Chapitre 33
Je mentirais si je disais qu'aimer c'est éprouver. Je pense qu'il y a une différence notoire entre ces deux termes dont peu de gens ont conscience.
Je veux dire, l'amour ? Voyons, l'amour c'est facile. Tout le monde « aime ». On aime son chat, comme on aime son tacos. On aime sortir prendre l'air, comme on aime voir de bons amis. Aimer, ça regroupe vraiment beaucoup trop de choses et c'est bien ce qui est commun à tout le monde.
On aime tous.
On aime son petit poisson rouge, comme on aime son voisin d'à côté.
C'est facile.
Mais par contre, « éprouver », là oui, on entre dans une autre dimension. Éprouver des émotions, des sentiments pour quelqu'un, ça vous transforme. D'abord parce qu'on ne peut pas définir exactement ce que l'on ressent ni à quel niveau, mais on ne peut pas non plus dire à quel degré. On sait que c'est là. On pense que ça a toujours été là, parce que quand on s'en rend compte, ça nous paraît comme une évidence même.
On arrête de se battre. De se battre contre nous-mêmes, notre pire ennemi plus souvent qu'on ne veut bien l'admettre. On arrête de se battre contre ce petit paquet surprise que l'on a à l'intérieur de nous. On arrête tout.
Même de réfléchir.
On se laisse porter par un courant.
Un flux.
Tout nous parait plus facile, plus léger. Plus parfait.
Jusqu'à l'autre lui-même. L'être parfait. Une douce et délicieuse illusion.
Éprouver des sentiments, ce n'est pas seulement qu'aimer. C'est douter, se remettre en question, angoisser pour un rien, se détester, paniquer. Et puis c'est aussi relativiser, réaliser et finalement se relever. Éprouver des sentiments c'est s'ouvrir, se montrer faible même dans nos moments les plus forts. C'est pouvoir se dire « Voilà, je suis comme ça, à prendre ou à laisser ».
C'est pouvoir montrer à l'autre que bien que tout soit parfait, vous, vous êtes parfaitement imparfait. Vous êtes là, attendant que l'on vous prenne la main et qu'on vous la tienne nous le long du chemin.
Éprouver.
Aimer.
C'est pouvoir rester assis dans une salle d'attente, seul, avec son incertitude.
« - Tiens, tu es toujours là. Tu ne veux pas rentrer chez toi ? Tu sais, elle ne bougera pas.
- Comment elle va ?
- Bien. Ne t'en fais pas. Veux-tu revenir demain pour la voir ?
- Je peux maintenant ?
- Hmmm...Je crois que nous sommes en dehors des heures de visites. »
Ah.
« - Bon, file. Je fais le guet. »
Un regard curieux et un sourire amusé apparaissent enfin sur mon propre visage. J'ai toujours rêvé de pouvoir me faufiler en douce quelque part pendant que quelqu'un fait le guet pour moi. L'adrénaline de se faire attraper. D'être dans l'interdit.
C'est quelque peu excitant.
« - Vas-y, c'est au bout du couloir. Y'a une infirmière qui arrive. Cours Milo. »
Alors sur ordre de sa maman, j'ai couru.
Sur la pointe des pieds, mais j'ai couru.
Je suis entré dans la chambre, les lumières étaient quasiment toutes éteintes et celles qui restait été comme des veilleuses.
Et puis, Margaux était là.
Allongée.
Silencieuse.
Endormie.
Entourée de quelques machines.
Je déteste ce bruit.
J'ai déjà hâte d'être à demain. Hâte de pouvoir la voir. Lui parler. Lui dire qu'on a raté notre danse, mais que quoi qu'il arrive, je lui en promettrais une nouvelle.
Oui, assis là, à côté d'elle, j'ai hâte de pouvoir lui dire qu'à ce rythme, à trop aimer, mon cœur pourrait bien exploser.
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