᯽ 40. CHAPITRE BONUS² : Jacob ᯽

____CHAPITRE BONUS ²____

-Mon destin était déjà noté depuis le début. La clé de ce destin était le temps pour le futur que je souhaitais avoir moi-

᯽___Jacob___᯽

22 février 2008 - 14h00
OSLO - NORVÈGE - ENTREPRISE BLACK.

Dix mois se sont écoulés depuis que ma jambe m'a été retirée pour être remplacée par un bout de ferraille que je tente de maîtriser depuis mes séances de rééducation. Au tout départ, j'ai pris difficilement conscience de la perte d'une de mes jambes, quelque chose en moi s'était envolé me laissant un vide total. Mais avec le soutien de Jaden, je me suis relevé et j'ai fait ce que toute personne aurait fait : se battre contre la vie qui nous a été donnée. Bon, ce n'est peut-être pas la meilleure des vies mais je sais qu'à côté, le futur m'offrira un destin meilleur pour les efforts que j'ai pu fournir.

Prêt, petit frère ?

Je me tourne vers la voix de mon frère aîné. Jaden a deux ans de plus que moi, il a réussi sa vie, du moins, de notre point de vue car pour notre père et la population qui nous entoure c'est peine perdu. Il représente en quelque sorte un échec à leurs yeux. Dix mois auparavant, lors de ma prise en charge en salle de réanimation, il était venu m'avouer la nouvelle : mon géniteur m'avait passé la direction de l'entreprise Black après que Jaden ait avoué qu'il aimait une femme d'une catégorie moins aisée. Je trouve cela bien injuste. Si j'étais l'aîné, j'aurais fait comme lui. Le travail est éphémère, l'amour, lui, est pour toute la vie : jusqu'à notre mort.

Malheureusement je n'ai pas eu cette chance et pour l'amour que j'ai pour mon frère, j'ai décidé d'accepter cette offre au lieu de ruiner la relation qu'il a fondé avec Kiara, sa petite amie. Soit c'était sa vie, soit c'était la mienne.

J'ai acheté une bague pour Kiara. J'espère qu'elle ne me laissera pas en plan.

Il n'y a pas de raison qu'elle te laisse en plan, Jaden. Vous vous aimez depuis des mois. J'en suis même presque sûr qu'elle attend ce jour depuis longtemps.

Vous vous demandez sûrement : et toi dans tout cette histoire ? Cette femme ? Je n'ai plus jamais revu Erika depuis son départ. Elle m'a passé un autre numéro, un numéro qu'elle a déniché dans un journal. Je l'ai su quand je l'ai feuilleté à mon tour par ennui. Elle est maligne ou seulement pas du tout intéressée par ma personne. Je peux comprendre. Le fait qu'elle m'ait vue à moitié décapitée de la jambe lui a fait peur.

Aujourd'hui est un jour comme tant d'autre. Depuis que j'ai repris les rênes de l'entreprise, mes journées se constituent au travail-maison-repas. Et encore, le repas c'est quand j'ai le temps, sinon je me contente d'un café noir machine du bureau.

Bon, je te laisse, je n'ai pas envie que père me botte le cul en me voyant dans les parages de l'entreprise.

Je souris mais au fond je suis triste de voir que Jaden a été aussi rogné par notre père. Cette fichue règle qui nous force à épouser une femme de notre milieu et statut social.

Bonne chance pour ta réunion.

Et toi, tu me diras la réponse de Kiara. Que dis-je, je le verrai au ton de ta voix quand tu m'appelleras, ajouté-je en souriant avant qu'il ne me tapote l'épaule.

Il s'en va et je prends la direction de la salle de réunion pour faire affaire avec nos potentiels nouveaux concurrents ou coéquipiers.

Cinq minutes plus tard, une fois avoir emprunté l'ascenseur, la main dans la poche de mon pantalon sur-mesure et l'autre accrochée à ma valise en cuir, je tourne à gauche et les talons de mes chaussures tapent sur le carrelage fraichement nettoyé. Si on y fait vraiment attention, on peut carrément s'admirer à travers.

Bonjour messieurs, ravi de vous voir en pleine forme pour cette réunion, dis-je en entrant.

Parfois ils me jugent car mon âge n'est pas fait pour diriger une aussi haute entreprise. J'ai bientôt 23 ans et je suis le seul successeur en qui mon père peut compter. Ma mère est trop âgée pour avoir un autre garçon et Jaden est rejeté. En bref, tout repose sur moi et potentiellement la femme que je pourrais engrosser pour assurer la lignée professionnelle.

Je m'assois sur la chaise située à l'extrémité de la table puis dépose mon sac et en sors les dossiers qu'il me faut. Et alors que je m'apprête à débuter la réunion malgré le manque de l'un de mes associés, la porte en verre de la salle s'ouvre et laisse entrer Gunn Larsen, directeur de la société technologique G&L. Et alors que je le salue, je ne m'attends pas à voir une autre personne rentrer s'avérant en plus être une femme.

Je m'étouffe avec la gorgée d'eau que je viens d'avaler de travers. Je toussote. Mes partenaires s'inquiètent mais je vais bien et les rassure d'un geste simple. Seulement le regard que je viens d'avoir avec cette femme me coupe le souffle. 

Elle est là. Elle est véritablement là. Dans mon entreprise, dans la même salle de réunion à me regarder. Son regard étant tout autant surpris que le mien.

Erika.

Je m'excuse M. Black, tranche M. Larsen. Je ne savais pas que prendre ma fille à mes côtés pouvait poser problème.

Sa fille. Erika Larsen. Elle est là, devant mes yeux. Et je viens de connaître la moitié de sa vie en un simple regard.

Bien sûr que non, ne dites pas ce genre de chose M. Larsen. Je ne suis pas ce genre d'homme. Veuillez prendre place, je vous prie. 

Si elle continue de me regarder comme ça, je vais faire une syncope et dans le vrai sens du terme. Même après des mois, elle n'a pas changé. Ses cheveux ont poussé, son teint a légèrement pris de la couleur mais ses yeux me sont captivant depuis le premier jour de notre rencontre, depuis l'accident qui m'a coûté une jambe.

Après que mon cœur ait fait la grande roue plus de trois fois, elle s'assoit auprès de son père. Vous devez vous dire, mais comment je ne suis pas au courant que sa fille est Erika ? Il m'a parlé d'une de ses filles mais jamais il avait prononcé son prénom et j'ai jamais eu le culot de lui demander. Tout était sous mes yeux depuis le début. En prenant conscience de leur relation père-fille, je me rends compte que M. Larsen ressemble à la version garçon d'Erika mais ses traits sont plus épais et plus vieux qu'elle. Tu m'étonnes, il doit avoir le double de son âge.

M. Larsen est assis entre le coin de la table et sa fille. En gros, je suis séparé d'Erika seulement d'une personne et ça craint car ce n'est rien d'autre que son père.

Je décide donc de commencer cette réunion. M. Larsen m'informe que sa fille est ici pour apprendre et comprendre les bases car bientôt, dans quelques années c'est elle qui prendra la place de son père étant donné qu'elle est l'aînée de la famille. Voilà des informations que je préfère écouter. En ce moment, les marchandises et transactions sont le cadet de mes soucis.

        Deux heures plus tard, la réunion prend fin. Je salue mes associés et prend la porte. M. Larsen a quitté la salle en même temps qu'Erika et pourtant quelque chose me dit qu'elle est encore dans les parages, à attendre que je la suive. Et c'est ce que je fais. Je la suis. 

Elle emprunte les toilettes des femmes, ses talons claquent contre le carrelage brillant. Son père est occupé à boire un café, avec un homme au coin d'un poteau. Ne pense-t-elle tout de même pas que j'allais la laisser sans aller sans me parler une fois ? Elle ne pensait quand même pas m'éviter dans mon entreprise ? Erika, faudra réfléchir deux fois en revenant ici.

Quand je rejoins les toilettes des femmes, elle s'apprête à sortir et pourtant sans réfléchir, je lui prends le poignet et l'entraîne à l'intérieur.

EH ! Vous êtes fou ? C'est les toilettes des femmes ici ! dit-elle alors que je regarde chaque cabine pour m'assurer si quelqu'un d'autre est encore ici. 

Content de voir que personne n'est là. Je ferme la porte des toilettes et me tourne vers Erika. Son souffle est coupé, son dos touche l'un des murs carrelé des toilettes.

Moi je suis fou ? répété-je.

Je la détaille du regard. Je regarde les traits de son visage, ses yeux bleus, son nez droit et ses lèvres ; celle au-dessus est plus épaisse que celle d'en bas. C'est définitivement séduisant. Puis mon regard descend vers sa robe qui épouse parfaitement son corps. Je l'imprime avec mes yeux.

Tu penses pouvoir m'échapper, Erika ? Dix mois que je te cherche et tu t'éloignes de moi en me passant le numéro d'un coiffeur ? J'ai une tête à avoir besoin d'un shampoing moi ?

Ah oui, vos recherches ont vraiment porté ses fruits, M. Black.

L'entendre prononcer mon nom éveille en moi des sensations que j'aurais préféré enfouir en moi et pourtant...

De quoi est-ce que tu parles ?

Elle semble réfléchir mais se met à pouffer. Je devrais être en colère et pourtant je me sens apaisé.

Le coiffeur que vous avez appelé est l'enseigne de ma sœur. Si vous aviez posé plus de question, peut-être qu'elle vous aurez répondu. Mais au lieu de ça vous aviez directement raccroché sans demander si elle connaissait une Erika, sa propre sœur quoi.

Tu n'as pas de téléphone ? Au lieu de me passer le numéro de travail de ta sœur, Erika ?

Elle reste en retrait face à ma question mais m'explique sereinement qu'à ce moment-là, la batterie de son téléphone avait brûlé. Puis, son regard s'attarde sur mes jambes et un sourire éblouissant s'installe sur ses lèvres.

Vous arrivez à marcher. C'est plaisant de voir ça après tout ce que vous avez traversé.

C'est grâce à toi, grâce à tes mots et ton aide. Je te suis redevable.

Car oui, sans Erika, je serais en ce moment en train de pioncer dans ma chambre, à attendre qu'un miracle parvienne devant mes yeux mais c'est elle qui m'a donné la force de me lever et de continuer ma vie malgré cet accident. 

Elle relève le regard et ce sourire que je veux tant dévorer reste sur son visage angélique. Sans que je la retienne, ma main glisse sur sa joue et replace l'une de ses mèches de cheveux qui s'est égarée. Et elle, elle replace le col de ma chemise blanche pensant sûrement que je ne suis pas capable de le faire moi-même. Je me pince les lèvres.

Vous me tutoyez beaucoup. 

Nous avons passé le cap du tutoiement. Tu ne le penses pas ?

Elle me regarde et se tait. Ses prunelles bleues me jaugent et descendent vers mes lèvres. Et sans un mot, elle se rapproche, je me rapproche et nos lèvres s'effleurent, se joignant ensuite dans un baiser plus que passionnant. Je l'attire contre moi. Mes mains empoignent ses joues, elle tire sur le pan de ma veste puis ses doigts glissent dans le tissu de ma chemise. Nos souffles se font plus rapides et son corps se presse contre le mien.

Je ne sais pas ce que je suis en train de foutre mais j'aime ça et je ne le regrette pas. Je la veux. Des mois que je la cherche, des mois que je cherche la femme qui m'a aidée et accompagnée durant mon accident et mon transfert à l'hôpital. Et mes envies sont justifiées quand je sens sa chaleur, son odeur, sa présence près de moi.

Son père peut se poser des questions ? Pourquoi pas. Mon père peut refuser cette alliance ? Je m'en contre fiche. De ce que j'ai pu voir, Erika est issu d'une famille aisée alors pas de chance que mon père refuse l'attirance que j'ai pour cette femme.

Quand nous nous séparons, je garde mes grandes mains sur ses joues et pose son front contre le mien. Elle me regarde, essoufflée. Je la regarde, en étirant mes lèvres d'un sourire malicieux.

J'aurai dû te passer mon numéro. Je n'aurai pas eu à attendre ce jour pendant des mois. Dès le premier jour où nous nous sommes rencontrés, je n'ai pas fait attention à la tête qui se cachait sous ce casque, je m'en fichais de savoir que t'avais perdu une jambe. Tout ce que j'ai vu, je l'ai vu dans ton cœur et en toi. Je t'attends depuis ce jour Jacob...

Je reste surpris par sa confession mais reste soulagé de savoir qu'elle ressent cette même attirance pour moi.

Mon père acceptera cette alliance... dit-on en même temps.

Nous restons sans mot puis nous rions à l'unisson. Puis je l'embrasse à nouveau, passion, joie sont mêlés dans ce baiser. Elle pousse un soupir contre ma bouche et ses mains remontent la ligne de ma mâchoire.

Tu ne sais pas comment ce temps perdu m'a fait désirer ton être encore plus que ce que je le pensais, Erika.

J'ai pensé à toi, à ce qu'il s'était passé après que je sois sortie de cette chambre en te laissant avec ton frère. Je suis passé par des phases que tu ne voudrais pas savoir...

Je veux tout savoir de toi à présent, Erika. Rentabilisons ce temps perdu.

Soudain, sur ces mots, des frappes se font entendre et je tourne la tête vers la porte des toilettes des femmes. J'ai presque oublié où je me situais. Erika m'embrasse la joue, me relâche et recule.

Comment vas-tu expliquer le fait que t'es dans les toilettes des femmes, petit malin ?

La vérité. Que l'entreprise Black et la société technologique G&L vont sceller une alliance qui prouvent que nous pouvons sortir et nous marier officiellement ensemble.

Tu vas vite... Déjà le mariage ?

Je suis un homme prévoyant et déterminé, Erika. Tu ferais bien de t'y habituer.

***

C'est ainsi que nous avons scellé un accord et un contrat qui alliait l'entreprise Black et la société technologique G&L. M. Larsen a accepté les sentiments de sa fille à mon égard et le grand Olivier Black alias mon père, alias l'homme qui m'a confié cette entreprise m'a félicité d'être le fils qui choisissait le travail plutôt que l'amour.

Dommage pour toi papa, Erika et moi, nous nous aimons, pour nous-même, pour notre futur et non pour le boulot.

Je me demande juste comment j'aurai fait si Erika n'appartenait pas à une Larsen... J'aurai sans doute été confronté à un amour impossible, caché de tous. Ou plus simplement, j'aurai choisi le même chemin que mon frère. 

L'amour sincère plutôt qu'un travail hypocrite.

De retour de l'église, Erika pénètre dans la maison en jetant ses talons sur le sol. Je referme la porte en métal et me tourne vers la femme que je viens d'épouser il y a tout juste quelques heures. Ma famille a décidé de nous laisser tous les deux et j'en ai profité pour ramener Erika chez moi. Notre mariage a peut-être était précipitamment fait mais je ne m'en soucie guère. Faire un mariage en petit comité est bien mieux qu'un mariage blindé de monde que je ne connais pas ou qui sont de simples connaissances de bureau.

Elle est gigantesque cette maison, Jacob ! T'arrive à t'y retrouver ?

Erika pivote sur elle-même et s'avance vers mon corps. Je desserre lentement ma cravate après avoir retiré la veste de mon costume, celle-ci posée sur le dossier d'une chaise. Sa robe de mariée a été choisie par sa personne mais adjugée par Kiara, l'épouse de Jaden. Finalement, elle a accepté sa demande et j'étais content de voir mon frère heureux. D'ailleurs, je l'ai invité à mon mariage et même si mon père était contre, je les ai vu se serrer la main à la fin de la cérémonie.

Je prends la main d'Erika dans la mienne et l'entraîne dans un couloir de la maison. Elle est peut-être grande mais après trois ans d'habitation, j'ai su prendre mes repères. Erika porte l'ourlet de sa robe qui lui est long pour ne pas marcher dessus et trébucher. Je ne peux m'empêcher de sourire face à la vitesse à laquelle elle a pris ses repères dans cette maison qui est désormais chez elle.

Nous sommes mariés, tu t'en rends compte ? me dit-elle et je souris bêtement. 

Car oui, je suis marié à la femme qui m'a presque sauvé la vie, qui a été à mes côtés pour mon réveil alors que je pensais ne jamais me réveiller après cet accident. 

Nous sommes mariés et je compte bien en profiter. 

Nous rentrons dans ma chambre et sans attendre quand la porte de la chambre se referme sur nous, notre vie amoureuse et familiale vient de commencer. Certains diront que tout est peut-être allé trop rapidement mais quand des yeux bleus nous captivent et nous plongent dans un océan plein de rêve, nous ne réfléchissons pas deux fois à la personne avec laquelle on veut terminer. Mon destin a mis en travers de mon chemin la personne qu'il me fallait. Même si cela se résume à perdre une jambe pour l'amour sincère que je porte pour Erika.

Tu ne m'avais pas dit que nous avions de la compagnie, remarque Erika, le corps nu, les yeux rivés vers le tapis de ma chambre.

Je suis son regard vers le sol et découvre Ginger, mon unique chat, confortablement installé sur le tapis nous observer. Je pouffe à sa bouille et Erika me tape l'épaule, gênée. Je devine qu'elle n'aime pas le voyeurisme et dégage délicatement Ginger de la chambre après lui avoir gratouillé le pelage.

Une fois la porte fermée à clé, je me tourne vers Erika. Un sourire illumine mon visage.

Maintenant, si ma chère femme ne se sent plus observé, nous pouvons reprendre où nous nous étions arrêté ?

Pour toute réponse, elle tire sur ma chemise et me ramène à elle, nous faisant basculer sur le lit, ses lèvres se fondant sur les miennes.

Je t'aime Jacob, murmure-t-elle entre deux baisers.

Elle est sincère. Sa voix est sincère ce qui me réchauffe nettement le cœur.

Je t'aime Erika, je t'aime tellement.

Et c'est ainsi qu'a commencé ma véritable vie. Mon propre futur. Loin des pressions, loin du travail et près des bras de celle qui a toujours eu une place dans ma vie. 

Je me sens aimé. Je suis aimé.

-À suivre-

3100 mots

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top