16. "L'erreur est humaine, admettre la sienne est surhumain" - D. Larson

Emma

William me regardait de façon assez intense. Je baissais les yeux, je n'arrivais pas à parler en le regardant, j'avais trop l'impression que j'allais le décevoir.

« J'ai essayé d'arrêter la coke, mais j'étais devenue beaucoup trop accro et mon corps était littéralement en demande. Mes amies refusaient de revenir vers moi, et je leur en voulais terriblement. Je leur avais mis ma rechute sur le dos. Pour moi, tout était de leur faute, si elles m'avaient soutenu, je ne serais pas retournée vers Tony. Je préférais me dire ça plutôt qu'avouer que j'étais faible et droguée.

Mes parents, eux, ne se doutaient de rien. Ils voyaient bien que je m'éloignais de plus en plus d'eux, que je me faisais de plus en plus absente. Mais ils mettaient ça sur le compte de l'adolescence et du bac approchant à grand pas. J'avais toujours été d'un naturel stressé, alors ça ne les étonnait pas que je passe beaucoup de temps « à réviser chez mes amies. »

Tony n'était pas dupe, il avait compris que j'étais revenue pour la poudre plus que pour lui. Mais il m'aimait, je le sais maintenant. Il a essayé de me faire consommer moins, il voyait l'effet que ça avait sur moi. On s'est souvent disputé violemment quand il refusait de m'en donner, soit disant pour mon bien. Il ne pouvait rien faire face à elle. »

Je m'arrêtais quelques instants. William semblait littéralement captivé par mon histoire. Il attendait la suite avec impatience. Je le sentais dans sa posture, penché vers moi, les yeux grands ouverts, rivés sur ma bouche comme pour lire sur mes lèvres histoire d'être sûr d'enregistrer toutes les informations.

Mais je savais que j'arrivais à un des pires moments de ma vie, celui dont j'avais le plus honte. Je ne savais pas comment lui raconter tout cela. Je décidai de ne rien lui dire, pour le moment. Je ne mentirais pas en disant que j'étais épuisée, physiquement et moralement par ces dernières heures.

Il me donna un plaid et me laissa me reposer sur le canapé.

« Je vais dans mon bureau travaillé » déclara-t-il, déçu, mais respectueux de mon choix.

Je lui souris en guise de remerciement puis me couchai sur le canapé, m'emmitouflant dans le plaid. Morphée m'emporta rapidement avec elle.

Je me voyais à mon bureau, mes livres d'histoire ouverts aux pages correspondants à mes cours, des fiches cartonnées éparpillées sur toute la surface restant du meuble. Malgré le haut coefficient en philo pour les filières littéraires, l'histoire demeurait la matière qui m'effrayait le plus. L'histoire et la géographie ça faisait en tout une centaine de dates à retenir, une dizaine de cartes à savoir par cœur et tout autant de chapitres, comptant chacun à peu près six pages recto-verso. Autant dire mission impossible pour moi qui avais horreur de passer des heures le nez plongé dans les bouquins. Ce n'était « que » coefficient 4, face au coefficient 7 de la philo, mais j'en avais une peur bleue. Alors c'est ce que je travaillais le plus. La philo j'avais décidé d'y aller au talent, c'est-à-dire que je fonçais droit dans le mur. En ce qui concernait la littérature, qui ne représentait pas mon point fort, loin de là, je ne m'y attardais pas. C'était une matière qui m'ennuyait, surtout lorsqu'il s'agissait d'étudier les mémoires du Général de Gaulle... Il n'était même pas écrivain ! Pourquoi l'étudier lui plus qu'un autre ?

Mon point fort, c'était définitivement les langues : anglais, espagnol et italien. Je savais que je cartonnerai, ou presque...

Je tentais donc de réviser le chapitre des Trente Glorieuses... Mais après seulement trente minutes, je me sentis déjà partir ailleurs, m'ennuyant profondément. Comment faisaient tous ces gens capables de passer des heures entières à réviser, encore et encore et encore ? J'aurais bien besoin d'un remontant, pour m'aider à réviser plus sérieusement, mais Tony refusait de m'en laisser. Je ne pouvais consommer qu'en sa présence. Il disait que c'était pour m'aider à limiter mes doses... J'étais persuadée qu'il voulait seulement tout garder pour lui !

Je décidai donc de laisser tout mon bazar et d'aller regarder la télé. Même s'il n'y avait jamais rien d'intéressant, ça serait toujours plus palpitant que l'économie du monde à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. De toute façon, il me restait encore deux mois avant le bac, j'étais large ! La télé se mit à m'ennuyer rapidement aussi... Je pris mes affaires et quittai la maison, prétextant à mes parents que je rejoignais les filles à la bibliothèque pour travailler.

Si Tony ne voulait plus me fournir quand j'en avais envie, il fallait que le trouve un substitut. J'aimais de tout mon cœur Tony, vraiment. Je me sentais bien quand il me prenait dans ses bras. Je me sentais belle quand il me regardait amoureusement. Je me sentais sexy quand il glissait ses mains sur moi et m'embrassait passionnément. Mais il ne comprenait pas que je ne voulais pas de son aide, seulement de sa drogue.

Il m'avait emmené quelques fois à ses réunions de dealers. J'avais rencontré ses « collègues ». Je savais donc exactement où me rendre pour me fournir.

J'avais revêtu des vêtements provoquant, pour ne pas faire tâche dans leur repère. Si j'étais arrivée avec un col roulé et un jean, je n'aurais pas été prise au sérieux. Là, avec ma mini-jupe en cuir et mon débardeur blanc moulant et très décolté, ne laissant aucune place à l'imagination, je savais que j'obtiendrais ce que j'étais venue chercher.

« Salut les gars ! » dis-je très assurée en arrivant.

Le groupe de garçons qui était en train de compter leurs billets se retourna vers moi. Ils prirent tous cinq bonnes minutes pour me dévisager de la tête aux pieds, puis le plus costaud s'approcha. Je bombai le torse et levai la tête pour le fixer droit dans les yeux, sans me dégonfler.

« C'est Tony qui t'envoie ?
- Non, il ne sait pas que je suis là, » répondis-je du tac au tac.

Il continuait de me déshabiller des yeux, semblant ravi que mon petit ami ne soit pas de la partie.

« Tu veux quoi ?
- Vingt grammes.
- Cent euros. »

J'essayais de cacher ma surprise. Je ne m'attendais pas à ce prix-là. Et je ne les avais bien sûr pas sur moi. Je continuai de faire bonne figure tandis que dans ma tête, je voyais déjà s'échapper ma réserve de poudre. Les idées fusaient à mille à l'heure dans mon cerveau.

Puis le grand costaud s'approcha de mon oreille et me susurra d'une voix malsaine :

« Tu ne sembles pas les avoir, mais on peut s'arranger... Tu peux me régler en nature » finit-il en se redressant, pour me faire un clin d'œil plus que subjectif.

Je ne fus pas dégoûtée le moins du monde. Je me dis simplement que cet homme avait de l'idée.

Je plantais mes yeux dans les siens qui soutenaient mon regard. Il ne s'attendait certainement pas à ce que je lui demande quels genres de faveurs il voulait exactement, qui plus est, d'un air très coquin. Il mit quelques minutes à répondre, tandis que je gardais un air très sérieux. Il me fallait cette poudre, coûte que coûte.

Il m'emmena dans un endroit plus intime, où je pu le régler comme il le souhaitait.

« Emma ! Emma, réveille-toi ma belle ! »

Je sursautais lorsque William me sortit de mon rêve, qui était plus un souvenir qu'un rêve...

« Tu t'agitais beaucoup... » Dit-il inquiet, comme pour s'excuser de m'avoir tiré de mon sommeil.

« William... J'ai fait des choses horribles pour la drogue... » confessais-je en me blottissant dans ses bras. Il m'enveloppa de ses muscles et me murmura que tout le monde commettait des erreurs dans la vie, mais qu'aucune n'était irréparable. Il m'embrassa la tempe, en me berçant de mouvements doux.

Je ne pouvais pas lui dire que je m'étais prostitué pour un sachet de coc', lui aussi me tournerait le dos, dégoûté de ce que j'étais, de ce que je suis, et je ne le supporterais pas...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top