Chapitre 17 - Princesse

Marinette n'arrêtait pas d'entendre la voix d'Adrien la complimenter, encore et encore. Et encore. Son rythme cardiaque affolé témoignait de l'état de tension et de confusion dans lequel cela la mettait. La laissant même incapable de concevoir une réaction appropriée. Heureusement, il lui offrit une porte de sortie pour le moins inattendue.

- Grande héroïne, hein ?

La jeune fille eut la sensation que sa bouche s'assécha en même temps que son cœur se figea brutalement. Est-ce qu'il avait découvert par on-ne-sait quel moyen qu'elle était Chat Noir ? Elle paniqua avant de trouver une autre explication presque aussi déconcertante. C'était la signification de son prénom chinois. Comment... ?

- Tu parles chinois... comprit-elle enfin avec soulagement.

- J'ai passé un an à Shanghaï pendant que mon père ouvrait une succursale là-bas. Donc ouais, un peu, expliqua-t-il avec humilité.

La jeune fille se couvrit les yeux d'une main en se détournant de lui, à la fois pour masquer son soulagement et autre chose.

- Alors tu as entendu ce que mon père m'a dit tout à l'heure. Oh la honte ! gémit-elle.

- J'ai entendu pire, tu sais.

Elle se tourna vers lui avec une grimace le mettant au défi.

- Vraiment ? Y a pire que d'entendre le père de ton amie lui demander si le tiroir de sa table de chevet est bien fourni ?

- Oui, entendre un multi-millionaire chinois vanter tous les mérites de sa fille pour vendre un mariage arrangé à mon père alors que j'étais présent. Tous. Les mérites.

Silence.

- Ok, je m'incline.

Triste victoire. Il se gratta la nuque comme il en avait l'habitude quand il était dans une situation inconfortable.

- Bon, je doute qu'on avance aujourd'hui. Alors je vais rentrer, fit-il en remettant sa veste puis en attrapant son sac.

Marinette le regarda partir avec une certaine tristesse. Quand ils s'étaient fait la bise pour se saluer, il avait délibérément embrassé sa joue avec douceur.

- Tu ne me crois toujours pas quand je te dis que tu lui as tapé dans l'œil ? rigola Plagg tandis qu'elle méditait sur son balcon.

S'il avait voulu continuer à la taquiner, un simple regard de sa choisie le fit taire. La nouvelle sirène d'alerte akuma retentit sur les toits de Paris, la tirant de son apathie. Elle se redressa, ayant déjà pris l'attitude de son alter-ego.

Le devoir l'appelait.

Chat Noir arriva devant le Grand Paris, hôtel cinq étoiles, détenu par le maire de Paris. André Bourgeois. Le père de Chloé Bourgeois.

Chloé.

Encore.

Elle retint un grognement de frustration tandis qu'elle pénétrait avec vivacité dans le hall de l'hôtel. Depuis leur début, les infrastructures de la ville s'étaient adaptées aux attaques des akumatisés. Des flash infos spéciaux étaient diffusés à la télé, à la radio et en ligne pour prévenir le plus vite possible les protecteurs de Paris. La police évacuait la zone autant et aussi vite que possible, les pompiers et le SAMU se tenaient prêts à s'occuper des victimes des dommages collatéraux. Et bien sûr, quelques fourgons de journalistes étaient présents pour la couverture médiatique.

En train de discuter avec le maire, Lordbug était déjà là et l'accueillit avec un sourire qui s'effaça quand elle croisa son regard d'un vert intense.

- Chat Noir ! s'exclama André Bourgeois en levant les bras, paniqué. Sauvez ma fille ! Sauvez Paris !

L'héroïne en noir se retint de faire un commentaire du style "Vous savez faire la part des choses, vous !". À la place, elle fit passer autant d'assurance qu'elle le put dans son regard céruléen.

- Nous sommes là pour ça, monsieur le Maire. Ne vous en faîtes pas, nous sauverons tout le monde, declara-t-elle gravement.

Lordbug la regardait les sourcils froncés. Quelque chose n'allait visiblement pas chez sa partenaire de combat : pas de sourire malicieux, pas de blague pourrie, pas de jeux de mots douteux (Diantre) ! Pas de "Bonjour, milord !". Pas de gentil flirt. Rien.

- Quelle est la situation ? demanda-t-elle, ignorante des réflexions de son partenaire à pois.

La situation se faisant urgente, il mit de côté ses inquiétudes. Ils pourraient toujours en discuter plus tard. Il nuança en lui-même, il pourrait toujours essayer d'aborder le sujet avec elle.

- Apparemment, l'un des majordomes s'est fait licencié, hem, abusivement par Mademoiselle Bourgeois, et est devenu "Black Butler". D'après les caméras de surveillance, il la retient dans sa suite pour lui "apprendre les bonnes manières", résuma le héros en montrant des écrans mis à leur disposition.

- Laisse-moi deviner : il l'a prise en otage et réclame nos miraculous en échange de sa vie ?

- On ne peut rien te cacher, kitty, lança-t-il avec nonchalance.

Ses oreilles noires se dressèrent sur sa tête puis elle pivota lentement vers lui, l'air méfiant. Il venait de lui donner un surnom, affectueux qui plus est. N'en croyant pas ses oreilles, elle eut un sourire dévoilant ses canines.

- Il suffit que je te snobe pour que tu me cours après, Milord ? Tellement classique le jeu du chat et de la souris, rit-elle en minaudant. Mais bon, on comptera fleurette plus tard !

Elle se tourna vers les écrans et analysa la situation en même temps que lui.

- Dernier étage avec baies vitrées, souleva-t-il.

- Seul autre accès en-dehors de la double porte au bout d'un long couloir... le dôme.

Ils se regardèrent et échangèrent un sourire. Ils pensaient à la même chose.


- Il faut prendre les couverts de l'extérieur vers l'intérieur ! expliqua-t-il avec agacement. Enfin, c'est du bon sens !

Black Butler tournait autour de Chloé Bourgeois comme un vautour autour d'une proie agonisante. Il était grand et fin, flanqué dans une queue de pie élégante mais d'un violet prononcé. Ses gants blancs étaient hérissés de griffes qui menaçaient sans arrêt son otage qui pleurait.

Son visage était déformé par des proportions dignes d'une caricature. Son crâne chauve était gonflé comme une montgolfière, ses pommettes étaient rondes et rouges comme deux tomates et son nez en trompette agrémenté d'une moustache à la Dali n'avait rien à envier à celui d'un espadon. Ses yeux étaient pour le moins terrifiant, la sclère noire et l'iris blanc.

La fille du maire était attachée à une chaise style Louis XVI et s'efforçait de suivre les instructions de l'akumatisé. Elle prit un couvert extérieur et commença à manger son repas.

- Bien ! Je n'aurais peut-être pas à vous couper la tête pour y faire rentrer quelque chose finalement ! se réjouit son geôlier en se frottant les mains.

Cela déclencha une nouvelle série de sanglots chez la blonde péroxydée qui en lâcha bruyamment ses couverts dans son assiette en porcelaine fine.

- Ce ne sont pas des manières ! Vous ne devez pas faire le moindre bruit ! Taisez-vous ou je vous coupe les cordes vocales ! vociféra-t-il en sortant de sa veste des couverts qu'il tenait comme des couteaux de lancer.

Des coups frappés à la porte les interrompirent.

- Qui est-ce ?! cria-t-il en se précipitant vers la double-porte.

Il l'ouvrit avec fracas pour découvrir un chariot recouvert d'une nappe blanche et d'une cloche en inox brillante. Un garçon d'étage en uniforme tremblait de tous ses membres et bégayait.

- S-se-servi-ce d'é-d'é-ta-ge-geuh !

- On se tient debout et droit comme un i, jeune homme !

Ce dernier s'exécuta sous la terreur et lui fit un salut militaire en bonus avant de s'en aller en pas cadencé. L'akumatisé s'empara du chariot et l'amena à la table où la fille du maire n'essayait même plus de faire bonne figure.

- Laissez-moi partir, s'il vous plaît !

- Pas avant que de vous avoir inculqué du savoir-vivre... Hm. Non, ça pourrait prendre toute une vie, se ravisa-t-il. Pas avant que Chat Noir et Lordbug ne me remettent leur miraculous !

Black Butler souleva la cloche et révéla un appétissant homard accompagné de sa bisque et de riz parfumé. N'importe qui, en d'autres circonstances, en aurait eu l'eau à la bouche. Chloé se recroquevilla sur elle-même, son visage sur ses genoux pour éviter la vue de la victime du Papillon.

La nappe du chariot fut légèrement écartée par des griffes. Chloé croisa l'intense regard bleu de Chat Noir qui porta son index sur ses lèvres et lui fit un clin d'œil rassurant. La nappe fut rabattue juste avant que Black Butler ne la serve avec toutes les manières et l'élégance qui le caractérisaient. Pendant le processus, il se figea comme s'il avait mal puis parla à voix haute à quelqu'un qui n'était pas présent.

- Oui, Papillon ! A votre service !

L'akumatisé s'éloigna pour aller à l'interphone de la double-porte.

- Cela fait trop longtemps que j'attends ! Où sont Lordbug et Chat Noir ?! cria-t-il au maire par écran interposé.

Il y eut une explosion de verre brisé derrière lui. En se retournant, il vit une silhouette rouge à pois noirs passer à travers le dôme et atterrir souplement malgré la pluie d'éclats scintillant tout autour de lui.

- Ici, Black Butler ! lui répondit le héros en se relevant.

Chat Noir avait profité que leur adversaire leur tournait le dos pour trancher les liens de l'otage. Quand Lordbug fit son entrée fracassante, elle utilisa la nappe pour couvrir Chloé et la protéger d'éventuels éclats. Dans un même mouvement, elle l'en enveloppa et la souleva dans ses bras avec une grâce et une efficacité que Black Butler approuva d'un signe de tête.

- Ne faîtes pas attention à moi, je ne faisais que passer ! lança-t-elle avant de bondir à travers la sortie que son partenaire venait de lui créer.

L'akumatisé hurla de rage avant de lancer ses pièces d'argenterie étincelantes et tranchantes vers Lordbug.

Bondissant sur le toit, Chat Noir sortit son bâton et le lança en l'air pour qu'il se déploie en tombant de travers vers la rue en contre-bas. Avec une agilité toute féline, elle sauta sur celui-ci pour l'utiliser comme rampe. Les frottements des renforcements métalliques de ses bottes contre son arme firent naître des étincelles sur son passage. Toujours avec Chloé dans les bras, elle descendit les dix étages à une vitesse fulgurante. Au dernier moment, elle sauta en l'air et atterrit sans heurt.

Lorsque l'héroïne alla confier l'otage délivré, celle-ci refusa tout d'abord de la lâcher.

- Ne me laissez pas seule ! Il va revenir pour moi ! la supplia-t-il, la voix vibrante d'une terreur sans nom.

Malgré leur passif en tant que civiles, la protectrice de Paris ne fut pas insensible à sa détresse. Elle lui fit lâcher doucement mais fermement avant de la regarder dans les yeux.

- Ce n'est pas la première fois que je viens à votre secours, princesse. Et quelque chose me dit que ce ne sera pas la dernière non plus, fit-elle avec un sourire moqueur. Je serai là à chaque fois pour vous protéger. J'en fais la promesse.

Sur une impulsion, Chat Noir prit sa main tremblante et lui fit un baise-main élégant avec un sourire charmeur. D'un mouvement vif, elle disparut hors de sa vue et partit rejoindre Lordbug. Son bâton la télescopa au sommet de l'hôtel. Lorsqu'elle atterrit dans la suite, il s'était écoulé à peine deux minutes, peut-être trois.

Son partenaire était en train d'affronter Black Butler dans un combat acharné. Les murs étaient constellés de couteaux, de fourchettes et même de petites cuillères qui avaient raté leur cible. L'akumatisé ponctuait ses échecs de cris de frustration.

- Eh bien, maintenant on sait où est passée l'argenterie... commenta Chat Noir en plongeant dans une roulade pour se joindre au combat.

- Sa queue-de-pie ! lança Lordbug en l'entendant arriver.

- Cataclysme !

Sa main canalisant le pouvoir de destruction arracha le vêtement violet foncé qui fut immédiatement réduit en cendres. Un petit papillon de la même couleur s'envola avant qu'un yoyo ne le capture.

- Bybye, petit papillon !

- Bien joué ! firent-ils en joignant leur poing victorieux.

En un éclair, le Grand Paris retrouva tout son faste. Le héros en rouge s'agenouilla près du majordome, déboussolé. Il lui adressa des paroles de réconfort tandis que sa coéquipière l'aidait à remettre sa queue-de-pie totalement inoffensive.

- Je... je ne comprends pas, je nettoyais le placard de mademoiselle Bourgeois et... elle est arrivée... elle était furieuse !

Chat Noir avisa le dit placard. Sans l'indication du majordome, elle n'y aurait même pas fait attention. Mais des papiers s'échappaient de ses portes entrouvertes. Intriguée, elle s'en approcha et mit genoux à terre pour relever ce qu'elle reconnut être des photos.

Son cœur s'affola pour la énième fois aujourd'hui.

C'était une photo de Chloé et Marinette. A bien y regarder, c'était les doubles des photos qu'elle possédait elle-même. Elle se releva, mal assurée, et ouvrit les portes du placard en grand. L'intérieur était constellé de photos et de souvenirs correspondant les concernant toutes les deux. Le ticket du parc d'attraction où elles avaient pris le train de la mine. Un petit flacon de verre contenant du sable de la plage où elles étaient allées en vacances. Un collier avec les lettres "BFF" gravées dessus.

A peine Lordbug eut-il rassuré la victime du Papillon qu'il vit Chat Noir sortir par la fenêtre sans demander son reste.

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Alors, au final, j'ai décidé que ce serait "Lordbug" qui remplacera Coccinus dorénavant. C'est plus cohérent avec Chat Noir qui l'appelle "Milord". J'ai vraiment hésité avec Coccino mais la correspondance avec Ladybug est juste la plus appropriée.

Petit sondage... Quelle opinion avez-vous de Chloé à l'heure actuelle ? Je suis curieuse =)

A bientôt pour le prochain chapitre /o/

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