Chapitre 9
Je prends une profonde inspiration et me gratte la nuque. Mon excitation, mon envie, mon désir ou peu importe le terme exact me rappelle à l'ordre et m'oblige à suivre mon beau professeur. Je le retrouve dans le corridor, à quelques mètres. Il marche avec autant de prestance qu'un mannequin sur son podium. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je me délecte de la vue qu'il m'offre.
Sa tête vacille légèrement de droite à gauche pour lire le numéro des chambres et lorsqu'il trouve la sienne, il accélère le pas jusqu'à la porte. Il la déverrouille rapidement avec une carte magnétique et disparait dans la suite.
Dans un instinct de protection, je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. Juste pour être sûr que personne ne se trouve dans le couloir et pourrait me voir m'engouffrer dans la même chambre qu'un homme. Mais le corridor est vide et je n'ai plus aucun doute avant d'entrer. Je referme derrière moi et me retrouve dans un endroit bien plus grand que je ne l'imaginais.
Ce que je remarque en premier lieu, c'est la baie vitrée immense qui me fait face, nous offrant une vue incroyable de la ville illuminée. Entre elle et moi, un salon chic et sobre nous sépare. Un sofa et deux fauteuils entourent une table basse en bois. À gauche, une commode est installée sur laquelle un téléphone et une tablette attendent d'être utilisés. J'y dépose mon masque.
Rapidement, je retire mes baskets et les abandonne à côté des chaussures de Jimin. Je longe un mini couloir, dépassant un grand placard et arrive dans la pièce principale. Dans un renfoncement, un évier, une plaque et un frigo font office de cuisine d'appoint. Et enfin deux portes, une de chaque côté du salon, desservent d'autres pièces.
L'une d'elles est ouverte. C'est une chambre dans laquelle Jimin s'affaire. Je n'arrive pas à déterminer ce qu'il fait, mais je peux apercevoir un lit king size. Je tourne la tête vers la porte fermée qui peut être une salle de bain ou une autre chambre. Avec tout ça, je n'ai pas demandé à Namjoon si je payais pour une ou deux chambres.
Je soupire et m'avance vers la fenêtre pour laisser le temps à mon hôte de finir ce qu'il est en train de faire. D'ici, je peux même apercevoir la tour de Séoul éclairée. Malgré le fait que je sache que ce ne soit pas écologique, j'ai toujours aimé les villes la nuit. Elles ont une beauté unique et hors du temps. Je souris à cette pensée.
Des bruits me parviennent depuis la pièce adjacente. Ma curiosité est piquée. Je ne comprends pas trop pour quelle raison il m'a invité si c'est pour ne pas s'adresser la parole une fois seuls. Je ne m'attendais pas à ça. J'entends un grognement suivi d'un ouille. Je fais un pas vers la chambre, mais m'arrête, préférant respecter son intimité.
— Tout va bien ? l'interrogé-je quand même, inquiet.
— Oui, oui... j'arrive.
Je hoche stupidement la tête et reprends ma contemplation, les mains dans les poches. Pour patienter, j'essaie de repérer mon immeuble. Mais ils se ressemblent tous.
— Depuis mon départ de Séoul...
La voix de Jimin est tellement douce tandis qu'il commence à me parler que je ne sursaute pas. Je lui jette seulement un coup d'œil. Il s'approche de moi lentement. Il a troqué son pull pour un t-shirt tout simple blanc que j'apprécie tout autant sur lui.
— Cette vue est l'une des choses qui m'a le plus manqué.
Il se positionne à côté de moi. Assez proche pour que nos bras se frôlent. Un frisson me parcourt. J'aime bien trop sa proximité.
— Quelles sont les autres ?
Il a un petit ricanement avant de me murmurer :
— Tes mochis...
Je me tourne brusquement vers lui, interloqué par sa réponse. Son profil s'offre à moi, élégant et magnifique avec sa bouche tentatrice. Mon cœur s'emballe à cette déclaration. Ce faible a la sensation de retourner dans le passé et d'être enfin apprécié par son crush. Mais Jimin n'est plus ce qualificatif depuis bien longtemps. Pour tenter d'éloigner cette impression, je plaisante :
— Tu n'en as pas trouvé des aussi bons à Busan ?
Il secoue la tête, un grand sourire aux lèvres, amusé.
— C'est plus compliqué que ça.
Je me recule et m'installe sur le canapé, les bras de chaque côté sur le dossier.
— J'ai tout mon temps et je n'ai nulle part où aller. Ji-Hoon est parti, je te rappelle.
Il se mordille la lèvre inférieure, hésitant à m'expliquer. Il finit par se diriger vers le frigo qu'il ouvre en me proposant à boire :
— Bière ? Vin ?
— Un soda suffira.
Il nous en sort un chacun et revient vers le salon. Il s'assoit sur le même sofa que moi et me tends une canette que j'accepte. Il ouvre la sienne, en boit une longue gorgée et me raconte :
— Tu sais, c'était assez compliqué pour moi en tant que trainee.
Après avoir bu à mon tour, je me tourne vers lui, ma cheville gauche coincée derrière mon genou droit. J'ignore pour quelle raison il me dit ça, mais pour lui, je suis tout ouïe.
— J'avais beau m'entraîner encore et encore, ça n'allait jamais à un gars du staff des évaluations mensuelles. Je chantais trop aigu ou trop grave, ne dansais pas assez en rythme, étais trop gros, avait les dents de travers, les cheveux trop marrons, les joues trop rondes, les yeux trop petits...
Je fronce les sourcils à cette liste qui ne semble pas avoir de fin.
— Pardon ?
Je me souviens de Jimin à cette époque. Alors oui, il faisait encore enfant par rapport à aujourd'hui. Mais il était incroyable.
— Ouais... Mais il n'a jamais pu me virer parce que les autres membres du staff me sauvaient à chaque fois. Ça a fini par l'énerver.
Il ne me regarde pas quand il m'explique ce qu'il a vécu.
— Il a commencé à me harceler. Il venait pendant mes entraînements et me rabaissait comme si c'était un jeu pour lui. Ça devenait invivable...
— L'enfoiré !
— C'est exactement ce que m'a dit Hoseok quand il l'a appris, dit-il, un sourire nostalgique aux lèvres.
Une pointe de honte me pique le cœur. Je n'étais pas ami avec Jimin à l'époque, mais cela me frustre que Hoseok ait su et ait pu l'aider alors que moi... Je n'ai jamais pris conscience que les larmes que je voyais couler sur son visage n'étaient pas juste la manifestation de sa fatigue ou de la frustration de ne pas réussir un mouvement.
— Mais un jour, j'ai découvert un de tes mochis et régulièrement, j'en trouvais un nouveau...
La honte monte un peu plus en moi. Il souffrait et moi je croyais qu'un dessert allait arranger son quotidien. Et en plus, je le posais devant sa porte comme s'il ne méritait pas que je lui parle. J'étais certes très jeune, mais est-ce que cela excuse tout ?
— Je suis désolé, soufflé-je, sincère.
— Désolé de quoi ?
— De n'avoir rien fait.
Il m'adresse un sourire avant de m'expliquer :
— Tu as fait quelque chose. Tes mochis me remontaient toujours le moral.
Je hausse les épaules, peu convaincu par sa déclaration.
— Tu ne te rends pas compte, affirme-t-il.
Il tend le bras pour poser sa boisson sur la table basse et se réinstalle confortablement.
— À l'époque, j'étais très mal dans mon corps et dans ma tête à cause de ce type. Mais surtout, je me sentais extrêmement seul. Je passais tellement de temps à m'entraîner et répéter pour tenter de lui plaire que je m'étais renfermé sur moi-même. J'avais mis une distance énorme avec tout le monde.
Dans sa voix, les trémolos d'émotion s'entendent et prouvent que les années ont pu défiler, mais il n'a rien oublié de toute cette souffrance. Elle est encore bien présente en lui.
— Et tes mochis étaient comme une promesse.
Mes yeux s'écarquillent sous l'incompréhension.
— Ça va peut-être te paraître bête, mais pour moi... c'était... J'avais la sensation... Je sais pas...
Il lève les yeux comme s'il cherchait ses mots.
— C'était comme si j'existais... comme si je comptais pour quelqu'un...
Il a la tête légèrement penchée en avant. Une main dans sa chevelure, il semble mal à l'aise par son aveu. D'ailleurs, ses joues sont plus roses que précédemment. Il n'est plus cet homme sexy et sûr de lui de l'ascenseur, il est un adolescent timide et mignon. Je l'aime bien comme ça aussi.
— C'était le cas, affirmé-je, sûr de moi.
Brusquement, il relève les yeux. Il me fixe longuement alors qu'il assimile mes mots. Je devrais peut-être les regretter d'ailleurs, mais pour une fois, mon cerveau et mon cœur semblent satisfaits. J'ajoute même :
— Tu me plaisais beaucoup...
J'abandonne mon soda sur la table à mon tour.
— Pour... pourquoi tu ne m'en as jamais rien dit ? m'interroge-t-il.
Je ricane, la réponse me paraissant évidente.
— Tout le monde n'est pas à l'aise avec ce qu'ils sont dès le début...
Il hoche la tête pour me signifier qu'il comprend.
— Tu étais le premier qui m'attirait. C'était... Au début, je ne comprenais pas bien ce qui m'arrivait. Il était inconcevable que je puisse être intéressé par un garçon. Aussi beau soit-il.
Un léger sourire se glisse sur les lèvres pulpeuses de Jimin.
— Puis un jour, je t'ai vu pleurer...
Cette fois, il fronce des sourcils. J'admets que dit comme ça, ça peut paraître étrange. Je me dépêche alors de poursuivre :
— Te voir comme ça, ça m'a tellement fait mal au cœur que la seule chose que je voulais, c'était... te réconforter. À partir de là, ça n'avait plus d'importance que tu sois un garçon ou une fille. Mais j'étais qu'un gamin qui avait son premier crush alors je ne savais pas comment agir. D'où les mochis devant la porte.
J'ignore d'où me vient cette honnêteté soudaine. Même si je ne suis pas gêné de ce que je viens de lui avouer, je n'ose plus le regarder.
— C'était adorable de ta part...
— Surtout ridicule, tu veux dire. Je ne sais pas ce que j'attendais de ça...
— Rien. Tu n'attendais rien et c'est ça qui est adorable, me fait-il remarquer.
Je hausse une épaule et me retiens de lever les yeux au ciel à ma naïveté d'adolescent.
— Mais tu aurais quand même dû me le dire, ajoute-t-il.
Ma tête bascule en arrière tandis que mes paupières se ferment. Je me remémore toutes ces fois où je l'ai espionné. Peut-être que j'aurais pu m'approcher de lui. Peut-être que j'aurais pu lui adresser quelques mots. Mais jamais, je n'aurais été capable de faire fi de ma timidité et encore plus de ma peur d'être moqué pour mon attirance.
— J'aurais alors pu t'avouer que c'était réciproque, murmure-t-il.
Sa voix est au creux de mon oreille, me signifiant clairement qu'il s'est approché de moi. J'ouvre les yeux et le découvre si près de moi que je peux sentir la fragrance de son gel douche ou encore la chaleur de son corps irradier. Je déglutis à cette proximité.
Alors que nos regards se rencontrent, ses mots arrivent à mon cerveau qui les déchiffrent enfin. C'était réciproque ? À l'époque, ma timidité me poussait à ne jamais prendre la parole en public et à me cacher au fond des salles d'entraînement que ce soit pour la danse, le chant ou le rap. Comment aurait-il pu me remarquer et encore plus être attiré par moi ?
— Comment j'aurais pu me douter que tu étais ne serait-ce au courant de mon existence ? l'interrogé-je, abasourdi.
— Comment j'aurais pu l'ignorer ? s'étonne-t-il.
Sa main droite se pose sur mon épaule. C'est un geste amical et pourtant, il me fait un certain effet. Quelques frissons parcourent ma nuque.
— Tu étais tout le temps avec Namjoon et Yoongi qui étaient amis avec Hoseok qui lui-même était déjà à l'époque mon meilleur ami, rétorque-t-il comme si c'était une évidence.
Je lui souris, attendri. Ses joues rougissent alors que ses doigts viennent se caler dans mon cou.
— Tu étais tellement mignon...
Un léger rire m'échappe. C'est exactement ce que ma mère me répétait sans cesse à l'époque. Étrangement, ça n'a pas la même saveur dans la bouche de Jimin.
— Et toi, tellement beau, le complimenté-je.
Jimin a un sourire en coin avant de chuchoter à mon oreille :
— Tu sais parler aux hommes...
Je secoue la tête.
— On reconnaît l'habitué, ajoute-t-il, alors que ses doigts s'enfouissent dans mes cheveux. Les mots prêts pour séduire tes pauvres victimes.
— Pas avec toi, hyung.
À peine ai-je prononcé l'honorifique que sa langue lape mon lobe. Dire que je suis surpris serait un euphémisme. Malgré son action, je précise :
— Jamais...
Je me mords la lèvre pour éviter de gémir lorsqu'il recommence à plusieurs reprises. Sa main libre finit par se poser sur mon torse.
— Pour toi, je veux bien jouer la victime autant de fois que tu le voudras, me confie-t-il d'une voix bien trop sensuelle pour ma santé mentale.
Il ne me laisse pas le temps de réaliser et apprécier à sa juste valeur son offre. Il passe aussitôt une jambe par-dessus les miennes pour se retrouver assis sur mes cuisses. Sous la surprise, je me redresse, les yeux écarquillés.
— Hyung ! m'exclamé-je.
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