Chapitre 31 - Tu m'appartiens

Chloé avait déjà planifié le weekend. Elles logeraient dans un hôtel cinq étoiles dans la suite royale avec vue sur la mer. Ballade en calèche, dîner aux chandelles et sérénade au bord de l'eau dans une plage privée. Et en cadeau, un sautoir de perles qui se marieraient à la perfection avec son teint. La totale quoi. Avec ça, elle était certaine de l'éblouir et d'éclipser totalement Adrien.

C'était ce dont elle s'était persuadée en tout cas.

En les côtoyant chacun en parallèle, une évidence s'imposa très vite à Chloé : si jamais ils se rencontraient, ils se rendraient compte qu'ils seraient mieux sans elle.

Fort heureusement, Marinette lui avait réservé un accueil des plus hostiles. Mais le destin semblait s'acharner à la contrarier, car elle les avait à peine quittés du regard qu'ils étaient déjà les meilleurs amis du monde ! Il ne fallait pas être sorcier pour se rendre compte qu'il en faudrait peu pour qu'ils passent à l'étape supérieure.

Et cette idée lui était parfaitement intolérable.

Mari avait été sa première amie, sa confidente, son amante. Elle lui avait fait confiance, lui avait fait don de son amitié et l'avait soulagé de la solitude. Elle avait été son tout, son univers.

Quand est-ce que ses sentiments se sont transformés en quelque chose d'autre ? Quelque chose de plus ? Elle l'ignorait mais elle en a douloureusement pris conscience lorsque Nathaniel était venu lui demander si Marinette serait intéressé par lui. Elle ne se souvenait pas exactement de ce qu'elle lui a répondu mais le jeune homme était reparti au bord des larmes.

Après ce choc avec la réalité, Chloé se mit scrupuleusement à lutter contre son attraction qu'elle qualifiait elle-même de déviante et vouée à l'échec. Elle devint hargneuse et méchante envers quiconque s'approchait trop de Marinette. Ne se rendant pas compte qu'elle faisait le ménage dans son propre cercle d'amis. Quand elle voyait Adrien, elle prenait bien garde à ne pas la mentionner. Gentil et parfait comme il l'était, elle ne manquerait de lui succomber et de l'abandonner. C'était une certitude.

Et elle aurait raison après tout. Chloé avait bien conscience d'être superficielle et inintéressante avec la personnalité d'une statue grecque. C'était à se demander comment une fille aussi geniale que Marinette pouvait être tombée amoureuse d'elle.

C'était un véritable miracle.

Un miracle auquel elle eut du mal à croire. Même lorsqu'elle l'embrassa pour la première fois. Même lorsqu'elles ont fait l'amour pour la première fois. C'était une expérience à laquelle elle n'aurait jamais cru pouvoir prétendre. Cette union charnelle, sensuelle, presque spirituelle, l'avait transporté aux sommets de l'allégresse. Pour la première fois dans toute sa vie, Chloé s'était sentie complète. Apaisée.

Heureuse.

Dans le même temps naquit l'angoisse permanente de perdre cette félicité. Mais Marinette était si attentionnée, si prévenante. Son cœur s'envolait quand elle lui prenait la main, des papillons envahissaient son ventre lorsqu'elle la regardait les yeux brillants d'amour. Pour elle.

Marinette l'aimait. Elle. 

Pour rien au monde, elle ne voulait renoncer à ça.

Puis Jie la sauva pour mourir à sa place. 

Elle le savait qu'elle n'était bonne à rien, qu'elle n'était que source de malheurs. C'était pour ça que sa mère était partie. C'était pour ça que son père se fichait de ce qu'elle devenait. C'était pour ça que l'univers la punissait d'avoir prétendu au bonheur. Chloé ne se pardonnait pas la mort de ce frère que Marinette idolâtrait. Alors comment le pourrait-elle ?

Ce fut la période la plus difficile de sa vie. Elle ne supportait pas de voir dans ses yeux bleus si intenses qu'elle était responsable de son malheur. Marinette serait mieux sans elle, alors elle s'éloigna. C'était la meilleure solution pour tout le monde. Elle seule et misérable, Marinette entourée et soutenue.

Mais bien vite, Chloé se rendit compte que si son plan se déroulait exactement comme prévu, cela ne la satisfaisait pas. Marinette souriait à nouveau et se faisait de nouveaux amis. Elle allait de l'avant et la laissait en arrière. Comme si ce qu'elles avaient vécu n'avait eu aucune importance. C'était trop douloureux, elle en suffoquait. 

Alors elle réagit de la seule manière qu'elle connaissait, faire aussi mal qu'elle avait mal. Et elle était indubitablement douée pour ça. Sabrina était le parfait sbire pour effectuer ses basses besognes. Mais Marinette ne se laissait pas facilement atteindre, elle avait du répondant et du caractère. Après tout, c'était en partie ce qui l'avait charmé.

Et plus leurs paroles étaient blessantes, plus leur ressentiment augmentait avec le temps. Les éloignant alors qu'elles avaient besoin l'une de l'autre.

Et le jour tant redouté arriva. Adrien rejoignit l'école publique et entra dans sa classe. S'il s'y était pris plus tôt, elle aurait fait en sorte d'être dans une autre classe avec lui. Si elles ne s'entendaient plus, il lui restait au moins un ami. Et il était tellement gentil que lui au moins ne l'abandonnerait pas. Ce jour-là, Marinette fut odieuse, monstrueuse même. Même elle ne serait jamais allée à de telles extrémités. Cela lui avait fait tellement mal.

Mais peu à peu, l'espoir revint. La brune semblait s'apaiser au contact d'Adrien. Et lors de leur réunion de travail de groupe, elle était venue la rejoindre dans la salle de bain où elle pleurait.

- Tu es venue admirer mes larmes, c'est ça ? lui avait-elle lancé sèchement pour dissimuler sa détresse.

Marinette ne releva pas et soupira en se passa une main dans ses cheveux noirs.

- Comment en est-on arrivé là, Chloé ? Pourquoi m'as-tu quitté ? lui avait simplement répondu la jeune fille en la fixant.

La fille du maire releva la tête et lui rendit son regard sans parvenir à formuler la moindre pensée cohérente. 

- Tu ne m'aimais plus ? demanda-t-elle la gorge serrée.

- Je... non, si... ce n'est pas ça... gémit Chloé en se couvrant les yeux.

- Alors qu'est-ce que c'est ?

Elle sursauta en se rendant compte de la proximité de sa voix, son souffle sur sa joue. Marinette avait passé une main dans son dos et s'était encore rapprochée. Leur nez se touchait presque et Chloé paniquait.

- Dis-moi, honey, qu'est-ce que c'est ? répéta-t-elle avec patience.

Honey, c'était le surnom qu'elle lui avait donné une fois. La jeune Bourgeois l'avait tout d'abord détesté parce que c'était en rapport avec le t-shirt à rayures noires qu'elle portait parfois ainsi que sa veste jaune fétiche. Marinette avait plaisanté en disant qu'ainsi, elle était la "Reine des Abeilles" : tyrannique avec sa petite cour autour d'elle. Et douce comme le miel.

- Je t'aime toujours, lui souffla l'élue de son cœur en amenant ses lèvres proches des siennes. 

Elle avait peur, elle était terrifiée. Mais elle en avait tellement besoin. Besoin de son soutien, de sa chaleur, de son amour. Besoin d'elle. Alors elle s'empara de ses lèvres comme une affamée sur un festin librement offert. Oh comme elle en avait rêvé ! Mais la réalité dépassait tous ses fantasmes, toutes ces attentes. Peut-être que cela venait de l'attente, de la frustration. Peu importe ! Cela lui était égal ! Marinette était à nouveau là et elle l'aimait toujours !

Comment était-ce possible ? Elle en pleurait de joie tandis qu'elle s'agrippait à elle avec l'énergie du désespoir. Et si Adrien les avait interrompu plus tard, il était certain qu'elles n'auraient pas été présentables. Depuis, envolées ses craintes, ses peurs, ses tourments ! Elle avait retrouvé la sérénité heureuse qu'elles avaient avant. Non, c'était mieux !

Bien sûr, Adrien avait eu besoin de temps pour digérer de s'être fait évincé d'une course qu'il ne pouvait pas gagner. Et Sabrina l'avait poignardé dans le dos. Mais le monde pouvait bien brûler tant que Marinette était avec elle !

Seulement voilà, elle n'était plus la jeune fille esseulée et en deuil d'il y a deux ans. Elle avait évolué, grandi sans elle. Adrien et elle s'étaient considérablement rapprochés, parfois au point qu'elle ne contrôlait plus ses élans de jalousie. Pourtant, Marinette l'aimait. Elle le lui disait, elle le lui montrait, elle le lui prouvait. Encore et toujours, chaque jour. Mais chaque fois qu'ils échangeaient un regard, elle voyait une compréhension et une harmonie auxquelles elle était étrangère. 

Exclue.

Et cela la rendait folle.

Pourtant, elle travaillait sur elle-même. Elle pouvait faire confiance à Marinette et à Adrien. L'une comme l'autre étaient loyaux et intègres, jamais ils n'oseraient lui faire ça. Ses peurs alimentaient pourtant son imagination qui faisait le reste. La Saint-Valentin approchait. Jésus Marie Joseph ! Il fallait qu'elle agisse avant qu'il ne tente quoi que ce soit !

Alors elle eut l'idée de l'emmener loin de Paris, à Saint-Tropez, pour fêter son anniversaire et la fête des Amoureux. Seules. C'était parfait, il n'y aurait qu'elles et la mer. Aucune menace. Aucun ami d'enfance trop parfait.

La veille de leur départ, elle eut envie de lui faire une surprise en allant la chercher à l'entraînement. Elle n'aimait pas le sport, mais cela était important pour Marinette alors elle faisait des efforts pour s'y intéresser.

C'est ainsi qu'elle les vit tous les deux en train de discuter. Elle n'entendit pas un traître mot de leur conversation mais ce n'était pas nécessaire. Ils étaient proches, leurs yeux brillaient d'émotions qui n'avaient pas besoin de mots pour être exprimées. 

Mais ce fut lorsqu'il s'approcha d'elle pour embrasser sa tempe qu'elle sentit le sol s'ouvrir sous ses pieds. Ce fut lorsqu'elle vit que Marinette ne le repoussait pas et son expression de regret qu'elle sentit un poignard se planter dans son cœur. La morsure de la trahison lui infligea mille morts. 

Elle le savait. Elle l'avait toujours su que cela arriverait ! Ce n'était qu'une question de temps.

La colère l'envahit et elle partit à la poursuite de Marinette. Cette dernière avait à peine franchi le seuil de la boulangerie qu'elle l'attrapa par l'épaule. La jeune Dupain-Cheng se retourna avec surprise mais se mit à lui sourire en la reconnaissant.

- Chloé ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ? s'inquiéta-t-elle en voyant ses larmes.

Si elle n'avait pas vu ce qui s'était passé il y a à peine quelques minutes, elle aurait été émue de sa sollicitude. Mais plus maintenant.

- Qu'est-ce qu'il m'arrive ? C'est à toi que je devrais poser cette question !

Son interlocutrice écarquilla les yeux et posa son sac dans la boulangerie avant de ressortir. Sa mère les observait d'un air sévère.

- Explique-toi, je ne comprends pas, l'invita-t-elle posément.

Comment faisait-elle pour être aussi calme alors qu'elle était une abominable traîtresse !

- Toi et Adrien ? Ça fait longtemps ?! lui cracha-t-elle presque au visage.

Marinette ouvrit la bouche puis la referma. Chloé prit cela comme un aveu.

- Honey, Adrien est mon meilleur ami mais ça s'arrête là, dit-elle en tentant de lui prendre la main.

Mais bouleversée et furieuse, sa copine la retira.

- Ah oui ? Je l'ai vu t'embrasser, Mari ! Regarde-moi dans les yeux et dis-moi qu'il n'y a que de l'amitié entre vous ! cria-t-elle, des larmes de rage dévalant ses joues.

Les passants les regardaient avec curiosité, certains avec réprobation. Décontenancée par sa colère et par son injonction, Marinette s'humecta les lèvres.

- Je ne peux pas te le dire, déclara-t-elle finalement.

Chloé ferma les yeux. La douleur dans sa poitrine lui faisait tellement mal qu'elle n'arrivait plus à respirer. Secouée de sanglots, elle s'effondra contre la façade de la boulangerie.

- Depuis combien de temps ? demanda-t-elle, recroquevillée sur elle-même.

Ses côtes lui faisaient mal à chaque inspiration, comme si elles s'étaient brisées en même temps que son cœur. Marinette s'accroupit près d'elle, sans oser la toucher.

- Chloé, je ne sais pas ce que tu veux m'entendre dire mais je t'aime, enfin ! C'est avec toi que je suis ! lui assura-t-elle, désespérée.

- Oui, tu es enchaînée à moi ! répliqua-t-elle avec amertume. Tu veux que je te libère de ma tyrannie pour que tu puisses coucher librement avec Adrien !

Ses yeux bleus s'assombrirent soudainement et elle se releva en s'époussetant, toute compassion ayant quitté son visage.

- Tu ne sais pas ce que tu dis et tu ferais mieux de t'arrêter là.

Le ton de Marinette était froid, distant et plein de retenue malgré la colère qui couvait. 

- Rentre chez toi, on parlera quand tu seras revenue à la raison, conclut-elle en rentrant dans la boulangerie sans un regard en arrière.

Chloé se sentit pathétique et sanglota d'autant plus. Elle la haïssait et c'était de sa faute. Elle l'avait perdue et c'était de sa faute. 

Elle se haïssait.

Au milieu de la tourmente destructrice de ses émotions, elle se sentit soudainement bien, délivrée de la douleur et des regrets. Une énergie nouvelle coulait dans ses veines et une voix retentit dans sa tête.

"Bonjour, Meduzhair, je suis le Papillon. Je te donne le pouvoir de contrôler ta puissante chevelure à volonté. En échange, je te demanderai de m'apporter les miraculous de Lordbug et Chat Noir. Ainsi tu pourras être réunie à jamais avec ta bien-aimée. Qu'en dis-tu ?"

- Je saisis l'occasion aux cheveux, Papillon ! lui répondit-elle en se relevant.

Une substance violette la recouvrit avant de révéler sa transformation. Elle se sentait puissante, vivante, invincible ! De l'autre côté de la vitrine, Marinette la fixait médusée. D'un revers de tentacule chevelu, elle fit exploser la devanture. Elle saisit la jeune femme qui tendait la main pour atteindre sa mère ensevelie sous les décombres. 

- Viens, Darling, lui dit-elle avec douceur. Nous partons pour Saint-Tropez !

- Mais pourquoi ? gémit Marinette entravée dans ses cheveux.

Elle se pencha vers elle et l'embrassa avec possessivité alors que son aimée se débattait.

- Parce que tu m'appartiens, lui répondit Meduzhair avec un sourire prédateur.

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Je suis particulièrement contente de ce chapitre. Pénétrer les méandres de la psyché de Chloé n'est pas de tout repos. Un petit atarax ? :D

A tout bientôt /o/

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