Chapitre 1
- Mognar, je dois rejoindre les enfants. Peux-tu gérer le Vigbdjorn ? J'ai constaté qu'il doit éclore dans très peu de temps.
Le chef se tourna vers son subordonné, quelque peu surpris par sa demande. Participer à l'éclosion d'un Vigbdjorn n'était absolument pas dans ses priorités. Il devait gérer la totalité des Obbdjorn, leur permettre de continuer de fuir loin de leur ancienne planète et d'en trouver une nouvelle, dont les conditions seraient adaptées à eux.
- Hjalmar ne serait-il pas disponible, Leiv ?
- Nous avons encore que trop de blessés... et les enfants sont encore traumatisés par notre départ...
Mognar baissa les yeux vers Leiv, qu'il dépassait d'un peu plus d'un mètre, avant de bouger son regard vers Dageid, qui surveillait la route qu'ils empruntaient, leurs Kaarbdjorn filant entre les galaxies tels des étoiles filantes dans une nuit profonde. Il était vrai que ses Obbdjorn n'auraient pas besoin de lui dans l'immédiat, et une éclosion ne durait pas éternellement.
- Ne te tracasse pas, Leiv. Je vais aller dans la salle des Vigbdjorn. Pour le moment, Ils ne nous ont pas rattrapés et nous ne risquons rien...
Après avoir donné ses ordres sur la trajectoire à prendre et conserver, le chef quitta la salle de commandement, traversant les couloirs immenses de l'étage supérieur avant de descendre vers les zones de repos. La luminosité très forte, qui émettait une lumière proche de celle d'un soleil, permettait aux Obbdjorn de pouvoir se recharger grâce à cette énergie, récupérée par le Kaarbdjorn dans lequel il se trouvait à l'aide de voiles solaires. Mognar profita de cette marche silencieuse pour faire un point sur leur situation et permettre au métal qui le composait d'emmagasiner cette énergie qui lui était vitale.
Une fois passé la porte, qui s'ouvrit automatiquement devant lui, il pénétra dans cette pièce dont la luminosité agressa durant quelques instants ses yeux bioniques noirs. Lorsqu'ils furent adaptés, l'Obbdjorn se dirigea vers les trois Vigbdjorn qui se tenaient non loin de lui, posés à terre, sous les lampes. Il identifia immédiatement celui dont lui parlait Leiv, qui bougeait légèrement, manquant de tomber à plusieurs reprises. Posant un genou à terre, Mognar se pencha vers le Vigbdjorn, le portant afin de le mettre à l'écart des autres sur un récipient, avant de l'observer, un sourire léger sur ses lèvres. Regarder la vie éclore sous ses yeux était un moment auquel il n'avait malheureusement pas eu souvent le privilège d'assister durant ces quelques milliers d'années d'existence. Trop occupé à défendre les siens, à les protéger ou à mettre en place des stratégies, il avait dû refouler ces petits instants de bonheur qui, pourtant, faisaient tout l'éclat de la vie.
Il s'installa par terre, à côté du Vigbdjorn, caressant de ses doigts les stries irrégulières qui parsemaient cet œuf légèrement ovale, à la base d'un tracé presque droit. Ce Vigbdjorn ne faisait pas exception à la règle, semblable aux autres, conçu dans ce métal qui recouvrait et composait intégralement Mognar et son espèce, de ce gris si caractéristique, ni clair, ni foncé, mat en tous points. D'une taille de deux mètres, ce cocon commençait à devenir trop petit pour le jeune Obbdjorn qui s'y trouvait et qui s'agitait de plus en plus, tentant de percer la coque pour s'extraire et sortir enfin de ce bain d'huile dans lequel il se trouvait depuis déjà près de cinq années.
L'attente est trop grande. Je me sens à l'étroit ici. Bien plus que je ne l'ai jamais été. N'y a-t-il donc aucun moyen de sortir de ça ? Je voudrais crier, mais ce liquide entre dans ma bouche à chaque fois que je tente quelque chose. Je ne vois rien, il fait bien trop sombre là-dedans. Mais aidez-moi, quelqu'un !
En essayant de me retourner, je cogne une paroi et entends comme un craquement. C'est donc ça. Si je tape, cette chose ignoble qui me retient va céder et je serai enfin libre ! Mais comment frapper ? Mes jambes et mes bras sont totalement recroquevillés, je ne peux faire aucun mouvement... Mes pieds, mes mains ! J'ai trouvé ma solution ! Cognant de toutes mes forces contre cette espèce de coque, je sens une brèche de laquelle une lumière aveuglante frappe pour la première fois mes yeux. Le liquide qui se trouve tout autour de moi commence à partir. Je ne vois pas, je n'entends que le bruit légèrement visqueux de cette huile qui quitte ce qui fut mon domaine durant... je ne sais combien de temps. Je parviens enfin à extraire un son de ma gorge, un espèce de grognement étrange provoquant une mélodie fort désagréable que je ne connais pas. Que faire ? La panique commence à envahir mes pensées. Rester dans cette boite trop petite pour moi qui se vide de tout ce liquide, ou affronter cette lumière terrible ? J'entends un bruit à l'extérieur !
En voulant bouger, mon cocon, mon chez moi se brise intégralement et je me retrouve, une sorte de coquille sur la tête, fragment de ce qui fut ma demeure, entièrement à nu face à cette luminosité aveuglante.
- Tu ne seras pas de tout repos, toi. Leiv va avoir beaucoup de travail avec toi...
Ce son, ces mots, ils viennent de derrière moi. Avec un peu de chance, personne ne m'a vu et ce n'est pas moi qui suis visé par eux. Je ne dois pas bouger... mais je vois un peu mieux et j'ai envie de regarder qui a prononcé ces phrases. Alors, je tente maladroitement de me retourner pour savoir qui est là, avant de faire tomber ce qu'il restait de mon chez moi. Sur le dos, je vois une tête immense m'observer de ses grands yeux noirs. Tout est trop grand ! Ou alors, c'est moi qui suis trop petit ? Impossible de me cacher et il m'a vu. Il tend une main vers moi, une main gigantesque, la moitié de ma taille ! Je ne sais pas pourquoi, je devrais me sauver, mais je veux le voir de plus près. Alors, j'observe cette main étrange et trop grande. J'ai envie de la toucher ! Bon, allez, si je la frôle, il ne le verra peut-être pas ! Elle est toute chaude et douce.
- Un jeune curieux ! Tu promets d'être un sacré numéro !
Il parle à nouveau, mais en me regardant. C'est donc à moi qu'il s'adresse. Et sa voix est très calme, très grave. J'aime ce son !
- Bdjorn !
Quel est donc ce mot qui sort de ma bouche ? Ce n'est pas cela que j'ai entendu durant tout ce temps. C'est « Obbdjorn ». Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à le dire ?
- Bdjorn !
- Je suis Mognar. Et toi, je ne sais pas encore quel prénom tu choisiras de porter, mais je pense qu'Audar t'irait très bien. Personne ne pourrait nier que tu es très curieux !
Il me sourit. Alors, je mets mes doigts sur les siens, en espérant qu'un jour, je serai aussi grand et aussi fort que lui. Mognar... Je veux devenir comme lui !
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