Chapitre 27.
Je n'avais pas vu le seigneur de Regana depuis mon arrivée. Pas depuis qu'il m'avait livrée à Katrina. Secrètement, j'avais nourri le vain espoir de ne plus jamais le croiser. Mais une part de moi était toujours restée consciente qu'un jour ou l'autre, je finirai par rencontrer sa route et que cet instant viendrait plus tôt que prévu. Après tout, grâce à la merveilleuse - noté le sarcasme - mais futée stratégie de Carmine, il pensait pouvoir contrôler et menacer son fils en se servant de moi comme otage.
Autrement dit, il allait s'en prendre à moi.
Et après ce que je venais de découvrir dans les salles du palais...
L'idée de me retrouver de nouveau face à lui me hantait. Presque autant que celle de me retrouver face à Katrina. Contrairement à la jumelle, Regana - autant l'homme que l'enfer - me terrifiait, non pas à cause de ce qu'il m'avait fait mais à cause de ce qu'il pourrait me faire. Il avait tous les pouvoirs. Il pouvait tout... Et chaque fois que j'essayai de m'imaginer ce que ce tout pouvait être, mon cœur se serrait dans ma poitrine, mon souffle se coupait, et la peur augmentait, à m'en rendre malade. Je ne voulais pas y aller. Je ne voulais pas !
Or, chaque pas que nous faisions en sa direction, alors que nous suivions le démon qui était venu nous chercher, rajoutait un poids sur ma poitrine. Un poids qui m'étouffait. Je ne savais même pas où j'avais pu trouver la force et la volonté de me mouvoir. Comme un fantôme, je suivais mon compagnon.
Sous l'effet de l'angoisse dévorante, mes doigts se refermèrent sur mon poignet avec tant de force que c'en fut presque douloureux. Tout pour rester consciente, pour ne pas laisser la peur entièrement me submerger... La pointe de douleur qui transperça le brouillard de la terreur me parut salvatrice tandis qu'elle me permettait de récupérer un certain contrôle. J'appuyai plus fort. Mes ongles étaient tant enfoncés dans mon épiderme qu'ils vinrent gratter la croute qui couvrait les plaies que je devais à Katrina.
Une perle rouge roula le long de mon avant-bras.
Sûrement le parfum métallique attira aussitôt l'attention de Carmine car il se retourna aussitôt vers moi. Il plissa des yeux, ses pupilles paraissant presque fendues par-dessus ses iris améthyste. Je ne sus déchiffrer l'éclat qui y scintillait ainsi que le pli que prirent ses traits.
Sa main se saisit de la mienne et il me força à lâcher prise. Je tressaillis à son contact brûlant qui me ramena à la réalité, chassant brièvement la peur pour éclaircir mes pensées.
Devant nous, notre guide semblait s'être tendu et je voyais les veines de sa nuque noircir, comme s'il était en proie à un immense effort.
Le sang attirait les démons...
Nerveuse, je m'excusai mais le jeune homme chassa mes paroles d'un geste de la main. Son regard me quitta pour se poser sur notre guide et il adopta un pas plus lent pour le laisser nous distancer. Ses doigts ne m'avaient pas encore lâché.
« Quoiqu'il arrive, reste en arrière et laisse-moi gérer, souffla-t-il, chaudement, dans mon esprit.
Malgré son ton rassurant, je plissai des yeux, peu certaine de lui faire entièrement confiance dans cette situation. Son père était surpuissant. Il était Regana - à tel point qu'il portait d'ailleurs le même nom que cet au-delà sordide - il était l'enfer et cet endroit lui obéissant au doigt et à l'œil. Face à lui, Carmine ne pouvait rien sans la dague. Ses pouvoirs, aussi impressionnants et sanglants puissent-ils être, n'étaient rien face à ceux de son père.
Quoiqu'il veuille faire, nous ne pourrions rien face à lui. Chose que je ne pus m'empêcher de faire remarquer :
- S'il te fait du chantage, comme tu l'as prévu, que feras-tu ?
Il fronça des sourcils, surpris par ma demande. Mais je ne retirai aucune de mes paroles. La tension qui nouait mes tripes était trop forte. Et je me faisais violence pour ne pas trembler. J'avais besoin qu'il me rassure.
- Fais-moi confiance, tout ira bien... » se contenta-t-il de marteler.
Pour le côté rassurant, il me faudrait me contenter de cela. Mais même lui semblait ne pas y croire. J'étais foutue...
Je n'eus pas le temps de l'interroger plus. Nous étions arrivés. Le démon poussa une porte, nous invitant à en franchir le seuil avant de s'éclipser, non sans m'avoir jeté un regard qui luisait d'une cruauté trop forte.
Katrina n'était donc pas la seule qui rêvait de me dévorer à ses heures perdues...
Fébrile, je n'arrivai pas à faire ce dangereux pas en avant qui me propulserait au cœur de la fosse aux serpents. Mais Carmine ne me laissa pas le choix. Ses doigts toujours refermés autour de mon poignet, il m'attira à sa suite avant de soudainement me lâcher aussitôt que nous nous retrouvâmes dans cette immense pièce ronde.
En son centre, je reconnus l'immense nuage ténébreux, ce brouillard malveillant et malfaisant qui semblait animé par l'esprit même des ténèbres. Et comme lors de la première fois, la silhouette du maître des lieux s'en découpa, toujours aussi effrayante. De nouveau, son aspect si fascinant et glaçant à la voix me saisit de plein fouet. Mais cette fois-ci, ses deux yeux avaient cette teinte améthyste si saisissante qu'il partageait avec son fils et qui me déstabilisa aussitôt. Si ses prunelles ne brillaient pas de tant de cruauté et de vices, j'aurais pu croire que c'était Carmine qui nous fixait de la sorte.
Cette ressemblance si frappante me mettait mal à l'aise. Elle symbolisait le mensonge que m'avait servi le jeune homme mais aussi toute l'horreur de ce palais. Moi qui la trouvais si belle sur le visage du télépathe, sur celui de son père, elle me terrorisait et me donnait l'impression que les ténèbres allaient me dévorer.
Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que je craignis que tous puissent l'entendre. Dans mes veines, un flot brûlant d'adrénaline se déversa. Je mentirais si je prétendais n'être pas morte de peur. L'effroi m'étouffait presque, régnant sur mon esprit et je me sentais comme un lapin devant les phares d'une voiture lancée à cent-cinquante kilomètre heure en pleine autoroute. Je m'arrêtai à quelques pas du seuil, priant pour que Regana ne me prête pas la moindre attention. Pour le moment, celle-ci était tournée entièrement vers son fils qu'il accueillit avec un rictus malsain, presque méprisant, qui me donna des sueurs froides :
« Tiens donc, Carmine ! Tu décides enfin de nous honorer de ta présence. Tu t'es perdu en chemin ?
- Je ne reconnaissais plus les couloirs, menti avec aplomb mon compagnon, ce qui arracher au seigneur des lieux un rire mauvais.
- J'espère que tu apprécies ton retour à la maison après douze années d'absence.
Le brun se contenta d'hausser simplement des épaules. Mais malgré son apparente nonchalance, ses membres dégageaient déjà une tension insoutenable et l'air semblait crépiter entre eux. Je regrettai déjà d'assister à tout ceci. L'être maléfique qui lui faisait face poursuivit d'un ton railleur :
- Je crois m'être suffisamment montré conciliant en t'autorisant à récupérer ta petite âme et à circuler librement dans le palais.
- Que de générosité ! ironisa le jeune homme avec un sarcasme évident.
Par reflexe, je me mordis la langue, rentrant un peu plus la tête entre mes épaules. Il jouait un jeu dangereux contre le mal incarné et je n'étais pas sûre d'apprécier totalement la tournure que prenait déjà la conversation. Je me sentais comme un fétu de paille, inutile, incapable de faire ou de dire quoique ce soit, impuissante.
Ma vie entière était entre les mains du télépathe. Et pour le moment, il n'agissait pas vraiment de manière à m'épargner tous soucis.
Loin de s'en préoccuper, Regana ignora la pique et se contenta de lâcher, d'un ton grave, son regard luisant d'une lueur malveillante :
- Il est temps pour toi de passer ton premier véritable pacte.
Carmine ne répondit pas tout de suite. Ce qui me laissa le temps de moi aussi comprendre ce qu'était en train de demander le maître des enfers.
Passer un pacte ? Comme celui qu'avait passé ma mère ? Etait-il en train de demander à son fils de condamner quelqu'un à Regana et à ses maudits cercles ? La bile remonta dans ma gorge. J'avais la nausée. Mais ce n'était rien face à ma réaction lorsqu'enfin, mon compagnon répondit, dans un ricanement amer, si semblable à celui de son père :
- Et si je ne veux pas ?
Ébahie, j'écarquillai des yeux et je retins mon souffle, stupéfaite. Qu'était-il en train de faire exactement ? J'entre-ouvris les lèvres, dans l'espoir de pouvoir capter son intention mais ma voix se mourut aussitôt. De toute façon, il ne me regardait pas.
Il guettait la réaction de son père, fébrile. Le diable s'était légèrement tendu. Et le violet profond de son regard s'obscurcit, gagné par une noirceur effrayante, trahissant sa colère intérieure. Ses yeux retrouvaient la teinte qui était la leur quand je l'avais rencontré pour la première fois. Une teinte effrayante.
Mais au lieu de laisser exploser sa rage, Regana se contenta d'esquisser un sourire, amusé, sadique.
- Comme tu voudras, souffla-t-il, son rictus carnassier s'élargissant.
Sa main balaya légèrement l'air. Et l'immense brouillard noir derrière lui s'anima, ondulant, s'agitant, comme s'il s'éveillait. L'inquiétude monta en moi à la vue de cette obscure masse vivante, que j'avais identifié comme étant le mal.
Et elle s'amplifia plus encore la seconde suivante, serrant mon cœur, nouant ma gorge, paralysant mon cerveau. Car les ténèbres s'approchaient de moi, menaçantes.
Mes doigts se posèrent sur le manche de mon couteau, caché sous mon pull. Pourtant, j'étais consciente que mon arme me serait inutile face à cette menace obscure qui s'avançait dans ma direction, sans que rien ne puisse l'arrêter. Je ne savais pas réellement ce dont il s'agissait mais j'étais certaine d'une chose : ça allait me faire du mal.
- Carmine... sifflai-je, reculant d'un pas.
Mon dos heurta soudain le mur derrière moi. Je plissai des yeux, toisant ce brouillard offensif qui s'avançait lentement, s'approchant un peu plus de mes bottes à chaque seconde qui passait.
Un instant, mon regard fuit vers la porte d'entrée. Mais sitôt esquissais-je le mouvement de m'échapper que les ombres, comme animées de leur propre vie, me coupèrent la route. J'étais prise au piège.
Merde !
- Arrêtez ça tout de suite ! grogna le télépathe esquissant un geste dans ma direction.
Mais son père le lui interdit d'un sifflement menaçant avant de reprendre avec plus de calme, ronronnant presque :
- Il s'agit simplement de condamner une petite âme tout à fait innocente à l'enfer. Je ne vois pas en quoi cela devrait te poser problème...
Face à son ton nonchalant, en apparence, désuet, je frissonnai. Sur mes gardes, continuant de surveiller les ténèbres du coin de l'œil, je scrutai rapidement le père et le fils qui se toisaient.
Je devinai ce qui se cachait derrière cette condamnation. Le premier véritable pas de mon compagnon vers le mal absolu. Oh, Carmine avait déjà tué. Mais c'était à Regana, où chacun était aussi pourri que son voisin. Mais en passant ce pacte, en précipitant un innocent vers la damnation, il franchirait une nouvelle étape.
Une étape qu'il se refusait à franchir.
Moins pour des valeurs morales que pour ce qu'elle représentait, symboliquement, j'en avais conscience. Les âmes telles que moi ne représentaient pas grand-chose à ses yeux. Mais restait qu'un innocent aurait à souffrir de ce pacte, comme j'ai eu à en souffrir. Et si je n'étais pas actuellement sous la menace de ténèbres qui venaient d'atteindre mes pieds dans des volutes sinistres, peut-être aurais-je été révoltée à cette idée.
Mais la seule chose qui obsédait mes pensées, qui m'obnubilaient, c'était ma survie. Il fallait absolument que je me sorte de cette entrevue. Et actuellement, Carmine ne m'était d'aucun secours.
Il se dressait, face à son père, droit, les jambes bien ancrées au sol, comme s'il s'apprêtait à livrer bataille. Ses traits tirés, ses poings crispés, il n'avait besoin d'aucun mot pour exprimer son refus. Toute son attitude trahissait sa rébellion. Je le sentais. Il était prêt à s'opposer à son père, à l'affronter aussitôt. Mais s'il le faisait, j'y passais. Et quand bien même il s'en souciait moins, je devais essayer de le raisonner.
Il s'agissait de ma vie ! Je n'avais pas survécu à ma traversée des cinq cercles pour mourir maintenant !
« Le moment n'est pas encore venu Carmine ! Nous n'avons pas la dague ! Ne tente pas le diable... tentais-je de lui souffler maladroitement, priant pour qu'il saisisse mes pensées.
Je ne savais même pas s'il m'entendait. Son attention était tant focalisée sur son père que je doutais que ses antennes télépathes soient tendues dans ma direction. Il ne m'offrait que son dos, son esprit entier tourné vers l'être qu'il haïssait tant. Il était si furieux envers son père, si désireux de se venger qu'il ne pensait même plus de manière logique et stratégique. Lui arrivait-il de réfléchir parfois ?
Si je mourrais, il perdait son avantage. Et de toute manière, il ne pouvait pas affronter Regana sans armes. Autrement dit, lui tenir tête maintenant était vain.
Je devais à tout prix le lui rappeler, le ramener à la vérité.
- Carmine, repris-je, si tu continues comme ça, il va comprendre ton stratagème et tu n'auras plus la moindre avance sur lui... Oh et il me tuera accessoirement ce qui fait que tu ne pourras pas tenir ta promesse ! »
Il parut tiquer cette fois-ci. Légèrement son corps se tourna vers moi, sans pourtant que son regard animé par la haine ne quitte jamais son père. À l'idée qu'il ait saisit mes arguments, je me surpris à éprouver un léger soulagement. Qui fut de très courte durée.
Car le télépathe se redressa, ses poings se crispant un peu plus. Et ce fut au moment où il ricana que je compris qu'il n'avait aucune intention de calmer le jeu :
- Pensez-vous que le chantage parviendra réellement à me transformer en vous ? Pour que le mal soit véritable, il faut qu'il soit voulu.
Les ombres grimpèrent le long de mes jambes. J'eux soudain l'impression d'avoir plongé dans un lac gelé. Le froid fut si intense qu'il en devint douloureux. Il grignotait ma vitalité, engourdissant mes membres. Ce fut comme si toute la chaleur, tout l'espoir, toute la vie de ce monde venait de s'évanouir pour ne laisser que la terreur, le mal et la souffrance.
Parallèlement, l'opposition continuait entre les deux démons. Regana ricana à l'entente des mots de son fils avant de susurrer, perfide :
- Oh, mais tu le voudras.
Le jeune secoua vivement la tête de gauche à droite dans un geste de refus catégorique qui semblait jaillir du plus profond de lui-même.
- Je ne serai jamais comme vous.
Arrête pitié ! Arrête de lui tenir tête...
- Je peux tout aussi bien la tuer dans ce cas, lâcha froidement le mal incarné en me jetant un coup d'œil cruel. Comme j'ai tué ta mère.
Carmine et moi, nous figeâmes dans un seul mouvement.
Lui, parce que tout son corps venait d'être parcouru d'une vague ardante, dévorante, détruisant tout sur son passage. Un raz de marée colérique. Ses muscles se tendirent vivement, ses poings se crispèrent et son aura se chargea d'ondes si négatives que j'en fus frappée en plein fouet. Il semblait sur le point de causer un massacre...
Moi, parce que je savais qu'il s'agissait là des mots à ne pas dire. Le point de non-retour. Parler de sa mère, c'était automatiquement le plonger dans un abîme de rage pure et folle, de pulsion destructrice vengeresse que rien ne pourrait arrêter. Plus rien n'importait d'autres à ses yeux que sa vengeance en cet instant.
J'allais mourir.
Pire encore, j'allais être détruite, dévorée par le mal.
Dieu, que je détestais cet homme...
La panique referma brutalement ses griffes sur moi.
Les serpents ténébreux refermèrent leur étreinte sur moi et malgré l'engourdissement de mes membres, je tentais de les chasser, gagnée par un effroi profond. Cette entrevue prenait une tournure désastreuse.
- Je vous tuerai ! vociféra le jeune homme gagné par une frénésie fiévreuse.
Mais le diable ignora la menace, se contentant de lâcher un ricanement mauvais. Le regard qu'il nous lança était empli de mépris. Ses doigts s'agitèrent dans le vide avant qu'il n'avertisse, d'un ton dénué de la moindre émotion, me désignant d'un geste du menton :
- Dernière chance, Carmine... Passe ce pacte et damne cette âme où je m'empare de celle-ci.
Le brouillard venait d'atteindre mes hanches et je sentis le mal se propager dans mon corps, grimpant comme un monstre, s'agrippant à mes os, circulant dans mes veines, visant mon cœur qu'il désirait atteindre. Et une fois que ce serait fait... Je fermai les yeux un instant, réprimant un gémissement de douleur.
Je n'arrivais même plus à articuler quoique ce soit. Je m'étouffais sous la peur et un hoquet désarticulé m'échappa.
Ce son parut soudain atteindre la carapace aveuglante et assourdissante de mon compagnon. Pour la première fois, il croisa mon regard. Le sien se posa sur mon visage avant de glisser sur les ténèbres qui m'enlaçaient, mortelles, grimpant le long de ma poitrine. Et la noirceur qui s'était emparée de ses prunelles sembla se dissiper quelque peu.
Mais il hésitait encore.
L'instinct fut plus fort que tout et je laissai libre court à ma terreur, hurlant de toute mes forces par télépathie, si fort qu'à cet instant, je sus qu'il m'avait entendu.
« Bon sang Carmine, arrête tes conneries ! »
Le jeune homme ferma les yeux, en proie à un violent dilemme. Le temps parut se suspendre et malgré la vague glacée et douloureuse qui était à deux doigts d'atteindre mon cœur, je ne le quittai pas un seul instant du regard. Au bout de quelques secondes qui me parurent interminables, ses traits s'affaissèrent. Relevant les paupières, il me jeta un regard navré. Je fus captivé par l'éclat qui y brillait, m'y accrochant comme une naufragée à sa bouée.
Puis il se tourna vers Regana.
- C'est d'accord ! cracha-t-il, amèrement. Je vais passer ce pacte.
Les ténèbres se figèrent, cessant d'enrouler leurs dangereuses volutes autour de moi. Mon souffle, que je retenais, m'échappa soudain dans un soupir de soulagement. Le brouillard se dissipa aussitôt par enchantement et j'eus l'impression d'émerger enfin à la surface, de quitter cet océan de froid et de douleur dans lequel il m'avait plongé. Mes membres se réchauffèrent petit à petit tandis que mon cœur reprit un rythme normal. L'adrénaline dans mes veines fut la seule chose qui me permit de rester debout alors qu'un fourmillement désagréable se diffusa dans mes jambes, brûlure vive mais pourtant si rassurante qui m'indiquait que je n'étais plus menacée d'anéantissement.
Pour le moment.
Je rivai mon regard sur Carmine. Tête baissée, poings serrés, il semblait se contenir. Il me tournait le dos obstinément. Il ne regardait même plus son père, ses yeux fixés sur un point invisible. Impossible de savoir exactement ce qu'il pensait. Mais une chose était certaine. Il se retrouvait forcé de faire ce pas en avant vers le mal. Et même si je ne comprenais pas tout à fait ce que cela signifiait, une nouvelle crainte naquit aussitôt au creux de ma poitrine. Mais je n'eus pas le temps de me soucier plus.
Le seigneur des lieux esquissa un sourire satisfait et s'exclama, jovial, frappant dans ses mains :
- Parfait. Absolument parfait. »
Maintenant que j'étais de nouveau maîtresse de moi-même, un sentiment de colère vive grimpait dans ma poitrine, surpassant la peur. De colère et de haine. Me mordant la langue, je devais me faire violence pour éviter de me laisser déborder. Je tentai de faire un pas en direction de mon compagnon, de le rejoindre...
Mais soudain, Regana claqua des doigts et dans un nuage de fumée noire, Carmine se volatilisa.
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