Chapitre 45 - C'est beaucoup trop

Marinette broyait du noir. Depuis qu'ils étaient ensemble, Adrien semblait distant et secret. Après l'échec cuisant de sa relation avec Chloé, elle aspirait à mieux. À de la franchise et de l'honnêteté, pas ce silence embarrassant plein de non-dits. Elle l'aimait mais elle ne voulait pas revivre la même chose.

Lorsqu'elle rentra chez elle, elle eut la surprise de découvrir la dernière personne qu'elle s'attendait à voir dans la boulangerie.

- Grand-mère ?!

- Marinetta ! Comment vas-tu, mon petit ? s'exclama cette dernière en la prenant dans ses bras.

Gina Dupain était une grande dame aux cheveux argentés arborant une coupe garçonne. Marinette avait hérité beaucoup de sa grand-mère quand on les comparait : la forme du visage, les yeux bleus, la forme du nez et ce caractère fonceur. Portant toujours fièrement son perfecto noir et ses santiags, la sexagénaire incarnait l'esprit "rock" à elle toute seule. Jagged Stone mis à part, bien sûr. C'était d'ailleurs elle qui l'avait emmené à son premier concert au Royaume-Uni pour ses quatorze ans.

D'aussi loin que sa petite-fille s'en souvienne, elle avait attrapé la bougeotte aigüe dès son plus jeune âge. Par conséquent, elle était rarement au même endroit plus de quelques jours et qu'elle revienne en France deux fois en l'espace de quelques mois était un événement en soi.

Marinette oublia un instant ses tracas et se réfugia dans l'étreinte maternelle de la mère de son père.

- Ça va, grand-mère. Et toi ? Qu'est-ce qui t'amène à Paris ?

Elles s'écartèrent pour mieux s'observer. Marinette remarqua le regard en coin qu'ils échangèrent avec son père.

- L'envie de revoir ma famille, bien sûr ! Par ailleurs, mon prochain voyage sera la Scandinavie ! Alors j'en profite pour faire étape à Paris, expliqua Gina avec enthousiasme.

Sa petite-fille fit une grimace dubitative.  Il fallait croire qu'elle s'était fait pousser un détecteur à mensonge ces derniers temps. Et cela commençait à lui peser de constater que tout le monde, absolument tout le monde, mentait. Tout le temps.

Elle retint un soupir d'exaspération.

- J'ai encore des devoirs à faire pour la rentrée. On se voit au dîner ? proposa-t-elle pour les quitter avec diplomatie.

- Bien sûr, Da Xia. À plus tard, lui répondit son père avec un petit sourire triste.

En entrant dans l'appartement, elle trouva sa mère en train de lire du courrier dans la cuisine.

- Salut, maman.

Sabine sursauta et rangea rapidement les papiers qu'elle lisait. Marinette sentit sa tolérance être rudement entamée quand sa mère se retourna pour l'accueillir avec un sourire forcé.

- Bonsoir, Da Xia ! As-tu passé une bonne journée ? Tu as croisé ta grand-mère ? Elle restera avec nous pendant quelques jours.

La "grande héroïne" ne sut ce qui l'interpela le plus : le ton sincèrement enjoué de sa mère ou ses traits tirés par la fatigue. Ses cheveux semblaient bien ternes et les fossettes de ses joues si rondes etaient plus creusées. Depuis combien de temps n'avait-elle pris le temps de vraiment la regarder ?

Depuis Chloé, en fait. Trop occupées à se faire la tête, soit plusieurs mois à vrai dire. Elle avait dû lui causer beaucoup de soucis et de contrariété. C'était peut-être débile mais elle s'en sentit coupable. Malgré leurs différends, elle restait sa mère et elle l'aimait.

- Maman ? Je rêve ou tu as les yeux jaunes ?

Sabine détourna aussitôt le regard et se réfugia dans la cusine.

- Je vais préparer le dîner !

D'ac-cord.

Marinette resta con un moment avant de dire quelque chose.

- Je vais faire mes devoirs en attendant, alors. À plus tard.

Son entourage était vraiment bizarre en ce moment. L'annonce de sa mise en couple avec Adrien attendra. Enfin... si ça dure. Marinette se gifla mentalement d'être aussi défaitiste. Il était peut-être préoccupé par quelque chose qui ne la concernait pas et il lui en parlerait dès qu'il s'en sentirait capable. Enfin, elle l'espérait.

Le repas fut pour le moins intéressant. Gina racontait joyeusement son voyage au Guatemala pendant que Sabine tentait de faire bonne figure et que Tom lui lançait des regards inquiets toutes les dix secondes. Marinette se demanda si elle avait été aveugle à ce point aux derniers repas ou si c'était nouveau. Sa grand-mère racontait comment elle avait changé une roue de camion avec un pied de biche et du guacamole quand la jeune fille atteignit les limites de sa patience.

- Bon, vous allez me dire ce qui se passe, oui ou merde ? s'exclama-t-elle, énervée de leur cirque.

Les trois adultes furent surpris de cet accès de colère.

- Marinetta, surveille ton langage !

- Alors ? insista-t-elle en ignorant parfaitement la remarque.

Tom sembla sur le point de fondre en larmes tandis que Sabine tentait de rester stoïque malgré ses lèvres tremblantes. Marinette sembla prendre une douche froide quand son cerveau analysa tous les signes annonciateurs d'une mauvaise nouvelle.

- Je vous avais dit qu'elle n'était pas stupide, grogna Gina en se grattant la tempe du pouce.

- C'est bon, Gina. On comptait lui dire, maintenant que les résultats sont officiels, déclara sa mère d'une voix lasse.

Marinette se rappela les papiers que sa mère lisait plus tôt.

Tom prit la main de sa femme en signe de soutien. Leur fille sentit son sang se glacer dans ses veines.

- Depuis deux ou trois ans, j'avais mal dans le dos. Mais un peu de kiné et de repos me remettaient sur pied. Et tu sais que je suis souvent sujette aux nausées et que mon appétit va et vient. Cela n'avait rien d'alarmant jusqu'à ce que je perde plusieurs kilos en l'espace de quelques semaines. Et puis... mes yeux sont devenus jaunes.

Marinette commençait elle aussi à avoir la nausée. Sa mère, bien que ne faisant plus l'effort de le cacher, n'arrivait pas à soutenir son regard. L'aspect jaune mimosa du blanc d'œil la mettait très mal à l'aise.

- C'est là qu'on a consulté le médecin, continua son père d'une voix tremblante. Il a prescrit des analyses et elles n'étaient pas encourageantes. Bref, je t'épargne tous les détails mais on sait ce qu'a ta mère.

Sabine fixa le regard de sa fille et inspira profondément.

- J'ai un cancer du pancréas. Et au stade où il en est, je n'en guérirai pas.


Les yeux de Maître Fu s'écarquillèrent d'abord de surprise puis d'effroi. Wayzz était dans le même état. Pendant un temps, ils ne dirent rien. Adrien était à la fois soulagé d'avoir enfin partagé son secret et sonné par le fait de l'avoir dit à voix haute à quelqu'un d'autre. Cela était devenu si réel et cauchemardesque.

- Es-tu sûr de ce témoignage ? demanda-t-il après avoir dégluti avec difficulté.

- Aussi sûr qu'on peut l'être d'un akumatisé dont je venais de rompre le lien de soumission.

Le gardien se leva et marcha en rond, l'air affligé.

- Est-il possible que ce soit un lieu donné en toute honnêteté mais qui ne soit pas en rapport pour éviter de remonter jusqu'à lui ?

- Je ne sais pas. Peut-être. Mais étant donné que les akumatisés perdent leurs souvenirs et qu'il ne pouvait pas anticiper mon nouveau pouvoir, j'ai de sérieux doutes là-dessus. Pour autant que je sache, il a perdu sa connection au moment où mon pouvoir a agi. Il ne peut y avoir de doute possible. J'aimerai pourtant, dit-il avec un air las.

Maître Fu se rassit, lui aussi très las.

- Quand comptes-tu l'annoncer à Chat Noir ?

La voilà la question qui le hantait depuis qu'il savait bien qu'il l'ait ignorée du mieux possible.

- Demain, après l'interview avec Alya. J'aimerai autant la ménager.

Wayzz se posa sur l'épaule de son porteur et frotta sa tête contre sa joue en signe de soutien. Le gardien lui sourit et lui rendit son étreinte. Adrien ressentit douloureusement l'absence de son kwami. Elle avait toujours été de bon conseil et d'un soutien indéfectible.

" Je serai toujours là pour toi, Adrien. "

Ce dernier faillit s'étrangler sous le coup de la surprise.

- Tikki ?! s'exclama-t-il au bord des larmes.

- Qu'y a-t-il, Lordbug ? lui demanda Wayzz.

- Je... pendant un bref, j'ai entendu la voix de Tikki. Dans ma tête.

Il se sentit ridicule de le dire à voix haute mais ses interlocuteurs semblaient y trouver un grand intérêt.

- Et cela t'arrive souvent ?

- Non, maître. Juste à l'instant. Chat Noir y a été sujette il y a quelques temps mais cela ne s'est pas répété.

Wayzz et Fu se mirent à discuter entre eux pendant qu'Adrien se remettait lentement de ses émotions.

- Et maintenant ? lança-t-il avec angoisse en relevant la tête. Qu'est-ce qu'on va faire ?

Le vieil homme croisa les mains sur la table et prit le temps de réfléchir.

- Il faut être certain que le Papillon soit bien l'un des parents de Marinette. Même si Paperman t'a donné cette information en toute honnêteté... on ne peut exclure totalement que l'un des habitants de son immeuble soit votre adversaire.

- Alors, j'ai besoin d'interroger un autre akumatisé ?

Maître Fu haussa les épaules.

- Ça ou je vais y faire un tour pour essayer de ressentir la présence de Nooroo, suggéra-t-il.

- Vous n'y pensez pas, maître ! C'est beaucoup trop dangereux !

- Pas plus que ce que tu affrontes lors d'un combat, lui répondit-il avec douceur mais fermeté. Ne t'inquiète pas, j'y irai vers midi. Il y a toujours du monde à cette heure-là.

Ne trouvant plus d'argument, le jeune homme s'inclina. Il se releva et s'apprêta à prendre congé.

- Fais attention à toi, Lordbug, lui enjoignit le gardien. La prochaine bataille sera sans doute la dernière.

Ce dernier acquiesça puis s'en alla. Par réflexe, il vérifia ses messages et se mit à paniquer en constatant que Marinette l'avait appelé vingt-sept fois. Il ne prit pas la peine de lire les sms et se transforma.

Elle avait besoin de lui.


Il la trouva sur sa terrasse, enveloppée dans une couverture. Elle était prise de balancements avant son arrivée. Écho d'une scène passée, elle se jeta dans ses bras et s'y effondra en larmes.

Mais pas de soulagement.

Un bras autour de sa taille et sa main libre caressant ses cheveux noirs, il tentait de lui communiquer son soutien. Il ne l'avait jamais vu aussi bouleversée depuis cette nuit-là. Et cela semblait pire cette fois-ci.

Lorsqu'elle se calma, elle lui raconta. Sous le masque, Adrien sentit ses entrailles se glacer. Voilà qui était une bonne motivation pour vouloir obtenir un vœu. Mais cela ne le renseignait pas plus sur qui était le porteur du miraculous du Papillon.

- C'est trop, c'est beaucoup trop à endurer pour une seule personne, souffla Marinette, épuisée par le chagrin.

- J'aimerai pouvoir faire quelque chose, chuchota Adrien en embrassant ses cheveux.

Elle s'écarta de lui et le fixa avec une intensité telle qu'il prit peur.

- Dis-moi ce que tu me caches.

Cette demande le glaça d'horreur. C'est la gorge serrée qu'il trouva la force de lui répondre.

- Non, je ne peux pas faire ça, déclara-t-il au bout d'un moment.

- Adrien, mes parents m'ont mentie pendant des MOIS ! DES MOIS ! J'ai besoin de savoir que, au moins toi, tu ne me caches rien. J'ai besoin de ta confiance ! Je la mérite ! cria-t-elle presque, les larmes se remettant à couler.

Il recula presque sous la violence de ses réclamations. Serrant les poings et les dents, il fixa le sol avant de la prendre dans ses bras.

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu t'imagines que tu vas y échapper en échange d'un câlin ?

- Non, soupira-t-il la voix grave. Je grave dans ma mémoire cet instant avant que tu ne me haïsses.

Ils s'écartèrent lentement. Marinette le fixait avec des yeux ronds, s'imaginant déjà le pire.

Lorsqu'il lui parla, elle dut se rendre à l'évidence que son imagination était limitée.

Elle ne put retenir plus longtemps le cri d'agonie qui s'était coincé dans sa gorge.

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Bon, je commence à culpabiliser d'avoir infligé une vie pareille à ma Marinette AU '-'

Alors, vos théories évoluent ou pas ? ^^

La fin approche >D

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