Chapitre 26

Des premières heures de cours de la matinée, je n'ai pas jeté un regard curieux vers Margaux. D'habitude, j'aime bien me retourner et la voir concentrée sur la leçon ou sur l'exercice à faire, mais là, je n'en fais rien. Je me suis contenté de discuter avec Roméo par petits papiers interposés et d'admirer Keena. En soi, la routine.

C'était comme revenir en arrière. Comme si les derniers jours ne sont plus qu'un lointain souvenir.

Une vie parallèle. Une vie dans laquelle, j'ai presque été amoureux de Margaux.

Mais c'est de la folie.

J'aime Keena.

Je l'aime elle et personne d'autre.

Je veux dire par là que quand je l'ai rencontré pour la première fois, ce n'était qu'une fille aux genoux écorchés et aux yeux larmoyants. Elle était là, vautrée par terre, sous les rires hilares de tout un groupe de personnes.

Elle était différente de ces autres. Elle a toujours été différente des autres. Elle avait la tête dans les nuages et le cœur sur la main.

Elle était ce genre de personne qui rentre dans votre vie, qui la chamboule et qui après s'en extirpe, une fois qu'elle vous a rendu fou.

Elle était cette fille, assise là, dans un coin, discutant souriant et ne se doutant pas une seule seconde qu'au loin, un garçon était déjà sous le charme. Sous son charme.

Moi.

Keena n'était pas la fille idéale, elle n'était pas magnifique, mais elle était belle. Sa personne était belle. Vous ne rencontrez une fille comme ça qu'une ou deux fois dans votre vie.

Elle était celle qui vous marque et qui vous fait tomber amoureux grâce à un rire, un regard amusé ou un échange complice.

Elle est cette fille qui vous tombe dessus, les genoux écorchés, la morve au nez, les yeux inondés.

Je suis amoureux de cette fille, mais je ne lui ai jamais dit.

C'est peut-être le moment.

« - Alors ? Paraît que tu sors tout seul comme un grand ce soir ! Je suis tellement fier de toi ! Tel Mushu avec Mulan, j'ai l'impression que mon bébé a grandis.

- Fous-toi de ma gueule, je ne dirais rien. T'as pas de regrets ?

- À quel propos ?

- Keena. Elle était sur toi, non ?

- Ah ouais...Mais je crois qu'elle a compris que les filles...Ce n'est pas une priorité dans ma vie. Elle est gentille, mais ce n'est pas ma pantoufle de verre, malheureusement. Profites-en !

- Dit comme ça, j'ai l'impression de prendre tes miettes.

- Sois pas con. J'ai été clair avec elle, c'est tout. De toute façon, t'es mon pote Milo et il était évident, par respect pour toi, que Keena n'était pas une fille pour moi. Par contre, est-ce que toi, tu n'auras pas de regrets ?

- C'est-à-dire ?

- On en parle de Margaux ? »

Non. Il n'y a rien à dire. Rien qui puisse ne pas avoir été déjà dit du moins.

Margaux a été claire.

Je le lui ai promis.

Je ne tomberais pas amoureux d'elle. Je ne l'aimerais pas et puis tant pis pour elle si elle veut finir seule avec cinquante chats plus tard.

« - Je veux pas t'influencer, mais...

- Mais tu vas quand même le faire donc vas-y.

- Bah...C'est juste que...Si vraiment Margaux te plait, tu devrais te battre un peu plus.

- Me battre ? Un coquard ne suffit pas pour toi ?

- Pas dans le sens « frapper quelqu'un » triple buse, mais dans le sens mener une quête ou plutôt une conquête dans son cas. Tu t'es jamais dit que l'amour c'était juste l'histoire de la conquête d'un cœur ? On ne peut pas dire que tu te sois montré très conquérant à son égard.

- Peut-être parce que je me trompais, c'est tout. Puis j'ai toujours été amoureux de Keena et enfin, elle s'intéresse un peu à moi. Pourquoi je devrais tourner le dos à cette chance ?

- Je ne te dis pas de tourner le dos, mais je ne serais pas un bon ami si je ne te demandais pas de réfléchir à qui tu aimes vraiment. »

« Qui tu aimes vraiment. »

C'est horrible comment cette phrase a pu me hanter durant le reste de l'après-midi. Que ce soit en cours ou pas.

C'était comme si, à chaque fois que je regardais Keena, un petit diable débarquait sur mon épaule et me disait « C'est pas la bonne mon gars. »

Qu'est-ce que t'en sais toi ? T'as déjà été amoureux ou moins ? Qu'est-ce que t'y connais à l'amour ? Keena je l'aime depuis le premier regard. Elle a toujours été gentille, mignonne, attentionnée et tendre avec moi. Ok, elle s'intéressait certainement un peu trop à mon meilleur ami aussi, d'où sa gentillesse, mais au moins, elle ne m'a pas brisé le cœur en deux.

Margaux, elle, c'est un démon. C'est comme si elle avait forcé la porte de mon cœur, pénétré à l'intérieur et piétiné sauvagement tout ce qu'elle pouvait piétiner.

Espèce de barbare.

Les gens ne se rendent jamais vraiment compte du pouvoir qu'ils peuvent avoir sur autrui.

Alors à la fin des cours, j'ai attrapé mon sac à dos, j'ai rangé mes affaires et j'ai attendu que Keena sorte.

« - T'as un rencard à ce que je vois. »

Margaux sort à son tour et s'arrête seulement à quelques mètres devant moi.

« - Apparemment. Et toi, tu vas bosser, je suppose ?

- Tu supposes bien.

- Cool.

- Ouais... »

Puis, elle reprend son chemin.

Ce fut les seuls mots qu'elle m'adressa de toute la journée.

C'est vrai, le week-end que nous avions passé tous les deux me paraît être dans une vie parallèle.

Il faut que j'oublie ça et que je me concentre sur le présent.

« - Désolée Milo ! Je devais discuter cinq minutes avec une amie.

- Pas de soucis, t'inquiètes. Je suis pas pressé.

- T'es tellement choux. Merci. On n'y va ?

- Les dames d'abords.

- Et gentleman en plus. Tout pour plaire !

- Ahaha ! »

Non, tout pour être prit pour un con, faible et naïf.

Et pourtant, c'est tellement plus fort que moi.

Je veux dire, j'ai rêvé de ce genre de moment tellement de fois. J'ai espéré ce genre de moment si fortement. J'ai prié pour que ça arrive et maintenant que c'est là, devant moi, j'ai l'impression d'être déçu.

Pas totalement heureux. Comme si c'était le mauvais moment.

« Ou la mauvaise personne ! »

Ta gueule voix dans ma tête ! Ta gueule ! Ce n'est clairement pas le moment.

On est alors allé s'installer dans un café, pas très loin du lycée et on a parlé de tout, de rien, de Roméo et puis...

« - Tu fais quoi pendant les vacances d'été ?

- Rien de spécial. Je compte en profiter pourquoi ?

- Avec quelques amis on part près de la mer. Tu voudras venir ?

- Ah ouais ? Carrément, c'est sympa.

- Si tu veux, tu peux même inviter quelqu'un.

- Tu parles de Roméo ?

- Non, il m'a dit qu'il avait un camp d'entraînement avec le club...Margaux ? Vous êtes amis, non ? »

Margaux.

Margaux, Margaux, Margaux.

Pourquoi est-ce qu'il faut que j'entende son nom tout le temps aujourd'hui ? Mais vous avez quoi tous avec elle à la fin ? Fichez-moi la paix !

« - Pas son truc. Elle préféré bosser.

- Tu pourrais tout de même lui proposer ? Non ?

- Écoute Keena, j'apprécie, même si je ne sais pas ce que t'essayes de faire là, mais on pourrait, s'il te plaît ne pas parler de Margaux ? »

Rien que d'y faire mention, ça me fous en rogne. Je ne sais même pas pourquoi. Je suis là, comme un idiot à boire un diabolo avec une fille qui s'en carre le citron de moi, et pourtant, je lui souris bêtement, parce que cette fille était pour moi, la femme de ma vie et tout ça pour parler d'une autre fille qui m'a interdit de l'aimer.

Je trouve ça cruel. Vraiment.

« - Désolée. Je ne voulais pas te blesser.

- Ça ne me blesse pas...C'est juste que...Margaux...C'est un monde compliqué et j'aime pas les choses qui sont compliquées »

Je déteste ça autant que le saumon fumé d'ailleurs.

« - Comme tu veux, mais tu sais, si t'étais plus honnête, ça irait mieux. »

Plus honnête ?

« - Il n'est pas trop tard, la connaissant, elle doit être encore là-bas.

- Qu'est-ce que t'essayes de faire ?

- D'être une bonne amie, faute d'être une bonne copine. »

Elle me regarde, se penche vers moi pour prendre mon sac et me le temps.

« - Vas-y Milo. Il y a des choses que l'on ne fait pas attendre. Pas même l'intello de la classe. »

Tu sais, il y a tant de choses chez toi que j'aime que je ne pourrais toutes les énumérer.

Mais ce que j'aime le plus, c'est ce simple petit sourire tendre que tu as, parce que tu sais qu'au final, malgré tout que ce soit mon entêtement ou les épreuves de la vie...Il y a bien une chose qui triomphe toujours dans toutes les histoires niaises à en mourir :

C'est l'amour.

Alors, j'ai attrapé mon sac, je lui ai fait un bisou sur la joue.

« - Merci Keena. »

Et je suis parti.

En courant, je suis parti.

Je suis parti en quête ou en conquête. À l'aventure, vers un horizon que je ne connaissais pas vraiment ou alors très mal et qui me foutait les chocottes.

Je suis parti en quête d'amour et à la conquête de ce dernier.

« - Il faut qu'on parle. »

Parce que tu sais, je déteste courir comme un demeuré à travers les rues, mais je crois que pour ce que j'ai à te dire, pour ce que j'ai sur le cœur, ça mérite bien une course.

Ou un marathon.

« - Il faut que je te dise un truc Margaux.

- Je travaille et tu me déranges.

- Tant mieux ! »

Plus je dérange, plus je suis heureux. Que veux-tu, je suis comme ça.

Je suis un homme amoureux.

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