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Les baffles rugissaient dans ma chambre, la musique grondait, fracassait les murs, c'était horrible. Pourtant ces décibels permettaient d'atténuer un temps soit peu le vacarme de mes pensées, ils étouffaient les supplices que m'infligeaient mon propre cerveau, mon propre esprit, ce que je m'infligeais à moi, rien qu'à moi. Je m'autodétruisais.

Physiquement, je n'étais pas vraiment plongé dans le noir, c'est vrai, tout était illuminé dans ma chambre, le soleil passait toujours me saluer, mes draps étaient toujours changés. Pourtant dans ma tête, la noirceur me contraignait à me perdre encore et encore, je m'égarais dans mon propre corps, dans ma propre tête, je peinais à me retrouver, à vrai dire je pense ne l'avoir jamais fait. La simple chose qui me ramenait à la réalité, qui m'obligeait à enfiler mon masque et sortir de ce trou que j'avais moi-même creusé, était l'humidité de mon oreiller qui embêtait ma joue.

Cela fait trois ans aujourd'hui.

Trois ans que la corde de notre amour a lâché de ton côté.

Trois ans que je les supplie de continuer de te chercher.

Ils ne m'ont pas écouté. Désormais on parle de toi au passé. Tu n'es devenu qu'un souvenir, un souvenir que je refuse d'accepter. Je me voile la face, c'est ce qu'il ne cesse de répéter, que je ne veux pas accepter, que je ne veux pas faire le deuil.

Le deuil.

Tu n'es pas mort pourtant.

Mais je ne sais pas pour autant si tu es vivant. Je l'espère au fond de moi, pas qu'au fond en fait, je l'espère partout, tout le temps, à chaque instant.

Que tu reviennes, que tu réapparaisses, c'est ce que je souhaite, c'est logique, évident, redondant. Ce que je veux par-dessus tout c'est d'arrêter de me souvenir, arrêter de penser à toi, au nous d'avant, c'est atroce, anéantissant. Créons-en des nouveaux, créons le nous d'après dans un appart après l'université.

Avant, ton image faisait valser mon coeur, le secouait à gauche et à droite, en haut et en bas, c'était si étrange et agréable de sentir la passion s'enrouler autour de moi. Pourtant désormais, ton image me donne le tournis, me donne envie de me noyer sous la pluie que sont mes larmes. Tu étais partout, à tous les coins de rues, le soir quand je rentrais et même devant le lycée. Ton image, cette affreuse image où les mots "recherché", "enlevé" et "disparu" se battaient.

Jake, revient par pitié.

Revient voir comme j'ai essayé de ne pas changer, à quel point je crois que tu es toujours quelque part sur Terre, quelque part vivant. On m'a souvent pris pour un fou, à vrai dire, ils le pensent toujours. Est-ce que je suis fou d'attendre ton retour ? Est-ce que je suis fou de nourrir notre amour par l'encre de mes lettres ? Mes lettres, oui, ça t'étonne ? Je ne les ai pas arrêtés. Comment aurais-je pu les arrêter ?

Je t'en avais déjà écrit quelques-unes, tu les avais toutes adorées. Je me demande si celle-ci aussi te fera le même effet.

Je me souviens encore de la première fois où je t'ai offert mes mots, la première fois où tu les as lus. Tu étais bouche-bée, je crois bien que tu ne m'imaginais pas être capable d'aligner deux mots sur du papier, du moins pas aussi joliment. Je ne t'en avais pas voulu, tu avais tout pour le penser, même si tu frôlais tout de même le cliché depuis la vision de moi que tu as eu à cette soirée.

On s'y était vu pour la première fois d'ailleurs, à cette soirée, quoique, ce n'étais pas vraiment la première fois. On s'était déjà croisé, une fois ou deux dans les couloirs du lycée, peut-être trois ou quatre, ou même tous les jours en fait. La dernière option semblait être la plus adaptée, on se voyait tous les jours, à chaque pause, à chaque récré, c'est peut-être pour cela que j'avais l'impression de déjà te connaître par cœur malgré le fait que nous n'ayons jamais échangé.

Cupidon nous avait frappé ce soir-là, de plein fouet, et pas qu'au sens figuré. Le jeu nous avait obligé à tomber amoureux, du moins le temps d'une partie. Partie qu'on avait d'ailleurs gagnée, c'était rare apparemment que les amoureux ne se fassent pas attraper. Les loups, eux, ont tous été tués. Puis, sûrement pour nous taquiner, le reste du cercle  — la sorcière et la petite fille ou même le chasseur et le voleur — nous ont obligés, quoique ça ne me dérangeait pas, nous ont plutôt incités à échanger un baiser. Après tout nous étions les grands gagnants, les deux amoureux que Cupidon avait piqué, quoi de mieux qu'un baiser pour clôturer la partie ?

— Jungwon n'a pas l'air contre, c'est plutôt Jake qu'il faut convaincre !

Je n'étais pas contre c'est vrai, j'en avais... étrangement envie. Était-ce à cause de l'alcool qui saccageait ma raison ? D'un mélange d'adrénaline et d'euphorie qui couraient dans mes veines ? Ou de ton visage qui caressait tous mes sens comme le souffle léger du vent frais ?

Toi, en revanche, tu avais l'air plus réticent, contrairement à moi qui approchait déjà.

Quoique, tes yeux me hurlaient le contraire, ils m'invitaient à poursuivre ce que je faisais, à continuer sur ma lancée. Je les ai évidemment écoutés, ne manquant aucune invitation que m'envoyaient tes mimiques que j'adorais.

Alors j'ai passé ma main sur ta joue, la tienne a trouvé ma taille. Ma seconde a caliné ta nuque tandis que ta seconde, elle, s'appropriait mon dos en y traçant ce qui me semblait être un assemblage de courbes. Je te touchais, tu faisais de même en retour, comme si tu n'acceptais pas que seulement moi puisse découvrir la chaleur de ton corps, tu te sentais obligé, envieux de sentir la mienne sous tes doigts que tu décorais tout le temps. J'aimais bien sentir ces bijoux sur ton index ou encore ton majeur, la sensation glacée de l'argent autour de tes doigts était si douce, délicieusement paradoxale à la brûlure que ta pulpe m'infligeait.

Puis on s'est embrassé. "On" parce que je ne saurais pas dire qui a initié ce baiser en premier, "on" parce que tes lèvres qui ont rencontré sauvagement les miennes me racontaient à quel point tu appréciais ce qu'on vivait. "On" parce que c'est à cet instant que le "nous" avait enfin commencé.

   
***

Un grenier quelque peu délabré, rien de vraiment romantique là-dedans, je te l'accorde mais cet endroit était si important, pour nous, pour moi. Un peu décalé, c'était ce qu'on était après tout ? J'aimais te voir ici, j'aimais voir à quel point ton sourire illuminait le noir dans lequel on était assis, j'aimais entendre ton rire tapisser le silence de cette pièce inhabitée quand nos présences ne réchauffaient pas le bois du sol et la poussière des meubles.

J'aimais bien y revenir, me remémorer chaque scène qu'on avait vécu à chaque recoin de cette pièce.

Je me rappelle t'avoir offert mes premières paroles sur le canapé au fond, je me rappelle la façon dont tu te tournais encore et encore sur le meuble moelleux à chacun de mes mots que tes yeux d'ange découvraient. La passion dans ton regard, la chaleur qui me grignotait le cœur, c'était parfait. J'adorais.

J'écrivais pour me rassurer, comme si j'avais peur que tu oublies tout ce qui avait bien pu se passer — des détails des plus anodins à ceux qui me faisaient vibrer tout entier. Je te demandais si toi aussi tu te rappelais de nos parties de cartes bercées par le son du carillon sur lequel tu t'étais cogné maintes et maintes fois. Si tu te souvenais de la fois où, malgré les cordes qui y manquaient, tu avais insisté pour me voir jouer un morceau de mon vieux violon. Je te racontais que j'avais adoré te voir persister simplement pour m'écouter, je me sentais important, je me sentais aimé. Tu avais rougi à ce passage, j'en suis certain. Un peu comme moi à chaque fois que l'instrument laissait s'échapper un son désastreux, épuisé après tant d'années. Tu avais l'air d'adorer cet air qui me mettait mal à l'aise, peut-être était-ce parce que je le jouais pour toi ? Que j'en étais l'auteur et toi l'unique receveur. Je te demandais de ne jamais changer, de rester pour toujours ce garçon qui faisait naître un sourire sur mes lèvres abîmées, de rester pour toujours ce garçon qui me faisait doucement flancher.

Est-ce que tu adorais ce que tu lisais ? Est-ce que tu adorais savoir tout ça ? Savoir que tu étais devenu mon point d'ancrage dans le tsunami qu'était ma vie ? Que je ne remercierais jamais assez le destin de t'avoir gentiment mis sur le chemin sinueux et graveleux qu'était mon existence ?

C'était ce que je te racontais, dis moi que tu t'en souviens de là où tu es. Dis moi que tu la gardes toujours près de toi cette lettre, dans ton portefeuille ou dans la poche de ta veste. Dis moi que tu penses toujours à moi, à tous ces mots, à tout ce que je racontais. Je m'appliquais, je voulais que tu comprennes, que tu ressentes à travers cette pluie de lettres que je t'aimais Jake, que je t'aimais si fort.

Je t'aime, je t'aime, je t'aime.

J'avais ri de ta mine dès que tu avais terminé de parcourir mes sentiments volontairement mis à nus. Tu semblais choqué, bouche-bée, c'était tout ce que j'espérais. Et ému, aussi, tu étais ému, ça ne pouvait être plus parfait. Puis tu t'es approché, tu m'as serré fort contre toi, ce que je me sentais bien dans tes bras... Tu m'aimais aussi, c'est que tu m'avais dit, et mon cœur n'a jamais plus été aussi heureux.

***

Nous n'étions pas qu'étranges, il nous arrivait d'être normaux parfois. De sortir au restaurant ou de faire une sortie au cinéma. Tu n'aimais pas ça, moi non plus. Tu trouvais ça ringard, moi je m'ennuyais. Ce n'était pas réellement nous. Je préférais pouvoir t'enlacer quand bon me semblait, te crier que je t'aimais sans avoir peur d'être jugé. Je préférais quand on était seul, toi aussi, tu me l'avais dit. Chez toi. Chez moi. Dans cet endroit du parc à l'autre bout de la ville, caché par les arbres aux couleurs sakura.

Je ne sais pas pourquoi je t'écris tout ça aujourd'hui, ça me soulage, ça me rassure. Ça m'accroche au fait que tu la liras sûrement un jour celle-ci aussi. Je pense que ça aurait été ta préférée, une rétrospection de tout ce que l'on a partagé.

J'adorais quand on y allait, chaque début mai jusqu'à la fin de l'été. On s'allongeait sur la nappe que tu avais acheté spécialement pour l'occasion, une bleue, ma couleur préférée. Tu n'omettais rien, tout était calculé pour que ce soit parfait, c'est ce que j'adorais chez toi. Du moins c'était l'une des choses que j'adorais. J'aimais tout. Tout sur tout. Quand tu m'enlaçais dans l'herbe et que nos jambes s'entremêlaient, quand tes doigts parcouraient ma peau et refermaient le trou béant de mon cœur.

Ta personne entière était une douce caresse, un cadeau, un diamant que l'on m'avait offert sur un drap blanc. Tu brillais presque autant que le soleil qui réchauffait nos bras nus, tu étais aussi étincelant que les étoiles qui montraient le bout de leur nez à la fin de la journée passée à s'écouter sur l'herbe verte de l'été. On parlait, on parlait beaucoup, de tout et de rien. On s'offrait des cadeaux, des bibelots et des mots. Encore des mots qui entachaient du papier. J'avais adoré la fois sur le canapé ou tes yeux brillaient, et jamais je n'oublierais la nuit où, sous la lueur des étoiles ton regard s'est éclairé comme jamais il ne l'avait fait. Je ne sais pas vraiment ce que j'avais dit de plus qu'avant. Peut-être que c'était la beauté du moment qui faisait exploser tes sentiments ? Je n'avais de yeux que pour tes mèches qui virevoltaient sous la chaleur de la brise, que pour tes pupilles humides qui dévoraient mes mots d'amour. Pour chaque lettre qui décrivait à quel point ta beauté m'époustouflait, pour chaque mot qui expliquait à quel point mon cœur s'affolait, à quel point il battait plus fort, plus violemment quand tu me regardais, pour chaque phrase qui te remerciait de m'aimer. Merci Jake, mille mercis.

La passion, c'est ce qui t'animait. L'angoisse, ce qui me gardait éveillé. J'avais peur d'en faire trop, et si mon amour te faisait peur ? Ce gouffre dans lequel je m'étais jeté, bien trop aveuglé par toi, bien trop en confiance avec toi pour me laisser tomber dans les abysses de ce sentiment effrayant. Je regrettais ? Pas le moins du monde. Tu me rassurais en permanence. Ce soir-là tu m'avais répondu à ta manière, m'avais susurré que tu m'aimais avant de m'embrasser sous les étoiles qui nous admiraient. J'ai encore la sensation de tes lèvres sur les miennes, le doux écho de tes paumes sur mon dos et de tes doigts dans mes cheveux, de tout ce que tu m'offrais, de tout ce que tu m'avais offert si passionnément ce soir-là, cette nuit inoubliable. Cette nuit où jamais je ne m'étais senti aussi aimé, aussi chérit par toi et le message des étoiles.

Tu me manques Jake.

Tu me manques, tu me manques, tu me manques.

C'est dur à dire mais, est-ce que tu la verras ? Cette lettre. Est-ce que ce sera réellement le cas ? Ce que je veux dire c'est, est-ce que tu la liras ? Et si tu étais déjà avec les étoiles, haut dans le ciel ? Est-ce que tu le pourras ? Est-ce que tu es toujours là ? Et s'ils avaient raison ? Et si tu n'étais vraiment plus là ? Trois ans sans toi. Trois ans à vivre avec une image que mon esprit ne cesse de créer. Trois ans que j'espère. Et si c'était en vain ? Et si tu l'avais rendu ... ton dernier souffle ? Et si ton corps gisait quelque part ? Loin de la ville, loin de nous, loin de moi qui n'a pas su te protéger, qui n'a pas su savoir où est-ce que tu as bien pu aller, où est-ce qu'un inconnu ravagé a bien pu t'emmener ? Est-ce que je te méritais finalement ? N'était-ce pas un châtiment pour avoir cru mériter un trésor tel que tu étais ? Mais peut-être que tu étais encore là, peut-être que tu... respirais toujours, que tu pensais à moi ?

La raison me hurlait d'ouvrir les yeux, pendant que mon cœur m'assurait que tu allais bien. Trois années. Trois ans où je n'étais plus rien, une simple âme errante et mordue par le chagrin, envahie par l'espoir de revoir sa jumelle au fond du grenier ou sous les cerisiers.

Ça fait mal Jake. Trop mal. Et si... Et si je n'étais plus capable de t'attendre ? Je n'étais pas si fort au fond, je n'aurais pas dû plonger tête baissée dans tout ce que tu m'offrais. Je suis horrible de dire ça n'est-ce pas ? Comment tu aurais pu savoir ? Comment on aurait pu savoir qu'un beau jour la ville entière te chercherait ? Paniquée à l'idée de te savoir absent, porté disparu.

Et si je devais mettre fin à tout ça ? Accepter que tu ne reviendras pas ? Que tu ne seras plus jamais là, avec moi. J'en rêve pourtant, toutes les nuits et même éveillé. J'imagine te voir passer le seuil de ma porte, te voir sauter sur mon lit, en me demandant de te raconter chaque détail de ma journée. J'en rêve Jake, j'en rêve. Pourquoi est-ce que tu n'en fais pas une réalité ?

Est-ce que c'est normal d'avoir aussi mal ? Ça me brûle de partout, cette solitude, ce désespoir.

Est-ce que ça fait moins mal un jour ? Apaise mes douleurs, je t'en prie. Efface les comme tu effaçais mes larmes de tes chaleureux baisers.

Pourquoi t'a-t-on arraché de moi ? Sans prévenir, sans trace ni espoir de te voir revenir.

Ma vie est vaine désormais, elle est brouillée par les larmes et la désillusion. Ces mêmes gouttes humides de tristesse qui salissent le papier marqué par mes mots d'amour, mes mots écrits par un stylo à l'encre aussi noire que mon cœur meurtri.

J'y avais réfléchi longtemps, beaucoup, trop.

Qu'est-ce que tu aurais fait à ma place ? Dis moi ce que tu veux que je fasse ?

Tout est brouillé, tout semble peint par ton image qui me donne envie d'hurler contre le monde.

Je n'en peux plus d'espérer Jake.

Je t'aime tellement. Tu me manques tellement. Je suis désolé Jake.

Je suis désolé, je suis désolé, terriblement désolé.

J'espère que tu me pardonneras, j'ai fait ça pour toi, pour moi.

J'en avais finalement assez d'espérer te revoir sur Terre.
Alors aujourd'hui j'espérais que tu sois parti, pour pouvoir enfin après cette dernière lettre, te rejoindre, te retrouver et t'enlacer au paradis.

Jungwon





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Coucou tout le monde ! Un grand merci d'avoir lu (ou relu pour les plus vifs) ce one-shot.
C'est un OS que j'ai écrit il y a un moment et qui a déjà été publié dans le recueil « Sentimentalement Votre » (checkez mon profil (mon babillard ?) il y est). Je me suis juste permise de changer le ship, qui était à la base un HeeWon (ce ship est du coup dispo dans le recueil lol).

J'espère qu'il vous a plu, c'est un OS qui compte beaucoup pour moi, j'y ai passé énormément de temps et je pense que c'est l'un de mes écrits que j'apprécie le plus alors j'espère qu'il aura su toucher vos cœurs <3

Aussi bizarre que cela puisse paraître, cette mini histoire conforte le fait que j'adore écrire des fanfictions tristes/tragiques (je vais bien je vous jure)

J'espère que vous avez aimé le lire autant que j'ai aimé l'écrire, encore merci d'accorder de l'importance à mes écrits <3

A la prochaine <33

• Adiaaa •

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