Chapitre 47 - Arrête
Ses pires craintes venaient de se réaliser.
Tom Dupain avait été akumatisé. Faisant ainsi de Sabine Cheng, le Papillon.
Et ils venaient de kidnapper Chat Noir et de s'enfuir.
C'était un cauchemar.
Sautant, bondissant, lançant son yoyo dans l'espoir d'arrêter le boulanger. Il perdait le contrôle de ses nerfs chaque fois qu'il ratait en agissant avec précipitation ou que Tom Dupain esquivait avec une facilité désespérante.
Où allait-il ? C'était la question que Lordbug aurait dû légitimement se poser tandis que l'akumatisé filait à travers la ville dans une course poursuite digne d'un superhéros-araignée.
Malgré ses nombreux appels à la raison, il demeurait imperturbable dans sa fuite. Il ne faisait rien pour le distancer, ni pour l'attaquer. Le héros en rouge eut l'alarmante conviction qu'il usait de sa partenaire comme d'un appât pour l'attirer dans un piège. Mais que pouvait-il faire sinon le suivre ?
Était-ce la panique ? Était-ce le perpétuel stress dans lequel il baignait depuis son aveu à Marinette ? Toujours est-il que le protecteur de Paris accusait la fatigue. Sa gorge et ses narines le brûlaient. Il avait les poumons en feu. Il était couvert de sueurs froides malgré la course effrénée. Les articulations de ses jambes le faisaient souffrir. Il ne voulait même pas s'attarder sur l'état de ses bras lançant encore et encore son yoyo.
Son esprit ne le laissait pas tranquille non plus. Comment faire pour vaincre un être aussi proche de soi ? Comment les arrêter ? Comment les convaincre ? Pour la première fois depuis des mois, Adrien se sentait affreusement seul face à l'adversité. Marinette, à condition de la libérer, pourrait-elle affronter ses propres parents ? Pourrait-il seulement le faire lui-même ? Un peu égoïstement, il souhaitait que ce soit de total inconnus. Quelqu'un d'autre.
Mais la vie n'est jamais aussi arrangeante qu'on aimerait qu'elle soit.
Tom Dupain atterrit dans un skatepark abandonné en banlieue et déposa délicatement sa fille toujours prisonnière de sa gangue briochée. Lordbug constata avec une certaine fierté teintée d'amusement qu'elle n'avait jamais cessé de se débattre pour regagner sa liberté.
Sortant du couvert des arbres, une silhouette féminine avançait lentement vers eux en s'appuyant sur une canne. La magnifique journée ensoleillée démentait le caractère dramatique de ce qui allait se produire dans les minutes qui suivent. Par un signe invisible, le père délivra sa fille qui se releva en reculant pour rejoindre son partenaire.
La logique le lui avait dit. L'akumatisation de son père le lui avait confirmé. Mais elle était sous le choc, ses yeux lui disaient une vérité que son cœur ne pouvait supporter.
Une femme quarantenaire aux cheveux noirs et aux yeux gris, marchait d'un pas mesuré vers eux. Elle s'arrêta au niveau de l'akumatisé et les fixa d'un air indéchiffrable. Le Papillon portait un costume violet d'inspiration asiatique rehaussé de détails argentés.
- Nous devons parler, Da Xia, déclara leur ennemi.
Il entendit Chat Noir lâcher un petit cri et se mettre à trembler. Elle fit mine de reculer mais Lordbug lui prit la main pour la serrer et lui communiquer sa force. Il ne pouvait imaginer à quel point elle devait être dévastée.
- La seule chose qu'il va se passer... commença l'héroïne d'une voix mal assurée. C'est que tu vas délivrer mon père et me remettre ton miraculous. La police ne va tarder.
Sabine ferma les yeux sous son masque découpé en papillon. Lorsqu'elle les rouvrit, ses yeux exprimaient de la douleur mêlée de tristesse.
- Non, ma chérie, je regrette mais non.
- Depuis quand ?! cria Marinette sous le masque. Tu as la moindre idée de ce que j'ai enduré depuis tout ce temps ! Par TA faute !
Tom Dupain posa une de ses mains battoirs sur l'épaule de sa femme, un geste très familier et habituel qui jurait dans la présente situation.
- Je suis désolé, ma chérie, je ne savais pas que c'était toi Chat Noir. Si j'avais su... les choses auraient été bien différentes, lui expliqua son père aux allures de bibendum michelin.
- Quoi ?!
Lordbug comprenait de moins en moins.
Puis la lumière se fit dans son esprit. Les derniers akumatisés étaient très différents des précédents. Ça, plus le fait que Tom Dupain était parfaitement au courant de ce qui se tramait... Lui aussi était le Papillon.
Ou en tout cas, jusqu'à Meduzhair.
- C'était toi pour Chloé ?! s'écria Chat Noir, furieuse.
Son père prit un air contrit.
- On ne sait rien de l'akumatisé avant de l'avoir transformé. Je ne voulais pas te mettre en danger, ce n'était pas dans mes intentions.
- Ça suffit, Tom ! le coupa Sabine en le repoussant avec colère. Nous ne sommes pas là pour ça.
Son mari s'était reculé, en baissant la tête dans une posture exprimant la honte et le regret. Elle se tourna vers eux et inspira profondément.
- J'ai besoin de vos miraculous, donnez-les-moi ! déclara-t-elle en tendant la main.
Elle s'attendait visiblement à être obéie. Lordbug eut un pincement au cœur en voyant sa partenaire tressaillir sous l'injonction maternelle.
- Pourquoi ? murmura l'héroïne en noir, incapable de réagir autrement.
Sa mère la toisa avec autorité.
- Je n'ai pas le temps pour tes enfantillages, donne-moi ton miraculous !
Lordbug vit le moment où quelque chose craqua chez Chat Noir. Elle prit son anneau factice et le jeta à la figure de sa mère avec une rage sans commune mesure. Tom fut choqué d'une telle violence et intercepta l'artefact avant de le présenter à sa femme.
- Tiens ! Le voilà ! Amuse-toi donc avec !
Sabine récupéra l'anneau noir dans la main de son époux et le scruta avec curiosité.
- Comment peux-tu être encore transformée ? s'interrogea-t-elle avant que l'anneau se réduise en cendres. Mais qu'est-ce que... ?!
Chat Noir eut un rire de gorge un peu fou, à la limite de l'hystérie. Sa tête bascula en arrière tandis qu'elle laissait sa sinistre hilarité résonner dans le skatepark. Lordbug en eut des sueurs froides. Il ne sut qui lui faisait le plus peur : l'état fébrile dans lequelsa partenaire se trouvait ou bien ses parents qui étaient eux aussi médusés.
- Ben quoi ? Tu ne t'imaginais quand même pas que je t'obéirai gentiment quand même ! la provoqua-t-elle d'un ton hargneux.
- Où est ton miraculous ? demanda Sabine d'une voix tremblante.
- Détruit, lui répondit-elle avec une satisfaction féroce.
- Quoi ?! Comment ça, détruit ?
- Meduzhair, tu te souviens de l'explosion ? lui dit-elle en inspectant ses griffes.
- Chat Noir, ce n'est peut-être pas la meilleure idée de leur dire... tenta Lordbug qui ne savait décidément pas quoi faire dans cette situation totalement incongrue.
Elle lui lança un regard assassin.
- La vérité nous épargne bien des épreuves. Tu ne crois pas, Milord ?
La réplique cingla l'air comme un coup de fouet, le laissant ahuri.
- Mais, comment pouvez-vous être transformés ? demanda Tom Dupain, perdu.
- Nous abritons en nous l'énergie de nos kwamis, au lieu d'être lié par les bijoux, expliqua Marinette, tendue.
- Alors, il suffit que vous unissiez vos pouvoirs pour exaucer mon vœu ! s'exclama Sabine pleine d'espoir, après un temps de réflexion.
Lordbug sentit un changement dans l'aura de Chat Noir, l'air crépitait autour d'elle. Ses genoux étaient fléchis, ses poings dangereusement resserrés sur eux-même. Il commença sérieusement à paniquer quand il vit des morceaux de son costume s'arracher puis s'envoler, comme souffler par une puissance invisible. Des étincelles noires dansaient sur sa peau mise à nu.
- Jamais de la vie !
Chat Noir s'élança les griffes en avant, si elle avait été incapable de réagir face à son père... il en était tout autrement pour sa mère. Le choc de la trahison obscurcissait son jugement. Sans compter que quelque chose n'allait vraiment pas chez elle.
Sabine para ses griffes avec sa canne qui se désagrégea sous ses yeux ébahis. L'héroïne avait utilisé son cataclysme. Lordbug paniqua et lança son yoyo pour la tirer en arrière. Mais il s'arrêta en plein mouvement quand elle bondit en arrière pour mettre de la distance entre eux. Chaque fois qu'elle touchait le sol, elle laissait une trace de désagrégation familière.
- Reculez ! Ne la touchez pas, elle utilise le cataclysme à volonté !
Il ignorait comment mais c'était la seule explication possible. N'écoutant pas son propre conseil, il s'avança le plus possible. Le héros rangea son arme et leva les mains bien en évidence.
- Marinette... tu ne veux pas que cela se passe ainsi. Tu te mets en danger, arrête avant qu'il ne soit trop tard, la supplia-t-il. Cela n'en vaut pas la peine.
Acculée, elle le scruta des pieds à la tête comme si elle tentait de le reconnaître. En croisant son regard, il se rendit compte trop tard que ni Chat Noir ni Marinette n'étaient désormais aux commandes. Ses yeux étaient dénués de l'étincelle de vie qui les habitaient auparavant.
Le temps d'un battement de cils, elle disparut de son champ de vision.
L'instant suivant, elle se dressait devant lui bras armé, prêt à frapper.
Lordbug réalisa qu'il ne pourrait rien faire pour l'éviter. Une triste résignation s'empara de lui au moment où il accepta qu'il allait mourir. N'était-ce pas une douce mort qui l'attendait ? Apportée d'une main aimée.
Tout autour d'eux, l'air crépitait du pouvoir de la destruction. Il pouvait sentir sur sa langue un goût électrique, presque salé. Il n'y aurait pas de miraculous pour encaisser à sa place cette fois-ci.
S'il devait être tout à fait honnête, il ne s'était jamais vraiment remis de Meduzhair. Quelque chose en lui s'était brisé à ce moment-là. Et maintenant qu'il y pensait, Marinette non plus n'avait plus vraiment été elle-même depuis. Elle semblait plus instable émotionnellement, elle pensait une chose et en faisait une autre l'instant suivant sans pouvoir être en paix avec elle-même dans ses choix.
Peut-être était-ce dû à la perte de leur miraculous ou bien qu'ils étaient épuisés de tous ces combats.
Lordbug s'émerveillait de voir le temps s'allonger, lui donnant la possibilité de penser à tellement de choses.
Notamment aux noms des enfants qu'il aurait aimé avoir avec elle plus tard.
Basile, Louise et Judith.
Peut-être un hamster et un chat. Pourquoi pas un chien ? Une grande maison avec un jardin où ils auraient passé leurs après-midi tous ensemble. Son père et Nathalie pourraient leur rendre visite souvent en tant que grand-parents. Pour les soulager et leur permettre de se retrouver en amoureux. Devenue médecin urgentiste, Marinette aurait besoin de toute l'aide disponible pour souffler un peu.
Et lui, maintenant qu'il y pensait, il aurait bien aimé être enseignant. Il avait des facilités en physique-chimie et aider les autres l'enthousiasmait beaucoup. On avait souvent vanté ses talents de pédagogue lors de devoirs en groupe. C'était peut-être ça, sa voie.
Dommage qu'il soit trop tard pour ça.
Trop tard pour tout.
Sous le masque de Lordbug, Adrien offrit un sourire plein de sérénité à la fille qu'il aimait. Indifférente, elle détendit soudainement son bras.
Il ne sentit jamais le coup.
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Ne me détestez pas '-'
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