Chapitre 26 - Sur son trente-et-un
Chat Noir arriva devant la mairie et modifia par magie son costume en quelque chose de plus festif. Sa robe de bal noire adoptait le type A-Line. En forme de cloche, elle épousait les formes de son buste avant de s'élargir à partir de la taille. Elle dévoilait élégamment ses épaules et enveloppait sa poitrine. De longs gants noirs habillaient ses bras fins aux muscles déliés. Ses cheveux étaient relevés en un chignon négligé, laissant échapper deux mèches sauvages qui encadraient son visage. Pour l'occasion, elle s'était mis du rouge à lèvre.
Des photographes mitraillaient le parvis comme si c'était la montée des marches à Cannes et elle, une star oscarisée. Elle se protégea les yeux d'un revers de main pour éviter de finir aveugle. En haut des marches, Lordbug l'attendait.
Droit comme un i, les bras joints dans le dos, il portait une queue de pie rouge à pois noirs. Son pantalon était noir tout comme ses chaussures cirées. Il était très élégant et elle ne put empêcher les battements de son cœur d'accélérer à sa vue.
- Chat Noir, la salua-t-il d'une révérence.
- Milord, lui répondit-elle en gloussant comme une collégienne.
Il lui prit la main et lui embrassa délicatement ses phalanges. Heureusement qu'elle avait son masque pour cacher le rouge de ses pommettes.
- Merveilleux, si tout Paris ne faisait que spéculer sur une prétendue relation entre nous... maintenant, ce sera une certitude, râla-t-elle en constatant les flash redoublant d'intensité.
Il mit sa main sur son avant-bras et la conduisit à l'intérieur avec galanterie.
- Cela éclipsera encore plus vite les relations entre la fille du maire et sa chère amie, non ? lui murmura-t-il.
Elle le regarda avec étonnement puis fut envahie de reconnaissance. Mais avant qu'elle n'ait pu trouver quoi lui répondre, le maire les alpagua, accompagnée de sa fille. Marinette eut le souffle coupé en voyant Chloé. Cette dernière portait une robe de bal à coupe sirène couleur or incrusté de strass. Elle était magnifique et rayonnait littéralement.
- Bonsoir, et merci d'être venus, Lordbug et Chat Noir ! s'exclama le Monsieur Bourgeois avec l'accent qu'il affectait d'avoir en permanence.
- Je vous en prie, cela nous fait plaisir de répondre à votre invitation, lui dit le héros de Paris.
- Ce sera l'occasion de se détendre un peu, renchérit sa partenaire avec son sourire malicieux.
- Passez une bonne soirée !
Ils le saluèrent puis s'éloignèrent.
- Elle était très en beauté, lui dit Lordbug en se dirigeant vers le buffet.
- Hm ?
- Chloé, précisa-t-il.
Chat Noir perdit sa malice et eut un regard plein de regrets vers l'entrée de la salle de réception où le maire et sa fille accueillaient les invités.
- Oui, très jolie.
- Je suis désolé, dit-il avec embarras, je sais que tu voudrais passer la soirée avec elle plutôt qu'avec moi.
L'héroïne se tourna vers lui et cligna d'étonnement. Avait-il donc une si piètre opinion de la place qu'il occupait dans sa vie ?
- Tu te trompes, Milord. Si j'avais le choix, je la passerai avec vous deux, expliqua-t-elle en lui offrant un sourire charmant.
Lordbug bloqua quelques instants, un petit four dans une main et une coupe de champagne dans l'autre. Elle était magnifique quand elle lui souriait comme ça. Il se ressaisit, sentant que ses bonnes résolutions battraient le record de vitesse d'abandon. Il était dix heures et quart passées. La soirée s'annonçait longue et éprouvante pour son self-control.
Il sentit sa main sur son avant-bras et se retint de justesse de sursauter.
- Pardon, je sais que la situation est difficile pour toi, dit-elle d'un air contrit.
Ses oreilles de chat se rabattirent en arrière, corroborant son discours.
- M... Chat, ce n'est pas de ta faute. Ce n'est la faute de personne, à vrai dire. Essayons juste de profiter de la soirée. D'accord ?
- D'accord, lui répondit-elle en tentant de sourire à nouveau.
- Oh merde, lâcha Lordbug en voyant quelque chose derrière elle.
- Quoi ? Qu'est-ce que... oh.
Elle s'était retournée et vit Gabriel Agreste arriver vers eux. Il portait une queue-de-pie grise brodée de noir en arabesque. A son bras, une jeune femme aux cheveux noirs avec une mèche rouge. Elle portait ses cheveux lâchés ainsi qu'une robe accordée au costume du grand styliste.
Celui-ci salua les deux héros et Adrien souhaita très très fort que son père ne le reconnaisse pas.
- C'est un honneur d'être en présence des protecteurs de Paris, leur dit-il solennellement. Je suis Gabriel Agreste et voici Nathalie Sancœur.
Sous le masque, Adrien tiqua un peu. Il ne l'avait pas présenté comme son assistante. Cette dernière les salua à son tour.
- J'aime beaucoup votre robe, Chat Noir. Les lignes sont simples mais élégantes, commenta-t-il d'un œil d'expert. Est-ce le fruit de votre imagination ou quelqu'un l'a dessiné pour vous ?
Sous le masque, Marinette rougit de ravissement.
- C'est le fruit d'un de mes concepts, lui répondit-elle en souriant avec fierté.
- Si jamais vous prenez votre retraite de superhéroïne, vous aurez une carrière toute tracée, lui dit-il avec chaleur.
Une musique s'éleva soudainement. Le styliste s'excusa et invita sa cavalière à aller danser. Lordbug les fixait depuis un moment.
- Eh ben, ça alors... marmonna-t-il.
- Quoi ?
- Je crois qu'il y a un truc entre eux deux, non ? lui demanda-t-il en se tournant vers sa partenaire.
Elle papillonna des yeux et observa les deux danseurs exécuter une valse. Ils se regardaient avec une étincelle particulière dans les yeux, comme indifférents au monde entier.
- On dirait bien, oui. Cela te dérange ?
- Je ne sais pas. Je suis surpris, en fait. J'aurais cru qu'il m'en aurait parlé à un moment. Peut-être ? fit-il en les observant tandis que la piste de danse se remplissait peu à peu.
- Peut-être que ce n'est pas si clair que ça entre eux, suggéra sa cavalière. Ils ont peut-être peur de faire face aux conséquences de s'avouer leurs sentiments.
Lordbug baissa ses yeux verts et rencontra ceux bleus de Chat Noir. Il avala avec difficulté. Cela décrivait si bien leur propre situation. Il eut un petit sourire ironique et lui prit la main.
- M'accorderiez-vous cette danse, ma dame ?
- Volontiers, Milord, rit-elle devant ses manières de gentilhomme.
Ils s'avancèrent sur la piste.
La main libre de Lordbug trouva naturellement le creux de ses reins tandis que Chat Noir posa délicatement son bras sur le sien. Avec une aisance issue de l'expérience forgée sur le champ de bataille, ils accordèrent instinctivement leurs mouvements l'un à l'autre. Adrien se réjouit que son père lui ait donné des cours de danse de salon et se félicita d'une partenaire aussi douée que la sienne. Ses pas étaient légers et gracieux, ils glissaient sur la piste de danse en se laissant porter par la musique.
Émeraudes contre saphirs, ils se regardaient sans se lasser, sans se préoccuper des autres. Oubliant presque qu'ils portaient un masque.
- Je t'aime, lâcha-t-il soudainement avec émotion.
Chat Noir se crispa et rata un pas avant de se reprendre. Ses pommettes étaient roses et elle détourna le regard.
- Pourquoi tu me dis ça maintenant ? gémit-elle tout bas.
- Je me suis rendu compte que je ne te l'avais jamais clairement dit. Sur la longue liste de mes regrets, cela en fait toujours un de moins, fit-il en la couvant toujours du regard.
Elle ferma les yeux comme pour trouver du courage en elle-même.
- Et cela en crée d'autres, tu ne crois pas ? répliqua-t-elle avec douleur.
- L'amour n'a ni crainte, ni esprit de vengeance, déclara-t-il en paraphrasant leur professeur. Je voulais juste te le dire. Je ne te demande rien, kitty.
Chat Noir resserra ses mains lorsqu'elle l'entendit utiliser son surnom affectueux. Elle luttait ardemment contre des larmes qui menaçaient de couler. Son cœur battait la chamade et elle luttait de toutes ses forces contre l'attraction que son partenaire exerçait sur elle. L'héroïne était bien trop consciente qu'ils n'étaient pas seuls et que sa copine en civile était présente.
Lorsque la musique cessa, elle le salua et s'en alla sans qu'il ne cherche à la retenir. Il regrettait et ne regrettait pas. Il n'avait été qu'honnête et sincère.
Le reste de la soirée s'écoula lentement. Des notables de la ville vinrent le saluer et échanger quelques banalités. Au bout d'un moment, il s'inquiéta de ce que devenait sa partenaire lorsqu'elle reparut de manière opportune pour le discours du maire. Ils montèrent sur scène pour recevoir les louanges de ce dernier et furent applaudis par le public même si cela ne les atteignit nullement.
Sa partenaire parvint à s'éclipser et il s'empressa de la suivre. Il la retrouva sur les toits observant les étoiles.
- Je me souviens d'un passionné d'astronomie insomniaque, commença-t-elle de dos, plongée dans l'obscurité de la dernière nuit de décembre.
Il sourit et la rejoignit dans son observation.
- J'ai dû te paraître stupide et naïf...
Elle tourna la tête vers lui.
- Non, pas du tout. Cela m'a remonté le moral au moment où j'en avais le plus besoin. Il faut croire que tu as toujours trouvé le moyen de me soutenir, d'une manière ou d'une autre.
Timidement, elle approcha sa main de la sienne. Chat Noir effleura ses doigts, hésitant dans son geste. Finalement, elle mêla ses doigts aux siens. Son partenaire leva sa main et l'embrassa tendrement. Ses yeux se levèrent à la rencontre des siens.
- Tu ne nous rends pas les choses plus faciles, Milord, dit-elle avec amertume.
- Les choses qui en valent la peine sont rarement facile d'accès, ma dame.
En ré-entendant l'écho de cette nuit-là, elle sentit distinctement son cœur fondre dans sa poitrine.
- Je ne sais pas si je dois me maudire de me sentir si faible face à toi, ou m'émerveiller d'à quel point tu me fais sentir vivante, murmura-t-elle en fermant les yeux.
- Ne ressens-tu pas la même chose avec Chloé ? lui demanda-t-il hypnotisé par ses lèvres peintes en rouge.
- Si, reconnut-elle. Mais, c'est différent. Je ne saurais l'expliquer.
- Il n'y a pas besoin de mettre un mot sur tout ce qu'on ressent. Même si j'admire ta détermination face à l'adversité, la férocité avec laquelle tu affrontes nos adversaires et la compassion avec laquelle tu les réconfortes lorsqu'ils reviennent à eux.
Son sang battait fort dans ses oreilles, tandis qu'il se rapprochait d'elle.
- Je me souviens de notre rencontre, commença-t-elle avec nostalgie. Tu étais ce jeune garçon pétri de doutes qui ne croyait pas en lui-même, mais qui a su dépasser ses peurs pour aider son prochain. J'admire ton courage depuis le premier jour et depuis, j'ai eu l'occasion d'apprécier à plusieurs reprises ton intelligence et ta générosité.
Elle venait de combler l'espace entre eux, et il avait saisi son autre main. Les deux héros se regardaient avec une intensité sans commune mesure.
- Je me souviens m'être dit que je te suis suivrai jusqu'en Enfer et au-delà si tu me le demandais, lui avoua-t-elle la voix tremblante d'émotion.
- On n'aura pas à aller aussi loin, lui dit-il sur le ton de la plaisanterie.
Ses lèvres rouges tremblèrent, elle les pinça. Elle baissa le regard puis le leva à nouveau vers lui. Il serra ses mains dans les siennes et retint son souffle.
- Je t'aime aussi.
Notre-Dame sonna minuit. Partout dans la ville lumière, des feux d'artifice illuminèrent le ciel étoilé de la nouvelle année.
Indifférents à la liesse ambiante, ses protecteurs s'étreignaient comme si leur vie en dépendait.
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Ah l'amour... ce sentiment exaltant presque douloureux qui vous élève aux sommets de l'allégresse ou vous entraîne dans les bas-fonds du désespoir.
Je sais déjà comment se terminera leur histoire, mais et vous ? Quelles sont vos attentes, vos hypothèses ? Je suis curieuse comme un chat ^^
A bientôt /o/
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