Progression

Enlebe s'arrête subitement, s'agenouille et pose quelques fruits, qu'il avait emportés dans son sac, sur le sol. Puis il prononce des mots que les deux astronautes ne comprennent pas. Il se relève alors et vient donner un fruit à chacun.

- Posez cette offrande à coté des miennes  et prononcez ces mots  " grathake avo nowe lialer avo traitress en avo spectwaen casi nowe ". La forêt nous laissera ainsi passer.

- Que veut dire cette phrase ? s'enquit Ephemis qui se souvient avoir déjà entendu Enlebe la déclamer lors de leur première intrusion dans la forêt.

- Cest une prière que je répète à chaque fois que j'entre ici. C'est le grand Pruwie qui nous l'a enseignée. Elle remercie la forêt de veiller sur nous et de nous permettre de la traverser. 

Ephemis acquiesce de la tête et s'exécute aussitôt. Iknos ronchonne un peu pour tout ce temps perdu et ces prières d'un autre temps, mais s'agenouille aussi et dépose son offrande, pressé de partir à la recherche du lieu sacré.

Le soleil commence à percer à travers les feuillages. Une belle journée semble s'annoncer. La chaleur des rayons se fait sentir sur leurs corps et s'intensifie au fur et à mesure de leur avancée. Pour l'instant, la forêt n'a rien d'oppressante. La lumière pénètre largement à l'intérieur  et leur avancée ressemble plus à une tranquille promenade qu'à une expédition. Malgré tout, l'air moite qui règne autour d'eux, rend leur progression de plus en plus pénible au fil de la journée. Soudain, Enlebe se tourne vers eux.

- Attention, nous risquons de rencontrer des cumastos. Surveillez bien les alentours.

- Qu'est-ce que les cumastos ? demande Ephemis, toujours désireux d'en apprendre plus sur l'écosystème de Terra.

A peine a-t-il prononcé ces mots qu'un bruit inconnu se fait entendre ! Différent du bourdonnement des papillons, il ressemble plus à un vombrissement continu qui s'amplifie en approchant. A cet instant, un énorme moustique fond sur Iknos, tel un prédateur assoiffé de sang ! Sa tête est pourvue de deux antennes aussi longues que son thorax, lui-même paré de rayures noires et blanches. Quant à ses yeux, ils semblent englober l'ensemble de son visage. 

Ephemis, en bon scientifique qu'il est, se demande comment un insecte peut voler avec un tel déséquilibre entre les membres qui constituent son corps. Le cumastos a choisi sa proie et vient piquer Iknos au niveau du visage. Ce dernier pousse un cri d'énervement et le chasse du revers de sa main, tellement fort que l'insecte se retrouve propulsé contre le tronc d'un arbre et s'écrase au sol.

- Merde ! s'écrie Iknos, pourquoi le sort s'acharne t-il toujours sur moi ? J'ai une cible dessinée sur le front ou quoi ?

L'endroit où le cumastos l'a piqué devient rose, puis rouge et finit par enfler désespérément. Enlebe attrape alors un petit couteau dans son sac et avec la lame, gratte l'écorce d'un arbre jusqu'à ce qu'un liquide blanc se mette à couler le long du tronc. Il récupère alors cette sève dans une feuille et la donne à Iknos.

- Mets toi vite ça sur la piqûre, ordonne Enlebe, sinon tu risques de finir défiguré pour plusieurs heures.

D'abord surpris par ses propos, Iknos s'exécute et dès l'application, il ressent un soulagement immédiat.

- C'est de la sève d'érable, n'est-ce pas ? demande Ephemis.

- C'est exact. Nous, on l'appelle "amaah "C'est un antidote. Il stoppe le venin, explique Enlebe, soudain très fier d'apprendre quelque chose à Ephemis.

Ephemis commence à observer la sève qui continue de couler. Elle semble très gluante. Avec son doigt effilé, il en prend un extrait qu'il met dans une petite boîte qu'il a sortie de son sac.

Iknos, dont la douleur s'est fortement atténuée, s'impatiente.

- Ephemis, tu étudieras ça à un autre moment ! On doit continuer notre route. 

Ephemis range son buttin. Il s'en occupera plus tard. Les trois compères poursuivent leur chemin. Iknos, maintenant habitué à être la proie de tous les incidents de parcours, reste aux aguets. Cela amuse beaucoup Ephemis qui l'observe du coin de l'oeil scanner constamment les alentours et réagir au moindre bruit. Il fait très chaud à mesure que la journée passe. Mais les deux astronautes ne transpirent pas. Leur corps se régule automatiquement. Encore une prouesse de leur IA. Ils forment, avec Enlebe, une troupe atypique qui tranche avec la forêt qu'ils traversent et qui s'épaissit au fur et à mesure de leur progression.

Si quelqu'un les observait de loin, il trouverait sûrement étrange cet alignement de couleurs : un rouge scintillant pour Enlebe dont le corps semble parsemé d'étoiles dorées dès qu'un rayon de soleil le touche et un bleu azur pour les deux têtes des astronautes qui dépassent largement leur nouvel ami. Soudain Iknos s'immobilise, les yeux rivés sur son détecteur infrarouge.

- Stop ! s'écrie-t-il Je détecte une masse qui se dirige vers nous rapidement.

Ephemis scrute les environs à la recherche d'une forme quelconque. Puis, il regarde par terre. A quelques centimètres d'eux, des fourmis apparaissent, avançant à la suite les unes des autres, et emportant sur leur dos des kilos de nourriture.

- Ce n'est rien, déclare Enlebe, ce ne sont que des anterses.

Iknos se fige en observant ces dernières. 

- Ces insectes sont énormes, s'exclame-t-il. Regarde Ephemis ! Elles mesurent au moins dix centimètres de long ! Tout est grand ici !

Ephemis s'approche lentement d'elles. Effectivement, les fourmis sont immenses, de couleur noire, avec de grandes pattes et une carapace sur tout le corps.

- J'ai une théorie, annonce Ephemis. Étant donné que ces insectes ont vécu des millions d'années sans la présence de gros prédateurs, elles se sont développées jusqu'à atteindre une telle taille. Elles avaient toute la place pour s'épanouir.

- Et cette carapace ? s'interroge Iknos. Je ne me souviens pas avoir déjà rencontré ailleurs des fourmis en possédant.

- Sûrement pour se protéger du soleil qui est beaucoup plus proche de Terra que dans le passé.

- Très intéressant mais je suis certain que ce ne sont pas ces fourmis que j'ai repérées ! Le détecteur indique quelque chose de beaucoup plus gros.

Enlebe semble avoir compris ce qui se passe.

- Je crois savoir ce que tu as décelé Iknos. Et si c'est le cas, je vous conseille de vous éloigner de quelques mètres en arrière.

Un bruit retentit alors des broussailles, sur leur droite. Les deux astronautes reculent précipitamment. Ils ne discernent  rien pour l'instant mais, au bout de quelques secondes, une forme se précise au fur et à mesure de sa progression dans leur direction. Éberlués, ils voient apparaître une sorte de rongeur, de la taille de petits cochons qu'ils ont pu déjà croiser sur d'autres planètes, qui s'élance avec furie sur les anterses et commence à en faire son déjeuner. Les pauvres insectes tentent désespérément de fuir mais le rongeur les attrape agilement avec sa bouche. Les pauvres bêtes se débattent comme elles peuvent tandis que leur prédateur se délecte en faisant craquer leur carapace entre ses dents. C'est une scène plutôt irréelle. Puis, alors qu'il semble rassasié, le rongeur reprend son chemin et les fourmis se remettent en marche comme si de rien n'était.

- Voilà, on peut continuer notre route, indique Enbele, peu affecté par cet événement.

Les deux astronautes échangent un regard interloqué. Ephemis, comme à son habitude, inscrit des notes sur son ordinateur et Iknos, les sens toujours plus en alerte, est déjà reparti sur le sentier.

A la fin de la journée, ils sortent enfin de la forêt et se retrouvent face à un paysage nouveau, une succession de collines recouvertes de prairies émeraudes parsemées par endroits de bouquets de fleurs blanches immaculées.

- Où allons-nous maintenant Enlebe ? l'interroge Iknos.

- Nous devons franchir les trois collines en face de nous, leur indique-t-il du doigt, et ensuite, nous atteindrons une montagne qu'il faudra gravir. Le lieu sacré se trouve à la cime.

- Et de quoi devons-nous nous méfier cette fois ? ironise Iknos.

- Des mounwachs.

- Ce sont quels types d'animaux ? demande Ephemis, s'apprêtant à inscrire un nouveau nom sur son ordinateur.

- Ce ne sont pas des animaux, rectifie Enlebe, mais des esprits, les gardiens des montagnes.

Les deux amis, stupéfiés, s'arrêtent une fois de plus.

- Et quel danger représentent-ils ? fait Ephemis.

- Oh, tous ceux qui ont voulu pénétrer ces montagnes ont disparu, répond-il, le plus naturellement du monde.

- Disparu ! Comment ça disparu ? s'alarme Iknos.

- Et bien disparu ! insiste Enlebe. Mais rassurez vous, ajoute-t-il, voyant que ces compagnons paniquent, je pense savoir comment leur parler. Le Grand Pruwie m'a enseigné une partie de son savoir.

- Il est déjà venu ici ?

- Non, mais les esprits des anciens lui ont parlé cette nuit et il m'a transmis leur message. Allez, il faut continuer si on veut arriver avant la nuit au tecsheltz.

Iknos ne prend même pas la peine de demander ce qu'est un tecscheltz. Il emboîte le pas d'Enlebe tout en fulminant intérieurement. Il se dit qu'ils n'auraient jamais dû faire confiance à des êtres qui pensent que des esprits peuvent les protéger du danger ! Comme à son habitude, il enclenche son détecteur infrarouge et reste encore plus attentif aux moindres détails étranges qu'il repère. 

Ephemis est resté silencieux. Quelque chose lui perturbe l'esprit, comme une voix qui l'appelle. Il ne comprend pas les paroles mais le son lui est familier. Alors qu'Iknos et Enlebe ont déjà entrepris l'ascension de la première colline, il est désormais certain que son destin est au bout de ce voyage.

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Coucou tout le monde,

Voici enfin la suite des aventures de nos deux amis. Je sais que le rythme de parution ne s'est guère accéléré mais je progresse😁

Iknos et Ephemis vont bientôt atteindre le lieu sacré en espérant qu'ils ne rencontrent pas trop de mounwachs ! Ce serait dommage qu'ils disparaissent une nouvelle fois 😉 surtout que le lieu sacré leur réserve une surprise qu'ils n'auraient jamais imaginée.

Merci encore et toujours pour votre fidélité. N'hésitez pas à commenter et à voter 😍 Prenez soin de vous.





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