Jour °1

24 janvier 2023

« Les gens n'ont eu de cessent de me prévenir à propos de mon rêve, comme quoi, il serait totalement stupide, et pourtant, j'étais assez têtu pour m'obstiner sur cette voix, ne dit-on pas que l'on ne peut trouver quelque chose sans pour autant l'avoir cherché ? Ce jour là, du haut de mes 10 ans, en voyant ces pages remplies de couleurs, de courbes et de lignes en tout genre, j'ai décidé que ce serait ça, ce que je ferais de ma vie, ma vie servirait à exercer cet art dont je me suis amouraché depuis l'enfance, ma vie se résumerait tout simplement sur une page de papier vierge, sur laquelle quelqu'un viendrait dessiner toutes sortes de chose, animal, objet, personne

Ma vie entière se résumait à cet art que j'adorais

Il égayait mes journées, je ne vivais que pour ces moments que je passais devant cette feuille immaculée, la remplissant de mes rêves, désirs et envie à l'aide d'un simple crayon à papier

J'adorais dessiner

Au fil des années, mon niveau évoluait, je pouvais déjà en cinquième représenter un environnement entier sur le papier, en troisième je m'essayais pour mon premier portrait, qui je le trouve, était plutôt réussi, celui qui autrefois n'était que le vilain petit canard de sa classe venait maintenant de gagner la sympathie des autres avec seulement quelques coups de crayon

Celà me remplissait de joie

Et pourtant, même en étant au milieu de cette foule de personne intéressées par mon art, un vide immense subsistait dans mon cœur, aucun dessin n'était arrivé à combler ce dernier, ce gouffre balayait ce qui me restait de joie et de bonne humeur, même mes dessins, qui étaient jusque là toute ma vie, me semblaient bien fade en comparaison

Et ce qui devait arriver arriva

Moi qui adorait colorer mon monde, j'étais fort démuni lorsque ce mal vint frapper à ma porte, sans prévenir, du jour au lendemain

Le monde me paraissait bien morne ce jour là, et pour cause ?

Je n'étais plus en mesure de distinguer les couleurs

La couleur du ciel qui était jusque là ma préférée se mua alors en gris terne, sans vie, se dérobant à sa beauté d'autrefois, à chaque fois que je plongeais mon regard dans celui de quelqu'un, je n'y voyais que la profonde noirceur de ma propre âme, de ce que j'étais devenue

J'étais entrain de couler

Le temps n'arrangea pas mon cas, les jours défilèrent, puis les mois, qui devinrent par la suite des années

Et ça jusqu'à ce que je finisse le lycée

Moi qui avait perdu le don de voir les couleurs, je n'avais pourtant pas oublié mon objectif, celui que je m'étais fixé étant enfant

J'allais devenir Mangaka, l'un des plus grand que le monde ai connu

Pourquoi ? J'adorais dessiner, certe, mais la deuxième chose que j'aimais le plus au monde était d'entendre les histoires conté par ma mère avant d'aller me coucher

Peut-être que c'est de ça dont j'avais réellement besoin, que j'essaie encore de combler ce vide présent dans mon coeur en lui rendant hommage à travers mes histoires

Et c'est donc comme ça que je me retrouvais là, en pleine place japonaise dans les rues de Shibuya, encore plus noire de monde que je ne l'imaginais, et pourtant, j'étais debout au milieu de cette foule, attendant celle qui était chargé de me faire la visite du pays de mes rêves, celui que j'avais toujours voulu visiter

Le japon

Je n'avais pas hésité une seule minute à vouloir m'installer ici, peut-être pour fuir cette vie qui n'était plus réellement la mienne en Angleterre, ce monde morne qui ne me définissait plus

Toutefois, en venant au pays du soleil levant, m'attendant à enfin avoir ce déclic qui pourrait peut-être m'aider, je n'eus rien, pas même un semblant d'excitation

C'était comme si le monde lui même me faisait face, en me narguant de tout mon être

J'avais donc demander à un guide de le faire la visite, car même en me documentant, je n'avais pas connaissance du terrain, celà faisait une bonne dizaine de minute que j'attendais, téléphone en main, je me demandais bien ce que nous allions voir, s'aventurer seule à Tokyo, ou même seulement dans les rues bondées de Shibuya était presque impossible pour un touriste, mais si je comptais vraiment m'installer ici, alors je devrais faire quelques efforts pour me familiariser à ce milieu

Espérons juste que j'en sois capable »

...

...

     - Monsieur excusez-moi, vous êtes bien Henry Stark si je ne me trompe pas ?

J'eus tout d'abord un tressaillement me parcourant l'échine, car je ne m'attendais pas du tout à ce que la voix du guide soit en anglais, qu'elle soit si calme, si douce, si ... Si féminine ?

Je me retournais lentement, pour tomber nez à nez avec une fille de petite taille, fronçant les sourcils, habillée d'un manteau pour moi gris et d'une écharpe, mais le plus improbable dans cette situation était surtout le bleu de ses yeux, qui étaient...

Attendez ? Le bleu de ses yeux ?

J'arrivais à voir cette couleur ? Ce fût ma première fois en quatre ans, ses yeux étaient semblables au bleu du ciel que j'affectionnais tout particulièrement autrefois, lorsque je me permettais encore d'admirer le firmament, et en voyant à travers ses yeux la beauté de ce dernier, je m'essayais à lever les yeux vers ce dernier, me disant que je venais enfin de regagner la vue des couleurs

Mais je ne croisais que la même nuance de gris que je n'ai cessé de détester ces quatres dernières années

Je redirigeais mon regard vers cette fille, et mes yeux s'agrandirent en remarquant que la couleur de ses yeux étaient la seule qui arrivait à se faire voir dans ce paysage grisâtre

Ses yeux étaient vraiment la seule couleur que mes yeux acceptaient de voir ?

     - hé ho monsieur Stark, puis-je faire quelque chose pour vous ? Demanda la jeune femme en tendant une main vers la trajectoire de mon regard

Je l'observais de plus près, elle devait sûrement être brune vu la noirceur de ses cheveux, ou bien tout simplement avait-elle des cheveux noires, vu comme ça je supposais qu'elle devait être un peu plus jeune que moi, serait-elle encore au lycée ? Travaillait-elle bénévolement comme guide touristique ? Une chose que j'ai oublié de préciser, c'est que depuis plus de cinq minutes, je n'avais pas détourné mon regard du sien, me surprenant à reprendre goût à cette couleur qui m'apparaissait comme une vielle amie perdue depuis longtemps

     - monsieur, vous n'avez pas dit un mot depuis que nous sommes là ? Vous sentez-vous bien ? Nous pourrions allez dans une pharmacie ou un hôpital si ça ne va pas, et ...

     - je vais bien je vais bien merci, et par pitié, ne m'appelle pas monsieur, je déteste ça, me plaignis-je tout en grattant l'arrière de mon crâne

     - mais si vous ne voulez pas que je vous appelle monsieur, comment voulez-vous que je m'adresse à vous hein ?

     - le monsieur a un nom je te le ferais dire, et cesse aussi de me vouvoyer, nous ne devons pas avoir un écart d'âge aussi important pour ça

Elle se refroidit soudain, l'irritation de son regard disparu, et elle esquissa son premier sourire, mon coeur ratta un battement, il était radieux, irradiant comme mille soleil, il suffit à réchauffer mon coeur meurtri de froid depuis trop longtemps, j'avais même oublié que j'en avais un à force, ne ressentant que de légère palpitations au niveau de ma poitrine au quotidien, enfin jusqu'à aujourd'hui, en l'entendant battre à cette cadence, je crus même qu'il était défectueux, qu'il allait exploser, ou c'est juste moi le problème ?

     - une chose est sûre, vous êtes différent des autres monsieur Stark, ajouta-t-elle toujours le sourire au lèvre

     - et en quoi suis-je si différent ? Demandais-je interloqué par ses dires

     - les autres ont tendance à considérer le guide comme quelqu'un d'inférieur à eux durant les visites, se permettant d'être impatients et de lui donner des ordres, de plus le faite que je sois une fille n'a jamais arrangé mon cas, enfin vous comprenez ?

     - je ne vous suis toujours pas je vous l'avoue ...

     - le faite que vous me placez sur un même pied d'égalité avec vous me prouve déjà votre bonne fois, ça se fait de plus en plus rare, ceux qui ont les moyens de se payer un guide personnel sont des richards imbus d'eux même, mais vous vous êtes différent

À ce moment, je ne suivais pas tout ce qu'elle me disait, m'attardant plus sur le bleu de ses yeux, plissant mon regard afin d'inscrire de nouveau cette nuance, cette onde de couleur dans ma mémoire, j'avais même fini par me demander à quoi celà ressemblait au fil de années

À quoi ressemblerait mon environnement si il était tout en couleur ?

À quoi ressemblerait cette fille si elle était tout en couleur, sûrement serait-elle plus belle encore, j'aurais enfin la confirmation que ses cheveux sont bruns ou noirs, sûrement avait-elle des joues roses, et des lèvres rouges, comme la plupart des Japonaises

Ses lèvres ... Mon regard il y a quelques instants tournés vers ses yeux se baissa vers ces dernières, les regardant remuer au fil de ses paroles qui pour moi me semblaient trop lointaine pour que je puisse les entendre

     - monsieur un problème ?

Aussitôt ramené à la réalité, je me donnais une bonne gifle pour reprendre mes esprits, que se passait-il merde ? Que m'arrivait-il ? Mon âme de puceau de 19 ans remontait à la surface ? Dans un moment pareil

     - par quoi veux-tu commencer ? .... Henry ? Je peux t'appeler comme ça hein ?

La demande me semblait plus que alléchante, je l'imaginais bien prononcer mon prénom, je savais que chez les japonais celà marquait la familiarité dans une relation, j'hochais donc positivement la tête

J'avais envie de l'entendre prononcer mon prénom à nouveau

     - comme tu veux, mais toi alors ? Tu connais mon nom mais moi je ne connais pas le tien ...

     - Kaya Nagasaki, voilà comment je m'appelle

Kaya Nagasaki hein ... Je notais cette infos dans un coin de ma tête, un beau nom ... J'irais peut-être chercher la signification une fois rentré

...

Attendez ? C'est quoi cette idée de dérangé mental ? Aller chercher la signification du nom d'une personne que l'on venait de rencontrer, on dirait un psychopathe

     - bien, commençons par le quartier de Shibuya, je connais un bon resto dans lequel tu pourrais t'arrêter et manger les meilleures ramen de la capitale, il y a aussi un marchand de Takoyaki et de boulette de poulpe si tu veux bien, hiii j'en ai déjà l'eau à la bouche

     - à croire que ce n'est pas moi mais toi qui va manger, blaguais-je pour la taquiner

Ses joues virèrent au rouge, enfin selon la teinte légèrement différente qui apparut sur ses joues, elle était mignonne quand elle rougissait, avec son air gêné, elle se ravisa et reprit un ton plus sérieux

     - mais si vous voulez on peut visiter les temples, les périodes de fête sont déjà passées mais il reste de l'animation de ce côté là

     - je penche plus pour ta première idée, allons manger aux restaurants de la capitale

Je vis son regard couleur ciel s'illuminer, elle me prit soudainement la main et me tira à travers la foule, d'après elle, c'était pour aller plus vite, notre première destination fût le standP de boulettes de poulpe, j'ai faillis me brûler la langue tellement elles étaient chaudes, mais elles étaient délicieuses, j'en achetais aussi un lot pour Kaya, qui tout d'abord refusa, mais j'insistais tellement qu'elle finit par céder, je savais bien qu'elle mourrait aussi d'envie d'en manger, vu son regard s'attardant trop longtemps sur le stand pour n'être qu'une simple coïncidence, on enchaîna par le café vendant des sucreries, ainsi que les meilleurs Doriyaki de la ville, c'était des biscuits en forme de poissons, mais ils restaient exquis, après une bonne dizaine de restaurant, on finit par s'arrêter devant un stand de ramen, je pris deux bols de ramen au porc et on se mit à manger, tout en se racontant les anecdotes de cette journée qui touchait bientôt à sa fin

     - tu as acheté tellement de Doriyaki qu'on a dû en prendre à emporter, me fit-elle remarquer en tenant dans ses mains le sac où étaient les biscuits en question

     - je ne pouvais pas savoir, je ne maîtrisais pas bien le cours du Yen avant que tu ne me l'explique tout à l'heure, rétorquais-je en buvant la soupe de mes ramen

     - pourquoi es-tu venu au japon en ne connaissant même pas le coût monétaire, quel était ton but en venant ici ?

Je reposais mon bol, et basculais la tête en arrière, le but premier de ma venue au japon restait de dessiner mon chef d'oeuvre, le manga qui je l'espèrais, me rendrait célèbre

Toutefois ... Depuis que j'étais arrivé ici, rien ne m'enthousiasmait vraiment, sans les couleurs, le pays du soleil levant demeurait aussi morne que Londre, je ne voyais pas la différence entre les deux, me sentant atrocement seul même dans les allés bondées de Shibuya

Voilà pourquoi j'avais décidé de prendre un guide, espérant que j'avais raté quelque chose, que le paysage japonais pouvait éveiller quelque chose en moi, quelque chose que j'avais raté, quelque chose que j'avais oublié

Mais en repensant à cette journée, me representant notre parcours en fermant les yeux, j'eus un léger rictus, nous n'avions pourtant rien fait d'extraordinaire, nous contentant d'arpenter la ville en nous arrêtant devant le plus de restaurant possible

Pourtant, je me sentais revivre, en inspirant un bon coup, je me convins que c'était la meilleure chose qui pouvait m'arriver, après quatre ans à vivre dans un monde ayant perdu sa couleur, je venais enfin d'en retrouver une

Et c'était grâce à cette fille

Je ne savais pas pourquoi ce n'était que le bleu de ses yeux que j'arrivais à capter, mais peu importe, je ne voulais pas la quitter, je ne voulais pas perdre le seul moyen que j'avais d'admirer à nouveau le bleu du ciel

Je ne voulais pas perdre celle avec qui j'étais arrivé à passer une journée entière après quatre ans de profonde solitude

J'ouvrais les yeux, et les tournait vers elle, qui me fixa comme prise au dépourvue, ma soudaine réaction devait sembler exagérer

     - pourrais-je te revoir Kaya ?

     - pardon ?

Ma demande pouvait sembler bizarre, et pourtant, je n'avais pas d'autre solution en tête, si je voulais qu'elle reste avec moi, il fallait que je trouve le courage de le lui demander

Encore faut-il qu'elle accepte ...

...

     - hé ben si tu le demandes, tu sais, ça fait six mois que j'exerce ce travail, et je ne m'étais jamais autant amusé qu'aujourd'hui, peut-être que c'était d'un client comme toi dont j'avais besoin pour apprécier ce travail, si c'est pour encore te faire une visite, n'hésite pas à m'appeler

Et leva son téléphone devant moi, affichant son numéro de téléphone, mes joues s'enflammèrent

C'était la première fois que je prenais le numéro d'une fille

Je sortis mon téléphone de ma poche et recomposa le numéro en question, au moment où je voulu l'enregistrer, elle m'ôta le téléphone des mains et se mit à pianoter sur le clavier, réécrivant son nom, avant de me tendre à nouveau mon téléphone

« ma boussole 🧭👣✨ »

À la vu de son nom dans mon téléphone, j'éclatais de rire, jamais je n'aurais penser à employer celui là, mais il lui allait bien, plus que bien même

     - c'est la première fois que je te vois rire ainsi Henry, me fit remarquer Kaya en ayant un air taquin

Honnêtement... Moi aussi, c'est la première fois que je riais ainsi en quatre ans, et pourtant, pour la première fois depuis ces dernières années, ce rire m'échappa, devenant même incontrôlable

Je repris vite contenance avant de payer nos deux bols de nouilles et de sortir de la boutique avec Kaya, le soleil pointait déjà à l'horizon, on marcha jusqu'à la gare, c'était son arrêt à elle, on se séparait ici

     - au plaisir de vite te revoir Henry

     - tout le plaisir est pour moi Kaya

Elle me fit un bref mouvement de main en signe d'au-revoir avant que le bleu de ses yeux ne disparaissent de mon champ de vision

...

...

J'avais déjà atrocement envie de la revoir

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