Chapitre 52 - Nouveau départ

Aujourd'hui, le temps ne voulait décidément pas s'accorder à l'ambiance générale. C'était une magnifique journée de printemps.Le soleil brillait. Le ciel était d'un bleu limpide, presque douloureux à fixer.

En tout cas, c'est ainsi que Marinette le ressentait. En Asie, on porte du blanc en signe de deuil contrairement en Europe occidentale où le noir rst de rigueur. Ainsi, son père et elle dénotaient parmi la foule restreinte qui assistait aux funérailles de Sabine Cheng, plus connue sous le nom du Papillon. Un cordon policier empêchait les curieux et les paparazzis de trop s'approcher. Des flashs lointains leur parvenaient, signe que le voyeurisme moderne n'avait aucune limite.

Selon ses dernières volontés, elle serait incinérée et ses cendres enterrées dans un endroit tenu secret du public.

Ce matin-là, Marinette s'habilla d'une robe blanche traditionnelle chinoise qu'elle avait cousue elle-même. Sa mère serait fière d'elle, se dit-elle en vérifiant le tombé du tissu dans sa psyché. Tous ses amis étaient là, toute sa classe, même Madame Bustier. Elle s'en sentait à la fois émue et honteuse de se reposer autant sur eux.

Lorsqu'elle revit son père, les mains menottées, ils passèrent un long moment à se regarder avant qu'il ne la prenne dans ses bras. Elle en profita pour transmettre son message discrètement. Tom Dupain était une force tranquille, selon la définition de son entourage. Aujourd'hui, il était l'ombre de lui-même. On aurait dit que lui aussi allait mourir d'un cancer.

Après l'office religieux, le cercle privé sortit, excepté les policiers. Ils assistèrent à la crémation en silence.

- Je suis puni pour mes actions, déclara-t-il tout bas en fixant l'écran où ils voyaient le cercueil glisser sur des rails.

- Elle allait mourir quoi que tu aies fait, papa. Ne mêle pas sa mort à tes choix, lui répondit sa fille d'un ton distant.

Il hocha la tête. La porte du four se referma, mettant fin à la retransmission.

- Tu as raison.

Marinette se leva et entreprit de sortir. Il l'interpella.

- Da Xia.

Elle s'arrêta. Décidément, elle était condamnée à vivre les mêmes choses encore et encore.

- Oui ?

Encadré par les agents, il lui fit face. Mal-à-l'aise tout à coup devant cette frêle jeune fille. Sa fille. Qui s'était avéré être Chat Noir. La grande héroïne et protectrice de Paris. Les derniers mois l'avaient considérablement fait mûrir, ou vieillir plutôt. L'enfance était loin maintenant. L'innocence avait déserté l'éclat de ses yeux si bleus.

Il était intimidé par son propre enfant. Quelle ironie.

- Comment vas-tu ?

- À ton avis ? lui répondit-elle d'un ton posé.

Son père sourit, embarrassé. Il était courbé sur lui-même, diminuant sa stature. Les officiers lui signifièrent qu'ils devaient y aller.

- Viendras-tu me rendre visite ? lui demanda-t-il, timidement.

Elle lâcha un soupir en passant une main dans ses cheveux noirs.

- Je ne te promets rien. Peut-être. Mais pas tout de suite.

Il n'en demandait pas plus. Peut-être, c'était mieux qu'un non.

En sortant du crématorium, un individu lambda réussit à contourner le cordon de sécurité et se rua sur elle. Il lui lança un œuf et l'arrosa de farine avant qu'un agent de sécurité n'intervienne.

- Sale fille de chienne ! Prends ça ! Si ça se trouve, tu l'aidais dans l'ombre !

Dégoulinant de jaune et pâteuse, Marinette croisa le regard de l'importun. Il se figea et perdit contenance. Son père avait voulu intervenir mais elle l'arrêta d'un geste.

Au loin, Adrien avait dû retenir Chloé qui se serait jetée sur ce malotru.

- Lâche-moi ! Tu ne veux pas l'aider ou quoi ?

- Et en quoi un nouveau scandale impliquant la fille du maire l'aidera ? Elle sait prendre soin d'elle-même, dit-il presque à regret.

Son amie pinça ses lèvres et attendit la suite de la scène. Qui ne se fit pas attendre.

Marinette sortit un mouchoir et s'essuya le visage avant de le dépasser. Il recula, comme terrifié par elle, trébucha et tomba en arrière. Des officiers de police arrivèrent à ce moment-là pour l'emmener. Certains observateurs attentifs remarquèrent l'auréole sombre qui se répandait dans la région de l'entrejambe.

Alya posta un article où elle déplorait l'arrêt des activités de Lordbug et Chat Noir. Dans un entretien audio retranscrit, les deux héros avaient expliqué que le Papillon vaincu, ils n'avaient plus aucune raison d'être. Ils avaient désormais besoin de temps pour se remettre de leurs aventures et se concentrer sur leur vie délaissée.

- Merci de m'avoir accordé cette dernière interview, dit Alya en apportant un plateau de choses à grignoter.

Le groupe d'amis s'était calé chez la blogueuse une semaine après les funérailles.

- Pas de quoi, fit Marinette en attrapant des sablés.

- On voulait faire nos adieux en bonne et due forme, mais on devra se contenter de l'interview texte, continua Adrien, assis face à elle.

- Pourquoi vous ne l'avez pas fait transformés déjà ? demanda Nino en attrapant des croquants aux amandes.

- Parce que personne ne souhaite voir se reproduire la bataille du Skatepark, expliqua sommairement la porteuse du Chat Noir.

- Ah.

Le jeune Lahiffe se gratta la tête sous sa casquette rouge.

- Il est nécessaire qu'on reforge les miraculous au plus vite. Après, on pourra vraiment dire que c'est fini, enchaîna-t-elle comme si elle faisait un exposé.

Alya avait remarqué la distance qu'elle avait mise avec tout le monde. Bien qu'elle en soit attristée, elle ne pouvait lui en tenir rigueur. Qui pouvait vraiment le lui reprocher après tout ce qu'elle avait traversé ?

- Quand est-ce que tu pars avec ta grand-mère ? lui demanda Chloé en buvant sa tasse de thé.

- La semaine prochaine. On part pour le Brésil. Il y aurait des mines perdues qui contiendraient de petites quantités d'un métal faisant partie de l'alliage originel. Cela sera peut-être un coup d'épée dans l'eau mais... il faut bien vérifier.

- Tu nous manqueras, conclut la jeune Bourgeois en baissant les yeux, exprimant le sentiment général.

Marinette releva enfin les yeux et croisa ceux de Chloé puis ceux d'Adrien. Puis elle échangea un regard avec Alya et Nino.

- Vous aussi.

C'était dit de manière factuelle, presque indifférente. Elle jeta un coup d'œil à son téléphone au signal sonore d'une notification. Elle ferma les yeux, lasse et soupira. La jeune adulte se leva sous les regards surpris du groupe.

- Désolée, faut que j'y aille. Grand-mère a égaré mon carnet de vaccination. Et je vais avoir des problèmes si je ne justifie pas certains vaccins à jour.

- On se voit avant ton départ ? lança Alya en la raccompagnant à la porte.

La jeune Dupain-Cheng plongea ses mains dans les poches de son jean et hocha la tête vaguement. Plus par politesse que par réel engouement.

- Tu n'as pas à être aussi distante avec nous, tu sais ? On ne veut que t'aider, lui dit-elle à regret.

Sa meilleure amie ne réagit pas spécialement et ne montra pas plus d'embarras. Alya s'inquiéta de ce manque de réaction. Était-elle devenue à ce point apathique ?

- Je sais. Mais je n'ai pas la force d'être avec vous, je n'ai même pas celle de vous laisser approcher.

Elle se passa nerveusement une main sur la nuque, singeant le tic d'une personne en particulier. Cela la fit sourire.

- Ce voyage au Brésil, c'est encore une fuite en avant ? lui demanda Alya, encore plus soucieuse.

- Non. Je ne crois pas, non, lui répondit-elle avant de réfléchir sérieusement à la solution. Après tout ce qui est arrivé, j'ai l'impression que tout ce que je suis... a été comme balayé par un ouragan. Sans rien laisser derrière que des décombres fumantes.

La jeune Césaire sembla comprendre et n'insista pas.

- Je compte sur toi pour m'envoyer des photos de tes voyages ! lui lança-t-elle de manière plus légère.

Sa meilleure amie lui sourit en se frottant le bras.

- Je le ferai.

- Et eux ? continua-t-elle en fronçant les sourcils.

- Quoi "eux" ?

Alya haussa ses sourcils. Marinette ne se démonta pas pour autant.

- Avec tout le respect que je te dois, cela ne te regarde pas, fit-elle en la regardant droit dans les yeux.

Son interlocutrice crut se recevoir une gifle malgré le ton calme qu'elle avait employé. Le gossip amoureux était pourtant l'un des ciments de leur amitié. Mais ce devait être un sujet douloureux et difficile à aborder.

- Pardon.

- Ce n'est rien. Bon, je dois y aller. Bye.

- Bye.

Alya suivit la silhouette de la jeune femme et la regarda descendre les escaliers jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Elle avait la quasi-certitude que c'était la dernière fois qu'elle la voyait.



Une semaine plus tard, Marinette déposa sa valise et son sac de voyage dans le coffre d'un taxi. Sa grand-mère rendait les clés de sa location et terminait la paperasserie habituelle. Décidément, être adulte ressemblait à une éternité de grattage de papiers divers et variés. Peu réjouissant. Elles montèrent dans le véhicule et roulèrent en silence jusqu'à ce que sa grand-mère brise le silence.

- Mon petit, tu devrais leur dire au revoir. Même au téléphone, avança cette dernière.

Sa petite-fille regardait le décor parisien défiler à sa fenêtre.

- Je leur ai déjà dit au revoir, répondit-elle laconiquement.

- Ah oui ?

- Oui. Hier. Je les ai appelés l'un après l'autre. Je ne voulais pas d'effusions alors j'ai préféré faire ça.

Gina sembla embarrassée par le froid dédain qu'elle leur adressait.

- Je... eh bien, c'est bien. J'imagine ?

- Et ils ont dit qu'ils viendraient à l'aéroport, continua-t-elle dans sa lancée.

- Oh ? C'est super ça ! Qui sait combien de temps nous serons parties après tout !

- Oui. En effet.

Ce fut tout ce qu'elle put tirer d'elle.

Et effectivement. Ses amis l'attendaient à la porte d'embarquement avec une banderole et des cadeaux.

- Une écharpe ? dit-elle avec perplexité en jetant un coup d'œil à Nino. Mon bon Nino, tu sais dans quel pays je vais, non ?

- Peut-être mais là-bas, c'est l'hiver maintenant ! fit-il en souriant.

C'est là que Marinette eut l'ombre d'un sourire.

- A mon tour ! lança Alya en lui fourrant un paquet cadeau dans les mains.

Après avoir bataillé avec l'emballage, elle découvrit un épais carnet de cuir rempli de feuilles vierges.

- Tout bon voyageur a un carnet de croquis pour écrire et dessiner, fit-elle l'index levé.

Ses yeux se mirent à briller un peu plus.

- Merci, Al'.

Ce fut le tour de Chloé qui lui offrit un pendentif auquel était accroché une toute petite fiole en verre. Elle contenait une espèce de tresse de fils très fins. Marinette s'aperçut qu'ils étaient tous de couleurs différentes. Elle leva un regard perplexe en quête d'une explication.

- Ce sont nos cheveux à tous, expliqua-t-elle les joues roses. J'ai demandé à tout le monde de me donner un cheveu pour en faire une tresse. J'ai lu quelque part que c'est un talisman. Comme ça, un peu de nous sera toujours avec toi où que tu ailles.

Elle ordonna à ses canaux lacrymaux de rester fermés, ils protestèrent vivement. Elle la remercia d'une voix tremblante.

Enfin, ce fut le tour d'Adrien qui était resté en retrait pendant tout ce temps. Il avait beaucoup tergiversé avant de faire un doigt à la raison et à ses craintes. Le jeune homme ignorait quand il la reverrait. Il ne pouvait pas, ne pas le lui offrir.

Il lui tendit le dernier paquet. Déjà sérieusement bouleversée par les attentions précédentes, celle-ci l'acheva. Marinette renonça à sa dignité et se mit à pleurer sans réserve. Ils se rassemblèrent autour d'elle pour lui faire un câlin de groupe. C'est là qu'elle se rendit compte qu'elle avait été stupide de vouloir s'éloigner. Elle avait eu tellement besoin d'eux. C'était atroce, ce manque.

- Merci, les gars. Vous êtes géniaux. Vraiment. Vous allez me manquez aussi, leur dit-elle en serrant contre elle tous leurs présents.

- J'attends tes photos, lui rappela Alya, très émue.

- Envoie-nous des nouvelles de temps en temps, continua Nino, une main sur l'épaule de sa copine.

Lui-même tentait de sauver sa dignité, sans plus de succès qu'elle.

- Si tu as envie de parler, appelle quand tu veux, lui assura Chloé.

Adrien se frottait la nuque.

- Reviens-nous vite, dit-il finalement.

Elle lui sourit les yeux rougis et les narines coulantes. Elle renifla avant de lui sourire avec chaleur.

- Promis.

Elle se haussa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue. Sa grand-mère l'appela, elle refit un tour de câlins, prit son sac à dos et fila par la porte d'embarquement. En marchant dans le tunnel de transfert, elle portait le cadeau d'Adrien.

Un anneau d'argent avec une empreinte de chat et les taches d'une coccinelle.

FIN

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Woh. C'est terminé. Cette histoire que j'ai commencé en juillet est terminée. Je suis émue et très heureuse d'avoir mené cette aventure jusqu'au bout.

52 chapitres (et peut-être un épilogue) plus tard. Nous voici.

J'ai particulièrement aimé cette fanfiction. Les personnages, leurs personnalités revisitées, leurs tourments, la façon dont leur vie s'entretissent, les bonheurs comme les malheurs. J'ai l'impression d'avoir beaucoup mûri mon style depuis que j'ai repris l'écriture de manière, plus ou moins, intense (lol).

Je vous remercie de m'avoir lu jusqu'ici et de m'avoir accompagné dans cette aventure.

Je commence la rédaction du Tome 2 de Mensonges et Vérités (et non la publication, je précise).

A bientôt :)

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