Chapitre 40 - Proposition

Marinette ouvrit les yeux et mit du temps à se situer. La chaleur et le poids de sa couette l'entourant lui confirma qu'elle était dans son lit, dans sa chambre et qu'elle était en sécurité.

Ou c'est ce qu'elle voulait croire.

Son cœur battait si fort qu'il lui donnait la nausée. Elle avait beaucoup sué, son pyjama lui collant à la peau en était la preuve. Et pourtant, elle tremblait sans pouvoir s'arrêter.

Elle se tourna vers des techniques de respiration pour se calmer. Sans succès. C'était comme si une terreur pénétrante s'était logée en elle sans espoir de s'en libérer. La jeune fille eut des difficultés à déglutir. Elle respirait par à coup. Une main plaquée sur sa bouche, elle refusait de laisser échapper les plaintes d'angoisse qui montaient dans sa gorge. Des larmes silencieuses coulèrent tandis qu'elle tentait de se remémorer son cauchemar.

C'était assez flou mais il y avait une sensation de danger omniprésent. De l'amertume, de la colère, de la jubilation malsaine... puis une voix ou des voix criant quelque chose.

Son portable vibra. Elle regarda l'heure. Deux heures du matin. Elle décrocha aussitôt en voyant apparaître le contact "Jin yu".

- J'avais peur que tu ne répondes pas. Il y a une attaque à l'Hôtel de Ville, lui dit-il avec les intonations de Lordbug.

- Je suis déjà en route.

Elle se transforma en un battement de cils et ouvrit la trappe de sa terrasse. Il pleuvait. Courant à une vitesse inhumaine, Chat Noir repoussa fermement le souvenir de son cauchemar. On avait besoin de la force de l'héroïne, pas de la terreur de la civile.


C'était le moment ou jamais, se dit le héros en raccrochant. Adrien allait se transformer quand il se souvint qu'ils auraient besoin de reprendre des forces. Il alla chercher le sac qu'il avait préparé en vue de ce genre de situations. Une fois satisfait, Lordbug s'élança dans la nuit.

Il put constater que "l'accident" l'avait réellement changé. Le héros n'était même pas fatigué lorsqu'il arriva à l'hôtel de ville. Bien au contraire, l'effort l'avait comme rempli d'énergie. Il eut du mal à tenir en place en attendant son binôme.

Le dispositif habituel n'avait pas encore été déployé, certainement dû à l'heure tardive. Chat Noir arriva peu après, semblant tout aussi impatiente d'en découdre.

- Aaaah ! Paris by night, Milord ! C'est si romantique ! soupira-t-elle d'un ton rêveur en joignant les mains contre sa joue.

Il sourit en coin.

- Le rendez-vous amoureux sera pour une autre fois, hélas, se désola-t-il théâtralement.

Chat Noir prit une expression peinée, les oreilles rabattues. Il la détailla des pieds à la tête, elle avait de l'allure dans son nouveau costume. Sa partenaire se rapprochait plus de la panthère que du chat désormais. Ne prêtant pas attention à son examen, elle s'accroupit et sortit son bâton pour écouter le message d'alerte diffusé en ligne. Elle semblait indifférente à la pluie qui l'arrosait et goutait sur les arêtes de son masque.

- Pas de signe de l'akumatisé ? lui demanda-t-elle, anticipant déjà le combat à venir.

- Non. Pas encore.

- Comment ça se fait que tu aies eu l'alerte avant tout le monde ? lui demanda-t-elle en le fixant de ses yeux félins.

Il hésita.

- J'en ai eu... l'intuition ?

Chat Noir eut une expression curieuse et non dédaigneuse, comme il l'avait tout d'abord craint. Puis elle reporta son attention sur le bâtiment historique. Le défilé de véhicules avait commencé plus bas.

- Il est temps de faire savoir au monde qu'on est toujours là, déclara-t-elle en effectuant un immense bond.

Lordbug l'imita. Ils atterrirent devant l'officier Roger qui avaient de profondes cernes. Il sursauta quand les héros de Paris entrèrent dans son champ de vision. À cause de la fatigue et de leur apparence légèrement différente, il hésita tout d'abord avant de les saluer.

- Lordbug, Chat Noir. Heureux de constater que vous êtes vivants, dit-il en les saluant de la tête.

- Nous aussi, Officier Roger, lui répondit le héros avec un sourire qui se voulait rassurant.

- Mais elle a un sixième sens ou quoi ?! s'exclama l'héroïne qui avait repéré quelqu'un à travers le rideau de pluie.

Et, en effet, Alya Césaire, auteure du Lordblog, venait de débarquer à vélo en plein milieu de la nuit et brandissait déjà son portable dans une coque étanche. Elle avait abandonné son vélib par terre, ses roues tournant encore sur leur axe.

- Lordbug ! Chat Noir ! Est-ce que je pourrais vous demander une interview pendant les vacances ? leur demanda-t-elle sans transition.

Les deux héros écarquillèrent les yeux sous leur masque. Ils se consultèrent du regard. Lordbug haussa des épaules et Chat Noir eut une moue boudeuse.

- On en reparle après qu'on ait fini ? proposa diplomatiquement le héros.

- Super ! Merci !

Ils s'éloignèrent avec l'officier Roger.

- On a eu un appel du gardien de nuit qu'un employé rester pour travailler avait été akumatisé, expliqua-t-il en consultant son calepin.

- Un samedi soir ? A deux heures du matin ? s'étonna Chat Noir en penchant la tête sur le côté.

- Le... maire a parfois des exigences qui ignorent les horaires normaux, fit l'agent de police en se grattant la tête.

Elle se passa une main griffue sur le visage. La dernière chose qu'elle voulait, c'était une interaction avec un membre de la famille Bourgeois.

- D'accord, fit Lordbug. Est-ce qu'il a eu le temps de vous dire quel était son pouvoir ?

- Quelque chose en rapport avec le papier, je crois... lui répondit-il en feuilletant ses notes.

- Merci. Chat Noir, on y va !


Chat Noir se concentrait pour analyser toutes les informations que ses sens lui transmettaient. L'humidité de l'air, le renfermé venant des sous-sols, le goût de la poussière sur sa langue, l'odeur du papier chauffé par les imprimantes, la ventilation mécanique, le bruit de leurs pas sur le marbre du bâtiment historique, les gouttes d'eau qu'ils laissaient dans leur sillage, leur souffle, les battements de leur cœur.

Elle était hyperconsciente de son environnement. Rien ne pouvait la surprendre.

C'est pourquoi elle n'eut qu'à tendre les bras pour intercepter de lourds volumes d'archives qui les auraient bien sonné. Il n'y avait personne dans le grand hall d'entrée. En tout cas, personne pour les lancer avec ses bras. L'héroïne en noir les laissa retomber lourdement.

Lordbug tourna soudainement la tête dans une direction en hauteur sur sa gauche. Il bondit pour atteindre la galerie du deuxième étage. Sa partenaire le suivit sans la moindre hésitation, toujours aux aguets. Elle retroussa son nez quand il s'arrêta devant une porte de bureau. L'air qui s'en échappait avait quelque chose d'acide. Était-ce ça, la colère ? Acide avec une fragrance plus forte et puissante, peut-être l'adrénaline.

C'était grisant. Elle découvrait toute l'étendue de ses capacités en même temps qu'elle s'y habituait l'instant d'après. Ses oreilles s'orientèrent dans une direction plus loin. Lordbug et elle marchèrent en silence vers l'origine du bruit et de l'intuition du héros. Chat Noir s'était vite rendue compte qu'il ne se fiait pas à ses sens comme elle mais à quelque chose d'autre. Un sixième sens ?

- D'habitude, ils sont déjà sur nous pour exiger nos miraculous, murmura-t-il à voix basse au bout d'un moment.

- J'allais le dire.

C'était beaucoup trop calme. On aurait dit qu'il n'y avait vraiment personne et qu'ils faisaient une ronde de nuit assez tranquille.

Sauf que Lordbug avait toujours cette étrange sensation qui l'avait reveillé en pleine nuit. C'était la certitude qu'une nouvelle victime du Papillon venait d'être akumatisée. C'était une sorte de boussole interne qui lui disait dans quelle direction il se trouvait, c'était une image fugace des environs. Et cette étrange sensation n'avait fait qu'amplifier en se rapprochant du bâtiment.

Alors où était-il ?

Le Papillon n'était pas connu pour sa patience. Il avait les moyens de forcer ses esclaves à agir contre leur gré. Et soudainement, il frappait en pleine nuit et agissait avec discrétion. Voilà qui sortait de ses habitudes et qui n'était pas pour rassurer les deux héros.

Jamais ils ne s'étaient sentis aussi tendus et sereins dans le même temps. La destruction des miraculous avaient engagé des changements dont ils n'arrivaient même pas à évaluer toute l'étendue. Une petite voix leur disait que cela ne serait pas sans conséquences. Mais l'heure était à l'affrontement, le bilan des dommages collatéraux viendrait plus tard.

Ils le trouvèrent dans le bureau du maire. Les portes étaient défoncées, presque arrachées de leurs gonds. Il était confortablement assis dans la chaise derrière l'imposant bureau style Louis XV.

Il était entièrement fait de feuilles de papier. Le foisonnement de détails était d'ailleurs impressionnant. Un maître en origami n'aurait pas fait mieux. Des iris noirs les fixant aux narines s'ouvrant et se rétrécissant au ryhme de sa respiration, son costume trois pièces et même la rose à la boutonnière.

Les mains jointes, il semblait les attendre.

- Je vous attendais. Je vous en prie, asseyez-vous, les invita-t-il avec courtoisie en désignant les fauteuils rembourrés lui faisant face.

Les deux héros, bien que surpris, n'en montrèrent rien. D'un même mouvement, ils contournèrent chacun un siège et y prirent place. Chat Noir pouvait entendre le papier crisser chaque fois qu'il clignait des yeux.

- À qui avons-nous le plaisir de parler ? demanda Lordbug d'un ton poli.

- Peu importe qui je suis. Ce soir, le Papillon s'exprime à travers ma modeste personne.

Une aura entre le violet et le rose entoura ses yeux. Sa voix se superposa à celle qu'ils avaient entendu pour la première fois, il y a des mois de cela.

- Bonsoir Lordbug et Chat Noir. Que c'est aimable d'avoir répondu à mon invitation.

L'accent ironique n'était même pas dissimulé.

- Et si on allait droit au but ? suggéra Chat Noir avec un claquement de langue agacé.

L'akumatisé ricana avant de la fixer de ses deux yeux noirs.

- Ah Chat Noir, toujours prompte à foncer tête baissée ! Mais soit.

Il se redressa et posa ses mains sur les accoudoirs.

- Cela fait des mois que nous nous affrontons, en vain. Je désire vos miraculous et vous le mien.

Lordbug n'aimait pas la direction que prenait cette conversation.

- Voici ma proposition, je vous donne mon miraculous en échange des vôtres.

Chat Noir écarquilla les yeux de surprise. Son partenaire se tourna vers elle pour la consulter du regard, il était au moins aussi abasourdi.

- Sans même parler de confiance, cela me paraît déséquilibré comme échange, fit remarquer le héros en rouge.

Le Papillon au travers de l'akumatisé hocha de la tête.

- En effet. Cela ferait-il pencher la balance, si je me rends à la police après l'échange ?

Les héros crurent entendre leur mâchoire se décrocher et tomber par terre.

- Pourquoi ? Quel intérêt pourriez-vous y trouver ?! s'exclama Chat noir.

Leur interlocuteur eut un triste sourire.

- Cela me regarde. Alors ? On fait affaire ? les relança-t-il sur un ton enjoué.

- Permettez que je discute avec ma partenaire ?

L'akumatisé ouvrit les mains dans un sine d'assentiment. Ils se levèrent aussitôt d'un même mouvement et sortirent dans le couloir.


- C'était quoi ce bordel ? lâcha Chat Noir avec un air ahuri.

- Je ne sais pas mais c'est bizarre. Quelque chose a dû se produire pour le forcer à venir négocier comme ça.

- Et quoi ?

- Je ne sais pas, dit Lordbug en haussant les épaules. Mais il a l'air pressé, voire désespéré pour proposer de se rendre à la police.

- Surtout après avoir "hypothétiquement" récupéré nos miraculous, souligna-t-elle, pensive.

- Ce que nous ne pouvons pas faire de toute façon. Que ce soit par choix ou par possibilité.

Il porta une main à son lobe où de fausses boucles d'oreilles donnaient le change. Chat Noir eut la même attention pour sa fausse bague.

- Qu'est-ce qu'on fait, du coup ? lui demanda-t-elle en relevant la tête.

- La même chose que d'habitude. On l'arrête.

- Quel dommage.

L'akumatisé, plat une feuille de papier, passa à comme travers les interstices de la porte avant de reprendre sa troisième dimension. Et ce, sous les yeux ébahis des protecteurs de Paris.

- Vous êtes certains de refuser ma proposition ? insista-t-il.

Les deux héros ne desserrèrent pas les dents. L'akumatisé soupira.

- Quelle perte de temps ! Je vais devoir vous les prendre moi-même !

La colère déforma son visage lorsque l'aura autour de ses yeux se dissipa.

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J'espère que la rentrée se passe bien pour vous =)

En ce qui me concerne, j'accuse un peu le coup de la reprise. D'où le ralentissement de ces derniers jours. Par ailleurs, l'écriture va me demander plus d'investissement à partir de maintenant.

J'entends déjà les rouages de vos cerveaux torturés par des théories après la lecture ^-^

A tout bientôt /o/

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