Chapitre 14 - En cat-imini

- Elle n'était pas bien, elle se sentait mal et c'est ce qu'un ami fait pour en réconforter un autre, non ? expliqua Adrien en installant de quoi grignoter dans sa chambre.

Assis sur un immense canapé en cuir crème, Nino observait son ami de manière dubitative. Il avait apporté un sac entier de boîtes de jeux. Adrien avait toutes les consoles sur lesquels ils pourraient jouer jusqu'à pas d'heure.

Ils étaient samedi soir et le jeune homme avait trépigné d'impatience toute la semaine en attendant ce grand moment. Sa première soirée où il invitait des amis à passer la nuit à la maison ! Des matelas avaient été installés pour pouvoir se vautrer par terre en toute simplicité. Des coussins et des plaids étaient mis à disposition pour leur confort.

- Mec, tu m'aurais tenu la main si j'avais été à sa place ?

Il en perdit ses mots.

- Donc, ce n'était pas rien, continua le jeune Lahiffe. Surtout quand l'un des deux amis concernés est amoureux de l'autre.

- D'accord, d'accord, tu as raison. Mais j'ai agi à l'instinct et je te rappelle que je n'ai pas intégré "les normes sociales" comme tout le monde. Je débute.

Les coudes sur les genoux, son ami joignit ses mains sous son menton. Adrien vint s'asseoir à côté de lui, regardant quels jeux il avait. Malgré son équipement plutôt impressionnant, il n'avait jamais réellement joué. C'était plus sympa de le faire avec des amis, ce qu'il n'avait pas vraiment jusqu'à maintenant.

- J'ai pas dit que tu avais mal agi, j'ai dit que ce n'était pas aussi anodin que tu veux me le faire croire. Et d'ailleurs, comment vous en êtes arrivés là ? Nan mais je te jure, mec ! Ça doit faire des années que j'en vois galérer pour avoir son attention, et toi, bim ! Tu rentres dans le game et en un mois, vous vous tenez la main !

- C'est pas du tout comme ça que je l'ai vécu, tempéra-t-il en vérifiant les branchements sur sa télé grand écran. C'était quelque chose d'intense, c'est sûr. Elle s'est confiée à moi mais ça n'avait rien de romantique. Bien au contraire.

Nino le regarda comme s'il était un xénomorphe en costume de Kermit la Grenouille.

- Mais de quelle planète viens-tu ? lâcha-t-il au bout d'un moment.

Adrien était perdu mais il ne pouvait empêcher un sourire débile de naître sur ses lèvres. Il prit la télécommande et vérifia la réception d'image et de son des consoles. Tout avait l'air de fonctionner parfaitement.

- Quoi ?

- Non, tu me "Quoi ?" pas ! Je connais Marinette depuis le jardin d'enfants, tu m'entends ?! Je m'estime être parmi ses meilleurs amis et elle ne m'a pratiquement JAMAIS RIEN confié de personnel. Mec, tu es le messie qu'on attendait !

Le "Messie" eut pour de bon un sourire idiot, se retenant de croire ce que lui disait son camarade. Il ne voulait pas se faire de faux espoirs, surtout au vu des confessions de la jeune fille qu'il s'était bien gardé de partager. Ce n'était même plus "ne pas avoir de chances" à ce stade, c'était l'inexistence de chance. Étrangement, il se serait cru plus affecté par cela. Mais en fin de compte, il y avait de l'espoir. Il lui fallait du temps pour se remettre et lui, de la patience pour l'attendre.

- Au fait... Pourquoi t'as insisté auprès d'Alya pour qu'elle aille lui porter les devoirs l'autre jour ? T'aurais pu le faire et en profiter pour passer du temps avec elle, non ?

Le jeune Agreste eut l'air d'y réfléchir.

- Je voulais leur donner l'occasion de s'expliquer et de se réconcilier. Malgré l'infirmerie, je ne souhaitais pas m'imposer. Je suis bien conscient qu'elle était dans un état vulnérable et l'envahir n'est pas la bonne approche.

- Pour un noob en "normes sociales", tu t'en sors très bien.

Nino lui tendit son poing pour initier leur check perso. Amusé, Adrien le rejoignit pour effectuer leur petite chorégraphie.


Marinette avait formelle interdiction de fréquenter Adrien en-dehors des cours. Mais elle avait bien l'intention de passer la soirée avec ses amis malgré tout. C'était un gros risque qu'elle s'apprêtait à prendre mais son kwami n'était pas moralisateur pour un sou. Bien au contraire.

- Donc, tu as prévenu tes amis que tu viendrais un peu plus tard ?

- Oui, je vais me "coucher" tôt puis j'y vais discrètement par la voie des toits. Et je rentre demain matin de la même manière. Ni vue, ni connue, lui expliqua-t-elle fière de son plan.

- Je suis censé te raisonner sur l'inutile risque et l'usage égoïste que tu fais des pouvoirs qui te sont conférés...

La jeune fille vérifiait la fermeture éclair de son sac à dos contenant ses affaires pour la nuit. Elle se tourna vers lui avec un sourcil interrogateur, attendant la suite.

- Mais as-tu prévu mes camemberts ? demanda-t-il finalement avec un air gourmand.

Elle eut un sourire en coin et sortit le tupperware imposant qu'elle avait pris pour lui. Il se plaqua à sa joue et y frotta vivement sa tête en ronronnant de plaisir. Marinette eut un rire attendri en lui grattant derrière l'oreille et fit le point avec lui.

- On est d'accord ? Exception faite d'un akuma, tu ne sors de mon sac sous aucun prétexte.

- Oui, oui. Ne t'inquiète pas, je serai trop occupé à manger et dormir de toute façon ! lui assura Plagg d'un air désinvolte.

Il était dix-huit heures vingt-sept. En d'autres circonstances, elle devrait déjà être avec ses amis, à essayer de se mettre d'accord sur le premier jeu et sur les pizza à commander. La frustration était forte en elle. Mais elle rongea son frein et descendit dans le séjour pour faire acte de présence pendant que sa mère préparait le repas du soir. Elle regretta presque de leur fausser compagnie quand elle sentit l'odeur alléchante qui s'échappait des casseroles.

Sa mère lui jeta un coup d'œil tandis que sa fille faisait du zapping d'un air absent. Elle tapait des messages sur son téléphone et ne semblait pas vouloir engager de contact. Sabine pinça ses lèvres. Après coup, elle reconnaissait volontiers qu'elle avait sur-réagi. Mais le reconnaître devant sa fille serait faire preuve de faiblesse et d'un manque de fermeté.

Il n'y avait rien de mal dans le fait d'avoir des amis garçons et c'était des choses de son âge, lui avait exposé son époux avec diplomatie. Plus on lui interdirait, plus elle forcerait les barreaux de sa cage. Au moins, elle était briefé sur les moyens de contraception, avait-il plaidé.

Sabine coupa le feu et demanda à Marinette de mettre la table.

- Je n'ai pas faim, je vais me coucher. Bonne nuit, lui répondit-elle d'un ton bas.

Évitant de croiser son regard, la jeune fille monta les escaliers jusqu'à sa chambre et ferma la trappe d'un mouvement un peu brutal. Restée seule dans le séjour, la boulangère s'assit et se prit le visage avec les mains. Ses épaules se soulevèrent rythmiquement dans le silence de sa cuisine.


Aux alentours de vingt heures trente, Marinette sonna au portail du manoir Agreste. Elle ne l'avait pas vraiment observé lors de sa promenade nocturne, mais il était très impressionnant. Elle estima trois étages sans le toit-terrasse. Une immense baie vitrée laissait deviner une mezzanine avec d'immenses bibliothèques.

Derrière la simplicité de ses manières et sa maladresse sociale, l'adolescente avait fini par oublier qu'Adrien Agreste était, pour le dire poliment, pété de thunes et célèbre. Elle n'eut pas le temps de compter jusqu'à dix que ce dernier déboula pour lui ouvrir avec un immense sourire. Elle lui fit la bise et entra sur son invitation.

- Je suis content que tu sois là ! s'exclama-t-il avec chaleur en la guidant dans l'immense bâtisse.

- Moi aussi, fit-elle avant d'ouvrir la bouche de surprise devant le faste et le luxe à l'intérieur.

Marbre blanc veiné de noir, marbre noir veiné de blanc. Cela aurait pu paraître austère s'il n'y avait cette touche de je-ne-sais-quoi qui donnait une certaine chaleur à l'ensemble.

- Par ici, l'invita-t-il avec beaucoup d'excitation.

Ils montèrent un escalier avant de franchir une immense double-porte blanche. Sur le seuil, la retardataire se décrocha la mâchoire.

- Mon appartement, et la boulangerie tiendraient dans cette chambre, commenta-t-elle au bout d'un moment.

- Ouais, mais je trouve que c'est trop grand pour moi tout seul. Alors je suis content que vous soyez là, lui répondit Adrien, une main sur la nuque visiblement gêné de cet étalage de richesse avec ses amis plus modestes.

Elle posa sa main sur son bras, provoquant un frisson chez son interlocuteur. Nino et Alya s'affrontaient au bowling sur Wii. Le jeune Lahiffe venait de faire un nouveau strike sous le regard dépité de sa copine.

- Hé ! Je ne te fais aucun reproche, on ne choisit pas sa famille.

Adrien, oubliant sa fébrilité habituelle, remarqua que sa gorge s'était serrée sur le dernier mot.

- Quelque chose ne va pas ? Je veux dire... avec ta famille. Enfin, je ne veux pas être indiscret ou intrusif, hein. Mais la façon dont tu l'as dit... tu sais quoi ? Oublie ce que je viens de dire. Allons plutôt jouer !

Marinette se mit à rire, elle chérissait d'autant plus l'amitié du garçon qu'il arrivait toujours à lui redonner le sourire. Même dans les situations qui s'y prêtaient le moins. Elle déposa son sac et se servit une part de pizza. Elle s'assit sur l'immense canapé, trop heureuse d'être là avec eux. Même si une certaine tension demeurait du fait de sa présence "parentalement" illégale. Chose dont elle devait avertir ses amis.

- J'ai un truc à vous dire, fit-elle d'un ton grave après les salutations. J'ai fait le mur pour venir ce soir.

Nino, Alya et Adrien écarquillèrent les yeux.

- Wouah, je te soupçonnais d'être une ninja mais là... fit Nino avec une certaine admiration.

- Mais ? Pourquoi ? demanda Alya.

Adrien s'assit à côté d'elle, oubliant son trouble pour poser une main sur son épaule en signe de soutien et de réconfort. Elle se tourna vers lui avec une expression embarrassée et ne trouva pas de manière plus polie de rompre ce contact qu'en se levant. Causant au passage un pincement douloureux au cœur de son ami qui se demandait s'il avait fait quelque chose de mal.

Faisant les cents pas, Marinette hésita longuement à tout leur expliquer. Son regard s'attarda un instant sur Adrien qui la fixait avec inquiétude de ses yeux verts avant de le détourner avec une gêne croissante.

- Eh bien ? relança Alya, un peu impatiente.

- Ma mère ne veut pas que je fréquente Adrien en-dehors des cours, lâcha-t-elle finalement.

Le concerné écarquilla les yeux de surprise, sentant ses entrailles se liquéfier.

- Pourquoi ? J'ai fait quelque chose de mal ? Je peux aller lui parler pour s'expliquer si tu veux ?

Elle l'interrompit en levant les mains vers lui avec une expression peinée. Inutile de dire qu'ils étaient tous les deux sur des charbons ardents. Lui parce qu'il culpabilisait déjà sur quelque chose qu'il aurait fait pour déplaire à sa mère. Elle parce qu'elle allait installer un malaise certain entre eux.

- Tu n'as rien fait de mal, Adrien. Ma mère... déglutit-elle sans pouvoir soutenir son regard. Ma mère estime que les garçons... n'apportent que des ennuis... à des filles de mon âge. Je ne fais que la citer.

Tandis que le sens de cette déclaration pénétrait l'esprit de ses amis, chacun eut une réaction toute personnelle. Nino secoua la tête en levant les bras au ciel. Alya se mit à rire comme à une mauvaise plaisanterie. Et Adrien ajouta une nouvelle nuance de rouge au patrimoine chromatique de l'humanité.

- Elle est coincée, ta mère, dis donc ! s'exclama sa meilleure amie. Elle n'est pas au courant qu'au contraire, il faut être "libéré" sur ce sujet pour éviter des malaises. Justement ?

- Tout le monde n'a pas ta chance d'être née dans une famille de culture créole, Al, répliqua piteusement Marinette.

Comme pour confirmer sa remarque, Alya se vautra presque sur Nino pour lui faire un gros câlin. Ce dernier rougit un peu devant cette démonstration d'affection mais ne fit aucune remarque.

- Donc, j'aurais besoin que vous me couvriez et que vous passiez sous silence ma présence ce soir ?

- Bien évidemment ! lui répondit Nino pour tout le monde.

Alya acquiesça avec un clin d'œil complice. Libérée de son fardeau, elle alla chercher son pyjama. Adrien n'était toujours pas sorti de son état de catatonie et elle hésita à lui demander où elle pouvait se changer. Émergeant enfin, toujours rouge d'embarras, il lui indiqua sa salle de bain personnelle et détourna les yeux.

Marinette eut un moment d'hésitation. Elle aurait aimé lui parler mais pour lui dire quoi au juste ? Rien qui ne l'aurait pas plus embarrassé de toute manière. Elle soupira et ouvrit la porte de la salle de bain.

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Ah cette tension si caractéristique entre les adolescents ! Cela me rappelle ces séries un peu neu-neu qui passent durant les vacances d'été sur des adolescents en vacances...

J'espère que ce n'est pas trop neu-neu pour vous :p

A bientôt pour le prochain chapitre /o/

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