Soobin ne mit pas longtemps à comprendre pour quelle raison sa meilleure amie avait fait un effort particulier sur sa tenue, il lui suffit pour cela d'ouvrir la porte sur la sœur cadette de Kai et Yeonjun. C'était la seconde fois qu'il rencontrait officiellement Bahiyyih, la première ayant eu lieu dans le métro, et il ne savait pas trop comment réagir avec elle. Il s'était montré froid et distant, il ne l'avait pas cru alors que la pauvre n'avait que de bonnes intentions. Il n'eut pas à se poser des questions bien longtemps que Yeji le bouscula pour faire entrer la blonde et la conduire dans le salon, le tout avec son sourire malicieux qui faisait craquer toutes les personnes ayant l'honneur d'y avoir le droit. Soobin grimaça, il allait devoir surveiller la rousse pendant la soirée. 

Il prévint tout le monde qu'il était temps de passer à table et, à sa grande surprise, Yeonjun se proposa pour mettre la table. Il avait l'air de vouloir faire un effort suite à sa discussion avec son frère et Soobin n'allait pas l'en empêcher, il était encore agacé par leur altercation précédente et toutes celles qui avaient eu lieu au cours de la semaine.

Installés autour de la table, ils avaient dû se serrer pour tous tenir sans devoir en isoler un dans la cuisine, même si Yeji avait proposer à plusieurs reprises d'y envoyer Yeonjun. Heureusement Bahiyyih était là pour apporter de la bonne humeur et détendre les esprits.

— J'ai entendu dire que vos examens approchaient, ça va aller ?

— J'ai bientôt terminé la partie théorique, reste la pratique maintenant, répondit Kai en soupirant.

Il avait conscience d'être meilleur chorégraphe que performer, même si cela l'ennuyait beaucoup, et il savait que malgré tous ses efforts il n'aurait pas une note optimale. Cela le déprimait un peu, mais il avait l'habitude et essayait de voir les choses du bon côté. La rousse, elle, était son parfait opposé.

— Perso j'y vais au talent, j'improviserai quelque chose en me laissant porter par la musique. Justement j'ai enfin sélectionné mon morceau, j'ai cru que je n'y arriverai jamais.

— T'as déjà changé dix fois d'avis, t'as encore le temps de trouver autre chose, sourit Soobin.

— Excuse-moi monsieur l'élève modèle.

Ils se chamaillèrent un instant, faisant rire le frère et la sœur de leurs pitreries, et un sourire fit vaciller l'air bougon que le noiraud arborait depuis plusieurs heures. Il en vint même à accorder un regard à Yeonjun qui n'avait pas ouvert la bouche depuis bien trop longtemps pour que cela ne paraisse pas louche. Soobin put alors remarquer que Yeonjun le regardait déjà de ses yeux sombres, une émotion indescriptible brillant dans le fond. 

— Et toi ? demanda alors doucement le noiraud. Tu as réfléchi à ce que tu allais faire ?

Les yeux de Yeonjun s'ouvrir en grand et il jeta un regard de détresse à sa fratrie qui lui fit de discrets signes d'encouragement. Il se racla la gorge et pensa rapidement à la réponse qu'il pouvait fournir pour ne pas paraître rude ou désagréable. Il était heureux que Soobin prenne la peine de lui poser la question.

— J'hésite encore entre plusieurs musiques.

— Tu as commencé les séances de kiné ? demanda la blonde.

— Pas encore, j'attends aussi son avis pour commencer à réfléchir à une chorée. J'ai plein d'idées mais si ça se trouve ce n'est pas possible et j'ai pas envie de passer le reste de ma vie avec ce truc autour du genou.

Soobin grimaça en suivant le doigt de son camarade qui pointait l'épaisse attelle, lui non plus n'aimerait pas avoir cette chose qui restreignait constamment ses mouvements. S'il fut soulagé que Yeonjun se montre agréable et ouvert à la discussion, il fut vexé de voir que cela n'avait lieu que lorsqu'il ne s'adressait pas directement à lui. Le brun devait avoir quelque chose contre lui, il ne voyait pas ce que ça pouvait être d'autre, mais le problème était qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il avait pu faire de mal. 

— Et toi Bahiyyih ? se renseigna Yeji. Qu'est-ce que tu fais à la fac ?

La blonde leur offrit un grand sourire et leva les bras, montrant à tous les traces de peinture qu'il y avait sur les manches de son sweat. Elle rit alors que Kai soupirait de désespoir.

— Je suis un cursus d'art, spécialisation dans la peinture. Je cherche encore mon style mais je pense être sur la bonne voie en ce moment. Je participe à un concours pour être exposée dans une galerie, c'est une opportunité géniale et j'ai hâte de montrer ce que je vaux au monde entier.

Embarqués par le discours passionné de la jeune femme, Kai et Yeji rirent avant de la couvrir de questions auxquelles elle se fit une joie de répondre. Un petit sourire souleva les commissures de Soobin qui se leva pour commencer à débarrasser la table et apporter le dessert : un gros cake au chocolat que Kai avait ramené en revenant de cours. 

Le calme de la cuisine lui fit étonnamment du bien et il prit seulement conscience à ce moment qu'il avait retenu son souffle pendant tout le repas, stressé à l'idée que cela se passe une nouvelle fois mal. Le jeune homme ferma les yeux, les mains appuyées sur le rebord de son meuble de cuisine et il baissa la tête. Il resta dans cette position une minute ou deux pour se ressourcer, jusqu'à ce qu'une main ne se pose doucement sur son épaule pour le sortir de sa transe. Soobin tourna la tête pour tomber nez à nez avec Yeonjun qui le dévisageait de son regard insondable.

— Qu'est-ce que tu fabriques ici ?

— J'ai ramené un peu de vaisselle.

Soobin constata qu'en effet, une pile d'assiettes et de couverts avait été ajoutée à ce qu'il avait déjà ramené et il adressa un petit sourire à Yeonjun qui tripotait ses béquilles.

— T'es blessé, t'as pas à faire ça.

— Je suis pas invalide non plus et...

Il se mordilla la lèvre, les joues rouges.

— Je devais aussi m'excuser et je voulais pas le faire devant la sorcière.

Le noiraud roula des yeux à l'évocation de sa meilleure amie en des termes peu flatteurs mais il laissa couler, il savait que Yeji n'était pas tendre non plus avec Yeonjun. C'était de bonne guerre.

— Je te jure que j'essaye de faire des efforts mais c'est impossible pour moi, je n'y arrive pas.

Soobin claqua ses mains à plat sur le meuble, blessé et vexé. Il se retourna vers son camarade brusquement et se planta devant lui, si près qu'il pouvait sentir que Yeonjun avait retenu son souffle.

— Pourquoi moi ? Pourquoi je suis le seul avec qui tu ne peux pas te retenir de balancer des insultes ?

Le noiraud serra les poings, la gorge serrée.

— Je comprends pas, j'essaye aussi de comprendre de mon côté mais c'est compliqué. Tu ne me dis rien, tu ne me parles que pour critiquer ce que je suis ou ce que je fais alors dis moi, pourquoi tu me détestes à ce point ?

— Je ne te déteste pas, murmura Yeonjun d'une petite voix.

— Alors pourquoi ?

Le timbre de Soobin vrilla dans les aigus et il prit une seconde pour reprendre le contrôle de sa voix, il ne tenait pas à attirer les trois autres au milieu de la dispute alors qu'il avait l'occasion de régler les problèmes avec Yeonjun, ou au moins de comprendre ce qui n'allait pas chez lui.

— Je t'ai vu avec les autres, on est en cours ensemble depuis trois ans et t'es pas comme ça avec eux. T'es le genre de mec ultra sociable qui est pote avec tout le monde, tout le monde t'apprécie, tu ris avec les gens, tu fais des blagues, tu parles, mais moi ça n'a jamais été comme ça ? Je comprends pas pourquoi je suis le seul qui n'a pas le droit à cette chance, je sais même pas ce que je dois faire pour arranger les choses.

Yeonjun laissa tomber ses béquilles sur le sol pour s'accrocher aux épaules de Soobin et ce dernier put voir la panique dans ses yeux.

— Parce que c'est toi justement, geignit le danseur.

— Ca ne veut rien dire ça...

— Tu ne comprends pas.

— Non et je ne peux pas comprendre si tu m'expliques pas, s'agaça Soobin. J'ai essayé mais sans indices c'est compliqué tu sais. 

Yeonjun déglutit et laissa sa tête tomber sur la clavicule de Soobin qui se figea, incapable de suivre l'enchainement des événements. Ils se disputaient, comment le brunet avait-il pu finir dans ses bras en l'espace d'une seconde.

— Je t'ai parlé de mes parents et de leur abandon, tu t'en souviens ?

Soobin hocha la tête, difficile d'oublier une discussion d'une telle importance et qui avait eu lieu à peine une semaine auparavant, d'autant plus que c'était la première fois qu'ils s'étaient ouverts l'un à l'autre sans agressivité. Son attitude changea alors qu'il comprenait que Yeonjun prenait vraiment sur lui pour essayer de lui parler et naturellement sa main se leva pour aller caresser les mèches brunes sur la nuque de son camarade. Yeonjun se tendit brusquement avant de se détendre, allant même jusqu'à entourer la taille de Soobin de ses bras qui eut soudainement l'impression de servir de bouée de secours.

— J'ai vu une psy pendant mon enfance pour apprendre à gérer ça, marmonna le garçon contre lui. C'est pas que toi, au début j'étais pareil avec ma famille, je savais pas comment réagir, comment gérer ça.

— Tu étais en colère ? souffla Soobin.

Du mouvement contre son cou lui apprit que l'autre acquiesçait pour répondre à sa question et il recommença les caresses dans la chevelure douce.

— J'avais aussi peur et tu sais pas à quel point je mets ma putain de fierté de côté pour t'en parler, j'ai super honte. J'avais la trouille qu'ils m'abandonnent aussi, je pensais que mes parents étaient partis parce que j'étais trop nul, qu'ils voulaient juste plus de moi parce que j'étais pas à la hauteur. Je voulais pas revivre ça, je voulais pas m'attacher encore et risquer d'être à nouveau réduit en morceaux. J'avais envie d'être avec eux, j'avais besoin d'eux, mais je l'acceptais pas. J'avais trop peur de ce qu'il risquait de se passer si je m'ouvrais à nouveau.

— Mais tu as réussi, ils t'adorent et il faut être aveugle pour ne pas voir que tu es un membre à part entière de leur famille.

— Je sais, j'ai de la chance, mais il a fallu tellement de temps et je leur ai fait tellement de mal avant ça.

L'étreinte de Yeonjun sur la taille de l'autre se détendit légèrement et il se recula un tout petit peu, juste assez pour pouvoir relever le visage et regarder Soobin dans les yeux. Celui-ci retint son souffle en ayant son camarade si proche de lui et son cœur s'emballa sans qu'il ne puisse le contrôler. Ils étaient si proches, s'il avançait juste un tout petit peu...

— Toi c'est pareil, murmura Yeonjun dont le regard glissa sur les lèvres du noiraud. Je suis horrible avec toi alors que je veux juste apprendre à te connaitre. J'ai envie d'être proche de toi, mais en même temps j'ai peur, parce que si tu ne veux pas de moi je ne saurai pas quoi faire alors.... Même si tu me hais, au moins tu penses à moi. C'est vraiment débile...

Soobin déglutit, incapable de répondre alors que les mots de Yeonjun lui retournaient l'estomac. Il ne pensait pas que de simples paroles pouvaient avoir un tel effet, il ne savait même plus comment respirer. Les prunelles noires remontèrent pour se river dans les siennes et ils restèrent comme ça, aucun des deux capables d'amorcer le moindre geste.

— Il arrive ce gâteau ? J'ai faim !

Le jeune homme écarquilla les yeux et repoussa son camarade, la voix de sa meilleure amie le sortant brusquement de sa bulle. Les joues écarlates, les oreilles aussi, il bafouilla rapidement une excuse incompréhensible avant de s'enfuir dans le salon, le cake sous le bras. Que venait-il donc de se passer ? 

Nda :
Techniquement nous sommes mardi donc je peux poster avant de pouvoir enfin aller me coucher x) techniquement c'est aussi le dernier chapitre que j'avais en stock donc je vais devoir me bouger pour écrire la suite et ne plus faire la larve...
Bonne nuit/journée à tous !
Dalion~ Kiss :3