Chapitre 32

J'ai l'air ridicule. Ma mère m'a plaqué les cheveux sur le côté en prenant soin de vider le pot de gel sur ma tête et mon père m'a filé sa cravate « porte-bonheur » qui ne va pas du tout avec mon costume.

De loin, j'ai l'air...

« - D'un pingouin. Tu comptes vraiment y aller comme ça ?

- Bien sûr que non ! Aide-moi à me changer.

- Je suis venu voir si tu t'en sortais, mais j'étais loin d'imaginer que tu t'infligeais une sorte de torture moderne. Et puis regarde ta tête ! Va te rincer !

- Je vais arriver en retard si ça continue. On doit encore aller chercher Margaux.

- Du calme, respire Don Juan, on sera à l'heure ! Et puis c'est bien connu que les filles, elles, sont toujours en retard. Je suis presque certain que Margaux n'est même pas prête encore.

- Bon, aide-moi à défaire les boutons, tu seras sympa.

- Ouuuh ! Milo ! Tu veux que je te déshabille ?

- Fais pas le con Roméo.

- Oh ça va. Tu m'as déjà vu à poil, et moi aussi. Tu te rappelles ? À la piscine ?

- Parce que tu aimais me voler mon maillot de bain tandis que j'étais dans les cabines.

- Pas faux ! Bon aller, on se dépêche. Monsieur doit se faire une beauté. »

Se rincer la tête, tenter de se recoiffer, se rhabiller correctement avec un pantalon noir, une chemise blanche et des bretelles noires et... « - Et le tour est joué ! Te voilà impeccable mon ami !

- Merci. T'es pas mal non plus. Au fait...T'as une cavalière toi pour ce soir ?

- Moi ? Tu parles ! Suffit que je claque des doigts et j'ai toutes les filles du lycée aux pieds.

- Toutes ?

- Je rectifie, pardon. « Toutes » sauf Margaux. Content ?

- Je préfère. »

Ce soir, c'était le grand soir.

Le bal de fin d'année. J'avais déjà hâte d'y être. Hâte de pouvoir danser avec elle. Hâte de lui dire tout ce que je ressentais pour elle, tout ce que j'avais sur le cœur. Je voulais m'ouvrir à elle. C'était niais à souhait, mais j'sais pas...J'en avais développé l'envie ces derniers jours.

Vouloir ouvrir son cœur à quelqu'un, ce n'est pas rien.

C'est prendre un risque. Un pari énorme.

Mais c'est aussi un geste merveilleux. C'est avouer, sans le dire, toute la confiance que l'on place en cette personne et je dois bien le reconnaître, j'ai plus confiance en Margaux qu'en moi-même.

« - Ah ! Attends, je prends mon téléphone. Je la préviens qu'on arrive.

- Pas de soucis, je t'attends en bas. »

Et à peine avions-nous descendu les escaliers que mes parents avaient déjà sortis leurs téléphones pour nous prendre en photo.

Non.

Rectification...Pour nous « flasher » sur place.

« - Hé ! On arrête les radars là ! On ne voit plus où l'on marche.

- Mais vous êtes tellement mignons tous les deux ! Je veux en garder un souvenir de cette soirée. Dommage que vos copines respectives n'aient pas pu venir ici...Vous allez bien récupérer Margaux, là ?

- Oui, oui.

- Faites attention sur la route !

- Et ne rentrez pas trop tard.

- Promis ! Bonne soirée papa ! Bonne soirée maman !

- Amusez-vous bien les garçons ! »

C'est bien ce que l'on comptait faire. Profiter de cette année jusqu'aux dernières secondes. Graver un maximum de souvenir en nous.

Et si possible...Réussir à s'en souvenir toute notre vie durant.

« - Tes parents ont complètement craqué ce soir...Je vois encore des flashs de partout !

- Ahaha ! Désolé. Tu sais comment ils sont.

- Oh oui... »

On s'arrête cinq secondes, le temps que je vérifie si Margaux m'a répondu, mais rien.

Silence radio.

Peut-être n'estimait-elle pas nécessaire de me répondre.

Et puis, curieusement, une boule au ventre se fait sentir. J'angoisse. C'est idiot. Je sais que l'on saura profiter de cette soirée tous les deux. On s'amusera. On rira.

Et enfin, on s'aimera.

« - Mec, attention ! »

Distrait dans mes pensées, Roméo me tire de la route tandis qu'une ambulance nous passe juste à côté.

« - Waw ! Chauffard ! Ils font pas gaffe aux gens en pleine forme eux ! »

Une ambulance ?

« - Milo ? »

Qu'est-ce qu'une ambulance vient faire dans le quartier ?

« - Hé...ça va pas ?

- Roméo...Court. »

Je me fais peut-être une idée.

J'hallucine sûrement.

Oui.

Après tout, c'est bien connu, j'ai l'imagination débordante. Je m'invente toujours des scénarios incroyables.

Pas croyables.

Non.

C'est quoi ?

Ce sentiment...D'angoisse.

« - Hé Milo ! Attends ! »

Mon corps a agi d'instinct. Je me suis mis à courir aussi vite que je le pus.

Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je ressens ça ? Cette boule dans l'estomac ne me quitte pas...Pourquoi ?

Non.

Non.

Non.

« - Hé ! Milo ! »

L'ambulance est là. À quelques mètres de nous.

« - C'est pas le quartier de Margaux ça ? »

Si.

C'est son immeuble.

Sa maison.

Pourquoi vont-ils là ?

Arrivant tous les deux à hauteur de l'appartement, une femme se tient devant la porte et nous dévisage tous les deux. Elle a un sourire triste. Le regard inquiet.

« - Vous devez être Milo ?

- Madame...Vous...Margaux ?

- Margaux va bien, Milo. Juste un malaise. Tu veux venir à l'hôpital avec moi ? »

J'ai l'impression que quelque chose en moi va exploser.

Que je vais exploser.

La main rassurante de Roméo se pose alors sur mon épaule.

« - Vas-y.

- Ma...Mais et toi ?

- Je saurais me débrouiller. Si le Prince ne peut pas aller au bal...Alors, il n'a pas lieu d'être ! File ! Tu m'enverras des nouvelles ?

- Promis. »

Je suis monté dans la voiture de la mère de Margaux avec elle.

C'était la première fois de ma vie que je la voyais. Elle a ses traits...Enfin, Margaux ressemble à sa mère. Les yeux. Le contour des lèvres.

« - Tu es inquiet ?

- Ne devrais-je pas ?

- Relativise. Ce n'est rien de grave. Je t'assure que ma fille est une battante. Elle a affronté pire. »

Pire ?

« - Mais je suis contente de pouvoir enfin faire ta connaissance. Je te dois beaucoup Milo.

- Pourquoi ?

- Margaux a changée. Tu sais, c'est une fille renfermée, qui parle peu ou qui ne s'ouvre que très peu. Elle rentrait tous les jours en disant « La journée s'est bien passée » puis petit à petit, à chaque fois qu'elle rentrait elle semblait troublée, ennuyée, énervée...Tu l'as rendue plus vivante que jamais. Alors, crois-moi...Je te suis redevable. Pour tout ce que tu as fait pour elle. »

Elle s'arrête dans la discussion pendant un long moment. Juste le temps pour nous de rejoindre l'hôpital et l'ambulance.

« - Au fond, c'est peut-être toi, le remède dont Margaux a besoin. »

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