Bonus. II.
Carmine.
(Attention, scène explicite ;) Bonne lecture !)
Franchir la frontière entre Regana et la réalité était un don réservé au seigneur des enfers.
Après avoir vécu de longues années dans chacun des cercles, j'en étais désormais capable. Je pouvais me rendre où je le voulais, comme je le souhaitais. Aller au sommet des plus hautes montagnes, dans les vallées les plus reculées. Visiter les lieux les plus incroyables. Me mêler aux Hommes, goûter aux joies que seule la réalité offrait. Voyager. Vivre. Admirer une beauté dont les enfers étaient privés.
Mais il n'y avait qu'un endroit où je désirais véritablement me rendre.
Dans un épais nuage sombre, je me matérialisai dans une petite pièce, baignée par l'obscurité. À travers les stores mal baissés, la lumière d'un lampadaire venait troubler les ténèbres, projetant des faisceaux argentés sur ce qui m'entourait.
Je me figeais, saisi par ce chatoiement d'ombres qui se dressaient sur les meubles, sur les rebords de la fenêtre, projetant le dessin de longues feuilles, de tiges entortillées et de corolles de pétales, transformant la pièce en un jardin presque irréel. Il y avait des fleurs, partout. Des orchidées Dracula mais surtout des bouquets de chrysanthèmes, blanches, jaunes, oranges, mauves...
Je devais faire attention où je mettais mes pieds pour ne pas écraser un pot. À croire que les plantes de la boutique au rez-de-chaussée avaient envahi le petit appartement depuis ma dernière visite.
Je ne pus m'empêcher d'esquisser un rictus moqueur face à cette lubie presque obsessionnelle de tout fleurir qui n'avait fait que s'empirer ces derniers temps, d'après ce que je remarquais.
Je cherchai du regard la responsable de toute cette folie pour la trouver, allongée dans son lit, la masse informe de sa chevelure rousse formant une aura sombre sur l'oreiller autour de sa tête.
À cette vision, je sentis une vague d'émotions me gagner, attendrir mon cœur, me percuter de plein fouet. Endormie elle ressemblait à un ange.
Depuis sa libération, elle avait repris des couleurs et du poids. Ses sommeils hantés seulement de cauchemars et non plus de tortures interminables avaient amoindri ses cernes et son regard avait retrouvé un éclat vif et lumineux. Moins pâle, ses joues de nouveau un peu rondes depuis qu'elle remangeait arboraient des teintes rosées. Les marques laissées sur son corps par des années de calvaire semblaient s'effacer petit à petit, laissant la vie reprendre le dessus.
Aux enfers, j'avaient croisé des créatures aussi magnifiques qu'horrifiques. Béatrice par exemple, était réputée pour être une démone sublime lorsqu'elle ne se métamorphosait pas... Mais malgré toutes ces merveilles infernales, rien ne pouvait remplacer Sam.
Elle était si belle à mes yeux...
Mais tous ces changements me firent réaliser que ma dernière visite remontait à déjà bien longtemps... Presque trois mois ici, sur Terre.
Le temps passait différemment entre Regana et la réalité. Ou plutôt, il n'y avait pas réellement de notion du temps en enfer. Et ce, même si je continuais à vieillir continuellement. Je ne m'étais pas rendu compte que tant de mois s'étaient écoulés... Pris dans les affaires des cinq cercles, entre les démons qui s'agitaient, le Mal que je tentais de maîtriser, Dante et Béatrice, la recherche d'un nouvel équilibre... J'avais trouvé dans l'exercice du pouvoir une satisfaction pleine et intense. Il était si grisant de tenir au creux de sa paume le destin entier de la dimension infernale. Je désirais la changer, la modifier à mon image. Mais tout obnubilé que j'étais, je n'avais pas vu le temps passer...
Trois mois...
Je savais que dès l'instant où elle ouvrirait les yeux, ma petite diablesse allait me massacrer. Et en beauté. Je préférais la laisser encore dormir et profiter quelques instants de la paix et de la quiétude à ses côtés...
J'entrepris de fouiller dans ses placards à la recherche de ce divin jus de grenade que son patron lui fournissait. Je n'avais pas compris sa vénération pour cette boisson avant d'y gouter lors de ma première visite sur Terre. Désormais, je voulais bien lui concéder qu'elle avait raison. C'était à s'en damner !
Soudain, un aboiement sec attira mon attention.
Tiens donc, ça aussi, c'est nouveau !
Une espèce de bestiole pleine de poils beiges et bruns, à peine plus haute que trois pommes, se trouvait devant moi. Les oreilles couchées en arrières, en position d'attaque, des grondements ridicules s'échappaient d'une petite gueule dévoilant ses minuscules crocs. Non mais ! Pour qui se prenait cette petite chose ? Elle semblait prête à me sauter dessus, gardienne de cette demeure où elle ne devait même pas avoir de place pour bouger tant il y avait de fleurs à qui il devait très certainement disputer l'affection de leur propriétaire.
On avait déjà vu des Cerbères plus effrayants...
« Couché Virgile.
Le Shih Tzu s'aplatit au sol aussitôt face à l'ordre de sa maîtresse qui venait de résonner dans la chambre, sans pourtant me quitter de ses yeux écarquillés.
Electrisé, mon sang ne faisant qu'un tour dans mes veines, je fis volteface pour toiser la propriétaire du petit chien.
Samaëlle était agenouillée sur son lit, sûrement réveillée par les grondements de la bestiole. Elle ne portait qu'un long t-shirt noir qui lui arrivait jusqu'à mi-cuisse. Ses prunelles sombres, posées sur moi, me scrutaient avec intensité.
Un instant, je la contemplai alors qu'elle me toisait, le visage fermé, les poings sur ses hanches encore saillantes se dessinant sous son pyjama. La surprise de me voir se mêlait soudain avec l'agacement et l'amusement, qui se disputaient tour à tour la primauté dans son esprit auquel j'avais tout de suite accès. Ponctué d'un bien beau juron comme elle seule savait les faire.
Diable, elle m'avait manqué !
Me ressaisissant, j'inclinai légèrement la tête avant de me redresser, désignant le chien à mes pieds.
— Virgile ? m'enquis-je, narquois.
Je ne dissimulai même pas la moquerie dans mon ton et son regard assassin ne se détacha pas de moi.
— J'ai longtemps hésité entre Virgile et Cerbère avant de décider que le second était un peu trop flippant pour une si petite boule de poils.
Si je m'attendais à ça !
Un rire m'échappa tandis qu'une onde de bonheur se diffusait en moi, chassant toutes les sombres pensées qui avaient pu m'habiter ces derniers mois. Après tout l'enfer n'était pas un lieu de joie... Malheureusement, face à mon amusement, les sourcils de la rousse se froncèrent d'agacement.
Mais c'était plus fort que moi. Quand je pensais à cette horreur absolue qu'était la mission « Virgile », à ce qu'elle m'avait coûté, à ce qu'elle nous avait coûté ! Tant de mois de préparations, tant de souffrances, de dangers, de risques... C'était presque du génie à vrai dire ! Ça me rappelait à quel point la jeune femme est timbrée. À quel point j'adorait chaque part d'elle.
— Pourquoi un si petit chien ? je m'esclaffai, toisant la bestiole.
Sans se laisser déstabiliser, elle répondit, détachant chaque syllabe, un rictus sardonique étirant ses lèvres :
— J'ai été traumatisée des gros.
Mon rictus se figea à moitié. Cette excuse était tout à fait valable... Le souvenir de Morval la hantait suffisamment. Combien de fois, lors de ma précédente visite, n'avais-je pas dû la calmer lorsqu'elle se réveillait en sursaut après un affreux cauchemar dont j'avais pu saisir des bribes à travers mes dons... Ses cris, sa terreur, qui se calmait aussitôt... Et la douleur, toujours présente, même si de moins en moins vive, de moins en moins brûlante. Elle s'accrochait alors à moi avec tant de force, tant de désespoir...
Comment faisait-elle lorsqu'elle était seule ?
Un début de remord me gagna que je refoulai aussitôt. Je ne voulais pas éprouver ce genre de chose.
Laissant ma nonchalance me gagner, je me penchai pour caresser la tête aplatie du chien dans une tentative d'apaisement.
— Fais attention, il mord, m'avertit Sam' avec un sarcasme non dissimulé.
Comme pour illustrer ses dires, Virgile gronda un instant, menaçant, avant de venir renifler mes doigts. De nouveau ses babines se retroussèrent sur ses canines. Il ne semblait vraiment pas m'aimer. Sale bête !
Me redressant, je toisai la bestiole une dernière fois avant de reporter mon attention sur sa maîtresse qui assistait à toute la scène, toujours dans une position de mécontentement.
— J'ai déjà combattu pire que ça.
À commencer par elle.
Grace à mon don, je pouvais ressentir chacune de ses émotions. Elles submergeaient les liens télépathiques, s'infiltraient jusqu'à moi. Elles devenaient les miennes et je les acceptais sans hésitation.
Tout au long de notre descente aux enfers, ça avait été sa douleur, cette douleur intense, dévorante, ce vide qui rongeait son cœur, ce corps qui n'était fruit que de souffrance, que j'avais perçu, qui étaient descendus jusqu'à ma poitrine pour y distiller petit à petit cette tourmente éternelle de son âme. J'avais au début cherché à chasser cette affliction, ces maux qui n'étaient pas miens et qui s'ajoutaient à ceux que j'éprouvais déjà. Mais ils venaient alimenter ma haine, ma soif de vengeance et par conséquent, mes dons s'en retrouvaient toujours plus puissants.
Par défaut, je m'étais servi de ce phénomène à de nombreuses reprises. Comme cette sinistre fois où mon père l'avait forcé à poignarder le fantôme de ma mère et que dans mon accès de colère je lui avais presque fait mal. Mais c'était pour me faire souffrir moi à travers mes pouvoirs. Et ça avait fonctionné...
Puis, c'était son amour qui s'était imposé, vibrant, violent, presque malgré elle. Un amour et un désir qui étaient venus nourrir les miens, déjà puissants. Mais en y rajoutant une touche de lumière. Et tout ce qu'elle pouvait ressentir d'humain, de tellement humain, son espoir, sa passion... étaient venus chasser chaque fois les ténèbres en mon cœur, me faisant ressentir les choses à sa manière... Celle d'un être doté d'âme.
Elle était devenue mon âme.
Aujourd'hui, ma petite diablesse était dans une colère... Noire. Et je le percevais aisément, ses ondes de rages se glissant jusqu'à moi, emmêlées à ses pensées déjà très bien réveillées, emplis de jurons foisonnant d'ingéniosité.
Samaëlle n'était vraiment pas contente.
Nous nous toisâmes quelques instants, en silence, sans rien dire. Seulement la respiration haletante de son petit chien résonnait. Avant qu'elle ne lâche, brisant la digue de son mutisme de colère.
— Trois mois.
Ça y était, le déluge commençait. Me parant de mon sourire le plus innocent, tentant de l'amadouer avec mon charme certain et évident, je susurrai, mielleux :
— Oui, d'ailleurs, à ce propos...
— Trois mois ! m'interrompit-elle à nouveau, perdant patience, dans un rugissement tonitruant.
Changement de stratégie ! Il fallait lui fournir des explications convaincantes ! Je poussai un long soupir avant de murmurer, navré :
— Le temps passe différemment en enfer, mon âme... tu le sais bien !
« Je vais te le faire sentir passer ton temps ! »
Ses pensées cinglantes s'infiltrèrent dans mon esprit. Je dus me retenir de sourire à l'entente de sa menace. Ce n'était pas ma faute, elle était terriblement séduisante lorsqu'elle s'énervait. Une vraie diablesse. Je la sentais à deux doigts de me balancer un pot de fleur à la figure. Heureusement que son amour pour les plantes l'en empêchait...
— Un petit message, un avertissement, ce serait trop te demander, espèce de tocard !
— J'ai un royaume à diriger, un trône, tentai-je de me justifier, appréciant moyennement ces reproches. Les enfers ne peuvent se passer de moi. Je suis l'un des êtres les plus puissants de ce monde ! J'ai des responsabilités !
Sam' ne cilla pas une seule fois, ses lèvres s'étirant en un rictus amer. Ses pensées me frappèrent de plein fouet, désagréablement, sans aucune retenue. Elle me croyait attiré par le pouvoir, l'orgueil, mon plus grand péché selon elle, m'aveuglant entièrement, tenté par le Mal que représentait le trône de Regana.
Un Mal contre lequel je luttais pourtant, évitant de passer de nouveaux pactes, ne provoquant plus sciemment la chute de nouvelles âmes. Si certaines rejoignaient encore les enfers, ce n'était pas de mon fait. Je n'avais pas accepté d'entièrement vouer mon être aux ténèbres. J'avais résisté à cet appel sinistre !
Mais elle n'avait pas tort sur un point. J'aimais régner. Après toutes ces années à devoir me cacher, à craindre la fureur de mon père, c'était désormais moi qui dirigeais. Je jouissais de cette puissance sans réserve. Les démons m'obéissaient au doigt et à l'œil. Plus personne n'osait se dresser sur ma route.
Plus personne sauf elle.
Ramassant Virgile dans ses bras, elle le serra un instant contre sa poitrine. Dans cette vision, je retrouvais la jeune femme, à peine adulte, encore un peu enfant, qui avait longtemps erré dans Regana, sans le moindre réconfort. Seule, éternellement. Sans amour. Et cette petite bête pressée contre elle, qui léchouillait son menton était la seule forme de tendresse qu'elle avait retrouvée.
Puisque je n'étais pas là.
Mais cette vision s'effaça aussitôt lorsque son regard plongea dans le mien et qu'elle asséna, sa mauvaise humeur déliant sa langue, dans une attitude de pur conflit :
— Et si je te disais que je me suis fait draguer par un client ? Qu'il m'a proposé de sortir boire un verre, un jour ?
Aussitôt, je me figeai, mon rictus s'évanouissant alors que les images de ma petite diablesse en compagnie d'un autre s'imposait à moi, envahissait mon esprit, tournant en boucle, me rendant fou, me précipitant un peu plus au bord de l'abîme...
Elle cherchait à me piquer, à me blesser à son tour.
Et elle y parvenait.
Le sentiment qui s'empara de mon cœur était inconnu jusque-là. Je ne l'avais jamais ressenti. Il se répandait dans mes veines en un flot brûlant, incandescent, qui me démangeait aussitôt. Comme un élan qui se pressait au bord de mes lèvres, jaillissant de ma poitrine, me laissant sans voix. La colère se succédait à la frustration et à la peine. Ce sentiment...
C'était la jalousie.
Je fronçais des sourcils, reculant d'un pas... Les poings crispés, je tentais de contenir à grande peine cette vague qui me submergeait. Tout s'embrouillant dans mon esprit tandis que j'essayai de comprendre ce que j'éprouvais.
Le trône des enfers était ce qui comptait le plus à mes yeux. Jamais je ne l'abandonnerais. Mais Sam... J'aimais Sam. Véritablement. Et elle, je pourrais la laisser... Si elle me le demandait. Si c'était ce qu'elle souhaitait réellement. Parce que j'étais un bout de Regana, un bout de ce qu'elle haïssait de toute son âme.
Elle avait sa vie. Elle ne pouvait pas la passer à m'attendre. Je le savais bien... Si durant une de mes longues absences elle rencontrait quelqu'un... mon âme, la seule personne qui a su atténuer la haine dans mon cœur pour la remplacer... Je n'étais pas suffisamment égoïste pour lui refuser le bonheur. Même si je refusais de la perdre, au plus profond de mon être, et que ce besoin pressant de la posséder refaisait surface, avec plus de violence.
J'étais déboussolé, j'étais furieux. Je ne comprenais pas.
Je détestais me sentir de la sorte.
Que m'avait-elle fait ? Quel mauvais sort m'avait lancé cette diablesse ?
M'avançant soudain, sous une impulsion vive, je m'approchai de son lit, mes genoux buttant contre le matelas. Je sentais s'agiter en moi une flamme pressante, dévorante tandis que je crachai, tentant de dissimuler ma peine derrière une colère mal contrôlée :
— Que cherches tu à me dire exactement ? Je ne te retiens pas, mon âme... Tu n'as qu'à le dire si tu ne souhaites plus me voir. Si tu veux aller vers un autre.
Les mots m'avaient échappé avec une hargne vindicative et je me sentis sur le point de perdre toute maîtrise de moi-même.
Pourquoi cela faisait-il mal ?
Les traits de la jeune femme s'adoucirent aussitôt. Envolée la rancœur. Relâchant son chien qui s'échappa aussitôt au sol, elle s'avança vers moi et captura mon regard du sien, me forçant presque à la regarder, dressée comme elle était de sa petite taille, tel un chef de guerre. Dans ses prunelles s'était allumée une lueur douce, presque triste, alors qu'elle abandonnait à regret sa colère.
Encadrant mon visage de ses paumes fraiches, se hissant à ma hauteur, elle secoua la tête de gauche à droite, vivement.
- Tu sais bien que non, Carmine... souffla-t-elle presque avec difficulté. Je ne peux... Je ne peux pas aller vers un autre. Tu le sais bien...
« Il n'y a que toi que j'aime... »
Je le sais, mon âme... Je sais bien...
Depuis notre descente aux enfers, nos cœurs s'étaient liés irrémédiablement. Comme si pour survivre au Mal, ils n'avaient pas eu d'autre choix que de s'arrimer l'un à l'autre, de s'aimer l'un l'autre... Je hantais ses rêves et ses cauchemars que je visitais lorsque nous dormions ensemble. Elle habitait les miens, à chaque fois.
Mais j'agissais trop vite, trop spontanément. Et je m'étais laissé aveuglé par ma peur soudaine, par ma crainte de devoir la quitter. Parce que c'était ce qu'elle aurait voulu... Parce que je n'aurais pas pu aller contre cette volonté. Mais rien qu'à cette idée, une souffrance indicible éclatait en moi, m'entraînant jusqu'aux abîmes de la folie, me rappelant pourquoi j'avais été incapable de la laisser partir pour de bon à la fin de la mission « Virgile », pourquoi j'avais brisé ma promesse. Cela avait fait mal. Trop mal.
Je posai ma paume sur le dos de sa main avant de porter ses doigts à mes lèvres.
— Es-tu vraiment prête pour ça, Samaëlle ? Pour cette vie ?
Je lui laissai cette dernière et unique chance. Elle ne répondit pas tout de suite, me laissant poursuivre, fronçant légèrement des sourcils.
— Si je reste maintenant, si tu me choisis... Ne me demande pas de partir après. Ne me demande pas de t'abandonner. Je ne le pourrai pas.
Toujours silencieuse, elle se contenta d'esquisser un léger sourire, comme si mes craintes l'amusaient. Et je n'osais pas plonger dans son esprit. Je n'osais pas découvrir ce qui s'y jouait, craignant trop sa réponse.
J'avais l'impression que mon cœur battait si fort dans ma cage thoracique qu'elle pouvait l'entendre.
Et soudain, rompant enfin cette insoutenable attente, elle secoua la tête de droite à gauche avant de feuler, ses prunelles scintillant presque dangereusement, ses mots résonnant à mes oreilles comme un glas :
— Tais-toi, tocard. Bien sûr que je suis prête.
Sa poigne s'agrippa autour de mon col tandis qu'elle m'attirait à elle, sur le matelas, me repoussant contre les oreillers alors qu'elle s'asseyait à califourchon sur mes cuisses. Se dressant au-dessus de mois, ses lèvres s'étirèrent en un sourire malicieux et déterminé, avant qu'elle ne se penche pour m'embrasser. Sa langue venant chercher la mienne, son bassin se pressant contre le mien, toujours plus près, toujours plus fort, roulant presque des hanches... Même sans télépathie, le fond de sa pensée me serait apparu plus clair que jamais.
Quelque chose avait changé.
Les baisers déjà très peu sages que nous échangions avant se teintaient d'autre chose aujourd'hui, de quelque chose de plus dévorant qui nous poussait à franchir cette limite jamais dépassée.
Mes doigts glissèrent sur ses hanches jusqu'à ses genoux que je serrai fort au creux de ma poigne, sans savoir si c'était pour calmer ou embrasser cette ardeur qu'elle mettait à m'embrasser. Mais au fond de ma poitrine, je savais ce que je voulais. Elle. Et je le voulais maintenant. Haletant contre sa bouche, intensifiant plus encore la hargne de son baiser presque avec démence, je l'attirai contre moi, éliminant les derniers millimètres de distances entre nous.
Ses mains s'attelèrent à défaire mon pantalon pour m'en débarrasser à son tour tandis que les miennes se faufilaient sous son vêtement, remontant le long de ses cuisses, toujours plus haut jusqu'à atteindre son entre-jambe. Je me figeai aussitôt.
Elle ne portait vraiment que son t-shirt. Pas la moindre culotte !
J'inspirai profondément, le temps de calmer les battements affolés dans mon cœur, fasciné par ce tambour ravageur dans ma poitrine qui ne s'éveillait que pour elle, qu'au contact de sa chaleur, de son désir qu'elle pressait contre le mien. Je demeurais là, immobile mes doigts si proches de son intimité, sans esquisser le moindre mouvement.
La jeune femme finit par s'impatienter face à mon absence de gestes. Son souffle erratique soulevant sa poitrine à une cadence infernale, elle fronça des sourcils.
« Qu'est-ce qu'il attend ! À croire qu'il a peur... »
Ses pensées résonnèrent en moi, s'engouffrant à travers notre baiser pour venir me heurter en plein cœur. Touché dans mon orgueil, je le pris comme un défi. Cette petite diablesse pensait que j'hésitais ? Elle allait voir !
Ma paume se refermant autour de sa cuisse, je la fis soudain basculer sur le lit, inversant notre position, me glissant entre ses jambes. Un glapissement lui échappa alors qu'elle s'écrasait sur les oreillers. Mais la malicieuse déjà s'afférait à m'ôter mon pantalon.
Elle se figea soudain lorsque j'effleurai du bout des doigts le bourgeon que ma main exploratrice avait découvert. Un instant, elle ouvrit la bouche, comme pour pouvoir dire quelque chose. Mais aucun son ne s'en échappa. Les yeux écarquillés, les lèvres entrouvertes, elle se cambra un peu plus contre ma poigne lorsque je réitérai mon geste, encore et encore, avec plus d'ardeur, titillant toujours plus ce bout de chair pour l'amener aux portes de l'extase.
Dans mes veines, mon sang s'embrasait et en cet instant, son expression était telle que je ne résistais pas à l'envie dévorante de l'embrasser. Me penchant en avant, sans cesser de la caresser de la plus diabolique des façons, ravalant ma fierté et ma satisfaction, je m'emparai de sa bouche, mordant sa lèvre inférieure, plus impitoyable que jamais, bien décidé à lui faire payer ses mots de défis.
Je lui imposai mon propre désir, mon propre rythme et elle s'y pliait aussitôt, dans une reddition complète qui me fit presque perdre la tête.
Je voulais la posséder. Entièrement. Sans condition. Me noyer dans le péché qu'elle m'offrait, l'entraîner dans ma luxure, qu'elle nous engloutisse tous les deux à tout jamais.
Je voulais effacer toutes traces d'un passage précédent, autant celui de ses bourreaux, de Katrina et de Morval, que celui de cet adolescent idiot avec qui elle avait fait sa première fois et qui n'avait fait que profiter de son ivresse. Un désir malsain, possessif et dévorant de n'être plus que le seul me submergeait entièrement, s'opposant fermement à ma raison.
Après tout, j'étais le seigneur des enfers, je dirigeais un royaume aux puissances insoupçonnées, je régnais sur des créatures plus vicieuses et dangereuses les unes que les autres. Alors la volonté d'entièrement posséder cette délicate créature, de la faire mienne pour toujours peu importe le moyen, peu importe si cela signifiait lui arracher ses ailes, s'infiltrait en moi, tel un venin insidieux insufflé par le serpent du désir.
Je souhaitais m'enfoncer en elle et y demeurer éternellement, m'emparer de son corps qui se cambrait contre moi, réagissant à chacun de mes gestes, caresser chaque parcelle de sa peau brûlante, m'enfouir dans cette chaleur enivrante... Entendre chacun de ses soupirs, de ses gémissements, de ses cris... Explorer les limbes d'un plaisir sans limite, si aliénant qu'il se mêlerait inévitablement à la douleur.
Mais parce que je n'avais pas accepté le mal en moi comme l'avaient fait mes aïeuls, parce que j'avais refusé de me noyer entièrement dans les ténèbres, il me restait des derniers scrupules m'empêchant de ternir à jamais toute sa lumière à elle. Parce qu'elle était ce qui m'empêchait de céder à la tentation, de devenir comme ce père que je haïssais tant et à qui j'avais juré de ne pas ressembler.
Alors je l'aimerais. Mais sans cette folie infernale qui grondait en moi. Je l'aimerais comme elle le méritait.
Très vite aussi dévêtu l'un que l'autre, je me dressai au-dessus d'elle. Un instant, nos regards se croisèrent. Elle hocha de la tête, me donnant son accord. Et sans plus attendre, j'écartai lentement ses cuisses pour me glisser en elle, enfin. Sam' se crispa légèrement alors même que je du me mordre la langue pour contenir un grondement sourd, naissant dans le creux de ma gorge, se pressant jusqu'au bord de mes lèvres. Lentement je poursuivais ma progression, savourant à chaque instant cette soudain délivrance, la réalisation du désir le plus vif que j'avais pu éprouver dans toute mon existence.
Concentré pour ne pas imploser, je fermai les paupières, savourant la douce chaleur qui s'emparait de moi, enivrante, moite.
Mais soudain, alors que je me retirai, prêt à m'enfoncer à nouveau, la jeune femme m'arrêta, sa main posée sur ma poitrine pour me stopper. Un grognement de frustration m'échappa et je dus me faire violence pour cesser mes mouvements. Je guettai toutefois aussitôt son visage pour m'assurer que tout allait bien, inquiet.
— Qu'y a-t-il ?
Dans ses prunelles étincelaient une lueur de malice, comme si je n'étais pas déjà en elle, prêt à libérer tout le désir que je contenais à son égard. Papillonnant des paupières, la furie susurra d'un ton innocent :
— Virgile va nous voir.
Il me fallut quelques secondes pour comprendre ses mots, si vides de sens. J'écarquillai des yeux. Elle était sérieuse ? Elle ne pouvait pas être sérieuse ?
— Tu m'as arrêté pour ton chien ? éructai-je, réfrénant un geste de recul.
Si je me braquais maintenant, c'était foutu. Elle partirait dans un fou rire tel qu'il me serait impossible de la récupérer. Instinctivement, je me tournais vers le Shih Tzu qui était plus occupé à lécher une fleur qu'à nous regarder, sa petite queue s'agitant dans les airs. Il semblait vivre un grand moment d'extase. Je commençais à me demander si Samaëlle ne dissimulait pas de la drogue dans ses affaires. Ce fut pourtant avec un grand sérieux complètement feint qu'elle m'expliqua, un tic agitant sa joue alors qu'elle se retenait de sourire :
— Je ne veux pas le traumatiser !
C'était moi qu'elle allait traumatiser à ce rythme !
— Bon sang Sam' ! râlai-je, abasourdi.
Un rire clair lui échappa, résonnant dans sa chambre, se répercutant contre mon cœur.
En punition, je mordis sa clavicule, bien décidé à me venger. Un gémissement lui échappa, délicieuse mélodie à mes oreilles. Je laissais mes lèvres frôler la ligne de son épaule, remontant jusqu'à sa gorge, que je parsemai de baisers avant de murmurer, contre le doux renflement de son épiderme :
— Au diable ton chien, petite diablesse !
Ses doigts s'emmêlèrent à mes boucles brunes, tirant dessus pour me forcer à remonter, à revenir à ses lèvres, capturant les miennes en un baiser ardant, sans pitié auquel elle mit pourtant fin quelques secondes après, m'arrachant un râle de frustration.
— Mais c'est toi le diable... protesta-t-elle, ses jambes se nouant autour de ma taille en un étau brûlant, m'attirant toujours plus en elle.
Un instant, je caressai sa joue, effleurant son nez du mien dans un geste tendre avant de murmurer, taquin :
— Exactement. Et je viens t'emporter.
Elle esquissa un grand sourire, avant de s'emparer de ma lèvre inférieure entre ses dents, la mordant presque férocement. Je crus perdre la raison. Définitivement. Un râle rauque de plaisir m'échappa lorsqu'elle ondula d'elle-même contre moi.
Ma paume glissa le long de son ventre pour remonter jusqu'à sa poitrine, caressant la ligne de sa gorge, descendant pour effleurer le pourtour de l'auréole rosée.
La rousse me regardait faire, les yeux mi-clos, ses doigts s'entortillant toujours plus autour de mes cheveux, tirant dessus chaque fois qu'elle se cambrait un peu plus, contre moi, amenant notre fusion jusqu'au point de non-retour. Déposant une myriade de baisers au creux de sa gorge pâle, je repris la danse de nos bassins, avec plus d'ardeur, plus d'entrain, incapable de me retenir plus. Elle s'agrippa à moi, rejetant la tête en arrière, ses seins se gonflant sous les assauts du plaisir et de son souffle ahané.
Ce ballet charnel de volupté valait tous les plaisirs du Mal, tous les joyaux de l'enfer.
Par cette nuit, j'étais certain de me lier définitivement à elle. Jamais je ne pourrais me passer de cela. De mon âme, si belle, si charnelle. De ce mélange d'amour et de désir, de cette attraction sur tous les plans. Rester simplement étendu auprès d'elle à l'écouter parler de fleur m'apportait autant de bonheur que de me réfugier au creux de ses chairs. Mais la seconde était si enivrante que j'étais certain de ne pas connaître de plaisir plus intense.
Je la voulais. Toute entière. Corps et âme.
Soudain, ses mains encerclèrent ma nuque, me forçant à la regarder, interrompant à nouveau mes mouvements dans une immobilité presque douloureuse.
Il fallait qu'elle arrête de me stopper de la sorte ou j'allais devenir fou pour de bon !
Pourtant, cette fois, son expression n'avait plus rien de taquine ou de moqueuse. Une ombre avait voilé son regard déjà sombre, qu'elle rivait au mien, me capturant aussitôt dans son attention, suspendu que j'étais à chacun de ses souffles et de ses mots.
— Emporte-moi si tu le souhaites, souffla-t-elle, dans un murmure si sérieux que chaque fibre de mon corps en résonna presque. Mais jure-moi que ce sera pour toujours.
Je restai sans voix face à sa demande, me noyant seulement dans ses iris noires, qu'elle ne quittait jamais, comme si tout ne se réduisait qu'à cet échange de regard, comme si nous n'étions que ça. Je percevais les battements lourds de son organe vital, son sang qui pulsait dans ses veines, son souffle contre mes lèvres, qu'il était si tentant de capturer. Mais en cet instant, il n'y avait que cela.
Ces regards.
Elle adorait la couleur de mes yeux. Tant qu'elle aurait pu me les dérober pour les garder pour elle si elle l'avait pu.
Je le savais bien.
Elle y avait déjà songé.
Mais ce qu'elle aimait par-dessus tout, c'était lorsque je posais mes orbes sur elle. Je ne savais pas ce que mon regard pouvait bien trahir, mais son cœur semblait cesser de battre avant d'accélérer brutalement, mélodie délicieuse et envoûtante qui me berçait. J'aimais l'écouter. J'aimais poser ma main sur sa poitrine pour sentir contre ma paume cette lutte de chaque instant, si vivante, si belle... Puis l'embrasser, recueillir contre mes lèvres le temple de la vie.
N'y tenant plus je me mis à me mouvoir, presque haletant. Sa poitrine tressauta, son souffle se coupant brièvement. Mais jamais elle ne détourna son regard du mien, poursuivant sa requête qui résonnait bien plus comme un ordre :
— Absente toi autant que tu veux, règne sur ton enfer, dirige tes démons ! Sois le Mal si tu y es condamné, fais ce que bon te semble. Mais reviens moi. Encore et encore. Reviens toujours.
Comme pour illustrer ses mots, son bassin exécutait le mouvement de va et viens du mien, m'incitant à poursuivre. C'était de plus en plus intense, de plus en plus insoutenable. Mais ce n'était rien face à ce qui se préparait au creux de mon être, prêt à rejaillir sitôt que l'occasion se présenterait. Je me bridais encore, embrassant la ligne de sa mâchoire, sa gorge, son menton, le coin de ses lèvres, son front, et chaque centimètre carré de chair que je pouvais trouver, y déposant toute ma dévotion.
Ses mains glissèrent le long de mon dos, ses ongles laissant presque des sillons le long de ma peau, mêlant plaisir et douleur, avant qu'elles n'arrivent à mes fesses, ne les empoignent, me pressant toujours plus contre elle. Se redressant, elle enfouit son visage dans mon cou, ses lèvres cherchant mon oreille. À travers le brouillard du plaisir, sa voix me parvint, comme une prière, une litanie qu'elle n'adressait qu'à moi seul, envoûtant mon esprit et mon corps, chaque once de mon être...
— Reviens à moi.
Sa dernière parole mourut, noyée dans un gémissement de plaisir que je lui arrachai en m'enfonçant de nouveau en elle.
Bordel... Je ne savais même plus si les jurons qui se noyaient dans l'immensité de l'impudique délectation de mon esprit était les miens ou les siens. C'était trop fort, trop intense. J'avais l'impression que mon cœur allait exploser dans ma poitrine, que le sien suivait la même cadence infernale... Tout se mêlait, son désir dans le mien, son plaisir dans mes soupirs... Ce brasier incandescent dans mon bas ventre ne faisait que gonfler encore et encore, rendant à la fois plus douloureux et plus extatique chacun de mes mouvements.
J'accélérai sans pouvoir m'en empêcher, toujours plus pressé, toujours plus dépendant de cette sensation merveilleuse qui m'attirait irrémédiablement en elle, m'empêchant de trop m'éloigner, à la recherche de ce point de fusion entre nos deux corps.
Je me penchai, effleurant ses lèvres des miennes, ses soupirs résonnant en moi, électrisant chaque terminaison nerveuse de mon corps.
— Je reviendrai, je te le jure Sam'.
Elle ouvrit la bouche, prête à répondre mais seul un son désarticulé s'en échappa, aussitôt étouffé par mon ardeur.
Mais cela n'importait plus. Malgré les flammes lancinantes qui remontaient le long de ma poitrine jusqu'à embraser ma gorge, malgré cette délicieuse souffrance que je n'échangerai contre rien au monde, j'avais fait mon choix. Plus jamais je ne l'abandonnerai. Quand bien même du temps pouvait s'écouler sans que nous nous voyions, quand bien même mes visites pourraient être espacées de plusieurs mois comme celle-ci, je ne la laisserai plus dans le doute.
Je reviendrai.
— Je reviendrai toujours, promis-je en un râle.
Un éclat magnifique s'alluma dans ses prunelles, illuminant tout autour de nous. Elle se cambra contre moi, ses cuisses se refermant autour de moi dans un spasme brûlant. Mon souffle se coupa dans ma poitrine et alors que j'aurais voulu figer le temps pour toujours vivre dans cet état absolument sublime d'extase avant la jouissance totale, je ne pus que précipiter celle-ci, incapable de tenir encore, mes doigts agrippant les siens avec ferveur, les embrassant, puis l'embrassant elle, ma Samaëlle, dans mon aveu le plus sincère :
— Je t'aime.
C'était l'amour, le véritable. Celui que Dante chantait dans ses poésies, celui qu'il ventait dans ses vers, qui l'unissait si fort, si inévitablement à Béatrice... Celui qui rendait chaque lettre, chaque syllabe de cette déclaration sincère, unique, belle...
Je t'aime...
Je ne le lui avais jamais dit. Pas en ces mots. Elle non plus, même si je l'avais déjà entendu les formuler en pensée sans qu'ils ne franchissent la barrière de ses lèvres. C'était si évident qu'elle me le cédait sans résistance, par le biais de cette télépathie qui nous avait uni dès le premier jour. Mais cette nuit, c'était à moi de les lui offrir.
Alors je répétai, cueillant ses derniers gémissements de plaisir entre mes lèvres, sentant monter en moi l'intense délivrance du désir assouvi, l'explosion de l'extase, le plaisir à son état le plus pur, le plus beau, le plus fort :
— Je t'aime, mon âme. »
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Bon ! J'essaye de ne pas aller m'enterrer sous une montagne de peluches après ce bonus 🙈 c'est la première fois que j'écris une scène aussi explicite, je ne sais pas du tout ce que ça donne même si j'en suis assez contente ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, même si c'est pour me balancer des tomates pourries 🖤
En tout cas, je suis tout de même très contente d'écrire ce bonus car il est quand même super important en ce qui concerne l'état d'esprit de ce cher Carmine ! On en découvre enfin tellement plus sur lui, sur ses émotions ! J'espère qu'il vous aura plu du fond du cœur !
En tout cas, je suis tellement heureuse de pouvoir partager avec vous ces petits instants entre Sam' et Carmine. J'en ai imaginé tant que je ne pourrais pas forcément tous les écrire ou les publier ! Mais je les aime d'amour et d'eau bouillante 😍
Bref, je vous souhaite à tous une excellente semaine,
Je vous aime,
Aerdna 🖤
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