Épilogue

En rentrant des cours, Adrien trouva du courrier sur son bureau. Il se jeta dessus et en sortit une enveloppe de papier craft originaire de Grèce. Un coup de coupe-papier plus tard, il découvrait une carte postale avec un paysage de l'île de Santorin. Au dos figurait son adresse et un petit mot tracé d'une écriture cursive si familière.

"Petit coucou de Santorin. Il paraît que c'est cette civilisation qui aurait inspiré le mythe de l'Atlantide à Platon ! On a trouvé ce qu'on cherchait. Plus qu'un et ce sera bon. Marinette."

Le jeune homme lève la tête vers son mur recouvert de cartes postales venant du monde entier. Elle en a pratiquement fait le tour maintenant. Deux ans hors de France, tout de même. Mais il semblerait qu'elle revienne bientôt.

Tandis qu'il épingle la nouvelle arrivée à côté des autres, il ne peut empêcher l'excitation monter en lui. Elle va revenir ! Et peut-être qu'ils pourront enfin parler sérieusement. Depuis son départ, ils avaient essentiellement échangé par messagerie. La plupart du temps, ils évitaient l'épineux sujet de leur relation amoureuse. Adrien avait cependant pris son mal en patience. Il ne l'avait jamais dit explicitement mais il s'était promis de l'attendre quoi qu'il arrive.

Après quelques semaines, une nouvelle routine s'installa. Entre les  cours et les sorties, Adrien passait beaucoup du temps chez Maître Fu. Ils travaillaient ensemble avec l'aide de gardiens à travers le monde pour reforger leur miraculous. Et d'ici le mois prochain, il aurait son baccalauréat en poche ; lui permettant ainsi d'entrer à la faculté de sciences. Après un master en physique et chimie, il avait prévu de passer le concours de professorat et devenir enseignant par la suite. Il avait hâte.

La voix de Nathalie interrompit ses pensées :

- Adrien, peux-tu venir m'aider, s'il te plaît ?

Le jeune Agreste eut une moue amusée quand il reconnut des accents de détresse dans la demande de sa belle-mère. Il se leva, sortit dans le couloir et passa dans la chambre voisine.

- Le petit monstre te fait encore des misères ? lança-t-il, taquin, en tendant les bras.

Nathalie lui jeta presque un bébé de onze mois avant de nettoyer précipitamment la table à langer et les alentours immédiats. Le "petit monstre" tendit ses bras à son grand frère, visiblement très fier de son œuvre. Les cheveux châtains et les yeux bleus, on lui aurait donné le bon dieu sans confession. Jusqu'à ce qu'il prenne cet air polisson qui promettait des crises de nerfs à ses parents en grandissant.

- Et alors, Felix ? On embête sa maman ? gagata Adrien en chatouillant le bambin qui riait aux anges.

- Ça irait encore s'il n'avait pas ses sœurs pour le seconder ! répliqua Nathalie avant de se redresser soudainement. D'ailleurs... Où sont-elles ?!

- Ici, Nathalie. Calme-toi, Madame Polochon est arrivée.

Gabriel Agreste et la nourrice entrèrent à leur tour dans la chambre, en portant chacun un autre bambin. Nathalie soupira de soulagement puis alla embrasser ses filles et son époux.

- Berenilde, Isabeau. Il va falloir vous montrer plus calmes que votre frère. Sinon, on ne va pas survivre.

Les parents échangèrent un sourire complice avant de confier les triplés aux bons soins de leur nourrice.

- Prête à partir ? lui demanda-t-il en sortant de la chambre.

La nouvelle Madame Agreste se mit à paniquer, ayant visiblement oublié quelque chose d'important.

- Le dîner des collaborateurs ! gémit-elle. J'ai complètement oublié ! Je n'ai rien à me mettre !

Gabriel eut un sourire rassurant.

- Ne t'inquiète pas, j'ai pris les dispositions nécessaires. Monte dans ta chambre, ton habilleuse t'attend.

- Qui est l'assistant de qui déjà ? dit-elle mi-figue mi-raisin. 

Elle fit mine de partir quand Adrien l'interpella.

- Nathalie ?

Interloquée, cette dernière se tourna vers lui. 

- Oui, Adrien ? lui demanda-t-elle.

- Tu te souviens quand tu me disais que si j'avais besoin d'aide, je n'avais qu'à te demander ?

Elle cligna plusieurs fois des yeux avant de comprendre. Sa belle-mère caressa pensivement la broche figurant un paon épinglée au col de sa veste.

- Oui, bien sûr. Et c'est toujours valable. Tu as besoin de quelque chose ?

- Euh, pas maintenant. Mais plus tard, oui.

Nathalie lui sourit et hocha de la tête.

- Tiens-moi au courant alors et je ferai mon possible, lui ré-assura-t-elle avant d'aller s'habiller.

Gabriel eut la délicatesse de ne pas s'en mêler. Sa nouvelle épouse avait parfaitement le droit d'avoir une relation privilégiée avec son fils. Il s'était inquiété que le fait d'avoir envie d'un enfant ne les sépare. Mais bien au contraire, Adrien avait longtemps souffert de la solitude de l'enfant unique. Malgré la différence d'âge, il comptait bien être présent pour ses frère et sœurs. 

- Tu as des projets, ce soir ? lui demanda néanmoins son père en réajustant le nœud de sa cravate.

- Des études avec mon groupe de travail, rien d'extraordinaire, lui dit son fils.

- Bien, pense à te reposer un peu quand même. Il n'y a pas que le travail dans la vie, lui recommanda son père.

- Et c'est toi qui dis ça ? ironisa Adrien en croisant les bras.

- Eh oui. Comme quoi... tout peut arriver, fit le styliste en souriant du comique de la situation.

Un tourbillon de robe de soirée arriva et ils s'en allèrent honorer leurs obligations professionnelles. Adrien était heureux de voir sa famille agrandie mais le devoir l'appelait également. Il devait passer chez Maître Fu pour les derniers éléments du rituel permettant de recréer les miraculous.

Depuis un peu plus de deux ans, ils n'avaient pas cessé de chercher. Lui-même s'était beaucoup documenté et était devenu un expert en la matière. Le gardien lui avait même proposé de devenir son disciple et de prendre la relève quand l'heure viendrait. Il n'avait pas dit non. Mais il n'avait pas dit oui non plus.

Il prit son sac avec ses notes et se rendit à son "travail de nuit", comme il l'appelait. Il connaissait le chemin par cœur, à tel point qu'il pouvait le faire les yeux fermés maintenant. Il était même en train de lire un vieux texte issu des archives des gardiens sur leurs rituels magiques. C'est pourquoi il ne fit pas attention en poussant la porte en acajou sculpté.

Adrien bouscula quelqu'un et ils tombèrent par terre dans une confusion toute surprenante.

- Oh ! Je suis désolé ! Vraiment désolé !

Un rire cristallin retentit. Il se figea. Il le connaissait.

- Eh bien, je savais que la nouvelle de mon retour serait renversante. Mais quand même !

Il connaissait cette voix. Ce jeu de mot ne pouvait laisser de place au doute.

Il se retourna et tomba sur le visage rayonnant de Marinette.

- Bonjour, Milord, lui dit-elle avec son accent séducteur.

C'était elle. C'était vraiment elle. Elle s'était coupée les cheveux en ne laissant que deux mèches longues lui encadrer le visage. Elle avait bronzé et semblait avoir grandi elle aussi. Mais c'était bien elle.

Ni une, ni deux. Il prit son visage en coupe et l'embrassa. Malgré la surprise, elle sourit contre ses lèvres et lui rendit son baiser. Au bout d'un moment qui aurait failli dégénérer si Gina n'était pas venu les chercher, ils purent se poser pour parler un peu.

- Mais ? Depuis quand tu es revenue ? J'ai à peine reçu ta carte de Santorin aujourd'hui ! s'exclama Adrien.

Marinette eut l'air étonné.

- Oh, mais elle date d'un mois au moins ! On est allé en Cappadoce depuis, puis on a fait un crochet par Prague. Nous venons à peine d'arriver. Je te jure, ça fait pas dix minutes qu'on est là.

- Et c'est fini ? Tu ne pars plus ?

Elle le regarda en haussant les épaules, une expression perplexe sur le visage.

- Bah, j'ai peut-être attrapé la bougeotte aigüe moi aussi. Mais pour l'instant, oui. Je ne pars plus.

Le jeune homme était aux sommets de l'allégresse. Puis un sujet plus sérieux lui revint.

- Cela veut dire que vous avez collecté tous les éléments ?

Elle hocha de la tête.

- Mithril, fer froid, wootz, orichalque, obsidienne dorée, ambre bleu, sang de dragon et jade blanc percé. Ce dernier a failli me coûter un bras d'ailleurs... Honnêtement, après tout ce que j'ai vécu en deux ans, Lara Croft peut aller se rhabiller.

Il eut un sourire amusé en l'imaginant en tenue de la dite aventurière. Elle lui donna une tape dans le bras.

- Toi aussi, tu m'as manqué, lui dit-elle en réponse à son "bienvenue" de tout à l'heure.  

Il lui prit la main et la caressa du pouce.

- Ah ! Héros ! Venez ! Nous allons pouvoir commencer la réunion, leur dit Fu en venant les chercher.

Adrien resta un instant dans l'entrée avec un air rêveur. 

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda Marinette, intriguée par son expression.

- Rien. Je me disais qu'on s'était souvent embrassé dans cette entrée. Ce doit être le destin.

Elle pouffa avant de l'entraîner dans le salon.

Sa grand-mère, Maître Fu ainsi que deux autres personnes d'un âge vénérable étaient présents. Un homme de type indien en costume trois-pièces et une femme d'origine africaine en tenue traditionnelle maasaï.

- Ravi de faire votre connaissance, je suis le gardien Akand, dit l'homme.

- Je suis la gardienne Moja, dit la femme.

Ils s'assirent et attendirent la suite.

- Grâce aux efforts de tous, nous avons pu réunir les éléments nécessaires à la reforge de vos miraculous. Seul demeure le problème du rituel. Gardiens ? dit Maître Fu en s'adressa aux personnes présentes.

Akand sortit un classeur avec des feuilles couvertes de calculs, de diagrammes et de schéma raturés ou entourés. Il les feuilleta un peu avant de prendre une inspiration brève.

- Jusqu'à maintenant, un élément étrange nous "embêtait" si je puis dire, commença-t-il. C'est que normalement, le pouvoir de la Coccinelle aurait dû restaurer vos blessures et vos miraculous bien que détruits.

Adrien et Marinette se regardèrent comme des abrutis venant de découvrir la lune. Moja prit la parole à ce moment-là. Sa voix était douce et profonde.

- Il semblerait que le mélange de vos énergies ait empêché la restauration de vos miraculous. La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est qu'il faut que vous récupériez la part que vous avez donné à l'autre. Seulement à ce moment-là, nous pourrons reforger les bijoux.

- Ma consœur et moi-même avons longtemps travaillé dessus et nous pensons avoir trouvé un rituel permettant de résoudre ce problème. Mais... c'est risqué.

La porteuse du Chat Noir se gratta la joue du bout de l'index.

- Laissez-moi deviner... cela inclut un cataclysme ?

Le vieil indien hocha légèrement de la tête.

- N'est-ce pas trop risqué ? demanda Adrien, pas convaincu. J'ai déjà envisagé ce cas de figure, dit-il en sortant ses propres notes. Il y a de bonnes chances qu'on en meurt. Quand même.

Il consultait ses fiches à toute vitesse. Marinette put se pencher dessus et se rendre compte d'à quel point il avait bossé son sujet. Elle était impressionnée. Elle-même avait appris une chose ou deux sur la forge mystique.

- Attends, fit-elle en regardant son diagramme avec attention. C'est possible, si on utilise nos pouvoirs en même temps.

Il fronça des sourcils et envisagea ce nouvel angle d'attaque et eut une illumination.

- Si on les utilise tous les deux en relâchant l'énergie lentement, alors... oui, ça devrait marcher ! s'enthousiasma-t-il en lui prenant les mains. Bon, ce sera quand même risqué. Mais beaucoup moins.

- Quand est-ce qu'on peut commencer le rituel ? demanda Moja à Gina.

La gardienne et grand-mère de Marinette sortit son propre carnet de notes. Elle compta sur ses doigts puis releva la tête.

- Si on commence la forge maintenant... dans dix-huit heures. A peu près.

Moja et Akand se levèrent d'un même mouvement.

- Alors, ne perdons pas un instant de plus, conclut Fu. 

Le gardien se leva et ouvrit une porte à l'encadrement entièrement blanc. Il la franchit et disparut littéralement. Akand et Moja les saluèrent avant de le suivre sans la moindre hésitation. Gina s'attarda un peu après avoir traîné un coffre contenant les éléments collectés au cours de ces deux années.

- Pense à appeler la femme-paon. Ce sera pour demain après-midi.

Adrien hocha la tête. Elle poussa le coffre à travers l'ouverture.

- Pensez aussi à dormir, vous aurez besoin de toutes vos forces, leur conseilla-t-elle en leur faisant un clin d'œil avant de disparaître à son tour.

Enfin seuls, Marinette sentit soudainement toute la fatigue du voyage lui retomber dessus.

- Ça va ? lui demanda Adrien avec sollicitude.

Elle le regarda, le menton dans la main. Il avait une barbe de trois jours qui lui poussait sur des mâchoires plus carrées que dans son souvenir. Cela lui donnait un look baroudeur qui n'était pas sans lui déplaire. Ces deux années l'avaient fait également grandir. Il faisait toujours une tête de plus qu'elle mais elle avait elle-même grandi. Ses yeux verts brillaient d'une étincelle qu'elle connaissait bien.

- Oui. 

Et c'était vrai. Marinette en avait bavé les premiers temps, mais elle avait réussi à remonter la pente. Petit à petit. La reconstruction fut laborieuse, cependant l'éloignement et le dépaysement avaient finalement porté leurs fruits. Aujourd'hui, elle pouvait faire face à son passé sans s'effondrer. L'évoquer ne la laissait pas indifférente mais elle n'en souffrait plus. Elle s'était pardonnée ses égarements, ses erreurs. Elle était en paix.

- Et toi ?

- Maintenant que tu es là, oui, dit-il avec un grand sourire.

La jeune femme sourit en détournant le regard, un peu gênée. Il était toujours aussi intimidant avec sa franchise habituelle.

- Toujours aussi direct, hein ? dit-elle pour détourner l'attention.

- Toujours, Kitty, lui dit-il avec douceur.

Ils étaient épaule contre épaule, les coudes sur la table basse. Il était fébrile, elle le sentait. La jeune femme devait reconnaître redouter un peu ce qui les attendait.

- Tu comptes prévenir les autres de ton retour ? lui demanda-t-il. Alya va te tuer si tu ne le fais pas.

Marinette rit.

- Encore faut-il qu'elle le sache, lui répondit-elle avec malice. Demain, après la reforge. Sinon, elle va me harceler.

- Et Chloé ? 

Elle tourna la tête vers lui et scruta son visage si familier, quoiqu'un peu changé. La question implicite était là.

- Tu veux vraiment qu'on ait cette discussion là, maintenant, tout de suite ? lui demanda-t-elle un peu sur la défensive.

- Non ! Je suis désolé, je me souciais d'elle parce que c'est mon amie, la tienne et... enfin tu vois quoi ! Je suis désolé.

- Tu t'excuses toujours autant, à ce que je vois.

Il haussa les épaules.

- Certaines choses ne changent pas.

Marinette eut un sourire moqueur. Elle se leva, prit son sac de voyage et se dirigea vers les escaliers. Pour y avoir passé quelques nuits, Adrien savait qu'il y avait des chambres d'invités à l'étage. L'amour de sa vie se retourna sur les premières marches.

- Eh bien, Milord ? Faut-il que je te supplie pour que tu viennes ?

Adrien rougit violemment. Il se leva maladroitement et ne sut quoi faire de ses mains. Elle pouffa de rire et lui tendit la sienne. Il la rejoignit et la prit délicatement, comme s'il n'y croyait pas.

- Je... je croyais que tu ne voulais pas discuter maintenant ? hésita-t-il.

Comme dans un écho, elle saisit le col de sa chemise et se pencha à son oreille.

- On a deux ans à rattraper et seulement dix-huit heures devant nous, Milord, lui susurra-t-elle avec un sourire prédateur. On parlera plus tard.

Le soleil n'avait pas encore percé à travers les interstices des volets qu'Adrien se réveilla en sursaut et alluma la lumière. Il avait roulé en espérant faire un câlin à son amante. Mais il n'avait rencontré que du vide. Il se rendit compte du cliché de la scène quand il la vit rentrer sur la pointe des pieds en t-shirt et sous-vêtement.

- Je t'ai réveillé ? lui demanda-t-elle avec un air d'excuse en s'asseyant sur le lit.

- J'ai cru que tu étais partie.

Son expression s'adoucit, elle se rapprocha pour le prendre dans ses bras.

- Juste aux toilettes, ne t'en fais pas, précisa-t-elle contre lui.

Il rit puis enfouit son visage dans ses cheveux, dans sa nuque. Son odeur lui avait tant manqué. Il s'écarta, scruta son visage, l'embrassa puis embrassa sa main. Il réalisa avec surprise qu'elle portait toujours sa bague. La bague qu'il lui avait offert à l'aéroport. Elle le remarqua et la retira pour mieux l'admirer et jouer avec.

- Tu sais que j'ai dû l'échanger pour obtenir le fer froid ?

- Ah bon ? s'étonna Adrien, un peu blessé par cette révélation.

- Ouais. C'était ça ou épouser en troisièmes noces le chef de tribu. 

- Comment ça se fait que tu l'aies encore alors ?

Elle tourna la tête vers lui avec l'air malicieux de Chat Noir.

- Disons que j'ai récupéré mon bien par des moyens... musclés ? expliqua-t-elle en découvrant ses canines.

Il rit et l'embrassa sur le nez. Marinette était tellement mignonne quand elle parlait de commettre des forfaits et d'utiliser la force pour parvenir à ses fins...

- Écoute, cette nuit, c'était... pff, parfait. Mais...

Elle soupira. Il y avait toujours des "mais".

- Est-ce que c'était bien pour toi ? J'ai pas été trop nul ? 

Marinette écarquilla les yeux. Elle se releva sur les coudes, le scrutant avec attention.

- Pourquoi tu me demandes ça ? Oui, c'était... oh mon dieu.

Elle venait de comprendre.

- Tu n'as fréquenté personne en deux ans ?! s'exclama-t-elle, abasourdie.

Il sourit en coin, se passa une main sur la nuque.

- Par Saint-Georges, fit Marinette. Remarque, moi non plus. Pas que j'avais la tête à ça, ni le temps d'ailleurs. Mais pourquoi ? Adrien, je t'ai déjà dit de ne pas m'attendre.

- Je fais ce que je veux ! Je suis libre et indépendant, madame, lui répliqua-t-il en se drapant avec le drap du lit à défaut de sa dignité. Plus sérieusement, je ne m'en suis pas privé. J'ai fait des rencontres, mais c'est dur de tenir la comparaison avec toi.

Ses joues se colorèrent un peu.

- Il y a deux ans, tu m'as dit que tu n'avais de place pour personne et que tu ne pouvais rien me donner. Parce que ça allait mal et que tu étais dévastée, je l'ai compris. Et aujourd'hui ? Et ne fais pas le coup de "on verra plus tard". Je suis peut-être un poil vieux jeu mais on a passé la nuit ensemble, ne me fais pas croire que cela ne voulait rien dire.

Marinette soupira et renfila sa bague. Elle roula sur le côté et lui fit face.

- Ton absence m'a accompagné durant ces deux années telle une ombre. Où que j'aille, il me manquait quelque chose. Je te cherchais dans la foule, je pensais reconnaître ta voix pour finir par être toujours déçue. Je t'aime toujours, Adrien.

Son cœur bondit littéralement de joie.

- Et j'aime toujours, Chloé. Ça aussi, c'est une certitude, ajouta-t-elle.

Il tressaillit. Il jugula sa peur d'être rejeté et usa de cet esprit d'analyse acquis au cours de longues lectures d'archives.

- Que veux-tu exactement, Marinette ?

- Vraiment ? commença-t-elle en mordillant nerveusement une mèche de cheveux noirs. Vous deux. Pour toujours.

Il lui sourit et se rapprocha pour poser son front contre le sien.

- Je n'ai rien contre. Mais tu lui as posé la question ?

- Non, je me souviens de sa réponse d'il y a deux ans.

- Le temps a passé. Et elle a grandi aussi, tu sais ?

Marinette haussa les épaules. Il comprenait son appréhension. Le souvenir de cette rupture était... vivace.

- C'est pour ça que tu ne voulais pas en parler ? Parce que tu avais peur de ma réponse ?

Elle hocha la tête. Il comprenait, son départ avait laissé beaucoup de questions en suspens.

- Rassurée ?

Elle hocha à nouveau de la tête. Il lui sourit et bâilla. Contaminée, elle ne put retenir un bâillement réflexe. Adrien releva le drap et la couverture sur eux. Il éteignit la lumière et s'allongea près d'elle. Ils avaient encore quelques heures pour dormir. Autant en profiter.

Ils étaient dans le sous-sol de Maître Fu. Ou en tout cas, c'était ce que Marinette s'était imaginé en traversant le portail par lequel les gardiens étaient passés la veille.

Un immense four occupait l'endroit qui semblait virtuellement sans limite. Les murs et les éléments de mobiliers apparaissaient en approchant. Très certainement magique. Gina était noire de suie de la tête aux pieds. Lunettes de soudeurs, gants et tablier de protection lui donnait une allure de mineur du XIXe siècle. Elle manipulait un creuset et Fu le second avec des pinces à bras longs.

- On va commencer tant qu'ils sont encore fusion, leur dit-elle. Transformez-vous !

Les deux gardiens reconvertis en forgerons posèrent les creusets chacun sur un des deux autels installés plus loin. En s'approchant, les deux héros constatèrent que le sol était gravé des fameux diagrammes qu'Adrien avait conçu avec les autres gardiens. La forme générale était un yin yang.

Akand et Moja avait respectivement hérité pour l'occasion des miraculous du Renard et du Papillon. Elle put constater en voyant la transformation de Moja que le costume était dépendant du porteur. Arrivée un peu avant les héros, Nathalie avait déjà revêtu les atours du Paon.

- Vous êtes certains que ça va bien passer ? demanda-t-elle, visiblement très inquiète.

- Non, lui répondit Fu après s'être transformé. Mais on a tout fait pour.

Cela ne la rassura pas mais un regard d'Adrien lui fit taire son appréhension. Adrien invoqua le pouvoir de la Coccinelle pour la première fois en deux ans. Se transformer lui fit se rendre compte à quel point ça lui avait manqué. Des étincelles jaunes précèdèrent la transformation de Gina en porteuse de l'Abeille. Ne manquait plus que Marinette. Cette derniere semblait très nerveuse.

- On attend plus que toi, lui dit Lordbug.

Elle eut un rire nerveux.

- Je sais. Je ne me suis pas transformée depuis... enfin, tu vois. Bon, quand faut y aller, faut y aller !

L'héroïne prit une grande inspiration avant d'être noyée dans un nuage d'étincelles noires. Chat Noir en réapparut comme au jour de la bataille du Skatepark. Elle regarda ses griffes comme si elles étaient des armes de destruction massives. Ce qu'elles étaient en partie.

- Bien, prenons place, déclara Maître Fu.

Les porteurs s'avancèrent en bordure des gravures au sol. Lordbug et Chat Noir prirent place devant les autels.

- Libérez votre pouvoir dans les marques au sol, continua-t-il en posant son bouclier devant lui.

Une lumière verte se répandit dans les écritures devant lui. Une lumière jaune fit de même quand Gina déposa sa toupie et ainsi de suite jusqu'à l'éventail du paon. Le yinyang irradiait de lumières multicolores.

- À vous maintenant ! lança Gina.

Ils avaient répétés, tout devrait bien se passer.

- Cataclysme.

L'invocation de son pouvoir la laissa stupéfaite. Sa main droite était noire et sa main gauche irradiait du pouvoir de la Création.

- Lucky charm.

La magie de la Coccinelle lui donna un anneau, semblable à celui du Chat Noir. Il sourit et sortit son yoyo dont le fil était habité par le pouvoir de la Destruction.

Ils s'avancèrent l'un en face de l'autre. Lordbug s'apprêtait à lui enfiler la bague à la main irradiant de lumière blanche. Chat Noir haussa un sourcil amusé quand elle se rendit compte que c'était l'annulaire gauche. Son partenaire s'en rendit compte et rougit.

- Un peu de concentration, jeunes gens ! les sermonna Fu.

L'héroïne déglutit et saisit le fil du yoyo avec le cataclysme au moment où son partenaire lui passa la bague au doigt.

Il ne se passa rien. Ils attendirent une minute mais toujours rien. Le cataclysme n'avait pas fonctionné, pas plus que le lucky charm.

- Pourquoi ça ne marche pas ? s'écria Gina.

- Et si on inversait ? suggéra Moja sous le masque du Papillon.

- Bonne idée ! Faîtes-le donc ! les encouragea Akand sous le masque du Renard.

Lordbug retira la bague et changea le yoyo de main.

- À trois ? Un, deux... trois.

Il enfila l'anneau à la main du cataclysme. Et la main blanche saisit le fil noir.

Des étincelles crépitèrent dans l'air autour. Des éclairs blancs et noirs surgirent d'eux pour s'entrechoquer. Le lucky charm se mit à irradier d'une vive lueur noire tandis que le yoyo brilla comme un fil incandescent. Cette vision était difficilement soutenable. Chacun sentit la quantité faramineuse d'énergie se concentrant dans les artefacts, en même temps qu'une douleur leur déchirait l'âme.

- Maintenant, la phase finale ! leur ordonna Maître Fu.

Chat Noir lâcha le fil et s'écarta en titubant presque. Chacun se dirigea vers un creuset, il fallait faire vite. Ils peinaient à maintenir le contrôle sur l'énergie qui ne demandait qu'à être relâchée. Lordbug enroula son yoyo devenu incandescent autour du creuset qui lui était destiné. Puis sa partenaire saisit le sien en espérant qu'elle ne se brûle pas.

Les deux héros sentirent aussitôt l'essence divine les quitter en même temps qu'ils en prenaient conscience. Ce fut comme si on leur retournait les ongles, comme si on leur arrachait les cheveux, comme si on les griffait de l'intérieur. Marinette eut la terrifiante conviction de mourir si elle allait jusqu'au bout du processus. Lorsque la douleur devint intolérable, elle voulut tout arrêter. Ce fut précisément le moment où tout cessa.

Elle perdit sa transformation et tomba à genoux contre l'autel. Adrien se maintint difficilement en appui et tomba sur le fondement.

- Est-ce que ça a marché ? haleta-t-il.

Les porteurs s'avancèrent avec précaution après avoir récupéré leur arme.

Gina aida sa petite-fille à se relever tandis que Maître Fu examinait le creuset. Il le toucha du bout du doigt. Aussitôt, le creuset se réduisit en poussière laissant derrière lui un petit tas sans relief. Maître Fu était dévasté, ils avaient échoué.

- Regardez ! lança Nathalie de l'autre côté.

- Tikki ? appela le porteur de la Coccinelle.

- Bonjour, Adrien. Cela fait longtemps et pas tant que ça en même temps, lui répondit le kwami.

- TIKKI !

On put admirer le jeune homme attraper la divinité et lui un câlin de tous les diables. Marinette sourit puis se tourna vers son autel. Fronçant les sourcils, elle souffla sur la poudre fine. N'y tenant plus, elle utilisa ses mains. Elle dégagea un kwami noir en train de ronfler, roulé en boule autour de la bague du Chat Noir.

- Sérieusement ?! Deux ans qu'on ne s'est pas vu et il DORT ?! Si c'était possible, je l'étranglerai, grogna Marinette prête à se défouler sur la divinité.

- On pourrait s'entendre sur un camembert ? souffla Plagg en continuant à feindre le sommeil.

En colère ou amusée, c'était difficile de trancher. Toujours est-il qu'elle sortit un tupperware contenant une roue et la lui lança. Vif comme l'éclair,  le kwami bondit et l'avala d'une bouchée.

- Goinfre, lui lança-t-elle en mangeant un morceau d'une seconde roue.

- Tout à fait !

- Tu m'as manqué, Plagg.

- Je ne suis jamais vraiment parti, tu sais ?

Marinette hocha la tête.

- Mais j'en conviens qu'être en ma présence est un plaisir qui ne peut être surpassé par une fusion, reconnut-il d'un ton plein de suffisance.

Il prit l'anneau d'argent et le lui tendit.

- Je suis fier de toi, petit chaton, lui dit-il ses yeux de chats légèrement humides.

Émue, Marinette prit le miraculous et l'enfila à son annulaire droit. C'était comme s'il n'en était jamais parti. Adrien avait déjà remis ses propres boucles d'oreille.

- Et maintenant ? lui demanda Plagg en se posant sur son épaule.

- Maintenant... ?

Elle sortit son portable et envoya un message à Alya et Nino. Et enfin, un autre à Chloé. Elle leva les yeux pour embrasser la scène se déroulant devant elle. Maître Fu discutait avec Tikki tandis que sa grand-mère vérifiait que tout allait bien pour Adrien. Akand et Moja était en grande conversation avec Nathalie.

Marinette tourna la tête vers Plagg et lui gratta derrière l'oreille. Au milieu de ses ronronnements, il l'entendit dire :

- Maintenant, on vit et on s'aime.

FIN

________________________________________
Et là, je n'ai -vraiment- plus rien à ajouter. Cet épilogue est le plus long chapitre jamais écrit, l'équivalent de deux.

Il n'était pas indispensable mais il permet de revoir Plagg et Tikki. Ils m'ont tellement manqué <3

Bon, pour ceux qui espéraient un couple à trois... cela reste ouvert. Je vous laisse imaginer si ça se fait ou non ^^ (comment ça, je vous fais tourner chèvre ?)

Ceci est donc l'ultime fin de Mixed Up.

"Bien joué !"

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top