I. En hiver (2)

— C'est bon, je suis pas sans-dessein non plus!

Madeleine déboula les marches dans un vacarme assourdissant. Grand-père Raymond, qui jouait de sa canne dans le but de freiner la progression vers la salle à manger de son compatriote du même âge, stoppa ses mouvements. Il ne pouvait peut-être pas sentir l'odeur nauséabonde de ses pieds victimisant mon pauvre museau, mais il savait flairer les échanges intéressants.

— Ah oui? C'est qui qui a parié cinquante dollars sur une course d'escargots, il y a quoi... Trois semaines?

Maxime surgit à la suite de ma maîtresse, les lumières du sapin mettant en évidence sa rage sourde.  Mâchoire comprimée, poids serrés, il allait exploser. Et Dieu seul sait — les expressions de Grand-père Baptiste semblaient déteindre sur moi — que l'homme n'avait absolument aucun contrôle sur sa fille... Et sur ses dévastatrices émotions.

— Elle existe encore, celle-là? Je pensais que vous l'aviez vendu ou du moins, éduqué, lança le voleur de place, situé à la jonction de la pièce principal.

C'était le litre de trop. Rendue au pied des escaliers, Madeleine foudroya de toute sa haine son grand-père maternel, avant de le bousculer pour accéder la cuisine.

— Je vais aller chercher Solange et Marcel, ils doivent encore dormir à cause de leur long voyage, déclara avec précaution Oncle Roger.

— Et moi les enfants, ajouta Françoise, replaçant anxieusement l'une de ses mèches de feu derrière son oreille.

— C'est bon, je m'en occupe.

Le colérique, sans prendre la peine d'obtenir l'approbation de son entourage, commença à partir de l'ambiance lourde et étouffante. Cependant, il fut coupé par le mécanicien, une main sur son épaule.

— Non, c'est une mauvaise idée, dit Oncle Georges, le regard compatissant, en tentant d'éponger ses sentiments négatifs.

— Écoute ton frère, ordonna Grand-mère Gilberte, à son plus jeune fils.

D'un accord tactique, Françoise passa devant l'instable époux de sa soeur et se dirigea vers les escaliers du sous-sol. L'instant suivant, elle fut succédée par le père de Véronique.

Mon ventre gronda. Désireux de combler ses moindres envies, je quittai mon perchoir, passai entre les jambe couverts de longs bas rouges et blancs de Grand-père Baptiste, contourna le dangereux camion de pompier et suivit la délicieuse odeur de volaille émanant de la pièce d'à côté.

L'incroyable félin que j'étais avait toujours adoré ce chalet perdu au beau milieu du Mont Tremblant. Non que cela me plaisait de voir se déchirer un peu plus cette famille atypique chaque Noël — quoique si —, mais cela m'accordait une pause des sifflements agaçants, répétitifs et irritants des oiseaux qui avaient établis domicile les branches de nos hectares d'érables dans la petite campagne près du Lac-des-Français. Sans mentionner le fait de pouvoir me vanter d'en être propriétaire à Colette, l'exotic shorthair blanc de l'infirmière sanguinaire. Du plancher de bois véritable aux tuiles les plus coûteuses sur le marché!

Arrivé en cuisine, j'y découvris Madeleine attablée, puis Joanie et Suzanne, deux déesses du monde culinaire. Occupées à ce que le souper soit parfait — ce qui était de mon humble avis, déjà tombé à l'eau —, les deux mères placèrent l'alléchante dinde au centre de la table, hors de ma portée. La situation me rappela une autre, celle où une petite fille démoniaque tentait désespérément d'accomplir ses sombres desseins. Triste comparaison, il faut dire. Dégouté de ne pas avoir la possibilité ne serait-ce que de confirmer que cela soit comestible, je me cachai sous la table de bois.

Un moment s'écoula avant que les pieds nues, velus et malodorante de Grand-père Raymond s'imposent devant mes deux magnifiques émeraudes. S'ensuivit les chaussettes très laides du vieux schnock, les pantoufles en laine artisanals de Grand-mère Gilberte, les souliers cirés de Maxime et les bas troués d'Oncle Georges. Tous s'attablèrent, Maxime veillant à être le plus loin de son étourdi de fille.

— Tasses-toi. C'est ma place.

Encore la possessivité du vieux religieux, qui désirait ce qu'il y avait de mieux pour son derrière.

— Et ma canne, tu l'as veux aussi? répliqua Grand-père Raymond.

S'enchaîna une énième algarade, rehaussée par de multiples injures d'église et saupoudrée par les tentatives de désamorçage ratées d'Oncle Georges.

— Oui, du poulet! s'écria Véronique, en pénétrant dans la cuisine.

Elle contourna l'îlot, manqua de faire échapper les ustensiles que sa mère apportait et coupa l'accrochage des patriaches. Inconsciemment, la petite réussit l'impossible: Véronique décrocha un sourire à Grand-père Baptiste, dévoilant son dentier mal entretenu.

— J'ai faim en tabarnak!

C'était aussi comme ça que la gamine parvint à lui faire soulever l'un de ses sourcils broussailleux. Réaction raisonnable, comparée à celle de Suzanne, qui ponctua l'arrivée d'Anne-Marie, d'Oncle Roger, de Tante Françoise, des jumeaux Laporte et de leurs parents par le bruit des éclats métalliques au sol.

— Chéri, qu'est-ce qui se passe? questionna Oncle Roger à sa femme.

En hyperventilation, il conduit Suzanne dans la salle d'eau, sous les rires étouffés de Madeleine et l'indifférence total de sa fille Véronique.

— Mon ange, où as-tu appris ce mot? dit doucement Grand-mère Gilberte, en dictant silencieusement à sa plus âgée petite-fille d'arrêter ses gloussements peu subtiles.

— C'est tonton Maxi qui l'a dit tantôt. Michel m'a dit ça veut dire quoi.

L'incompréhension peignit le visage ridée de la vieille peau. Toutefois, elle dirigea ses yeux glacés vers les jumeaux, ne sachant pas départager lequel était le fautif. Sûrement le seul avantage à avoir une copie de soi-même.

Finalement, c'était après le triomphe de Grand-père Baptiste dans la bataille de chaise et la reprise de couleur de Suzanne que tout le monde s'attablèrent dans un silence dérangeant. Joanie ramassa finalement les ustensiles que personne n'a jugé bon d'être de bas rang pour le faire, avant de s'assoir à son tour, entre sa fille et Anne-Marie.

Lors des remerciements qui n'en finissait jamais du schnock envers Jésus ou Dieu, je déguerpis de ma cachette, en direction de ma gamelle. Quel fut mon outrance  lorsque j'y decouvris à l'intérieur les restes de mes croquettes, baigné non dans leur propre sang, mais dans de la répugnante salive. Pouvait-il être de l'œuvre de la bambine en guise de représailles?

Non, impossible. Colette devait être la coupable. Colette était la coupable.

La mort au ventre, mes pattes me conduirent jusqu'à Jacques, qui profitait du moment que tout le monde ait les yeux fermer pour voler des morceaux de dinde. Une idée germa dans ma tête.

Un magnifique mialement fut produit par mes cordes vocales. Puis un deuxième. Et encore un troisième. Le visage neutre de Maxime, juste en face du jeune voleur de onze ans, commença à se déformer par l'agacement.

Paniqué, le blond me lança un gros morceau du gros poulet comme achat de mon silence. Satisfait, mais quelques peu touché dans mon égo, je m'abaissai au sol, prit difficilement la protion de viande dans ma gueule filai dans le salon.

Quelques instants plus après avoir consommer mon maigre repas, le sommeil fit son apparition et tenta, de sa douceur et de son bien-être, de m'amadouer. Voulant absolument attendre le fameux Père Noël que je n'avais jamais vu pour faire de son costume ridicule de belles guirlandes, je m'installai confortablement sous le sapin et lutta contre la chute de mes paupières.

J'avais dû perdre le combat un moment plus tard, car le lendemain, c'était un cri d'épouvante qui me délivra du monde des rêves.

Yo le peuple!

Le chapitre un est enfin terminé et ce, dans les temps! J'ai rusher à vous le pondre, le quart ayant été écrit aujourd'hui. C'est donc absolument normal si le nombre de fautes dans cette partie est comparable à celle de la population mondiale et que plusieurs répétitions, tournures et compactage d'informations s'y trouvent.

En outre, je voulais vous remercier pour vos votes et vos commentaires! C'est étrange de savoir qu'on se fait lire et qu'en plus, nos œuvres sont appréciés!

Avec toute ma gratitude,

Daw.

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