ꕥ 05. Soirée mouvementée.
____CHAPITRE 05____
-Heureusement qu'il était là, heureusement qu'il est patient-
ꕥ___Jude___ꕥ
ISTANBUL - TURQUIE - SOIRÉE AUX ENCHÈRES.
Il ne me demande même pas la permission et attrape mon bras tel le gentleman qu'il pense être — c'est-à-dire de chez Wish — pour vouloir paraître plus mature face au personnel et à la foule rassemblée devant le bâtiment réservé à la soirée de Ryle.
Après m'avoir littéralement porté — comme une gamine, il faut l'admettre — jusqu'à la voiture malgré mes insistances, le bodyguard est resté impassible et n'a pas laissé paraître son agacement face à mes gamineries. Tout ça parce que j'insistais pour ramener Kitty, avec nous afin de prouver que moi, au moins, je savais être loyale envers les autres.
Il enjambe le pas tout en m'expliquant le déroulement de la soirée. Mon père lui a envoyé un debrief de tout ce qu'il fallait décrocher comme secrets et informations croustillantes. Quant à moi, je ferai tout pour compliquer la tâche à Jake ; pour le voir se décomposer et qu'il regrette profondément son comportement envers moi.
Lorsqu'on atteint les portes sécurisées par deux colosses, Jake me fait entrer naturellement, sans stress, ni rien. Il salue brièvement les vigiles avant de m'entraîner à l'intérieur. Machinalement et comme si c'était habituel, il saisit un verre à pied tout me tirant le bras, pour m'emporter avec lui.
— Les hommes de Ryle ne nous connaissent pas ? Ils vont bien se douter de la mascarade. Mon père est complètement nul pour les plans d'infiltration, de toute façon.
— Ryle est censé contrôler les enchères. Si tu restes discrète, tout se passera bien. Il ne se doute pas que Matthieu a envoyé des hommes ici chercher des informations. Alors la mission est très simple... si tu restes sage.
Ne compte pas sur moi. Je vais tout faire pour te compliquer la tâche, Jake. Je vais te faire regretter de m'appeler Judith, de m'envoyer ta fumée sur la tronche et de me traiter comme une fille de dix piges Jake.
— Qui est cette charmante demoiselle ? demande un jeune homme en se rapprochant de nous.
Il sourit. Il a l'air d'avoir la tête d'un jeune homme d'une vingtaine d'années. Il porte un costume mais ce qui complète son look reste son piercing à l'arcade sourcilière.
Jake relève la tête vers l'homme espérant avoir une réponse de sa part. En attrapant une chips sur la table, il lui lâche un bref sourire et lui répond :
— Ma femme.
Quoi ?!
Mon cœur rate un battement, et mes yeux s'écarquillent comme des balles de bowling prêtes à exploser.
— Oh, je vois. J'aurais bien demandé une petite balade en son honneur, mais elle est déjà prise, visiblement.
Il glousse pour attendrir le moment présent mais Jake lui répond par un sourire aussi neutre qu'un pH. Quant à moi, je reste figée en raclant carrément ma gorge de travers.
Et je ne sais pas par quelle idée de folie mais j'accepte sa demande — qui n'était même pas une demande d'ailleurs — et lui passe ma main en guise d'acceptation.
Jake m'attrape brusquement par le bras et m'éloigne de l'homme sans aucune délicatesse. Je vois dans ses yeux une flamme s'allumer quand il me place face à lui d'une violence que mon expression change radicalement. Il est pathétique.
— À quoi tu joues là ? grogne-t-il, la mâchoire serrée.
— À celui qui se retrouvera humilié car il ne sait pas faire son métier de garde du corps, bouffon.
— Ne t'engage pas dans ça, Jude. Il faut rester discret.
Un sourire narquois parsème mes lèvres.
— Je t'en prie, Jake. Tu réalises enfin qu'il faut m'appeler comme ça quand tu flippes tellement que tu te pisses dessus ?
Son visage se durcit. Il serre davantage la mâchoire. Ses poings sont si crispés qu'il pourrait casser un rocher en deux. Je tire violemment mon bras de son emprise et le fusille du regard.
— Tu vas regretter de m'avoir sous-estimée, Jake.
Sans attendre sa réponse, je tourne sur mes talons et retrouve l'homme qui m'attend toujours sur place. Il sourit, amusé par la situation dans laquelle il vient d'assister.
— Je vous demande pardon. Il a tendance à être un peu... possessif quand le sujet me concerne.
— Vous n'êtes pas un sujet de possession, mademoiselle, répond-t-il, tout en marchant à mes côtés. Vous êtes une ravissante jeune femme.
Je haussai un sourcil. Il commence un peu trop à sympathiser avec moi.
— Merci... mais pourquoi me complimenter ainsi ? demandé-je tout en jetant un coup d'œil autour de moi.
Au loin, je vois un homme s'avancer vers l'estrade, un micro à la main. Je me fige. Il va commencer les enchères.
Ryle.
Je regrette presque de ne pas voir Jake dans les parages. Revoir Ryle après autant de semaines me met la pression. Et mon stress commence à monter quand je vois au quatre coins de la salle les hommes se regardaient entre eux.
Les hommes de Ryle.
— Je m'appelle Beverly. Beverly Smith. Ravie de vous avoir rencontré, mais je dois partir.
— Enchanté, Beverly. Mais ne partez pas si vite.
L'homme saisit mon bras et me fait entrer dans une salle, m'enfermant sous le son des ventes aux enchères qui débutent derrière cette porte.
— J'ai dit que je devais partir... Laissez-moi passer pour que je puisse retrouver mon mari... Il me manque.
Du mensonge sur du mensonge. Tu mens très mal Jude.
Nerveuse, je jette un coup d'œil autour de moi. La salle où il m'a emmenée comporte une chaise et un grand et long bureau. Les murs sont habillés de tableaux mais pas n'importe quels tableaux, des photographies : des photos de personnes à moitié à poil.
Je dois partir d'ici. Cet homme n'est pas net.
Je panique. Je dois m'enfuir.
— Je vous ai dit que je devais partir. Laissez-moi passer. Mon mari m'attend...
— Faites une chose et je vous laisse partir.
Un sourire malveillant et malsain apparaît sur ses lèvres. Je recule d'un pas mais il me bloque la route.
— Votre photo. Avec votre corps, les enchères atteindront des sommets, Beverly.
J'ai réellement le sentiment d'être en danger et je ne suis pas prête à vivre un cauchemar.
— Pourquoi ne portez-vous pas tous les deux une bague de fiançailles si vous êtes mariés, Beverly ?
Je déglutis et avale ma salive avant de me retourner face à l'homme au sourire grand et large.
— On n'aime pas trop se faire remarquer. Vous voyez, la célébrité de notre popularité ne me laissera même pas entrer ici dans de telles circonstances.
Il sortit ses mains de ses poches et s'avança lentement, comme un prédateur approchant sa proie.
— La porte s'ouvre de l'autre côté, dit-il, sa voix devenant suave. Mais... j'ai les clés. Vous pourriez les avoir, bien sûr. À une condition.
— Laquelle ? murmuré-je, sentant déjà que je ne vais pas du tout aimer sa réponse.
Il porte un doigt sur le bureau derrière lui, ses yeux restent braqués sur moi.
— Une photo. Ici. Sur ce bureau. Sans votre robe.
Mon cœur rate un battement. Le temps s'arrête.
D'un côté, c'est pas si grave. D'un autre, si. D'un côté, Jake s'en branle et préfère trouver les informations nécessaires, mais de l'autre, il doit me protéger. Cependant, dû à ma connerie, je n'ai pas de garde du corps en ce moment.
— Vous n'êtes qu'un pédophile ! Un malade qui se branle devant des photos d'innocents !
Son sourire disparaît. Il attrape mon bassin et me retourne face à lui. Ses pupilles entrent en contact avec les miennes tandis qu'il fait surfer sa main sur ma poitrine. Son souffle chaud tape contre ma nuque. Sans attendre une seconde de plus, je le gifle violemment et lui mets un coup entre les jambes mais je perds l'équilibre à cause de la longueur de ma robe et je tombe sur mes fesses dans un bruit sourd.
Jude. Quelle idée de mettre une robe si longue si tu ne peux même pas écarter les jambes pour foutre des coups bien placés ?
Il grogne de douleur et se plie en deux tandis que je me relève maladroitement et me précipite vers la porte pour l'ouvrir.
Je ne peux pas crier. Personne ne m'entendra et même si quelqu'un m'entendait... cela pourrait attirer Ryle.
Néanmoins la bataille contre cette porte est un véritable échec quand je sens, derrière moi, sa présence se rapprocher à nouveau. Cette fois, il ne perd pas de temps et m'entraîne de force vers le bureau.
— Casse-toi ! Sale connard ! m'exclamé-je avant de lui cracher un mollard contre son visage.
Il recule brusquement, essuyant son visage d'un revers de main.
— Porca puttana, vaffanculo ! ( = Putain de merde, va te faire foutre ! ) hurle-t-il, furieux.
Ne comprenant strictement rien à ce qu'il vient de prononcer, je remarque malgré tout dans l'accent et dans la langue qu'il parle espagnol ou italien.
Ryle a ramené toute sa famille pour sa soirée. C'est incroyable ça ! Non ?
Le jeune pédophile m'attrape par les jambes et rapproche mon corps de son bassin. Mes dents grincent presque face à ce ressenti. Je suis dégoûtée. Il dégoûte.
Je dois m'échapper, mais je n'ai ni arme, ni moyen de communication. Je suis prise au piège, dans une salle, avec un connard qui veut prendre en photo une meuf aux bras bourlet.
Sa main remonte le tissu de ma robe, et je me débats avec toute la rage que j'ai, frappant son torse et son visage. Mais il est plus fort. Il saisit mes poignets d'une poigne et les plaque au-dessus de ma tête.
Des larmes montent jusqu'à mes yeux et menacent de couler dans les secondes à venir. Non, pas maintenant, pas devant lui. Retiens-les, Jude, retiens-les... J'essaye de me convaincre. Ce n'est qu'une photo après tout ? Ça va vite terminer...
Alors que ses doigts déchirent l'une des manchettes de ma robe, un bruit sourd résonne dans la pièce et la porte s'ouvre avec fracas.
Mon rythme cardiaque reste stable pendant une seconde. Je vois mon garde du corps au seuil de la porte prêt à se défouler, à foncer à tout moment. Son corps reste imposant, il domine largement cet homme. Son regard balaye la pièce et se pose sur nous. Mon regard croise le sien. Je veux disparaître, me retrouver six pieds sous terre pour ne pas vivre ce moment honteux de toute ma vie.
L'homme qui s'apprête à passer ses mains répugnantes sous ma robe se retourne mais reçoit à la place, le coup de poing bien ciblé du bodyguard.
Le pédophile vacille en arrière. Le coup a été si violent que j'en suis moi-même surprise. C'est là que je remercie Matthieu de m'avoir choisi un garde du corps.
Jake continue de le frapper, encore et encore. Son regard est celui d'un homme que je n'ai jamais vu. Rempli de rage et de culpabilité, c'est comme s'il cachait un secret derrière ses coups.
— Sikik herif ! Yapacağın şey tecavüzdü ! Ben senin ananı sikerim de görersin ! ( = Enfoiré ! Ce que tu allais commettre était un viol ! Moi je vais baiser ta mère et tu verras ! )
Les yeux écarquillés, je ne comprends pas un seul mot qu'il vient de prononcer. Mon corps est figé, il frappe l'homme à de multiples reprises jusqu'à l'assommer. En dernier temps, il se tourne vers moi, essoufflé.
— Je... Je suis désolée Jake...
Il attrape doucement mon bras et me relève du bureau pour me faire marcher en dehors de cette salle.
— Ne m'en veut pas, je suis désolée...
— On doit partir avant qu'il ne se rende compte de nos intentions, me dit-il froidement et fermement tout en arrangeant rapidement le haut de ma robe.
Je n'ose rien dire, me sentant honteusement conne. Je ne devrais rien dire par peur de l'énerver. Il vient tout de même de m'arracher des mains sales de cet homme.
Alors qu'il franchit la porte, je m'arrête soudainement.
— Et les informations ? On doit les chercher. On est venu ici pour ça.
— J'en ai assez récolté. Arrête de faire perdre mon temps, putain. Il y a deux minutes à peine, tu allais te faire... marmonne-t-il ses derniers mots avant de reprendre. On y va.
Il m'intrigue. Je veux savoir pourquoi il évite le sujet.
Je le regarde dans les yeux. Son iris noir puis le vert. Au final, je descends mon regard vers ses lèvres. Mes yeux clignotent. Je distingue, pour la première fois, depuis qu'il m'a parlé dans le bureau de mon père, ses lèvres rosées et parfaitement lisses.
Ma haine pour lui a tellement pris le dessus que je n'ai pas pris réellement le temps de le détailler de haut en bas.
— Qu'est ce que tu regardes, Beverly ?
Beverly ; mon prénom de code. Jake aussi en a un. Pourtant, je ne suis tellement pas discrète et à fond dans la mission que je l'ai appelée par son propre prénom. Et je ne sais par quel sentiment mais il attire mon attention.
— Tu as trouvé des informations ? retorqué-je pour changer de sujet. Je reste ici s'il faut en trouver d'autres.
— Le nécessaire, oui. Alors, maintenant, on se casse avant que ce connard se réveille et nous retrouve.
Il commence à s'éloigner mais je ne bouge pas. Même s'il me protège, je veux servir à quelque chose. Du moins me sentir libre dans ce nouveau pays.
— Non, je reste. Je veux en profiter. C'est agréable de sortir après tout ce temps. J'en ai ras le bol de t'écouter à la maison, dis-je en m'éloignant de son corps.
Je me dirige vers un bar un peu plus loin sous son regard. J'attrape un verre en cristal vers sa direction. Je le provoque. C'est un jeu dangereux mais j'aime ça. C'est palpitant.
— Quoi ? Qu'est ce que tu vas faire ? chuchoté-je, espérant qu'il trouve qu'est ce que je prononce par le mouvement de mes lèvres.
Il marche rapidement vers mon corps. Je bois une gorgée rapide mais il éclate mon verre au sol d'un coup de main.
— Putain qu'est ce que tu fais ?! m'exclamé-je, surprise mais aussi furieuse.
Quelques personnes se retournent dans notre direction. Mon sang se glace. Je viens de me faire remarquer. Quelle idiote...
Jake n'hésite pas une seconde. Il attrape mon bras fermement et me tire vers lui, rapprochant nos visages dans un geste à la fois brusque mais aussi un peu trop protecteur.
— Cet homme met de la scopolamine dans ces verres, Judith. Il attire les gens pour les baiser dans une salle. Si t'avais été plus prudente, tu l'aurais su.
Sa révélation me prend à dépourvue et met ma vie sur pause. Je tousse volontairement. Rien ni faire. Je viens de prendre une gorgée de cette merde. Mon regard glisse automatiquement vers l'homme que Jake désigne du menton.
— Putain, Jude, tu n'en fais qu'à ta tête, grogne-t-il, épuisé. On se casse.
Il agrippe mon poignet, jette un coup d'œil vers les deux colosses chargés de la sécurité. Ils sont trop énervés... On va se faire arrêter...
— Je me sens extrêmement bien, Jake, murmuré-je en tentant d'afficher un sourire correct. Je ne me suis jamais sentie aussi bien, ajouté-je en pouffant sans m'en rendre compte.
— Tu es sous l'emprise de cette drogue, Judith. Ne fais pas la conne et marche avant qu'on soit pris en flagrant délit.
Sans attendre, il me fait sortir du bâtiment tandis que les gardes du corps se précipitent vers la sortie. L'agitation est présente. Nous sommes cuits, comme des poulets.
— Ouf, je n'avais jamais remarqué que tu étais aussi costaud, remarqué-je sans me comprendre moi-même tout en lui pinçant la côte.
Il ne réagit pas. Je suis déçue.
— Jude, arrête ça. Tu ne sais pas ce que tu dis.
Je relève la tête vers son visage pour croiser son regard. Je souris bêtement à pleine dents. Mais lui, est aussi neutre qu'une statue.
— Tu es beau, Jake.
— Arrête avec tes conneries, c'est bon.
Il soupire, perd patience et me fait voltiger du sol. Il passe un bras sous mes genoux et l'autre dans mon dos, me soulevant comme si je ne pesais rien.
Je me sens revivre comme un oiseau.
— Pose moi au sol, Hulk. Allezzz, je vais bien.
— Oui, comme ton asthme, Jude. Tu es déséquilibrée et non stable.
Oh... Il sait donc que je suis asthmatique... C'est... Cool ?
Il continue d'avancer à grands pas vers la voiture. Ma tête tombe en arrière, et je me mets à observer le monde à l'envers. Je crois apercevoir des fourmis s'embrasser sur le béton. Puis je tourne la tête sur la gauche, apercevant les deux gros colosses.
— Ohh, mon prince ! Les méchants vous poursuivent de derrière !
Il se retourne légèrement et voit les deux hommes imposants. Pour me protéger, il pose délicatement ma tête sur son buste.
— Tu ne vas même pas t'en souvenir de m'avoir appelé ainsi, meleğim.
Je crois entendre un léger rire s'échapper de sa bouche avant qu'il ne m'installe dans la voiture. Le claquement de la porte annonce le début de ma sieste.
-À suivre-
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