Chapitre 38 - Réponse

Marinette n'en croyait pas ses oreilles. Comment Chloé avait-elle fait pour renverser la situation ?

- Tu ne manques vraiment pas de culot, lui dit-elle, ébahie. Parce que tu as peur que je te quitte, tu pars la première pour te donner l'illusion du contrôle ? C'est n'importe quoi...

- Plutôt que de faire ma psychanalyse, réponds à ma question ! lui répliqua-t-elle avec acidité.

Marinette avait eu beaucoup de doutes jusqu'à maintenant. Mais il y avait bien une chose sur laquelle elle ne pouvait en avoir. Le secret de leur vie héroïque était plus important que tout le reste.

La jeune femme eut un sourire amer. Ça y est, elle l'avait trouvé sa porte de sortie. Et servie sur un plateau en argent qui plus est. Il n'y avait plus besoin d'hésiter. N'est-ce pas ?

- Alors ? s'impatienta Chloé, tendue comme la corde d'un arc.

- Je ne peux pas te le dire, répéta lentement Marinette d'une voix sourde.

Un silence édifiant s'installa.

- Bien. Je vois que tu as fait ton choix. Je vous souhaite tout le bonheur du monde ! lança-t-elle les larmes aux yeux.

Marinette se détourna en se couvrant le visage, à la fois trop honteuse de la tournure des événements et pour résister à l'envie de la retenir. Le claquement de la porte résonna jusque dans ses os et la laissa sonnée.

Elle resta un long moment au milieu du séjour à ne pas réaliser ce qu'il venait de se passer. Marinette n'entendit pas la porte de la chambre d'ami s'ouvrir. Guidée par ses automatismes, elle monta dans sa propre chambre sans entendre son père l'appeler.

Tom et Adrien avaient, malgré eux, assisté à toute la scène, leur voix forte portant très clairement dans leur refuge. Le jeune homme évita le regard de M. Dupain quand Marinette cria l'aveu de ses sentiments pour lui. Son père se redressa un peu sur le lit mais ne dit tout d'abord rien avant de se mettre à rire. Étonné, le jeune Agreste releva la tête.

- Ma fille a beaucoup de succès, on dirait, constata-t-il, amusé.

Embarrassé, Adrien tenta de lui sourire mais n'obtint qu'une grimace.

- Je suis content, dit-il en le regardant. Pendant un temps, ma femme et moi avons eu peur qu'elle se renferme sur elle.

Il tendit la main vers une photo de famille où ils étaient encore quatre. Le boulanger la regardait avec un air douloureux.

- Nous étions tous heureux avant. Sabine n'était pas aussi dure et intransigeante. Et Marinette dessinait des robes de princesse dans lesquelles elles pouvaient battre les méchants, rigola-t-il, pris de nostalgie. Elle n'y arrive plus, tu sais ? À dessiner, à créer. Elle s'est jetée à corps perdu dans le sport, passion qu'elle partageait avec son frère.

Il soupira et reposa le cadre-photo. Adrien se sentait à la fois honoré et mal à l'aise de recevoir une telle confession.

- Pourquoi me dîtes-vous tout ça, M. Dupain ?

- Appelle-moi Tom, mon garçon, lui demanda-t-il gentiment.

- D'accord. Tom. Pourquoi me dîtes-vous tout ça ? répéta-t-il.

Il le fixa de ses yeux verts sapin. Il frotta ses immenses mains l'une contre l'autre, semblant chercher ses mots. La porte d'entrée claqua violemment et les fit sursauter. Tom se leva aussitôt pour retourner dans le séjour. Sa fille leur tournait le dos.

- Ma chérie ?

Elle ne lui répondit pas et monta l'escalier menant à sa chambre à pas lents.

Adrien ne savait pas quoi faire. Il se sentait coupable d'avoir mis de l'huile sur le feu entre Chloé et Marinette. Bien malgré lui, mais tout de même. Son premier réflexe aurait été de la rejoindre et la réconforter. Mais étant donné les circonstances, est-ce que ça ne serait pas carrément déplacé ?

- Suis-moi, lui intima Tom Dupain en mettant la main sur la rampe.

Il toqua à la trappe et attendit une réponse. N'en recevant aucune, il la souleva doucement et trouva Marinette en train de faire des aller-et-retours entre ses murs et un carton.

- Da Xia ? l'appela son père une nouvelle fois.

Sa fille s'arrêta un instant et leva ses yeux bleus vers lui. Puis elle lâcha quelque chose dans son carton et reprit son activité. Tom s'approcha et s'aperçut qu'elle décrochait des photos. Toutes celles où Chloé se trouvait. Une effroyable vague de culpabilité l'envahit quand il en comprit la raison.

- Oh non. Je suis vraiment désolé, Marinette. Je ne pensais pas que ça irait aussi loin. Je t'assure !

Adrien était resté en retrait, n'osant pas s'approcher. N'osant pas se mettre en avant, ni manifester sa présence.

- Ce n'est pas ta faute, papa, soupira-t-elle en regardant la série de photos la plus récente.

Un jour, elles étaient passées devant un photomaton et avaient trouvé amusant de faire des tas de photos avec des grimaces.

- Non. C'est la mienne, dit-elle en la mettant avec les autres.

Elle se tourna vers lui en tendant les bras. Son père ouvrit les siens et l'étreignit de toutes ses forces. En se séparant, il l'embrassa sur la tête.

- Je dois retourner en bas. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas. D'accord ?

- Promis, lui assura-t-elle en croisant les bras.

Il redescendit en passant devant un Adrien toujours indécis sur la conduite à suivre. Finalement, il prit son courage à deux mains et monta. Il referma délicatement la trappe avant de s'avancer vers elle.

Ok, maintenant qu'il était là... qu'est-ce qu'il convenait de faire ? Marinette n'avait pas réagi à son entrée, ni à sa présence. Il pouvait en déduire qu'au moins, il ne la dérangeait pas. Ou alors, elle l'ignorait... Son regard s'attarda sur les manettes posées sur son bureau. Le jeune homme les prit et en tendit une à l'élue de son cœur.

- On m'avait promis une partie, rappela-t-il d'une voix qu'il aurait voulu plus insouciante.

Marinette fixa la manette comme si c'était un ovni puis releva la tête pour croiser son regard. Son expression s'adoucit et un petit sourire anima furtivement le pli inexpressif qu'étaient devenues ses lèvres roses.

- Oui, pardon. J'ai été... distraite.

- Aucun problème, kitty.

Ils s'assirent à leur place habituelle avant de lancer le jeu. Ils jouèrent plusieurs parties, ponctuées par les apparitions de sa mère qui leur proposa à manger avant de revenir déposer un plateau de viennoiseries et du thé. Quand ils eurent faim, ils firent une pause.

- Merci, lui dit-elle soudainement.

- De quoi ? s'étonna-t-il en mordant dans une brioche.

- De ne pas avoir demandé d'en parler, de m'avoir distraite, de faire comme d'habitude. D'être là, en somme, expliqua-t-elle d'une petite voix.

- Ne me remercie pas, c'est totalement égoïste. Je le fais uniquement parce que ça me rend heureux de te voir heureuse, dit-il avec un ton pompeux.

Amusée, Marinette se mit à rire avant de partir dans une crise d'hilarité incontrôlée. Adrien la rejoignit avant de constater qu'elle s'était mise à pleurer. Sans même y réfléchir, il la prit dans ses bras. Sa tête reposait dans le creux familier de son épaule.

- On se retrouve souvent dans cette situation ces derniers temps, non ? suggéra-t-elle quand elle fut calmée.

- Quoi ? Toi en train de morver sur mon épaule ?

- Ouais.

Il haussa négligemment les épaules.

- On le fera autant de fois que nécessaire, lui assura-t-il en caressant ses cheveux.

Elle se redressa et s'essuya les yeux avant de se moucher.

- C'est fini entre elle et moi. Pour de bon, crut-elle bon de préciser.

Adrien le savait parfaitement mais l'entendre était une toute autre chose. Cela rendait la situation plus réelle. Et même si sa part irrationnelle se réjouissait d'avoir la voie libre, lui, ne pouvait que compatir à la douleur de Marinette.

- Je suis désolé. Vraiment.

- Je sais. Merci.

Que dire de plus ? Chloé avait tout de même été son premier amour, sa première fois et sa première (et deuxième) rupture. Ça faisait beaucoup à digérer.

- J'ai entendu la voix de Plagg.

Ou comment changer brutalement de sujet. Il ne réalisa pas totalement ce qu'elle venait de dire avant d'avoir répété la phrase plusieurs fois.

- Vraiment ? Quand ça ?

- ... pendant qu'on se disputait tout à l'heure.

Elle tapota sa tempe de l'index, signifiant qu'elle était la seule à l'avoir entendu.

- Est-ce que ça t'est déjà arrivé ? lui demanda-t-elle, curieuse. Avec Tikki ?

Adrien s'adossa dans sa chaise pour se remettre de ses emotions.

- Non. Tu voudrais en parler à Maître Fu ?

L'héroïne sembla peser le pour et le contre.

- Non. Pas tout de suite, en tout cas. Je n'ai pas vraiment plus d'éléments à apporter que ce qu'on lui a déjà dit.

Elle jeta un coup d'œil à son portable. Adrien s'inquiéta alors de l'heure et se rendit compte qu'il commençait à se faire tard. Il se leva et commença à enfiler son manteau.

- Tu ne veux pas rester manger ? lui proposa-t-elle avec espoir.

Décontenancé par ses attentes, il ne sut que répondre. Il s'attendait à ce qu'elle veuille rester seule dans son coin.

- Eh bien, je... hésita-t-il, en proie à un dilemme.

- Mais si tu ne veux pas, c'est pas grave ! s'empressa-t-elle d'ajouter.

Il se rassit et avala sa salive. Sa main trouva très naturellement le chemin vers sa nuque.

- J'aimerai beaucoup rester, lui assura-t-il. Mais je n'aimerai pas envoyer le mauvais message.

- Quel message ?

- Que tu as rompu pour être avec moi et qu'on s'est mis ensemble à peine quelques heures après la rupture. Ça ferait mauvais genre, non ?

- Ah ! Si, si ! Tu as parfaitement raison. Où avais-je la tête ? Ha ha.

Il acquiesça en silence et s'apprêta à se lever lorsqu'elle reprit la parole.

- Après on s'est déjà embrassé à deux reprises, il me semble que c'est un peu tard pour pinailler sur la bonne conduite à adopter, non ?

- Oui, bon.

- Et il m'a semblé comprendre que tu ne souhaitais qu'une chose, c'était être avec moi, continua-t-elle.

- Mais bien sûr que j'en meurs d'envie ! s'exclama-t-il vivement. Mais ce n'est pas la question !

Cette fille était une succube, un démon tentateur bien décidé à lui faire jeter par la fenêtre tous ses principes et ses bonnes résolutions.

Elle eut un pauvre sourire et hocha la tête. Il regretta d'avoir haussé le ton. Nerveux, il se leva à nouveau et marcha en rond dans sa chambre.

- C'est juste que... rah ! Je ne veux pas que notre histoire soit entachée et de risquer de te perdre moi aussi. Je ne déconnais pas quand on a parlé à la Tour Eiffel. Je veux que ce soit pour toujours, affirma-t-il en plongeant son regard dans le sien.

Marinette écarquilla ses yeux bleus et ses joues rougirent violemment. Elle ramena une mèche noire derrière son oreille.

- Non mais tu as raison, concéda-t-elle. On ne devrait pas précipiter les choses.

Il souffla, soulagé qu'elle rejoigne son avis.

- Et ce ne serait pas respectueux pour ce que j'ai vécu avec Chloé, ajouta-t-elle. Je lui dois au moins ça après n'avoir rien fait pour... enfin bref.

Elle le raccompagna à la porte.

- Tu veux qu'on fasse quelque chose demain avec le couple pas sortable ou c'est trop pour toi ? le taquina-t-elle un peu.

Adrien envisagea la situation et haussa les épaules.

- Et toi ? Ça va aller ? lui demanda-t-il avec inquiétude.

- Je ne sais pas, je me sens... comme anesthésiée, lui avoua-t-elle dans l'encadrement de la porte. La redescente risque de faire mal.

- D'ac.

Il s'avança et l'embrassa sur la tempe. Marinette tressaillit et ses joues se colorèrent à nouveau.

- Je croyais qu'on devait y aller mollo ! s'insurgea-t-elle avec une voix un peu aiguë.

- Ben quoi ? C'était un baiser tout ce qu'il y a de plus innocent, répliqua-t-il en levant les mains avec un air innocent.

Elle le fusilla du regard et le chopa par le col pour parler à son oreille. Adrien écarquilla des yeux, se mit à rougir puis ses genoux tremblèrent avant qu'elle ne le relâche l'air triomphant.

- Bonne nuit, Milord, le salua-t-elle doucereusement en refermant la porte sur lui.

Lorsqu'il recouvra la maîtrise de lui-même, il grommela et sortit de son immeuble. L'air froid parisien lui fit le plus grand bien. Un instant, il hésita à appeler son chauffeur mais il avait envie de marcher.

Quelle journée.

Il espérait juste que Chloé ne soit pas akumatisée à nouveau. Au passage, il se demanda furtivement s'il était possible que cela arrive plusieurs fois. Objectivement, Lacrimosa l'avait été deux fois parce que l'akuma n'avait pas été capturé. Depuis, ils avaient retenu la leçon et personne n'avait récidivé.

Pourvu que ça dure.

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Ah Marinette, Marinette ! Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation !

La coquine.

À bientôt pour la suite !

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