Chapitre 22
Soobin poussa la porte arrière du cabaret pour rejoindre l'extérieur. Le show était fini, mais l'Escapade était loin d'être vide, il allait falloir compter encore une bonne heure pour que les spectateurs soient tous partis. Actuellement, ils profitaient encore de leur coupe de champagne et des boutiques du cabaret pendant que les danseurs prenaient une douche bien méritée. Soobin avait déjà pris la sienne en vitesse, enfilé un gros sweat à capuche et un pantalon confortable, et il attendait que Taehyun termine de ranger son matériel. Il avait promis à son cadet de le raccompagner chez lui ce soir-là, son père devant rester encore plusieurs heures au travail et Taehyun souhaitant juste retrouver son lit.
Le cabaret avait permis au noiraud de souffler un petit peu et surtout de s'éloigner de l'ambiance pesante de son propre appartement. Presque une semaine s'était écoulée depuis sa dispute avec Yeonjun, mais il se sentait toujours autant en colère. Il avait cru mourir d'inquiétude en comprenant qu'il était rentré dans une voiture alors que le conducteur était tout aussi ivre que lui. Cette angoisse, il ne l'avait pas comprise et ne voulait pas la comprendre.
Soobin appuya l'arrière de sa tête contre le mur et ferma les yeux. En quelques semaines ses habitudes avaient été complètement bouleversées, il ne savait plus ce qu'il devait faire ou penser. Il avait ses priorités, des objectifs importants à accomplir, mais Yeonjun avait pris une place importante dans son quotidien et ça il ne l'avait pas prévu. Il s'était relâché. Tellement qu'il en avait presque oublié le gala auquel son père avait requis sa présence et qui le stressait tant, s'il n'avait pas reçu un message la veille pour le lui rappeler il ne s'en serait pas souvenu. Il avait encore une semaine pour se préparer, mais le stress était à nouveau là et il ne pouvait pas compter sur Yeonjun pour lui changer les idées, il lui en voulait encore.
En réalité cet oubli était certainement volontaire de sa part, s'il ne donnait pas de nouvelles et ignorait le problème, peut-être que son père allait oublié que sa présence avait été demandée. Bien évidemment, il n'y avait aucune chance pour que cela arrive, Monsieur Choi notait tout, tout était encadré avec lui, aussi bien au travail qu'avec son fils. Une attitude presque tyrannique qui effrayait Soobin et lui faisait oublier qu'avant le décès de son épouse son père n'était pas ainsi. Il avait tellement changé que son propre fils ne parvenait plus à le reconnaitre, à éprouver de l'amour pour cet homme qui lui avait donné la vie. Si leur relation était restée comme avant, qu'ils étaient encore proches, alors Soobin n'aurait pas besoin de se cacher pour danser et n'allait pas avoir besoin de commettre l'irréparable.
Le jeune homme ferma plus fort les yeux et pinça les lèvres. Lui qui avait voulu se changer les idées, il était à présent dans un état de stress encore plus grand. Il aurait dû continuer à penser à Yeonjun, au moins il était en colère, pas effrayé et c'était un sentiment plus agréable quand bien même il était négatif. Pour un peu il aurait aimé que le parasite sorte de nulle part et lui change les idées, il était plutôt doué pour ça.
— Hey...
Le noiraud souleva à peine les paupières.
— Soobin, tu veux bien me parler, s'il te plait ? J'en peux plus que tu m'ignores, je suis vraiment, vraiment, désolé.
Cette fois le jeune homme ouvrit pleinement les yeux et marqua un temps d'arrêt, étonné de voir son colocataire forcé devant lui. Yeonjun ne se déplaçait plus en béquille depuis quelques jours et avait repris doucement les entrainements, mais il avait encore besoin de faire des pauses ce qui expliquait qu'il ne s'appuyait pas totalement sur sa jambe blessée.
Soobin se tendit, non seulement il ne s'attendait pas à le voir, mais il ne le voulait pas non plus. Il ne voulait pas lui pardonner facilement, il ne voulait pas que Yeonjun pense pouvoir faire tout ce qu'il voulait sans qu'il y ait des conséquences derrière. Plus que tout, il ne voulait plus qu'il se mette aussi stupidement en danger et s'il devait le traiter comme un enfant ou un inconnu pour cela... alors il le ferait. Il en aurait mal au cœur, il se sentirait coupable, mais il préférait ça à devoir enterrer une nouvelle personne pour qui il éprouvait de l'affection. Il ne savait pas à partir de quand il avait cessé de le détester et d'avoir peur de lui, il lui avait fallu encore plus de temps pour accepter ce changement dans ses sentiments, mais les faits étaient là et il ne pouvait plus continuer à les nier.
— Qu'est-ce que tu fais ici Yeonjun ?
— Je suis venu te voir danser et m'excuser, encore une fois.
Le noiraud déglutit, il n'avait pas remarqué Yeonjun dans la foule. Le jeune homme n'avait jamais montré le moindre intérêt pour le cabaret et même s'il ne lui manquait plus de respect depuis leur discussion à cœur ouvert, jamais Soobin n'avait envisagé que Yeonjun pourrait remettre les pieds à l'Escapade.
— J'ai voulu retenter l'expérience, marmonna le brunet. Tu m'avais dit que ce n'était pas toujours comme ça, que c'était vraiment une mauvaise soirée ce soir-là alors j'ai voulu venir te voir. Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit, mais je pensais que tu m'interdirais de venir si tu savais ce que je comptais faire.
— C'est possible, je ne sais pas trop.
Un léger silence s'installa, que Soobin rompit en se raclant maladroitement la gorge.
— Alors, qu'est-ce que tu en as pensé cette fois ?
Un large sourire s'installa sur le visage de Yeonjun et ses prunelles s'illuminèrent d'une étincelle ravie. Le spectacle avait été un véritable bonheur pour ses yeux et il ne regrettait pas d'y avoir assisté.
— Tu étais vraiment impressionnant, c'était génial ! Et cette chanteuse, c'était du live ? Elle a une voix absolument incroyable, je ne m'attendais pas à ça du tout.
Yeonjun continua à babiller joyeusement pendant un instant avant de s'arrêter, coupé par le discret éclat de rire de Soobin qui mit sa main devant sa bouche pour cacher son sourire.
— Quoi ?
— Rien, c'est juste mignon et assez drôle. Le mois dernier tu trouvais que je faisais un truc de prostitué et maintenant tu dis que c'est cool.
Le brunet rougit.
— Bah désolé d'avoir des préjugés...
— C'est bon, je suis content si tu as changé d'avis.
Soobin retint son souffle quand Yeonjun se rapprocha de lui, ne laissant qu'une dizaine de centimètres entre leurs torses. Il avait du mal à se comprendre dernièrement mais la présence du brunet ne lui était pas indifférente.
— Est-ce que ça veut dire que tu ne m'en veux plus ?
— Je t'en veux encore.
— Je ne comprends pas, personne n'a été blessé.
— Tu aurais pu mourir, avoir un accident ou finir dans un fauteuil.
Yeonjun écarquilla les yeux et Soobin se pinça les lèvres, il n'avait pas prévu d'être aussi honnête. L'autre danseur leva une main jusqu'à son visage mais la laissa retomber sans le toucher.
— Tu étais inquiet pour moi ?
Le noiraud roula des yeux. C'était plutôt évident, il ne comprenait pas comment l'autre avait pu passer à côté de cette information.
— Tu crois vraiment que j'aurais été aussi énervé si j'en avais rien à faire de toi ? Je t'aurais laissé sur le paillasson et Yeji aurait même eu le droit de te marcher dessus. Avec ses talons pointus.
Un léger sourire remonta le coin de la bouche de Yeonjun, oui, il voyait parfaitement la sorcière le faire et y prendre en plus un malin plaisir. Le cœur battant rapidement dans sa cage thoracique, le jeune homme s'humidifia les lèvres. Ils n'étaient que tous les deux dans cette ruelle, il n'y avait pas le moindre passant, mais il se sentait obligé de chuchoter pour être sûr que Soobin était le seul à l'entendre, pour ne pas faire éclater cette étrange bulle qui les entourait.
— Est-ce que ça veut dire que tu ne me détestes plus ?
Soobin le foudroya du regard et planta son doigt dans la poitrine de Yeonjun, appuyant plus fort à chaque nouveau point mentionné.
— Tu es un crétin, sans gêne, prétentieux, agressif, alcoolique, complètement inconscient, qui se comporte comme un enfant, envahissant, qui ne sait pas s'exprimer normalement.
— Mais ?
Le sourire malicieux enragea Soobin qui frappa un coup sec sur le torse de son camarade. Il croisa les bras et détourna les yeux, agacé de se faire avoir, mais quitte à être honnête, autant l'être jusqu'au bout.
— Mais t'es peut-être pas un si gros connard qui ça. Y a peut-être même un truc ou deux pas trop mal chez toi.
Yeonjun sourit plus franchement, les joues rouges et le regard pétillant de joie. Il n'en attendait pas tant, mais son cœur tambourinait de contentement dans sa poitrine. Soobin ne le détestait plus, il avait réussi !
— Tu ne me détesteras plus jamais alors ?
— T'es pas autorisé à faire n'importe quoi non plus, ronchonna le noiraud.
— J'ai le droit à un joker ? A un truc stupide que j'ai le droit de faire sans que tu ne m'en veuilles à vie ?
Soobin fronça les sourcils, suspicieux, et il hésita un instant avant de formuler une réponse.
— Un seul. J'ai le droit d'en avoir un aussi.
— D'accord, alors j'utilise mon joker tout de suite.
Le danseur de cabaret sentit à peine la main de Yeonjun se poser sur sa joue qu'une paire de lèvres vint effleurer les siennes avec douceur. Il eut besoin de quelques secondes pour comprendre ce qui venait de se passer et, devant son absence de réaction, Yeonjun l'embrassa un peu moins doucement. Soobin ferma les yeux.
Dans la tête de Soobin, c'est un champ de bataille et dans sa poitrine résonnait de ses battements de cœur. Embrasser Yeonjun ne lui avait jamais traversé l'esprit, mais ce n'était pas désagréable, loin de là. Inconsciemment ses doigts allèrent se nicher dans la nuque du brunet et il le rapprocha de lui, l'embrassant en retour. Il ne savait pas ce qu'il faisait, ce n'était certainement pas une bonne idée, mais il agissait sans réfléchir, simplement guidé par un sens dont il n'avait pas conscience.
Adossé au mur, il sentit le corps de l'autre danseur se presser doucement contre le sien. Soobin se laissa entrainer, perdu dans un ouragan d'émotions. Yeonjun qui avait toujours été soit agressif, soit complètement perdu devant lui, montrait une toute nouvelle facette, celle que Soobin avait déjà pu voir de loin. Yeonjun était sûr de lui, il ne le forçait pas mais il le guidait, il savait ce qu'il voulait et Soobin appréciait ça. Ne pas être toujours celui qui initiait était plutôt plaisant et le brunet embrassait divinement bien.
Yeonjun l'attrapa par les hanches. Une prise avec le monde réel, un ancrage dont il avait désespérément besoin. Il pouvait rester sur ce nuage, les mains de Yeonjun étaient là pour le sécuriser. Mais toute chose avait une fin et lorsque celle de leur échange passionné arriva Soobin fut incapable d'affronter le regard de l'autre. Il ne savait pas quoi dire, pas quoi faire, il avait l'impression d'avoir fauté.
— J'ai... j'ai vraiment besoin d'utiliser mon joker maintenant pour que tu ne me détestes pas ?
Le murmure hésitant de Yeonjun lui caressa le tympan mais il fut incapable de répondre. Que pouvait-il dire ? Qu'il avait aimé, qu'il voulait recommencer mais qu'il était perdu ? Il ne savait plus où il en était. Un coup ils se détestaient et quelques semaines après ils s'embrassaient à en perdre le souffle dans une petite ruelle, cela n'avait aucun sens. Pas dans le monde de Soobin.
Les mains de Yeonjun quittèrent lentement ses hanches et il sut qu'il l'avait blessé, profondément.
— Je vois, en vrai je m'en doutais...
Un petit rire malheureux échappa au brunet mais Soobin refusa de relever les yeux, il ne voulait pas voir le visage dévasté de Yeonjun parce qu'il n'avait aucune idée de comment le réconforter. Il ne savait pas ce que lui-même ressentait ou désirait.
— Beomgyu m'attend devant, murmura le danseur. J'avais prévu de dormir chez lui ce soir donc t'auras pas besoin de me croiser, en plus... j'ai plus de béquilles donc je vais pouvoir rentrer chez moi. Merci pour tout Soobin.
Soobin ferma les yeux, il se sentait pitoyable à laisser Yeonjun sans réponse mais sa langue était faite de plomb, impossible à faire bouger. Il ne regarda pas l'autre garçon s'éloigner et quitter la ruelle, il n'avait pas le cœur assez solide pour ça, et il resta sans bouger jusqu'à ce qu'on vienne le sortir de son état végétatif. Le jeune homme releva un regard perdu sur le minois innocent de Taehyun qui l'appelait déjà depuis un moment.
— Hyung ? Tu ne te sens pas bien ? Tu veux que j'appelle quelqu'un ?
L'inquiétude sincère de son cadet tira un minuscule sourire au noiraud qui essaya de se reprendre, de ne plus repenser à la parfaite sensation de la bouche de Yeonjun contre la sienne. Il passa un bras autour des épaules de Taehyun et l'entraina vers la bouche de métro la plus proche. Il allait déjà le raccompagner chez lui, puis il rentrerait se mettre sous la couette avec un gros pot de glace avant d'appeler sa meilleure amie pour tout lui raconter.
Nda :
Bon mardi à tous, on se retrouve bientôt sur le compte !
Dalion~ Kiss :3
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