Chapitre 10

Soobin se laissa tomber sur son canapé à peine fut il rentré chez lui. Il était épuisé, surtout moralement, mais ses angoisses avaient largement diminué ce qui était un bon point. Il avait quitté la maison familiale des Hwang en fin de matinée et avait rejoins le cabaret pour récupérer ses affaires. Il avait espéré être discret, se faufiler comme une souris et repartir sans être vu, malheureusement Namjoon l'avait remarqué et il n'avait pas pu s'esquiver. Le cœur battant, alors qu'il pensait être mis à la porte, le patron s'était excusé de ne pas avoir été là pour gérer la situation. Il avait promis de rompre les contacts avec cet investisseur et avait même demandé à Soobin s'il souhaitait porter plainte. Le jeune homme l'avait supplié de ne pas le faire. S'il allait à la police son père le saurait et il ne pouvait pas prendre le risque qu'il apprenne qu'il dansait. Surtout pas dans un cabaret. 

Ce problème réglé, un autre était apparu. Il culpabilisait d'avoir frappé Yeonjun, même s'il pensait toujours qu'il n'aurait jamais dû l'insulter de la sorte, il ne méritait pas d'être cogné en plein visage. Soobin avait eu de la chance que l'autre ne réplique pas, il ne s'en serait pas aussi bien sorti.

Il hésita encore un instant, avant de prendre son téléphone et d'ouvrir ses réseaux sociaux. La question était de savoir quel était le nom de cet idiot sur la plateforme. Il essaya déjà son vrai prénom, sans succès, puis fit défiler les profils dans l'espoir de voir apparaitre celui de Yeonjun. Il n'avait aucune envie de devoir aller le voir en personne, il avait besoin de trouver son profil, lui envoyer un message et surtout ne plus jamais en entendre parler après. Il souhaitait simplement faire la paix avec sa conscience, pas devenir ami avec l'autre danseur. 

Soobin grogna, confronté à l'échec et il appela finalement Yeji pour la charger de cette mission. La jeune femme avait tous les contacts du monde dans son répertoire, trouver Yeonjun allait être un jeu d'enfant pour elle. Il dut simplement se soumettre à un interrogatoire en bonne et due forme avant qu'elle n'accepte, chose qu'il voulait éviter en le faisant lui-même. Il allait devoir travailler encore ses talents d'enquêteur, ce n'était pas bien brillant pour le moment. 

La rousse lui promit de faire au plus vite et il eut à peine le temps de raccrocher, ainsi que de ranger ses affaires, que son téléphone sonna à nouveau. Le jeune homme blanchit en découvrant le numéro de son père et déglutit. Il pria tous les dieux pour que son paternel n'ait pas entendu parler de l'incident de la veille. Il prit une profonde inspiration avant de décrocher, l'envie de laisser sonner dans le vide brulant très fort en lui.

— Soobin, enfin. Tu aurais pu décrocher plus tôt.

— Désolé père, s'excusa le jeune homme sans chercher à se justifier.

Il n'avait pas de réelles relations avec lui, un simple lien du sang qui se résumait à se voir pendant les occasions importantes et à prendre des nouvelles épisodiquement.

— Comment se passent les cours ?

La gorge de Soobin se noua et il perdit ses couleurs.

— Bien père, je suis bien placé dans le classement.

— Tu dois être le meilleur, pas bien placé Soobin. Je ne veux pas d'une seconde place pour me succéder. Tu dois être le premier en tout, en finance, en gestion, en droit, ne l'oublie pas.

— Je ne l'oublie pas.

S'il l'avait oublié il ne serait pas si anxieux à chacun de ces appels, à se demander si son père avait découvert son secret ou s'il nageait toujours dans l'ignorance. Une fois de plus, la supercherie semblait résister, mais pour combien de temps encore ? Il ne savait pas si ses nerfs allaient tenir, il était de plus en plus dur de mentir. 

— Bien, si je t'appelle c'est aussi pour te demander si tu as prêté attention au mail que ma secrétaire t'a fait parvenir dans la matinée.

— Je n'ai pas encore été voir père.

Il entendit le claquement de langue réprobateur et enfonça la tête dans les épaules.

— Nous en avons déjà parlé Soobin.

— Je sais père, je vais faire attention.

— Bien. Tu es attendu au vernissage du Musée principal de Busan à la fin du mois. Passe à la maison d'abord, nous prendrons le déjeuner ensemble puis nous irons à l'entreprise avant d'y aller. Ne sois pas en retard.

Le jeune homme ne put qu'acquiescer du bout des lèvres, abattu mais n'ayant aucun argument pour se soustraire à cette journée. Son père distilla encore quelques conseils avant de raccrocher, le laissant avec le silence pesant de son appartement. Soobin avait les oreilles qui bourdonnaient et une envie de tout casser qui lui démangeait les doigts. Il en avait marre de ne pas être libre, de devoir se cacher. 

Sauf qu'il ne pouvait rien faire pour le moment à part se comporter comme les autres le souhaitaient. Son père payait pour l'appartement, il prenait en charge toutes les factures essentielles, il payait les courses, et même il donnait de l'argent de poche à son fils tous les mois. Soobin avait besoin de l'argent du cabaret pour son objectif, si son père cessait de régler ses factures alors il devrait faire une croix sur ses ambitions. Pour le moment il devait encore subir, encore quelques mois et tout serait enfin terminé. C'était dur, il était fatigué de cette situation. Mais son père ne comprendrait pas, il ne comprendrait jamais, et Soobin avait conscience qu'il serait renié le moment venu mais il ne pouvait pas faire autrement. Il le devait.  

Le jeune homme alla chercher un cachet pour la migraine dans sa salle de bain et l'avala avec un peu d'eau. La fatigue physique et mentale commençait à devenir pesante, il avait de plus en plus souvent des maux de tête. Il lava le verre et le mit à sécher avec le reste de la vaisselle avant de retourner dans l'autre pièce. Là il récupéra son téléphone et vit que Yeji avait partagé un profil avec lui. Il reconnut rapidement Yeonjun sur la photo de profil et se mordilla la lèvre, il hésitait à lui envoyer une demande d'ami. Finalement il appuya sur le bouton et laissa son mobile de côté. Il avait des devoirs à faire, il regarderait après si sa demande avait été acceptée, même s'il avait de gros doutes. Après tout il avait frappé le brunet, il n'y avait aucune raison pour qu'il l'accepte dans ses amis. 

Il dut cependant attendre que son mal de tête ait suffisamment refluer pour être en mesure de se concentrer comme il le fallait sur les devoirs qui l'attendaient. La dissertation fut mise de côté en premier, il n'arrivait pas à réfléchir assez bien pour se pencher dessus, alors il préféra plutôt mettre ses notes de cours au propre en profitant du semblant de motivation qu'il avait. Soobin était quelqu'un de plutôt méthodique et d'organisé, mais il devait reconnaitre qu'avec le stress de ces derniers temps et la fatigue il s'était laissé un peu aller. De nombreux fichiers sans noms patientaient sagement dans son ordinateur qu'il daigne y jeter un regard et il s'y attela en soupirant. A plusieurs reprises il dut envoyer des messages dans la conversation de groupe de sa promotion, celle où il n'allait habituellement jamais et dont il avait même pendant un instant oublié l'existence, afin de savoir à quel cours ses notes faisaient référence. Le jeune homme se mordilla le pouce, agacé et gêné de devoir demander de l'aide ainsi. Surtout qu'il ne pouvait pas vraiment compter sur Yeji, toutes leurs matières n'étaient pas communes et la rousse ne suivait qu'oralement les enseignements. Un miracle qu'elle s'en sorte toujours aux examens. 

Le regard du jeune homme remonta sur son bureau et s'arrêta sur un cadre photo. L'image n'était plus toute récente, elle avait été prise une vingtaine d'années plus tôt et même si Soobin en prenait grand soin, le temps faisait son œuvre. Il joua avec son stylo d'une main et s'avachit dans son siège, toute motivation envolée. Le papier glacé lui renvoyait le regard de sa mère et il attrapa la photographie pour l'observer.

Cette image représentait le premier souvenir que l'étudiant se rappelait avoir, sa première visite dans un cabaret. Sa mère posait au centre de l'image, en tenue de scène, et tenait un petit garçon haut comme trois pommes par les épaules. Ils souriaient de toutes leurs dents tous les deux, si bien que leurs yeux se dissimulaient en deux croissants de lune. Le père de Soobin se tenait derrière eux, un sourire plus réservé mais néanmoins présent sur ses lèvres et il ne regardait pas l'objectif, non il n'avait d'yeux à ce moment-là que pour sa femme et son fils.

Soobin reposa la photographie à sa place et il croisa les bras sur son bureau avant d'y laisser reposer sa tête. Voilà que sa phase nostalgie venait faire ressurgir les remords et la tristesse qu'il ressentait. Les remords de mentir à son père, la tristesse que les mots de Yeonjun avaient gravé dans son cœur, et la culpabilité de ses propres actions. Il n'y avait plus aucune chance pour qu'il parvienne à finir ses devoirs maintenant, il n'avait plus l'esprit à ça. 

Il quitta donc son espace de travail et regagna le petit salon où il avait laissé son téléphone. Sans qu'il ne s'en aperçoive deux bonnes heures étaient passées et il avait reçu une notification l'informant que sa demande d'ami avait été acceptée. Soobin fronça les sourcils, surpris et suspicieux. Il ne comprenait pas les actions de Choi Yeonjun, elles ne concordaient pas avec ses mots. Il ne saisissait pas comment l'autre danseur fonctionnait. Un coup il était la parfaite représentation d'un abruti imbu de lui-même et parfois il donnait l'impression qu'il se souciait de lui et qu'il voulait l'aider. Aucune des deux facettes ne s'accordant, Soobin était perdu. 

Le noiraud hésita un instant en se demandant s'il devait envoyer un message ou au contraire attendre. Il ne voulait pas donner l'impression de réellement se préoccuper de Yeonjun, même s'il était vrai qu'il s'inquiétait de savoir s'il l'avait beaucoup blessé ou non. Il craignait que l'autre ne s'en serve contre lui. Il s'arracha les envies en pesant le pour et le contre, puis finit par se décider. Dans tous les cas il ressentait le besoin de s'excuser et de mettre les choses au clair, que ce soit maintenant ou plus tard le résultat resterait le même. L'avantage de le faire sans attendre était qu'il allait libérer sa conscience déjà bien encombrée.

Soobin appuya sur l'icone de téléphone et porta l'objet à son oreille. Il attendit quelques secondes, sa jambe tressauta nerveusement, et ses sourcils se froncèrent. Yeonjun était actif et avait accepté sa demande quelques minutes auparavant, pourquoi ne répondait-il pas ? 

— Salut ?

Le jeune homme se racla la gorge. Il était sûr d'avoir entendu Yeonjun décrocher mais l'autre ne prononça pas le moindre mot. Soobin était mal à l'aise.

— Yeonjun, je voulais... m'excuser. Je n'aurais pas dû te frapper.

— C'est pas avec ta force que tu vas me faire mal.

La respiration de Soobin se bloqua dans sa gorge et il se força à expirer lentement par le nez. Pourquoi ses excuses devaient être accueillies par une moquerie ? Il essayait de faire les choses bien.

— Très bien le caïd, au revoir.

— Attends !

Le noiraud se stoppa dans son geste et attendit, curieux. Il entendait la respiration laborieuse de son camarade et il se demanda pendant un instant ce qu'il était en train de faire pour respirer aussi fort.

— Je suis désolé, moi aussi. C'était pas ce que je voulais dire, je suis pas très doué pour communiquer avec les gens.

— Sans blague...

Il entendit un grognement et il hésita un instant.

— Merci de t'être excusé. J'apprécie, vraiment, souffla Soobin. 

— Oh... j'avais été trop loin, merci de m'en avoir donné l'occasion. C'est juste que...

— Juste que quoi ?

Le jeune homme se tendit, anticipant une nouvelle remarque qu'il était certain de mal prendre, et cela ne loupa pas. En une phrase Yeonjun réduisit à néant l'espèce de trêve qui s'était instaurée. 

— T'es un bon danseur et je trouve que le cabaret c'est pas terrible. C'est dommage.

— Dommage ? répéta Soobin.

— Avec ton talent tu pourrais faire beaucoup mieux.

Le noiraud grinça fort des dents alors que Yeonjun se débattait dans ses explications douteuses.

— Beaucoup mieux comme quoi ? Comme toi ?

— Pourquoi pas ? se vexa Yeonjun.

— T'as déjà essayé de faire du cabaret ? le coupa Soobin. Tu parles beaucoup mais je parie que tu tiendrais pas cinq minutes alors ne la ramène pas.

Il se sentait beaucoup plus confiant lorsque l'autre n'était pas en face de lui alors il ne se privait pas pour parler ouvertement. Il détestait que l'on critique sa raison de vivre, surtout quand la personne en question n'y connaissait rien du tout. 

— C'est pas comme si c'était difficile.

— Ah oui ? Prouve-le. Rejoins-moi à la fac dans une heure, on verra si t'es aussi talentueux que ce que tu dis.

Hors de lui, Soobin raccrocha et jeta son téléphone sur le canapé. Dire qu'il avait cru pendant un instant qu'il y avait quelque chose à sauver chez cet abruti de Yeonjun, il s'était bien trompé. Il allait lui donner une bonne leçon de danse, faire entrer dans son petit crâne que le cabaret était une discipline complexe, et ensuite il ferait en sorte de ne plus jamais avoir à lui parler. 











Nda :

Hello, petit à petit on va commencer à en apprendre plus sur nos petits gens :) j'espère que vous avez passé une agréable lecture, je vous souhaite une bonne journée et je vous dis à mardi prochain !

Dalion~ Kiss :3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top