Chapitre 15 - Saturday Night Fever
Adrien ne sentait pas bien. Voire même très mal. Son cœur battait douloureusement dans sa poitrine quand Marinette expliqua pourquoi elle avait fait le mur. C'était à cause de lui, c'était de sa faute. Tout ça parce que ses sentiments étaient tellement transparents qu'un seul coup d'œil avait suffi à sa mère pour les voir. Mais tout de même, n'était-ce pas un peu exagéré ? L'idée d'être, disons, charnel ne lui était pas étrangère mais ce n'était pas ce qui le préoccupait le plus.
Durant la soirée, la tension de la révélation de Marinette s'était peu à peu évaporée et ils s'étaient lancé dans des défis à Just Dance. Et il fallait dire que la jeune fille était une adversaire redoutable, elle avait un sens du rythme qui frôlait le divin. Mais peut-être que c'était juste l'admiration sans borne qu'il avait pour elle qui s'exprimait. A un moment, ils passèrent un morceau où il y avait des danses en couple. Nino et Alya se mirent spontanément ensemble, mais Adrien les soupçonnait de faire la même chose même s'ils n'étaient pas en couple : faire en sorte qu'il soit avec leur amie.
Bien loin de se douter des tourments du jeune homme, Marinette s'amusait comme une petite folle. Cette boule d'angoisse nichée dans son ventre avait disparu sans qu'elle ne s'en aperçoive et elle profitait simplement de l'instant présent. Après avoir humilié ses amis à Just Dance, la fatigue commença à se faire sentir. Ils s'assirent en cercle sur les matelas, enroulés dans des plaids, vautrés sur les coussins.
Nino et Alya étaient collés l'un à l'autre. Adrien était assis en tailleur adossé à son canapé en train de boire un verre de soda. Marinette était allongée sur le ventre et profitait de leur présence, simplement heureuse d'être là.
- Ça vous dit un jeu à la con avant de dormir ? proposa Alya d'une voix ensommeillée.
- Pourquoi pas ? lança sa meilleure amie en se redressant. A quoi tu penses ?
- Action ou vérité ? tenta-t-elle avec un sourire dont la sournoiserie ne lui échappa pas.
- Sérieusement, Babe ? C'est pas un peu ringard comme jeu ? fit Nino avec un air dubitatif, disant à voix haute ce qu'elle pensait tout bas.
- J'ai jamais joué, tenta Adrien d'une voix basse.
Ils le fixèrent tous avec un certain étonnement puis se regardèrent d'un air entendu. Ils n'allaient pas lui refuser cette -fabuleuse- expérience.
- Tu connais le principe ? Action, on fait quelque chose. Et vérité, on répond en toute honnêteté à la question, expliqua Alya qui vit Adrien lui répondre en haussant de la tête.
- Généralement, c'est humiliant et/ou embarrassant, continua Marinette avec un agacement évident.
- Tu m'en veux encore pour la dernière fois ? lui demanda la jeune créole avec un air faussement désolé.
La jeune adolescente se releva sur les coudes et la fixa de ses yeux étrécis.
- Me faire embrasser Nathaniel, c'était pas cool. Du tout.
- Tu pouvais refuser, fit négligemment Alya, notant au passage la réaction d'Adrien.
Ce dernier avait soudainement relevé la tête pour observer l'objet de son affection avec une curiosité douloureuse.
- Bien sûr, ce n'était pas comme si se soumettre pleinement et entièrement aux règles ne faisait pas partie du jeu, grimaça-t-elle en passant une main dans ses cheveux noirs.
- Bon, alors, tu joues ou pas ? s'impatienta son amie.
Elle la fixa de ses yeux bleus et hocha finalement de la tête en soupirant. Marinette s'affala dramatiquement de tout son long sur son matelas, attendant la sentence d'Alya Césaire.
- Action ou vérité, Marinette ?
- Vérité, fit cette dernière en le regrettant déjà.
- Prévisible. Hm... on sait que tu as au moins déjà embrassé quelqu'un...
- Ça ne compte pas, c'était un jeu et il n'y avait aucune passion dedans, maugréa-t-elle.
- Alors, dis-moi... es-tu encore vierge ? lui demanda-t-elle avec un immense sourire pas gênée le moins du monde.
Marinette se releva, choquée que sa meilleure amie aborde le sujet ouvertement. Elle détourna les yeux et se gratta la joue.
- Non.
- Quoi ? fit Nino, étonné.
- J'ai dit non, mec. Passe à autre chose ! s'exclama la jeune eurasienne, mal à l'aise.
- Mais qui ? Quand ? demanda Alya, avide d'enfin obtenir des informations.
La jeune Dupain-Cheng croisa les bras, fière comme un chat et mit fin à leurs velléités.
- Je ne suis obligée de répondre qu'à une question. Faudra tenter votre chance plus tard, même si je doute de choisir vérité à nouveau.
Les deux amis grognèrent de frustration. Marinette se tourna vers Adrien et lui proposa le même choix. Il n'avait pas l'air dans son assiette. La tension de début de soirée était de retour.
- Vérité ?
- Quel est ton plaisir coupable ? lui demanda-t-elle en voulant ménager son ego. Le truc que tu aimes par-dessus tout faire quand personne ne regarde ?
Pas la peine de le brusquer comme Alya venait de le faire pour elle. Mais au vu de son expression, elle venait de lui demander quelque chose d'aussi embarrassant. Voire plus.
Adrien comprenait pourquoi ce jeu provoquait un amour-haine parmi ses camarades. Tout le monde se mettait dans une position embarrassante pour être moqué au détriment des autres. Le tour de Marinette avait laissé son ego meurtri. Mais il se ressaisit bien vite. Après tout, lui aussi avait vécu des choses avant de la rencontrer.
- J'aime regarder le visage de celle dont je suis amoureux, dit-il d'une voix qui se voulait assurée en la regardant.
Nino et Alya le regardèrent avec des yeux ronds. Il avait vraiment dit ce qu'il venait de dire ? Soit il était très couillu, soit il comptait sur le fait que ce soit trop gros pour que ça passe. Marinette rougit à son tour devant la crudité de cette déclaration. Elle lui murmura un pardon pour l'avoir embarrassé. Il lui sourit timidement pour lui dire que ce n'était rien et passa à Nino qui n'en revenait pas.
Ouais, plus c'est gros mieux ça passe, n'est-ce pas ?
- Action, répondit ce dernier.
- Hm, fais le poirier...
- Quoi c'est tout ? s'étonna ce dernier.
- Je n'avais pas fini. Fais le poirier, sans tes lunettes, précisa-t-il avec un sourire malicieux.
Les filles se mirent à rire d'avance. Son pote se leva retira ses objets fragiles et précieux, c'est-à-dire ses lunettes et son casque audio.
- Tu apprends vite pour quelqu'un qui fait sa première pyjama partie, maugréa-t-il.
Nino écarta la table basse et s'accroupit pour prendre appui sur ses mains. Il bascula son poids en avant et leva ses jambes. Bien qu'il tint plusieurs secondes sans vaciller malgré sa myopie avancée, son haut de pyjama lui tomba sur le visage et le déstabilisa au point de s'effondrer sur lui-même. Sans trop se faire de mal, heureusement. Une fois les éclats de rire calmés, il ramassa sa dignité et passa à Alya.
- Babe ?
- Vérité !
- Dans le cas hypothétique où on ferait un plan à trois, qui préfèrerais-tu entre Chat Noir et Lordbug ?
Inutile de préciser que les deux héros recracha son soda pour l'un et s'étrangla avec pour l'autre. Toussant, pleurant, retrouvant difficilement leur souffle, Adrien tapa dans le dos de son amie pour l'aider et tenter de se donner une contenance. Chacun mit leur réaction mutuelle sur le compte de la gêne croissante de cette session d'Action ou Vérité, et non pas sur autre chose de bien plus bouleversant.
- Sérieusement ? grogna la jeune fille souffrant de la brûlure du soda dans ses narines.
Alya, nullement perturbée, semblait réfléchir à la question comme si on lui soumettait la nouvelle réforme scolaire. Avec une gravité qu'on ne lui connaissait pas, elle releva la tête et commença à faire son exposé.
- C'est une question difficile. Lordbug a un corps de rêve et le trip superhéros, ça me fait quelque chose, c'est certain. Mais j'ai toujours voulu explorer mon côté bi, nuança-t-elle. Et Chat Noir, misère, ce costume de cuir noir ne laisse quasiment rien à l'imagination. Elle pourrait être nue que ce serait presque plus décent, rigola-t-elle. Et puis, je me souviens que c'était un de tes fantasmes, deux filles. Alors ce sera notre héroïne.
Pendant que Nino embrassait avec tendresse sa moitié, Marinette criait intérieurement d'horreur difficilement contenue. Issue de son imagination suggestible, d'abominables images envahissaient son esprit tandis qu'elle luttait contre des tremblements nerveux et l'envie de se laver les yeux, les oreilles et le cerveau à l'eau de Javel. Elle n'aurait jamais dû accepter ce jeu. JA-MAIS !
De son côté, Adrien n'en menait pas large. Sa carrière de mannequin à temps partiel l'avait déjà exposé à ce genre de choses, l'admiration pouvait prendre de multiples formes. Mais là, c'était comme si on l'avait traîné dans la chambre de ses amis les plus proches.
Bienvenue à Malaise Land.
- Pause ? suggéra raidement Marinette en se levant sans attendre une réponse.
- Oui, volontiers ! renchérit ce dernier.
Il se leva et monta à la mezzanine et emprunta l'échelle pour aller prendre l'air sur le toit-terrasse. Dans son envie de fuir les deux tourtereaux, elle le suivit et se retrouva pantelante à l'air libre, comme si elle avait couru le cent mètre.
Il faisait frais dehors mais cela fit du bien à ses joues enflammées par la situation ridicule et autrement dérangeante. Elle s'assit sur un banc et tenta de reprendre ses esprits.
- C'est toujours comme ça ? lui lança-t-il pour meubler la conversation.
- Quoi donc ? Le fait qu'ils sont tellement faits l'un pour l'autre qu'ils sont pas sortables ? Ou bien la gênance extrême d'Action ou Vérité ? lui demanda-t-elle en relevant la tête.
- Les deux.
- Oui. Et encore, je crois que c'est une partie relativement soft d'Action ou Vérité, commenta-t-elle sombrement.
- Oh, vraiment ?
Il s'assit à côté d'elle et s'adossa en expirant lentement toute la tension qui l'habitait. Marinette hocha simplement de la tête, préférant ne pas se remémorer des parties passées.
- Je suis désolé, lâcha soudainement Adrien.
Sa voisine de banc cligna des yeux d'étonnement, ne sachant pas d'où ça sortait.
- Pour ta mère, précisa-t-il.
- Bah ! Ce n'est pas ta faute si ma mère se fait des idées pour rien, le rassura-t-elle en haussant négligemment des épaules.
- Elle ne se fait pas des idées, répliqua-t-il sans trop réaliser la bombe qu'il s'apprêtait à lâcher.
Marinette se raidit, ayant peur de comprendre le sous-texte. Elle capta son regard vert et attendit qu'il reprenne.
- Tu es une fille géniale, intelligente, spirituelle avec un sacré bagou, sportive et drôle. Et très jolie, pour ne rien gâcher. C'est normal qu'elle guette tous ceux qui seraient susceptibles de te faire du mal, expliqua-t-il avec une aisance qu'il ne se connaissait pas.
Il eut une hésitation.
- Bien que ce soit déjà arrivé, d'après ce que tu m'as dit, dit-il tout bas.
En expirant longuement, elle se rendit compte qu'elle avait retenu son souffle. Elle frotta le dessus de ses cuisses avec ses mains dans un geste nerveux. Elle avait eu peur qu'il... pfft, non c'était ridicule.
Les joues rosies par ces compliments, elle mâchonna une mèche de cheveux noirs.
- Au fait, ton père n'est pas là ? demanda-t-elle au bout d'un temps, changeant totalement de sujet.
- Non, il est en voyage d'affaires à Shanghai. Il rentre lundi. Nathalie prend soin de moi.
- Nathalie ?
Il resserra le plaid autour de lui, le regard dans le vide.
- C'est l'assistante de mon père et ma tutrice en son absence depuis que ma mère est morte, expliqua-t-il à voix basse.
- Je suis désolée.
Il lui fit un pauvre sourire.
- Ça a été dur les premiers temps, avec mon père c'était... ouf. La troisième guerre mondiale, je lui en ai fait bavé. Tu n'as pas idée !
Elle se tourna vers lui, un genou en travers du banc et s'accouda l'air pas convaincu.
- Adrien "Je suis bien sous tous rapports" Agreste en a fait bavé à son papa ? J'ai du mal à y croire.
- J'aimerai que ce soit juste une blague, mais non. On s'est fait beaucoup de mal alors que nous étions tous les deux en deuil, dit-il les sourcils froncés et la voix chargée de regrets. Mais on a réussi à se retrouver et à faire du mieux qu'on pouvait pour redevenir une famille à nous deux. Essentiellement grâce à Nathalie.
- Oh ? Elle a osé s'opposer à l'impassible et impitoyable Gabriel Agreste ? s'étonna Marinette, bien au courant de la réputation du célèbre styliste.
- Pire que ça, elle l'a engueulé, expliqua-t-il en riant. Elle nous a engueulé comme si on était deux gamins bornés. Ce qui était le cas. Son intervention nous a permis de mettre de côté notre orgueil mal placé et de faire la paix. Ce n'était pas tout cuit, loin de là. Mais on a passé les années suivantes à s'aider à se reconstruire. Mon père m'a emmené partout avec lui pour passer le plus de temps ensemble.
- Et cette année ?
Adrien la regarda avec un sourire en coin.
- Je lui ai fait part de mon envie de me poser et de me faire des amis. D'aller au lycée. Il m'a soutenu dans mon choix même si on se voit moins. On s'appelle souvent pour une visio pour garder un lien.
- Vous avez l'air proche, c'est réjouissant, fit-elle attendrie.
Il acquiesça silencieusement.
- Je ne l'aurais pas parié il y a trois ans mais j'en suis heureux. Je ne regrette pas mon choix même s'il me manque souvent.
Marinette lui sourit. Sous la lumière opalescente de la lune, son teint de porcelaine semblait luire d'une lumière propre, faisant ressortir ses yeux bleus si brillants et ses lèvres si roses.
- On redescend ? lui proposa-t-il pour couper court à l'envie de l'embrasser qui montait en lui.
- Je ne sais pas si j'ai envie de risquer un coup d'œil en bas, lui répondit-elle à nouveau nauséeuse.
- Pourquoi ?
- On les a laissé, seuls. Pendant un long moment.
- Ils n'oseraient pas quand même ?
- A tes risques et périls, mon gars !
Il n'en fit rien.
- Après tout, la nuit est belle ce soir, fit-il pour changer de sujet.
- Oui, très belle, renchérit Marinette avant de se mettre à rire nerveusement.
Il ne fallut pas longtemps à son ami pour la rejoindre.
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J'ai pleuré de rire en écrivant ce chapitre ! xD
Comment ça le malaise était palpable ?! C'était fait exprès ! :p
A bientôt pour la suite /o/
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