L'adolescence nous fait voir la vie telle qu'elle est réellement, et je ne suis plus aussi naïf qu'autrefois mais, s'il y a une chose que je veux conserver, c'est l'espoir !

- Allez, oust ! Sauve-toi !

Leiv rit en prononçant ces mots. Je ne suis pas toujours facile avec lui, ou pour ainsi dire jamais, mais il a su s'habituer à nos courses quotidiennes. Je ne suis plus un enfant, me faufiler dans les conduits me prend plus de temps, mais mes jambes plus grandes me permettent de courir plus vite. Au final, j'ai toujours autant d'avance et je gagne toujours !

Quittant la salle qui nous est assignée, je ne peux m'empêcher, tout au long de mon chemin, de regarder dans les moindres détails la structure d'Ingvar, vérifiant à chaque endroit qu'il n'est pas blessé. Il a peut-être des yeux et des oreilles partout, cela ne l'empêche pas de ne pas toujours se rendre compte qu'il a une faille à un endroit précis. Et puis, j'apprécie de promener mes yeux sur ce métal parfait, entièrement lisse et toujours légèrement chaud qui m'entoure. Ingvar est partout, je marche sur lui, je passe par ses portes, ses murs me soutiennent lorsque je suis fatigué, sa voix me parle lorsque je me sens un peu trop seul. Il me raconte comment était notre planète, qui Ils sont exactement, l'histoire de Mognar et des anciens, les actes héroïques et les morts. Il me parle de la joie d'être libre, mais également du courage dont il faut savoir faire preuve pour le devenir et des combats pour la liberté. Il me conte le bonheur de traverser les galaxies et la peine de ne plus avoir de chez soi. Il m'explique ce qu'il ressent lorsqu'un nouveau Vigbdjorn éclot, et la peine lorsqu'un Obbdjorn ou un Kaarbdjorn mourait sous les combats. Parfois, il est fatigué de conserver en lui toutes les mémoires de chaque Obbdjorn, épuisé par les images d'huile sortant de corps criblés. Mais, le plus souvent, il reste optimiste et se raccroche à tous les beaux moments de la vie, les sourires, les petites victoires, et également une chose curieuse qu'il nomme « Ragna ». De ce qu'il m'a expliqué, c'est lorsque deux Obbdjorn sont très proches l'un de l'autre, mais pas comme Mognar et moi. En fait, je pense que je n'ai toujours pas compris !



- Audar ! Ça faisait longtemps que l'on ne t'avait pas vu ! Depuis hier, je dirais ! s'exclama Dageid.

- Je ne me suis pas sauvé, cette fois !

- Je sais, je te taquine. Mognar est parti discuter avec Raadgeir, c'est un peu tendu ces derniers temps... Il est dans la deuxième salle de commandement, attends-le ici !

L'adolescent n'eut pas le temps de s'asseoir que le chef pénétra dans la pièce. Ses traits semblaient tendus, et personne ne lui adressa la parole durant quelques instants. Les relations avec Raadgeir n'étaient déjà pas simples au moment du départ de leur planète mais, depuis que Mognar avait pris la décision de séparer en trois groupes les Kaarbdjorn, elles s'étaient fortement dégradées entre le chef et son bras droit.

- Dageid, contacte Gunnar discrètement.

- Tu veux dire sans que Raadgeir soit au courant ?

- Ni lui, ni Vegard. Ne passe pas par les communications classiques.

- Ça va être compliqué...

- Mognar, je peux passer par Trund pour déposer ton message, annonça Ingvar. Tu sais bien que tous les Kaarbdjorn te sont fidèles.

- Alors, fais ça. Dis-lui de contacter Gunnar. Raadgeir est en train de créer une discorde entre les Obbdjorn avec Vegard. Il va faire sécession et créer son propre commandement sur son Kaarbdjorn.

- Tu ne peux pas le laisser faire, Mognar ! intervint Ingvar. Nous ne fonctionnons pas ainsi. Tu es notre chef, point. Personne ne peut revenir là-dessus !

Mognar s'installa sur son fauteuil un instant. Il ne servait à rien de tenter de contrer Raadgeir tant qu'ils n'étaient pas au même endroit. Une discussion par Kaarbdjorn interposés serait un non-sens. Et il savait l'Obbdjorn assez intelligent pour rester auprès d'eux. Seul, ses chances de survie seraient proches du néant. Ils régleraient leurs comptes une fois qu'ils auraient trouvé une planète où se poser et constater, il l'espérait, qu'Ils ne les avaient pas suivis. Cependant, il venait de perdre définitivement son bras droit.

Son regard se posa sur Audar et il repensa à ce que lui avait dit Leiv sur lui alors qu'il n'était encore qu'un enfant « Tu sais ce que cela pourrait signifier pour toi ? ». A l'origine, il avait fait venir l'adolescent pour lui proposer de devenir expert robotique. Mais ce qu'il pouvait lui proposer à cet instant précis, s'il s'agissait d'un grand honneur, était également une très lourde responsabilité pour des épaules si frêles. Il réfléchit un instant, soucieux de prendre en compte toutes les possibilités. Il n'avait pas d'autre choix.

- Audar. Accompagne-moi, veux-tu ?



Je n'arrive toujours pas à le croire ! J'ai l'impression d'être redevenu un enfant tellement je suis excité ! J'ai envie d'hurler ma joie, mon bonheur et ma fierté ! Je ne suis plus un adolescent ordinaire ! En quelques heures, je viens de passer Expert robotique, mais également Bras droit de Mognar ! Moi, bras droit de Mognar ! 

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