Yeonjun resta un moment comme un idiot, le téléphone encore à son oreille. Il se demandait ce qu'il venait de se passer, ce qu'il avait dit de mal pour que Soobin s'énerve tout à coup et en vienne même à le défier. Le jeune homme, allongé à plat ventre sur son lit, laissa son visage retomber contre l'oreiller et se demanda pendant un instant s'il ne valait pas mieux qu'il s'étouffe et se sorte de cette situation gênante. Il avait été stupide, pourtant ça avait bien commencé !

Certes, il lui avait fallu du temps pour se remettre de la demande d'ami de Soobin. Son cœur s'était mis à battre tellement fort dans sa poitrine qu'il avait frôlé le malaise et il n'avait pas eu le choix que de s'asseoir pour ne pas défaillir et s'effondrer comme une poupée de chiffon. Il avait passé de longues minutes à se demander s'il s'agissait bien de son Soobin et pas d'un autre garçon portant le même nom, puis après avoir confirmé qu'il n'y avait pas d'erreur il avait passé un autre temps à se demander si la demande n'était pas accidentelle. La boule au ventre, il avait accepté la demande en priant pour ne pas voir le nom de son camarade s'effacer instantanément de sa liste d'abonnés.

Sa surprise fut d'autant plus importante quand le nom du danseur s'afficha, annonçant un appel entrant. Yeonjun avait eu besoin de calmer les battements anarchiques de son cœur avant de réussir à décrocher, et là encore il avait eu besoin d'un moment pour stabiliser sa voir et réussir à décrocher deux mots sans chevroter.

Il avait été surpris que Soobin s'excuse et il avait sauté sur l'occasion pour faire de même. Heureusement qu'ils n'étaient pas l'un face à l'autre, sinon il aurait paniqué et en aurait été incapable. Yeonjun avait donc cru que tout s'arrangeait, mais en voulant faire un compliment à l'autre garçon il s'était loupé. Le pire étant qu'il ne s'en était pas rendu compte sur le moment et qu'encore maintenant il peinait à comprendre ce qu'il avait bien pu dire de si horrible pour que Soobin s'énerve autant. La mine triste, le jeune homme se redressa sur son matelas. Il était un parfait idiot et il se détestait pour ça, pourquoi n'était-il pas capable de communiquer comme un être humain normalement constitué ? Il n'avait aucun problème avec les autres, il était même connu comme étant quelqu'un de sociable, mais avec le noiraud il n'y arrivait pas. Cela le frustrait d'autant plus qu'il n'y avait personne dont il voulait être aussi proche que Soobin.

Le brunet, frustré, n'hésita pas bien longtemps avant d'appeler son frère. Kai saurait certainement à quel moment il avait merdé et comment rattraper le coup.

— Kai, chouina le garçon dès que l'autre décrocha. J'ai merdé...

— Encore ?

— Hé ! C'est pas sympa ça, je fais ce que je peux.

Yeonjun entendit que son frère posait un stylo sur une surface plane et il grimaça en comprenant qu'il l'avait dérangé en plein travail. Dès que ça concernait Soobin il oubliait comment réfléchir, c'était assez handicapant. Il avait de la chance d'avoir une famille aussi compréhensive et il en prenait doucement conscience.

— Bien. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

— Soobin m'a ajouté sur les réseaux et il m'a appelé !

— Oh.

— Tu pourrais être content pour moi, marmonna le jeune homme.

— Yeonjun, tu ne m'appellerais pas en panique si ça s'était bien passé. Quelque chose a dû mal tourner non ?

Maudissant la perspicacité de Kai et sa capacité à rester neutre, le brunet entreprit de lui expliquer les récents événements.

— Donc, récapitula son cadet, tu lui as dit qu'il méritait un cabaret plus grand et plus connu et il l'a mal pris ?

— Oui ! Je lui ai dit qu'avec son talent il pouvait viser plus haut mais il s'est enervé, j'ai pas compris. J'ai fait quoi de mal Kai ? Je comprends plus rien.

Il y eut un instant de silence pendant lequel Yeonjun se rongea les sangs. Il sentait que son frère hésitait à parler, qu'il cherchait comment tourner sa phrase et cela l'angoissait, parce que ça voulait dire qu'il était bel et bien en tort.

— Tu sais, on t'a déjà fait remarquer que parfois tu ne donnais que la moitié des infos quand tu parles.

— Oui, grommela le brunet.

— Tu peux me répéter exactement ce que tu as dit à Soobin ? Je le sens venir à dix kilomètres que tu as voulu être sympa mais que tu as oublié la moitié des mots ce qui en a complètement changer le sens...

Yeonjun reposa son téléphone et croisa les bras sur sa poitrine. Il savait quand même le message qu'il avait voulu faire passer ! Son silence buté fit soupirer Kai qui repris la parole.

— Jun, est-ce que tu lui as bien dit que tu pensais qu'il méritait mieux que ce cabaret ? Qu'il devrait viser plus haut ?

— Oui ! Enfin, je crois ? C'était le but.

— Jun...

Le danseur baissa la tête, comme un enfant pris en faute. Il avait envie de frapper quelque chose, fort, alors que la discussion se rejouait dans sa tête. Non, Kai avait raison. Il avait été stupide et dans l'excitation de parler avec Soobin il en avait oublié des mots. Ses phrases avaient quitté sa bouche avec un sens complètement différent de celui qu'il avait voulu leur donner. Il comprenait à présent pourquoi Soobin s'était mis en colère. Il l'avait insulté, encore, alors qu'il souhaitait lui faire un compliment. Il était un idiot irrécupérable. Yeonjun s'excusa auprès de son frère pour avoir passé ses nerfs sur lui et il soupira, abattu. Il n'y arriverait jamais.

— Il m'a mis au défi de faire du cabaret Kai... je dois faire quoi ?

— Quoi ? Quand ça ?

— Dans quarante-cinq minutes, à la fac...

Un nouveau silence, signe que le plus jeune réfléchissait avant de répondre à la question de Yeonjun.

— Tu devrais y aller, je te rejoins là-bas. S'il t'attend et que tu ne viens pas il sera encore plus en colère et si je suis là je pourrai vérifier que tu dis bien tes phrases en entier. Je te promets pas que ça va bien se passer, mais je vais t'aider comme je peux.

— Merci... je suis content que tu sois mon frère... murmura Yeonjun avant de raccrocher en vitesse.

Il détestait étaler ses sentiments, même avec sa famille. Il attrapa des vêtements confortables, un pantalon de survêtement noir, un débardeur et une veste légère, afin d'être prêt à se bouger. Il termina de se préparer en vitesse, dévala les escaliers et rejoignit la station de métro. Il en avait pour trente minutes s'il cumulait le transport et la marche jusqu'aux salles de danse de la fac, il ne pouvait pas trainer s'il voulait arriver à l'heure.

L'estomac noué, il essaya de se concentrer sur la musique qui pulsait dans ses écouteurs sans succès. Cette fois même ses artistes favoris ne parvenaient pas à éloigner le stress qui lui rongeait les intestins. Ses yeux noirs restèrent fixer sur le panneau indiquant les différentes stations, comme si ça allait faire accélérer le métro, tandis que de la main il tapotait nerveusement la vitre. Il fut autant surpris que soulagé en apercevant Kai à sa sortie de rame et il trottina vers son cadet, la pression sur ses épaules soudain un peu moins lourde.

— Je pensais pas que tu serais là aussi vite.

— Papa m'a déposé et il te souhaite bonne chance même s'il ne sait pas vraiment de quoi il est question.

Yeonjun sourit, heureux de recevoir le soutien sans faille de ses parents.

— Allez, dépêchons-nous et essayons de désamorcer ce bordel, le motiva Kai.

Le brunet hocha la tête et ils s'empressèrent de rejoindre leur université. Ils eurent la surprise de tomber, littéralement, sur Yeji qui courait pour rejoindre le bâtiment dédié à la danse. Ils ne la virent qu'au dernier moment et la rousse percuta Kai, les faisant tomber tous les deux à la renverse. Yeonjun hésita un instant à les relever, s'il était à la place de son frère est-ce qu'il ne souhaiterait pas avec Soobin contre lui encore quelques secondes ? La jeune femme coupa court à son dilemme en se relevant d'un bond et en pestant. Elle s'épousseta rapidement et rejeta sa longue crinière de feu en arrière avant de les toiser.

— Toi, cracha-t-elle en direction de Yeonjun, t'es vraiment qu'un petit con. T'as de la chance que Soo soit ma priorité sinon t'aurais déjà plus la possibilité d'avoir des gosses !

Et elle partit en courant, les laissant tels deux idiots à leur place. Kai toujours les fesses au sol fut le premier à se reprendre et il se releva, les joues rouges de honte. Faire face à Soobin était une chose, mais si Yeji était de la partie ça devenait une tout autre histoire. Il était bien trop faible devant la rousse, il ne pouvait que s'incliner devant chacune de ses paroles et sourire comme un idiot quand elle le regardait, même si c'était un regard de mépris comme celui dont il venait d'écoper.

— Comment elle fait pour être aussi belle même quand elle est en colère ?

— C'est pas vraiment mon problème, grimaça Yeonjun.

Il n'allait pas pouvoir placer un mot auprès de Soobin si sa meilleure amie faisait le chien de garde, à moins que... Le jeune homme coula un regard vers son frère qui avait toujours son expression d'amoureux transi. Il pouvait toujours sacrifier Kai pour faire diversion, son frère n'aurait trop rien à y redire si ça lui permettait de passer un moment avec la rousse.

Ils se rendirent dans le bâtiment presque à reculons et ils suivirent les voix pour trouver la salle d'entrainement où les attendaient Soobin et Yeji. Le jeune homme n'avait pas pris le temps d'enfiler une tenue de sport, hormis une paire de baskets usées. Yeonjun enfonça la tête dans les épaules en entrant, il avait une folle envie de faire marche arrière. Il n'avait aucune envie de se disputer une fois de plus avec le noiraud.

Soobin lui jeta une paire de chaussures à hauts talons dès qu'il l'aperçut, un air suffisant sur le visage, et Yeonjun eut un hoquet quand les chausses percutèrent son estomac. Il serra les dents, une veine pulsant sur son cou. Il détestait quand Soobin agissait de cette façon envers lui. Il laissa tomber les affaires sur le sol avant de croiser les bras sur la poitrine et de toiser son vis-à-vis. C'était plus fort que lui, il ne pouvait pas s'empêcher de se rebeller et de faire n'importe quoi, il perdait tout son sang froid face à l'autre danseur. Kai posa une main apaisante sur son épaule et il jeta un regard noir à son frère qui pressa un peu plus fort son épaule en retour.

— N'oublie pas que tu es ici pour arranger les choses, ne te comportes pas comme un enfant, souffla son cadet assez bas pour que les autres ne l'entendent pas.

Yeonjun se força à prendre une profonde inspiration pour tenter de se contrôler un minimum et il ramassa les chaussures sous les vociférations de Yeji qui le traitait de petit con insupportable. Soobin lui le regardait en silence, le visage fermé.

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? demanda doucement le brunet.

Soobin releva le menton fièrement.

— Je vais te montrer quelques pas, essaye de les reproduire. On verra si le cabaret est si facile. Mets les chaussures, puisque tu fais une fixette dessus tu vas avoir l'occasion de les essayer.

Le brunet se rembrunit en jetant ses baskets au loin. Lui et sa grande bouche, il fallait vraiment qu'il apprenne à la garder fermée. Il foudroya Yeji du regard alors que la jeune femme se moquait de son incapacité à lacer correctement les chaussures de danse et Kai se mit entre eux deux pour qu'ils ne commencent pas à se crêper le chignon comme deux adolescentes. Il se mit debout assez maladroitement et se raccrocha à l'avant-bras de son frère pour se stabiliser. Par tous les dieux, comment faisait Soobin pour avoir de l'équilibre sur ces chaussures de l'enfer ?  Il peinait à rester stable, mais l'autre danseur une fois chaussé avança comme s'il était en chaussons.

Il se plaça au centre de la pièce, face au mur de miroirs et Yeji s'occupa de mettre de la musique non sans leur avoir lancé un regard de pure provocation avant. Yeonjun le lui rendit volontiers, accompagné d'un rictus arrogant. Il n'allait pas perdre, une fois qu'il serait habitué aux talons il n'aurait aucun problème à danser. Enfin, c'était ce qu'il pensait jusqu'à ce que Soobin se mette en mouvement. Sa mâchoire manqua de se décrocher, il n'y avait aucun moyen pour qu'il arrive à reproduire cette danse !

Les gestes étaient fluides, précis et puissants. C'était une chorégraphie magnifique, complexe mais surtout hors de sa portée. Il ne connaissait pas ces techniques, il n'arrivait même pas à tenir debout sans aide ! Il ronchonnait déjà, envisageant la possibilité de se défiler, quand il surprit le regard narquois de Soobin. Sa fierté s'emballa et il releva le menton.

— Alors ? demanda le noiraud essoufflé. Tu reconnais ta défaite ?

— Jamais de la vie, c'est du niveau débutant ton truc, mentit outrageusement Yeonjun.

Il vit la mâchoire de Soobin se contracter et ses yeux lui lancer des éclairs mais son égo froissé l'empêcha de se remettre en question. Kai l'avertit que c'était trop difficile pour lui, qu'il allait se blesser, mais le jeune homme refusa de donner du crédit à ses paroles. Il se dégagea de la prise de son frère et remplaça Soobin au centre de la pièce. Dans sa tête il fit défiler la chorégraphie et plissa les yeux pour se concentrer. Lorsque la musique se lança, il était prêt à donner le meilleur de lui-même et à sauver son honneur.

Il estimait s'en sortir plutôt bien, même si ses muscles n'appréciaient pas les courbures qu'il leur imposait, jusqu'au moment où il entendit la voix du noiraud hurler.

— Attention !

Yeonjun ne comprit pas vraiment ce qu'il venait de se passer. Sa cheville se déroba sous son poids et il bascula en arrière. Une grimace tordit ses traits, il essaya de se rattraper à la main que tendait Soobin vers lui dans une vaine tentative de le retenir, mais il ne réussit qu'à les faire tomber tous les deux. Le noiraud s'échoua sur son torse alors que son dos et l'arrière de son crâne cognaient douloureusement contre le sol. Yeonjun ferma les yeux en grimaçant, sonné. Il sentait le poids de Soobin sur lui, sa chaleur se transmettait à son propre corps et il entendait les battements frénétiques de son cœur se répercuter contre sa poitrine. Il ouvrit doucement les yeux pour plonger directement dans les océans bruns de l'autre danseur.

Le brunet en oublia comment respirer. Il se fichait bien d'avoir l'air d'un mec cliché de drama, il ne pouvait rien concevoir d'autre que le visage de Soobin à quelques centimètres du sien et l'absence de haine dans le regard chocolaté. Il avait envie de s'approcher, de rompre cette barrière entre eux et de l'embrasser comme si sa vie en dépendait. C'était peut-être son unique occasion de le faire.

Un raclement de gorge rompit ce moment d'intimité et il leva les yeux pour voir que Kai ainsi que Yeji s'étaient approchés et les regardaient d'un air inquiet. Son frère avait même déjà composé le numéro des urgences, il en était certain.

— Désolée de casser l'ambiance, mais c'est l'os de qui qui vient de faire ce « crac » monstrueux ? intervint la voix mi-moqueuse mi-inquiète de Yeji.

Yeonjun pâlit et sortit brusquement de son état d'hébétude. Maintenant qu'elle en parlait, il sentait qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas très bien avec sa jambe.

Nda :

Hello, comment allez-vous ? C'était le chapitre du mardi, j'espère que vous avez apprécié la lecture. Je vous souhaite une bonne journée et de bonnes fêtes également !

Dalion~ Kiss :3