🂱❁ 36. Bouquet d'Anémones.

____CHAPITRE 36____

-L'intention est présente. Le secret est blessant-

🂱___Aaron___🂱

16 janvier - 13h20
BARCELONE - ESPAGNE - FLEURISTE.

Jake. Elle doit sûrement avoir du boulot.

Tu penses qu'elle préfère les tulipes ou les roses ? Jude préfère les tulipes.

Va pour celles-ci. Elles sont colorées. Elle doit aimer la couleur. Les trois quarts des femmes aiment la couleur.

Mes yeux se posent sur un bouquet. Je prends le bouquet coloré dans ma main. Chaque fleur a une couleur différente. Un léger sourire parsème mes lèvres à l'idée de les offrir à Adriana.

Vous avez fait un très bon choix, dit la fleuriste aux cheveux poivre et sel.

Elle regarde le bouquet avec un sourire.

J'aimerais lui offrir des fleurs, mais je ne suis pas vraiment un expert.

Et c'est parti pour un cours de botanique que Jake prend au sérieux comme si sa vie en dépendait.

La fleuriste nous montre une anémone blanche. Elle nous explique que cette fleur exprime l'amour sincère. Elle me la pose délicatement dans les mains mais à vrai dire je trouve que cette fleur n'est pas faite pour Adriana. Dans notre situation, je dirais simplement que je voudrais une fleur qui montre l'importance qu'Adriana a pour moi. Je ne sais pas si Maria, la fleuriste, lit dans mes pensées mais elle me tend une nouvelle couleur. La rouge.

Celle-ci représente la passion. Si vous la lui donnez, c'est pour avouer que vous avez des sentiments profonds à son égard.

Et la rose ? je demande pointant du doigt une autre anémone.

Elle me répond sans attendre : pour l'amour tendre et toute nouvelle. Elle évoque un amour sincère mais discret. L'envie de prendre cette couleur de fleur fulmine dans mon esprit.

Non. J'aime Adriana mais je ne peux pas offrir une fleur qui balancerait des soupçons à droite et à gauche. Ça doit rester discret... Je veux juste une fleur après tout. Et pourtant je l'imagine avec ce bouquet de fleurs dans les mains, offert par mes soins.

Maria me fait un cours entier. Je ne remarque même pas l'absence de Jake, étant trop concentré à entendre les significations de chaque fleur autour de moi. Ça m'intrigue plus que les armes. Ces dernières, je les ai apprises par cœur : leur couleur, leur forme, leur puissance, leur impact.

En fin de compte, je choisis les anémones de couleur rose et violette. L'une représente l'amour discret que j'ai pour Adriana et l'autre la protection et l'amour que j'ai pour elle malgré la distance de nos maisons et les épreuves difficiles que nous avons passées ensemble et que nous passons.

***

❁___Adriana___❁

Soeurette, y'a quelqu'un qui toque à la porte !

Mon cœur bat la chamade. Qui ça peut-il bien être ? Mes parents sont sortis pour un repas en tête à tête, et maman n'a pas mentionné qu'elle reviendrait si vite. Elle a peut-être oublié quelque chose ?

Je quitte ma chambre en vitesse, croisant Félix en train de jouer au sol.

Félix, range tes jouets, combien de fois maman te l'a répété ?

J'ouvre la porte et me retrouve face à un torse bombé, et imposant. Ce n'est certainement pas celui de mon père. Mon regard remonte, mon souffle se coupe et mes yeux s'écarquillent de stupeur.

Aaron ?

Il entrouvre à peine la bouche pour répondre, mais avant qu'il puisse dire un mot, son ami Jake se glisse entre nous. Mon mari, par contrat, laisse échapper un léger soupir, visiblement fatigué par l'attitude de son ami. D'un geste rapide, il révèle un bouquet de fleurs qu'il tenait caché derrière son dos, et me le tend.

C'est pour toi, murmure-t-il. Je les ai trouvées jolies alors j'ai décidé de te les acheter. Elles méritent qu'on prenne soin d'elles.

Il évite mon regard avec nervosité mais je m'en moque, mon cœur, lui, fait un bond. De un, je ne m'attendais pas à le voir ici et de deux, il m'offre un bouquet de fleurs choisi par ses soins.

J'hésite puis finis par prendre le bouquet. Les fleurs sont magnifiques, subtilement choisies, ça, j'en suis certaine. Leurs pétales colorés reflètent bien mon humeur du moment. Demandons à qui cela en est la cause...

Tu as vu ? Je t'avais dit qu'elle allait les kiffer.

C'est bon, t'as fini ton cirque, Jake ? ajoute-t-il en le foudroyant du regard.

Avant que je ne puisse répondre, Félix tire sur la manche d'Aaron, l'air curieux.

Ce chenapan. Je ne l'ai même pas vu sortir de la maison.

C'est qui lui, soeurette ? C'est ton amoureux ?

La question de trop... mais innocente de mon frère nous laisse sans mot. Aaron détourne le regard vers le mien, sa mâchoire se crispe, tandis que Jake se retient difficilement de rire. Bien sûr quand le sujet ne les concerne pas, les amis préfèrent rire du malheur des autres... Ça aurait pu m'arriver, je l'avoue.

Aaron finit par se pencher vers Félix.

Je suis juste... un ami de ta sœur.

Voilà comment nous nous considérons... Comme de simples amis. Nous ne pouvons pas aller plus loin. C'est ce que j'ai besoin d'entendre pour protéger ma famille du monde d'Aaron mais une fléchette empoisonnée se plante dans mon cœur à ses mots. Juste un ami...

C'est tout ce qu'il est, tout ce qu'il peut être dans mon monde. Notre relation est interdite. Si interdite que j'en pleure silencieusement.

Je leur demande d'entrer en faisant gaffe de retirer leurs chaussures. Quant à moi, je décide de déposer le bouquet dans un vase rempli à moitié d'eau.

Quand je reviens, je vois les deux grands hommes écouter sérieusement Félix sur sa construction de Lego.

Félix...

Attend, c'est très intéressant ce qu'il raconte, poursuit Jake.

Je soupire profondément. Aaron se redresse. Je m'étale sur le canapé du salon pouvant voir Félix s'amuser avec ses jouets d'ici mais lui laissant un peu d'intimité également.

Quand Aaron vient vers moi, je lui désigne la place à mes côtés. Prise de dépourvue, il prend naturellement ma mâchoire et vient cueillir mes lèvres sur les siennes.

Une fois assis, j'en reste abasourdie et une fois après avoir pris conscience de son acte, je lui tape doucement l'épaule.

Il y a Félix, Aaron !

Ça, je l'avais remarqué. Un incroyable enfant. J'aime les enfants, pas toi ?

Si j'aimais pas les enfants, je serai pas en train de le laisser jouer dans le salon. Réfléchi, Estúpido.

Tu m'as manqué Adriana, dit-il en changeant rapidement de sujet.

On s'est vu... disons hier soir tu sais ?

Il sourit faiblement et m'embrasse une nouvelle fois, un baiser si rapide que je n'ai le temps de sentir la douceur de ses lèvres. Pourtant je m'en moque, son Eau de Cologne me frappe de plein fouet.

Tu veux faire un tour en moto ? J'en ai loué un pour ce petit voyage.

J'hésite, j'observe Félix tuer Jake avec son pistolet Nerf. Il s'amuse. Pourquoi je ne le pourrais pas après tout ?

Ma réponse positive est ma main qui vient agripper la sienne pour le relever du canapé.

***

Aaron m'a d'abord demandé son envie pressante d'aller aux toilettes. Puis quinze longues minutes plus tard, on se retrouve dehors. L'air frais me tape de plein fouet.

Après m'avoir tendu le casque et m'avoir aidé à l'attacher en faisant attention à fermer la visière, il pose ses mains sur mes épaules.

Est-ce que tu me fais confiance ?

Oui.

C'est le seul mot qui ressort. Pas besoin de le nier. Je lui fais confiance les yeux fermés.

D'accord... Installe-toi sur la moto et entoure-moi avec tes bras.

Je prends place sur la moto et en démarrant le moteur, le bruit vibrant dans l'air, je l'incite à monter.

Où est-ce qu'on va ? je lui demande en m'installant derrière lui tout en enroulant mes bras autour de sa taille.

À peine ai-je pris place derrière lui, que le contact de son corps contre le mien me remplit de mille sensations. Son parfum m'envoûte même à travers le casque.

Sans un mot, Aaron démarre et la moto file dans les rues de Barcelone d'où la neige a été dégagée pour les automobilistes. Le vent froid fouette nos corps.

***

Une bonne demi-heure plus tard, nous nous arrêtons après avoir roulé jusqu'à une route remplie d'arbres en périphérie de la ville. La moto vombit dans le calme de l'espace qui nous entourent. Aaron ralentit et arrête le véhicule deux roues devant un banc. Nous descendons et retirons les casques en synchronisation.

Je peux apercevoir une partie de la ville. Je pousse un long soupir, troublée par l'adrénaline de ce voyage.

Ça ne te ressemble pas trop d'aimer ce genre de chose mais tu as accepté, commente-t-il.

C'est peut-être parce que je me sens en sécurité avec toi.

C'est sorti tout seul, si naturellement que même moi j'en suis surprise mais je ne laisse pas paraître. Aaron l'est tout autant, alors il s'approche de moi. Ses prunelles sombres se plantent dans les miennes.

Adriana, tu sais que je ne suis pas quelqu'un pour toi...

Je l'observe. Je ne veux rien dire. Je n'ai pas envie d'être faible devant lui. Je ne suis pas faible.

J'essaye de me convaincre du contraire. Tu as toujours été quelqu'un de bien avec moi. Seulement... ton travail et la dangerosité de ton entourage m'empêchent de me rapprocher de toi.

Il me fixe. La main toujours occupée par le casque, il décide de la poser et de s'asseoir sur le banc près de nous.

***

J'ai trouvé un mot dans ta chambre le soir où je suis partie. Il était écrit : "Le compte à rebours a commencé."

Mon corps se fige. Aaron me regarde droit dans les yeux.

Alors c'est lui qui l'a pris ? Voilà pourquoi je ne le trouvais plus...

Cette note était enroulée autour de la patte de l'oiseau que j'ai retrouvé mort devant ma fenêtre. Tu... Tu penses que c'est l'œuvre de Robin ?

J'en suis certain. Soit lui, soit l'un de ses hommes. Mais ce que je sais, c'est que tu n'es plus en sécurité, même ici. Et retourner à Los Angeles alors qu'il fait tout pour t'avoir... ça me donne des envies de meurtre.

Imaginons que ce n'est pas Robin...

Qui ça peut être, Adriana ? Lui seul nous poursuit depuis que nous avons accepté cette mission.

Peut-être qu'il te connaît, Aaron. Peut-être qu'il essaye de m'éliminer pour t'atteindre. N'y a-t-il pas quelqu'un dans ton entourage, quelqu'un qui pourrait vouloir te détruire ?

Il réfléchit, mais finit par secouer la tête.

Oui, j'ai des ennemis, mais aucun ne ferait quelque chose d'aussi insensé. C'est impossible de s'en prendre à la mafia de l'autre. Si c'est pour déclencher une guerre.

Je hoche la tête. Beaucoup de questions me trottent en tête. Je ne connais vraiment rien à ce monde. Il faut que je m'informe et que je reste vigilante.

Je vais engager des hommes pour protéger ta maison. Juste pour une durée intermédiaire, le temps de retrouver Robin, d'accord ?

Et s'ils entrent dans ma chambre ? Qui sait ce qu'ils pourraient faire ?

Si l'un d'eux te touche, je l'égorge moi-même. Personne ne touche celle qui m'appartient.

Au début de notre relation, j'aurais été dégoûtée par ces mots, et pourtant, je souris en l'entendant, car oui, je veux être la seule femme dans ses pensées.

***

On en a pas reparlé. Mais je ne l'ai pas oublié. Tu t'en rappelles, de cette observation médicale que tu as trouvé en fouillant dans mes affaires ?

Je sens mes joues se réchauffer à son aveu. Bien sûr... Comment l'oublier ? Tout ça nous a carrément menés à une dispute qui nous a marqué tous les deux.

Il y a des choses qu'on aimerait oublier, mais qui reviennent toujours.

Je reste silencieuse à ses mots puis pose doucement ma main sur la sienne. Il lutte, je le sens et pourtant il veut se confesser. J'entrelace nos doigts. Il répond et caresse la peau de ma main.

J'avais une famille. Une famille qui me haïssait du plus profond de son cœur. Je n'ai jamais été voulu. J'ai été rejeté. Quand l'assistance sociale venait à la maison, mes parents se montraient aimables alors qu'en réalité, je vivais un enfer. ( Il prend une pause et soupire profondément. ) Il y a des nuits où je supportais leurs insultes mais d'autres où je n'arrivais plus. J'ai plongé dans le gouffre des ténèbres à cause d'eux. J'avais un frère. Un grand frère, plus grand de trois ans. Il me détestait. Il me frappait, m'humiliait. Je n'ai jamais connu la vraie famille biologique Adriana. Je n'ai connu que l'abandon, le rejet et la douleur. Quand je te vois avec ton frère, votre complicité, l'amour que tu portes pour lui, je vous envie. Quand je vois tes parents sourire, te donner de l'amour, j'en suis jaloux, je n'ai jamais connu ça.

Je lève le regard vers ses yeux. Il observe le ciel comme si une partie de lui-même se trouvait là-bas, comme si la liberté était proche...

Mais cette vie n'était que le début. J'ai été harcelé par un homme qui est aujourd'hui chef d'une organisation en Corée. J'ai perdu un ami dans un incendie, et tout cela hante encore mon esprit. J'ai peut-être été recueilli par Saito, mais j'ai fait des choses inhumaines que personne ne pourra me pardonner.

Moi, je le peux... Je te comprends...

J'ai tué une femme, son mari et leur gosse ! Rien de ce que j'ai fait n'est justifiable aujourd'hui, Adriana.

J'en reste bouche bée. Jamais ô grand jamais il ne s'était autant ouvert à moi en l'espace de quelques minutes. Et je me rends compte que malgré la protection qu'il m'offre, son passé est rempli d'actes irréparables.

Tu as sûrement été contraint de les éliminer...

Et alors ?! hurle-t-il en se levant du banc. Sa main s'éloigne de la mienne. J'ai buté un enfant, un pauvre enfant qui hante chacune de mes pensées dès que j'en croise un dans la rue. Je suis un putain de monstre, Adriana.

Je me relève à mon tour en secouant la tête.

Non... Non, non, tu n'es pas un monstre.

T'es dans le déni. Tu restes dans le déni. T'es aveuglé par ma gentillesse mais rappelle-toi de ce que j'ai pu faire par le passé. Encore aujourd'hui, j'élimine des hommes, pas des femmes, pas des gosses mais je retire des vies et ça, tu ne peux pas passer à côté...

Que veux-tu me dire, Aaron... ?

Je veux te dire que je ne suis pas l'homme que tu crois, Adriana ! Malgré les médocs, malgré mon trouble, malgré le psy, je ne change et je ne changerais pas. Il y a certes des améliorations mais mes regrets me poursuivent.

Aaron... tu n'as pas à porter ce fardeau seul. Peu importe ce que tu as traversé, ce que tu as fait... tu as été contraint, tu as vécu l'enfer auprès d'une famille qui t'a vu comme une erreur. Et je veux que tu saches que je ne te considère pas comme telle.

Il plante son regard dans le mien. Ses pupilles se dilatent. Pour la première fois, je vois qu'il lâche prise. Mais il détourne un instant le regard et serre la mâchoire.

Tu n'as aucune idée de ce que je suis, Adriana.

Je rapproche doucement ma main de son visage et l'oblige à me regarder dans les yeux.

Tu es quelqu'un de bien, Aaron. Tu penses que ton passé t'a défini, mais il y a tellement plus en toi que ces souvenirs. Ce que je vois... c'est un homme qui se bat encore, qui est plus fort que ce qu'il pense. Et pour moi... c'est ça, quelqu'un de bien.

Mes mots l'atteignent. Lentement, il se laisse faire, et ferme les yeux quand mes lèvres rencontrent les siennes. Je sens une larme rouler et atteindre nos lèvres. Mais ce n'est pas ma larme, c'est la sienne.

Adriana...

Chut... S'il te plaît...

Et je me laisse aller dans ses bras sous le vent qui fait voler le pan de nos manteaux.

Tous les jours je pleurerai. Ne pleure pas Aaron, je pleurerai à ta place...

-À suivre-

Wouaw. La première fois qu'Aaron se confie autant à Adriana sans avoir peur du jugement ? J'ai été touchée en l'écrivant.

2700 mots

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