🂱❁ 30. Un éloignement difficile.

____CHAPITRE 30____

-Et même éloigné d'elle, je pense à elle-
-Et même éloigné de lui, les souvenirs resurgissent-

🂱___Aaron___🂱

10 janvier - 09h30
LOS ANGELES - ÉTATS-UNIS - RÉSEAU DES BLACK IRON.

Tu penses te lever quand, monsieur l'ours ? T'hiberne depuis quatre jours.

La voix de Jake me parvient à travers la couverture. Je grogne. Mon corps est lourd et engourdi par la lenteur de mes gestes. Je me tourne sur le côté, m'enroulant encore plus dans ma couverture. Je me sens comme une chenille dans son cocon qui cherche désespérément la chaleur minime qui reste dans la pièce. La France n'est rien comparé à Los Angeles. On gèle par ici.

Le temps qu'il me faudra.

Je murmure à moitié assommé par ma nuit tout en enfonçant mon visage dans l'oreiller.

Le lit s'affaisse sous le poids de Jake qui vient s'installer à côté de moi. Il se penche près de ma tête. Son parfum d'après-rasage me chatouille les narines.

Si tu ne te réveilles pas, j'utilise ta serviette pour m'essuyer le derrière.

J'ouvre les yeux et tire la couverture pour observer son visage rieur. Il affiche ce large sourire idiot et niais que j'ai appris à connaître au fil des années. Son visage semble si loin des démons qui me hantent. 

Je laisse échapper un soupir.

T'es vraiment un connard, tu sais ça ?

Je jette un regard sur la pièce autour de moi. Notre chambre, en Amérique, n'est vraiment rien comparé aux hôtels dans lequel j'ai pu dormir. Quatre jours que je suis rentré, mais rien ici ne me semble familier, comme si ma vie s'était arrêtée quelque part à des milliers de kilomètres, en Europe, là où tout a basculé au côté d'une femme qui hante mes pensées. 

Depuis mon arrivée, Jake continue à me raconter ses anecdotes avec Jude et M. Davis m'a remercié d'un simple hochement de tête. Moi, je suis ici, à ne rien faire. Depuis que nous nous sommes quittés en mauvais termes, mes pensées restent focalisées sur Adriana et seulement Adriana. Mais aussi sur la façon dont elle m'a quitté.

Elle occupe tout l'espace dans mon esprit. Elle est là, dans chaque cauchemar, à chaque moment où je ferme les yeux. J'ai voulu m'expliquer mainte fois sur le sujet des meurtres et pourtant nous n'avons plus jamais ouvert le sujet. Ce qu'elle a vu... ce qu'elle pense de moi maintenant me ronge l'esprit. Je sais simplement qu'elle est en sécurité chez elle, à Barcelone. C'est ce que Jacob m'a confié.

Je ne veux pas sortir de mon lit, grogné-je sous la couverture. Laisse-moi quelques minutes de plus. Ou... quelques heures. J'ai passé un séjour très, très, très fatiguant.

Ah ouais ? Fatiguant à quel point ? Dis-moi, tu l'as pécho cette bombe...

Il n'a pas le temps de finir sa phrase que je lui balance mon coussin à la figure, le coupant net dans son monologue.

Ta gueule.

Il éclate de rire tout en jetant le coussin sur le sol.

Pas une seule nuit ne passe sans qu'elle ne soit au centre de mon esprit. Adriana est comme un poison dans mes veines. Un poison sans remède. Mais ça, Jake ne le sait pas. Je ne lui en ai pas encore parlé.

Ça fait des jours que tu n'es pas sorti de cette chambre, Aaron. Il s'agirait de bouger, de manger quelque chose, de te dégourdir les jambes.

Je tourne sur le lit toujours enroulé dans ma couverture. Je veux fuir cette conversation. D'autres sujets préoccupent mon esprit.

J'ai pas envie de faire quoi que ce soit.

La dernière image qu'Adriana à de moi est celle d'un meurtrier. Ça craint...

Jake ne lâche pas l'affaire, bien sûr... Il se penche, attrape ma couverture, et me pince le dos d'un coup sec.

Viens faire une séance de sport avec moi. Je veux retrouver mon ami, celui qui flexait devant les miroirs.

Après.

Il me pince une seconde fois. Je me retiens de réagir, ma mâchoire se crispe sous l'agacement.  Je ferme les yeux et décide de garder mon calme.

Au fond, je suis un homme qui a de l'humour, non ?

Pourtant une partie de moi sait qu'il a raison, mais une autre ne peut s'empêcher de repenser à tout ce qu'il s'est passé. J'ai fui. Fui pour la protéger, oui, mais aussi pour me protéger moi-même, de ce que je ressens, de ce que j'ai fait et de ce que je pourrais faire.

Elle ne sait pas qui j'ai pu tuer. Le serveur dans le club de prostitution en est l'exemple mais pas que. Adriana ne le sait pas mais l'homme de Ryle, durant la soirée aux enchères, est également mort sous mes mains. Allian a juste menti pour ne pas qu'elle s'inquiète encore plus.

J'avais dit à Adriana que je n'étais pas un monstre. Mais au final n'est-ce pas l'inverse ? Je ne suis peut-être pas le plus abominable des monstres mais je suis quand même loin d'être le prince charmant des contes Disney.

Alors que Jake tire encore sur la couverture, me menaçant de descendre le boxer pour me faire doublement chier, je me retourne brusquement et lui tape la main.

Va pour la séance de sport.

Je l'entends se réjouir presque comme un enfant et décide enfin après une profonde inspiration de me relever du lit après des heures allongées dessus.

***

Nous nous mettons face au miroir sous l'éclairage faible après notre séance de sport. Je souris, essoufflé par les heures de musculation que nous avons passées. Des jours que je n'avais pas fais de sport à cause de cette mission. Je me rattrape.

Jake se met devant son téléphone. Il montre ses biceps en souriant fièrement à la caméra avant de se tourner vers moi.

Allez, montre-leur ce corps bandant.

Malgré moi, je souris légèrement. Je retire mon t-shirt d'un geste brusque révélant ainsi mes larges épaules. Je flexe mes muscles devant le miroir. Mes bras et mon dos se contractent en même temps. Pour un instant, j'oublie Adriana. Mon sourire s'étire alors que Jake passe une main sur mes abdos bien dessinés. Je le laisse faire.

Tu sais que si nous postons ses vidéos sur internet, nous serons riches ? Beaucoup de personnes le font. Flex dans le miroir, mon pote, fais pas ton timide !

D'habitude je garde mon tee-shirt de compression durant mes séances de sport mais avec Jake je suis plus à l'aise, encore plus quand il n'y a personne. Depuis peu, j'assume mon corps, en particulier grâce à Adriana.

Aaron ne pense pas à elle...

Je fléchit lentement les bras, faisant ainsi ressortir mes biceps avant de tourner légèrement pour exposer mon dos. Mes veines saillantes gonflent sous ma peau tendue. 

Le miroir renvoie une image d'un homme puissant. Mais malgré la beauté de mon corps, de mes tatouages et de mes cicatrices, Adriana ne quitte pas mon esprit. J'inspire profondément, essayant de me concentrer sur la vidéo que Jake prend.

Partage cette vidéo sur internet. Floute nos visages. Je veux voir ce que les gens en pensent.

Tu sais qu'il peut y avoir des commentaires négatifs...

Et pourquoi pas ? Si je plais à moi-même, je m'en fiche du commentaire des gens. 

Je relâche la pression sur mes muscles puis ramasse mon t-shirt. Nous sommes très vite interrompus par les haut-parleurs du bâtiment qui nous demandent de nous rendre en salle de réunion dans une heure.

D'ailleurs le sang sur le couteau a mené à quelqu'un ?

Je demande à Jake en sortant de la salle de sport. La sueur perle sur l'entièreté de mon corps. J'ai besoin d'une douche au plus vite.

Nous sommes encore sur le coup. Les résultats arriveront d'ici quelques jours.

Et quand nous saurons à qui appartient ce sang, nous pourrons attraper l'enfoiré en question et le questionner. Ryle pense être plus fort que nous en nous échappant ? Il peut foutre ses doigts dans le nez.

***

❁___Adriana___❁

10 janvier - 20h45
BARCELONE - ESPAGNE - MAISON DES GONZALEZ.

Sous la douche, l'eau chaude coule sur ma peau. Mes doigts passent doucement sur mes jambes tandis que je me rase.

Je m'attarde un instant sous le jet. Je prends un souffle profond, mes pensées restent focalisées sur ce que j'ai pu vivre ces derniers temps.

Le retour en Espagne s'est bien passé. Mes parents m'ont accueilli à l'aéroport, les bras ouverts. Je les ai pris dans mes bras. J'étais heureuse de les revoir mais j'avais l'impression de pas être entièrement moi en arrivant.

Aaron a emporté une partie de moi avec lui. Et je ne saurais quoi dire en cet instant...

Je coupe l'eau et enfile mon peignoir - car oui c'est plus pratique qu'une serviette n'empêche - puis je sors de la salle de bains. Mes pieds humides laissent des traces sur le parquet de ma chambre tandis que je m'avance vers ma valise, toujours fermée dans un coin.

Depuis que je suis arrivée, je n'ai pas pris le temps de la déballer. J'ai trop de choses à penser. Trop de choses à éviter, aussi. Mais aussi l'arrivée de mes règles à fait que je n'étais pas apte à faire quoique ce soit. Je me suis juste enroulée dans ma couverture en souffrant le martyr.

Alors après une vingtaine de minutes, je suis habillée d'un ensemble de pyjamas avec des dessins du chat Hello Kitty – merci Ava – et me concentre sur la valise en face de moi.

J'attache mes cheveux avec une grande pince et m'agenouille. J'ouvre enfin la fermeture éclair. Le parfum familier de mes vêtements propres s'échappe, et je commence à sortir mes affaires, une à une. Mes pulls, mes robes, tout est là.

Mon regard se fige sur un petit objet coincé dans le fond. Je le prends délicatement entre mes doigts : le collier. Son collier. Celui qu'Aaron m'a passé autour du cou la nuit de Noël. Je le contemple un instant. Le papillon en pendentif est magnifique et la personne qui me l'a offert l'est tout autant.

Les larmes se forment au coin de mes yeux. Je ne sais pas si je le garde à proximité ou le cache pour oublier l'existence d'Aaron. Cet objet est le premier qu'Aaron m'a offert de son plein gré...

Un bruit de porte me fait sursauter. Je me redresse précipitamment, et avant que je puisse réagir, mon petit frère entre dans ma chambre, comme à son habitude, sans frapper.

L'intimité n'est vraiment pas dans son vocabulaire.

Sœurette ! Tu viens jouer aux Lego avec moi ?

Je lève les yeux au ciel. Pas par son apparition mais pour essayer de sécher les larmes apparentes comme je peux.

Félix, tu pourrais frapper avant d'entrer, tu sais.

Il hausse les épaules innocemment. Pour dire que c'est un gamin, c'est un gamin.

Pourquoi ? T'as des trucs à cacher ?

Je soupire, tentant de cacher le collier dans ma paume. Il sautille face à moi, ses cheveux brun bougent au rythme de ses sauts.

Non, mais... disons que j'apprécierais un peu d'intimité. Et non, je ne vais pas jouer aux Lego, pas maintenant.

Il me dévisage de haut avant de remarquer la valise ouverte. Puis sans m'attendre à quoique ce soit, il agrippe ma jambe de ses bras de lutin.

Félix...

Ne pars pas... Je n'ai pas envie de me retrouver tout seul. Maman m'a couché à vingt heures tous les jours, je n'avais pas d'échappatoire. C'était l'enfer...

Il pense plus à ses heures de sommeil qu'à sa sœur, super...

Moi j'ai vécu l'enfer d'une autre façon Félix, si tu le savais...

Je ne pars pas maintenant. Et puis même si ça devait arriver, je reviendrai vite. Tu m'as trop manqué pour que je te laisse seul.

Je lui souris et m'accroupis en face de lui. Il a déjà huit ans et pourtant j'ai l'impression de voir devant mes yeux le petit nourrisson que j'ai porté quand il venait de naître.

Comment va tonton Aaron ?

La surprise se lit dans mes yeux. Après réflexion, je me dis que c'est sûrement l'appel qu'on avait passé il y a quelque temps. Et puis ma mère est une vraie pipelette. Chaque détail croquant est vite répandu.

Il va bien. Il est chez lui, il se repose. Il est tout aussi fatigué que moi.

Si il vient ici, tu lui montreras ma collection de Lego. Non, toute la maison en fait ! Tout le monde doit voir comment elle est jolie.

Elle est tellement banale comparé aux hôtels dans lesquels j'ai dormi... Mais comparé à ces suites, notre maison comporte une histoire familiale et c'est ce qui fait son charme.

— Bien sûr, je le ferai.

Bon moi, je te laisse, mes Lego ont besoin de moi.

Il attrape doucement ma tête entre ses mains et dépose un baiser sur ma joue avant de quitter ma chambre en sautillant.

Je tente de sourire en retour, mais mon expression s'efface rapidement lorsque mes doigts effleurent le collier que je tiens encore dans ma paume. La réalité me rattrape.

Je décide de ranger le collier dans mon armoire à bijoux, avant de m'attaquer à mes vêtements. Sans surprise, je tombe sur les cadeaux d'Aaron : les robes et la paire de chaussures. Un mélange amer m'envahit. Il m'a dit qu'il était dangereux et au fond de moi je le crois. Pourtant je ne peux m'empêcher de l'oublier. Je n'y arrive pas.

Et comme si ça ne suffisait pas, j'extirpe une photo de ma pochette à maquillage. Une photo que nous avions pris durant la soirée de Noël. Je peux voir Aaron surpris par mon baiser sur sa joue.

Sans m'en rendre compte, une larme glisse sur ma joue. Ma gorge se noue mais mon cœur, quant à lui, explose.

Le voir si vulnérable, si surpris et touché par un simple geste... Je me demande presque s'il ressent plus qu'un désir pour moi. Il m'a fait confiance rapidement. Il me fait confiance.

Ne peut-il pas tomber sous mon charme en quelques semaines tout de même ?

Je décide de ne pas m'attarder là-dessus et continue mon rangement.

        Après avoir passé une trentaine de minutes à réorganiser mes affaires, je m'affale sur mon lit. Mes yeux plongent sur les petites étoiles lumineuses qui ornent le plafond de ma chambre. Des étoiles que j'avais collé avec mon père il y a fort longtemps. Quand le monde ressemblait aux Bisounours, à de la barbe à papa rose.

Je sais que mon esprit ne sera pas vraiment libéré avant cette soirée en Corée. Les études peuvent attendre. Pour l'instant, ma priorité est de subvenir aux besoins de ma famille. 

D'abord aider les autres puis s'aider soi-même. Ça a toujours été comme ça avec moi.

Je me glisse sous la couverture et prends mon ours en peluche. Peut-être que j'ai bientôt vingt ans mais mon nounours reflète ma jeunesse. Il est là depuis mes trois ans, avec son pelage marron clair et ce blanc polaire en forme de rond sur son ventre.

Peu à peu, je sens le sommeil m'envahir. Mais juste avant de sombrer complètement, un bruit indistinct parvient en provenance de ma fenêtre. Je me dis que c'est sûrement le vent hivernal qui joue avec les volets. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser au pire en m'endormant complètement...

-À suivre-

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