Depuis que nous nous sommes rencontrés, Namjoon a toujours été comme un grand frère et aujourd'hui, il tient encore ce rôle à la perfection. Nous passons un long moment à discuter de tout et de rien, mais surtout de mes débuts qui me stressent. Ayant connu ça, il y a quelques années, il me rassure comme lui seul peut le faire.

Avant de me mettre presque à la porte. En effet, vers vingt heures, il me convainc d'aller me reposer et m'assure encore une fois qu'il s'occupe de tout. C'est l'esprit plus serein que je le quitte et rejoins mon appartement.

Après lui avoir envoyé la vidéo demandée, je m'applique à suivre ses conseils. Je prends un bain, tente de me détendre, écoute le silence puis des chansons quand ce dernier devient angoissant et mange un bon repas équilibré que je me suis fait livrer.

Lorsque je m'installe dans mon lit dans l'espoir de dormir, le sommeil ne semble pas vouloir venir à moi. Allongé sur le dos, je fixe un point du plafond, cherchant une explication à mon blocage soudain. Mais je ne trouve rien. J'ai toujours été heureux d'apprendre une chorégraphie, chanter une nouvelle chanson, performer... Je suis né pour ça, je ne sais faire que ça...

Je prends une profonde inspiration et imagine la manière dont va se passer la journée de demain. Pour ça, je tente de me remémorer tous les moments que j'ai pu passer avec Hoseok ou plus vraisemblablement, les heures où je l'observais de loin danser ou rapper avec Namjoon et Yoongi, il y a plus de dix ans.

Je me rappelle aussi sa gentillesse. Il aidait tous ceux qui en avaient besoin. Il virevoltait d'un trainee à un autre comme si sa propre réussite était insignifiante. Et en même temps, il est parti du jour au lendemain à la plus grande surprise de tout le monde. Alors peut-être qu'en effet, cela lui était égal.

Porté par ma curiosité, je tends le bras et récupère mon portable qui git sur l'oreiller au niveau de la place vide de mon lit. Je le déverrouille et clique aussitôt sur l'appli d'Instagram. Je fronce les sourcils en réalisant que je ne me souviens même pas du pseudo du compte de Hoseok.

— Il y avait une histoire de couleur, je crois...

Tout en me mordillant la lèvre, je réfléchis.

— Black... black et un autre truc derrière, non ? Non... c'est peut-être purple.

Je déteste l'anglais. Il n'aurait pas pu choisir un pseudo coréen ? Ou juste son nom ? Ça m'aurait aidé pour m'en souvenir.

— Blackpink ! Non, ça, c'est les filles, me sermonné-je. Je mélange tout, c'est pas possible. Ou alors... peut-être juste pink ?

Je fais une petite moue. Pink me dit quelque chose.

— Pink euphoria ? proposé-je au vide.

Je hausse les épaules et tente. Mais rien de concluant ne ressort. Je ferme les paupières avec force et pendant un instant, me concentre. Je suis persuadé que j'ai la bonne couleur, mais le reste ne me revient pas. Alors d'un éclair de génie, je me rends sur le compte insta de Namjoon et cherche ce qui m'intéresse dans ses abonnements.

— Pink utopia, s'écrié-je en trouvant mon bonheur.

Je clique sur le compte et lance le reel que j'ai déjà vu tout à l'heure. Ce nouveau visionnage confirme le talent de cet ancien trainee. J'enchaine avec un second. Quand j'arrive au quatrième, je fronce les sourcils. Il y a un élément qui me chiffonne. Ce n'est plus Hoseok.

— C'est qui lui ?

Ce jeune homme a le visage caché par un masque et une casquette, mais cela ne fait aucun doute que ce n'est pas l'ami de Namjoon. Son corps est plus... Je ne sais pas. Ils doivent faire à peu près la même taille, le même poids, leur silhouette est fine et pourtant, il est différent. Je serais incapable d'expliquer ce ressenti. Ou si, je sais en fait... Je le trouve sexy ce qui n'est pas le cas de l'ancien trainee.

J'approche l'écran de mon visage et détaille ses gestes. Ces derniers sont plus sensuels, plus gracieux. La chorée elle-même est dans un autre style. Moins hip-hop, moins urbaine, plus dans l'émotion jusqu'au bout des doigts, mais c'est aussi agréable et technique que Hoseok.

Quand le reel se termine, je retourne sur la page qui les regroupe et en cherche un où je pourrais voir son visage, mais n'en trouve pas un. Soit c'est Hoseok, soit il est caché. S'il porte un masque à chaque fois, la casquette, quant à elle, n'est pas récurrente.

— Mais c'est qui ? m'impatienté-je, en fronçant les sourcils.

Alors sans réfléchir, j'enchaine tous les réels de cet inconnu. M'en délecte. L'envie. Fantasme peut-être un peu. Mon cerveau semble en effervescence pour trouver une manière de découvrir qui c'est. Puis soudain, une idée me vient.

— La légende, crétin !

Je me redresse et m'installe en tailleur, le dos contre le mur. Je jette un coup d'œil au texte qui accompagne la vidéo que je suis en train de visionnée pour la troisième fois. Je n'y trouve que des hashtags, mais en y regardant de plus près, derrière #unholy, #dance ou encore #cover, j'aperçois un #Jimin...

Jimin...

— Jimin comme Jimin ?

Jimin comme celui de mon adolescence ?

Le passé me revient tel un boomerang à l'esprit et je retrouve le Jimin de mes souvenirs. Il était un peu plus vieux que moi et ne parlait jamais à personne, passant tout son temps à suivre les cours et s'entraîner. Il réservait toujours une petite salle au dernier sous-sol pour pouvoir danser après les heures obligatoires avec les coaches. Dès que je l'ai découvert, j'ai aimé me cacher derrière la porte et l'espionner par l'ouverture.

Il était doué, mais ne semblait pas s'en rendre compte. Il n'était jamais satisfait de lui-même. Il avait une détermination et un perfectionnisme poussés à l'extrême. D'ailleurs, je l'ai vu bon nombre de fois pleurer d'épuisement ou de frustration...

Si j'ai toujours voulu le prendre dans mes bras pour le réconforter dans ces moments-là, ma timidité m'en empêchait chaque fois. M'aurait-il laissé faire ? Ou m'aurait-il pris pour un sale stalker ? Je ne savais pas et j'avais peur de prendre le risque de lui ajouter de la peine en plus.

À la place, je me suis contenté à plusieurs reprises de laisser devant la salle des mochis que j'achetais dans un petit café non loin de l'agence. En effet, je l'avais vu en sortir un jour, avec une de ces gourmandises à la main. Alors j'avais cru que cela lui remonterait le moral. Je n'ai jamais vu sa réaction à ces petits cadeaux anonymes, préférant m'enfuir avant.

— J'aurais dû lui donner en mains propres, me lamenté-je.

Un jour, il n'était pas là et les suivants avaient signifié son départ de l'agence. Mais je me souviens que mon cœur avait eu du mal à se remettre de cette semi-perte. Avec le recul, je réalise que Jimin a été mon premier crush. Le premier a attiré mon attention de par sa beauté, sa ténacité et son talent. Le peu de fois que je l'ai vu sourire avait été un enchantement.

Je n'ai pas trouvé de réponses à mes centaines de questions. Pas plus d'explications à cette disparition. Malheureusement, il n'y avait eu aucune information, pas même de rumeurs à ce propos, sans doute parce que l'abandon de Hoseok avait eu plus d'impact auprès des autres jeunes. Il était celui qui aidait tout le monde, qui leur remontait le moral et qui était leur ami.

Mais aujourd'hui, je comprends. En tout cas, des hypothèses apparaissent. Très sérieuses, les hypothèses au vu de ce que Namjoon m'a dit. Hoseok est parti avec un autre trainee et ils ont ouvert une école de danse à Busan. Si Hoseok et Jimin partagent un compte Instagram, c'est qu'ils se sont associés. Ou même plus...

Cette idée ne me réjouit pas plus que ça. Savoir qu'ils ont quitté l'agence et donc abandonné leur rêve d'être idol pour construire leur vie à Busan, tous les deux, ensemble, ne ravit pas l'ancien attachement que j'avais pour Jimin. C'est idiot, illogique voire pathétique mais c'est ma jalousie qui ressort.

Énervé contre moi-même, je décide d'éteindre mon téléphone et de le reposer à sa place habituelle. Je me rallonge et tente de me vider l'esprit. Après une éternité, la fatigue m'emporte, me faisant vivre des rêves aussi rocambolesques les uns que les autres...