Chapitre 3 - Écoute-moi
Rentrer chez elle avait été son premier réflexe, mais ses parents la harcèleraient de questions. Chose qu'elle voulait éviter à tout prix. La bibliothèque ? Même si personne ne s'y trouverait, cela demeurait dans l'enceinte du lycée. Les chances de recroiser Chloé et son nouveau clone étaient très minces, mais bien trop importantes pour prendre ce risque.
Alors, Marinette erra dans les rues de Paris. Elle sortit ses écouteurs et les enfonça dans ses oreilles pour s'isoler encore plus du monde. Pourquoi ne pas aller au parc voisin ? Il faisait beau aujourd'hui. Ce serait dommage de ne pas en profiter. Elle mâchonnait pensivement le fil de ses écouteurs lorsqu'elle s'arrêta à un passage piéton qui passa au rouge. La lycéenne regrettait de s'être laissée emporter par la colère. Le soulagement qu'elle avait ressenti n'était déjà plus qu'un souvenir pour ne laisser qu'un vide immense et douloureux.
Le passage piéton repassa au vert mais elle n'eut pas la conviction de reprendre la marche. Elle se sentait si vide, et si seule. Alya et Nino étaient ses meilleurs amis mais...
Marinette n'eut pas le temps d'aller jusqu'au bout de ses pensées que son regard fut capté par une chemise hawaïenne. C'était un vieil homme marchant avec une canne qui la portait. Son champ de vision périphérique détecta un mouvement rapide avant de se reporter vers le vieil homme. Bien avant que l'information n'arrive à son cerveau, la jeune lycéenne s'élança. Elle ignorait si elle aurait le temps d'atteindre le malheureux piéton, mais elle courut avec l'énergie du désespoir.
Au moment où la voiture l'aurait percuté de plein fouet, Marinette agrippa la chemise bigarrée et tira d'un geste vif le vieil homme qui en lâcha sa canne. Lorsqu'ils furent sains et saufs, le temps sembla reprendre son cours. Son cœur battait la chamade et elle tremblait de tous ses membres sous le coup de l'adrénaline. Elle inspira de soulagement en constatant qu'il n'avait rien, elle alla ramasser sa canne pour la lui rendre.
- Merci beaucoup, mademoiselle ! C'était très courageux de votre part !
Marinette lui sourit timidement en repositionnant son sac à dos.
- Je vous en prie, monsieur. Les gens conduisent vraiment n'importe comment, lui répondit-elle. Vous êtes sûr que vous allez bien ?
- Grâce à vous, oui, déclara-t-il en lui souriant. Au revoir !
Elle lui rendit son salut et continua sa route avec le sentiment que quelque chose lui échappait.
- Mec ? Tu veux te reconvertir en taille-crayon ou quoi ?
Adrien sursauta et regarda Nino avec étonnement avant de constater l'état désastreux de son crayon à papier. Mâchouillé à mort et proche de l'état de pâte à papier. La cloche sonna. Soupirant, le mannequin rangea ses affaires et suivit son voisin avec Alya qui avait fini de l'assassiner du regard.
- Y a quelque chose qui te tracasse ? relança Nino.
- Euh ben... c'est à propos de Marinette, commença Adrien, embarrassé. Je me sens coupable d'avoir voulu lui faire la leçon alors que je ne savais pas pour son frère.
- Bah, tu sais... tu avais peut-être tort de la rembarrer, mais elle avait aussi tort de s'en prendre à Chloé comme ça. Y a des choses qu'on dit pas, quoi, fit le jeune homme en replaçant ses lunettes sur son nez.
- On aurait du mal à croire qu'elles étaient les meilleures amies du monde, renchérit Alya avec perplexité.
Adrien la regarda avec des yeux ronds avant de comprendre où elle voulait en venir.
- C'est depuis l'accident qu'elles se détestent aussi cordialement ? demanda-t-il avec tristesse.
- Non, reprit-elle. Cela remonte à l'année dernière, je crois. Marinette m'a toujours affirmé qu'elle ne lui en voulait pas mais.... faut croire que si.
Elle haussa des épaules avec résignation. Il déglutit péniblement en passant une main sur la nuque.
- Vous... vous croyez que si je vais lui parler, elle acceptera mes excuses ?
Alya le regarda avec un grand sourire et Nino avec une moue dubitative.
- Bien sûr ! lança la première.
- Euh... fit le second.
La jeune fille se tourna vers son petit-ami et le fusilla du regard.
- Comment ça "Euh" ? Bien sûr qu'elle acceptera ses excuses ! C'est une chic fille ! C'est ma meilleure amie !
- Je ne dis pas le contraire, Alya, reprit Nino d'un ton posé. Mais... tu ne peux nier qu'elle a changé et pas vraiment en bien.
- Oui, bon, hein ! Si Chloé lui facilitait la vie, ça irait mieux ! s'exclama Alya avec humeur.
Nino secoua la tête, renonçant à se battre contre la mauvaise foi de sa copine. Adrien avait assisté à leur échange et ne sut trop quoi en penser. Bon, il avait jugé trop vite et ne connaissait rien du passif entre son amie d'enfance et sa camarade. Mais au vu de la langue acérée qu'elle possédait, il tremblait un peu à l'idée d'aller lui parler. Surtout au vu des circonstances de leur rencontre.
Après s'être remise de ses émotions, Marinette décida malgré tout de retourner au lycée. C'était l'heure du déjeuner et elle se dirigeait vers le self en espérant retrouver Nino et Alya. Elle était perdue dans ses pensées lorsqu'une main se posa sur son épaule.
- Marinette !
C'était Alya, elle lui sourit avant que son visage ne se décompose. Juste derrière elle. Avec Nino. Il était là.
Adrien Agreste.
Leur altercation de ce matin était encore en mémoire. En se rappelant de ses dernières paroles, sa colère menaça de se raviver. Sa meilleure amie s'en rendit compte et hésita à parler. Les garçons s'en aperçurent également. Nino soupirait de lassitude tandis que Adrien rougit d'embarras. Son animosité était dirigée tout particulièrement contre lui.
- ADRICHOUUUUUUUUUUUUUU !
- Oh non... crut-elle l'entendre marmonner avec une expression résignée.
L'ouragan Chloé se jeta au bras du nouvel arrivé dans un tourbillon de cheveux blonds. Marinette crut craquer à nouveau, un c'était déjà trop. Mais les deux ensemble...
- Te voilà ! Tu manges avec moi ?! s'exclama-t-elle plus sur le ton d'injonction que de la demande.
- Oh, euh, eh bien...
Une partie des élèves faisant la queue assistait à ce spectacle que Marinette qualifiait de "navrant". Cet Adrien était un mannequin, fils de riche, très certainement pourri gâté et maintenant pourvu d'un accessoire de mode de mauvais goût appelé Chloé. Ah, et elle oubliait pourvu d'une personnalité à la limite du paillasson. Avant de réitérer son erreur du matin, elle tourna vivement les talons et coupa la file d'attente pour aller manger.
Alya lui courut après et prit un plateau à sa suite qu'elle posa sur les rails.
- Marinette ?
- Hm ?
- Tu vas pas me faire la gueule à moi aussi quand même ? lui lança sa meilleure amie.
La jeune fille posa son regard bleu sur elle et lui fit un sourire d'excuse.
- Désolée. Qu'est-ce qu'il faisait avec vous ? demanda-t-elle avec un faux air de rien.
- Il est cool quand il sort de sa coquille, répondit-elle simplement. Nino et lui, ça a l'air d'accrocher. Ce dont ma moitié se réjouit beaucoup, parce que je cite "y a pas assez de testostérone dans ce trio".
Marinette eut un raclement de gorge.
- Genre...
- Tu sais, il aimerait te parler, avança timidement Alya.
La jeune femme avisa son amie d'habitude si énergique. Si elle prenait des pincettes, c'était qu'elle devait vraiment être mal lunée. Il allait falloir qu'elle se modère un peu.
- Ah ?
- Oui, bon, je te spoile pas. Mais voilà. C'était pour te prévenir. Histoire que tu ne le bouffes pas tout cru, se moqua gentiment Alya en lui donnant une bourrade.
Marinette faillit en lâcher son plateau mais se rattrapa juste à temps avant de s'installer à une table. Elle se servait de l'eau quand elle vit Chloé pousser Adrien jusqu'à une table non loin de là. Elle s'assit près de lui, trop près de lui. Même Alya et Nino n'affichaient pas une telle intimité en publique.
- Marinette ! Ton verre ! la prévint Alya.
La jeune fille s'aperçut qu'elle avait inondé son plateau et maugréa en reposant la carafe. Elle soupira et alla chercher des serviettes pour éponger ses catastrophes.
- C'est vraiment pas mon jour, gémit-elle en constatant que le distributeur de serviettes en papier était vide.
- Tiens, fit une voix derrière elle.
Elle se retourna, c'était Adrien. Il était mal à l'aise et elle ne réagissait pas. En baissant les yeux, Marinette réalisa qu'il lui tendait des serviettes. Elle les prit et le remercia avant de rejoindre Alya et Nino.
- Attends ! l'appela Adrien. Je...
Bon, Alya l'avait prévenu mais est-ce qu'elle avait envie de lui parler ? Un temps de réflexion plus tard, non. Définitivement, non.
- J'ai faim et on va passer l'année scolaire ensemble, Agreste. Quoi que tu aies à me dire, ça peut attendre ! répliqua-t-elle par-dessus son épaule.
Elle constata avec satisfaction qu'il s'était exécuté. Et tandis qu'Alya et Nino discutaient, elle fit également l'étrange constat qu'elle en était aussi un peu déçue.
Bon. Il fallait voir le côté positif, elle ne l'avait pas totalement rembarré cette fois. Ne pas perdre courage, se dit-il. Il finirait par s'expliquer avec elle et peut-être qu'ils pourraient devenir amis. Adrien n'était pas tout à fait certain que son projet se réalise au vu de l'impulsivité de la jeune fille mais sait-on jamais. Sa mère lui a toujours dit qu'il fallait croire en ce qu'on faisait pour que cela se réalise.
- Adrichou ! l'appela Chloé de leur place en agitant le bras comme un essuie-glace.
Il la rejoignit et s'attabla pour prendre leur repas.
- Au fait, Chloé... est-ce que ça va ? Tu sais, par rapport à ce matin ? demanda-t-il avec prudence.
La fille du maire écarquilla ses yeux bleus maquillés avant de pincer ses lèvres brillantes de gloss.
- Oui, très bien, répondit-elle un peu sur la défensive. Pourquoi ?
- Eh bien, vous étiez amies avec Marinette... j'imagine que ce doit être difficile de vous disputer comme ça alors que vous étiez si proches ? tenta-t-il.
Chloé baissa ses yeux et abandonna l'expression suffisante qu'elle arborait en permanence. Elle battit un peu trop des cils pour que ce soit juste à cause d'une poussière. La jeune fille sortit un mouchoir de son sac Gabriel et se tamponna discrètement les yeux. Adrien lui prit la main et la serra en signe de soutien. Elle renifla un peu mais reprit comme si de rien n'était.
- C'est si gentil à toi de me le demander. Mais elle et moi, c'est de l'histoire ancienne. C'était une erreur, je regrette même de l'avoir rencontrée ! conclut-elle d'un ton un peu vif.
- D'accord, dit Adrien pour ne pas relancer. Sinon, tu participes à des clubs sportifs ?
- Non, bien sûr que non ! J'ai mieux à faire, voyons ! Et puis transpirer pour le plaisir ? Beurk ! Faut vraiment être stupide pour aimer ça !
Il lui fit un sourire gêné. Son amie avait parfois la mémoire courte. Elle dévalorisait indirectement l'une de ses activités préférées.
- Je fais de l'escrime, Chloé, lui rappela-t-il avec douceur.
- Ah ! Euh ! Mais, toi, c'est bien ! C'est même toi qui donne de l'intérêt à ce sport ! se rattrapa-t-elle en rigolant.
Adrien acquiesça vaguement et termina son repas en silence. Il fut grandement aidé par son amie qui monologuait à loisir sur n'importe quel sujet digne de son intérêt. Durant tout son babillage, son esprit n'était occupé que par deux yeux bleus. Transparents et vifs comme l'eau.
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Bon, c'est pas mal pour un début, non ? /o/
Edit : Petite mise à jour, la dernière partie n'a pas été sauvegardée ^^'
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