Le Grand Pruwie

Ils suivent, cette fois,  un itinéraire qui traverse les bois. Enlebe emprunte un sentier qui chemine au milieu des arbres. Ces derniers, étrangement, ne font aucun mouvement, contrairement à leur précédente intrusion.

- Tu sais que la dernière fois que l'on a pénétré dans la forêt, les arbres ont tenté de nous tuer ? l'informe Iknos.

- C'est parce que vous n'avez pas demandé la permission pour entrer, répond nonchalamment Enlebe, comme si cela était naturel.

- On ne savait pas, explique Ephemis. Comment fais-tu pour rentrer en contact avec eux ?

- Je les respecte. Je leur ai fait une offrande lorsque nous sommes entrés dans la forêt et j'ai récité une prière pour que notre Dieu, Prae, les protège pour toujours. Ainsi nous pourrons vivre longtemps en harmonie avec eux. Je les  ai aussi remercié de nous laisser passer. Ils nous comprennent , vous savez ?

Ephemis hoche la tête. Décidément, ils ont beaucoup à apprendre de cette planète. Iknos, lui, semble plutôt stupéfait de ces paroles mais il ne laisse rien paraître.

Autour d'eux, des arbres centenaires aux troncs immenses ont l'air de garder les lieux. Les deux hybrides se sentent comme observés. Des oiseaux chantent dans les feuillages alors que des rayons de soleil viennent percer la voûte au-dessus de leur tête en formant des sillons de lumière au milieu desquels flottent des poussières d'or qui semblent danser entre elles. Au bout de plusieurs kilomètres, au plus profond de la forêt, alors que tout devient de plus en plus sombre, ils ont la surprise de déboucher sur un petit village où sont rassemblées des dizaines de cabanes en bois. Plein de petits êtres rouges," les trides", évoluent tout autour. C'est assez étrange comme spectacle de voir ce fourmillement d'enfants, d'adultes et de vieillards. La présence de nouveaux venus ne semble pas les perturber.

- Les paschnebus ne vous attaquent jamais ? Votre village n'a guère de protections, analyse Iknos, en vrai militaire.

Enlebe lui sourit malicieusement.

-  Les paschnebus ne peuvent pas venir ici car ils ne savent pas parler aux arbres. Ils ont essayé mais ils finissent toujours par se faire expulser. Ils n'ont pas compris qu'ils devaient respecter la nature. Ils pillent ses réserves, capturent les êtres qu'ils trouvent. Ils n'auront jamais leur place sur Terra.

Un être rouge s'approche d'eux, l'air soulagé.

- Enlebe, habeofa tifean avo nano mamorh utz rusewi. *Enlebe, j'avais peur de ne plus te revoir*.

- Qda paschnebus caeronfa seba hadi iltz hoper libreonfa en saheonfa. *Les paschnebus m'ont capturé mais ces deux personnes m'ont libéré et soigné*, explique Enlebe.

- Iso, essebeuf qda grawel apim nowe *alors, soyez les bienvenus chez nous*.

Iknos et Ephemis ne savent comment réagir. Ils bredouillent un merci.

- Quasie sersaspeichufa Enlebe, nowe organizaufu ae puegima hath veseva *comme vous avez sauvé Enlebe, nous organiserons une fête ce soir*. Apim vesyh honehre ! *en votre honneur*.

- C'est très gentil, répond Ephemis mais nous ne voulons pas vous déranger.

- Vous ne pouvez pas refuser ! C'est un manque de respect, les prévient Enlebe.

- Dans ce cas, nous acceptons avec plaisir, capitule Ephemis.

Les deux êtres rouges échangent un sourire satisfait. L'ami d'Enlebe les quitte pour préparer sa soirée tandis que ce dernier leur fait visiter son village. Il  les présente aux membres de sa communauté, des familles avec des enfants pour la plupart. Puis, il entreprend  de leur montrer leur plantation qui sert de base pour leur nourriture, des pommes de terre et des carottes sauvages pour l'essentiel. Dans un petit coin du jardin, Ephemis remarque des plantes médicinales. Il interroge Enlebe.

- Nous les avons récolté dans la forêt. Elles nous servent pour  nous soigner. 

Ephemis s'agenouille près des plantes pour les observer. Il en profite pour essayer d'en savoir un peu plus sur les astragalus.

- Vous n'avez pas d'astragalus ? fait-il innocemment, n'oubliant le but de leur mission. Vous n'en trouvez pas dans la forêt ?

- Oh non ! s'exclame Enlebe, sinon les paschnebus ne pourraient pas se le procurer. En principe, elles se trouvent à l'orée du bois mais on n'y va jamais car c'est trop dangereux !

- Bien joué Ephemis ! se dit Iknos. Il a amené Enlebe juste là où il voulait, sans qu'il s'en rende compte. Confiant, Ephemis décide de pousser son avantage plus loin.

- Et si on t'accompagnait, tu accepterais de nous montrer leur emplacement ? insiste-t-il.

Enlebe semble réfléchir à sa proposition.

- Je ne sais pas si j'ai le droit. Il faut demander au grand sage, le Grand Pruwie. C'est lui qui décide de ce genre de chose.

- Et comment fait-on pour le rencontrer ce grand sage ? intervient Iknos.

- Il faut attendre, il médite dans sa cabane pendant la journée. Mais vous pourrez lui parler ce soir, à la fête. Il est toujours présent pour les grandes occasions. Je suis tellement heureux de pouvoir vous le présenter.

 Enlebe sautille comme un enfant à l'idée de cette soirée. Les deux hybrides décident de prendre leur mal en patience, jusqu'au soir. A la nuit tombée, Enlebe accompagne ses nouveaux amis au centre du village. Un grand feu est allumé et plusieurs trides s'activent autour, surveillant une marmite posée sur les braises où semble cuire une soupe dont l'odeur titille les narines d'Iknos et Ephemis. Ils commencent à avoir faim et ça fait très longtemps qu'ils n'ont pas goûté à ce que l'on peut appeler de la vraie nourriture.

Assis près du feu, un vieux Tride, enveloppé dans une cape blanche, discute avec celui qui les a accueilli ce matin. Enlebe s'approche d'eux, les deux hybrides sur ses talons.

- Bonsoir Grand Pruwie, fait Enlebe avec solennité. Je vous présente mes deux amis, Iknos et Ephemis.

Le Grand Pruwie lève la tête. Son regard est différent de ceux de sa communauté. Ses yeux possèdent un iris d'un blanc immaculé, comme s'il était aveugle, mais dès qu'il se met à parler, ses pupilles deviennent bleu ciel.

- Soyez les bienvenus, êtres du ciel. Venez vous installer avec moi, que l'on fasse connaissance, leur propose-t-il.

Iknos et Ephemis restent interloqués. Le Grand Pruwie a parlé dans la langue des trides mais la traduction a été instantanée en arrivant à leur cerveau, sans que leur IA n'intervienne. N'osant le questionner, ils s'installent à ses côtés.

- D'où venez-vous êtres du ciel ? les interroge- t-il, tout en plantant ses yeux dans les leurs, comme s'il pouvait lire en eux.

- Nous venons de Véga, une planète la galaxie Andromède.

Une drôle de lueur traverse le regard du Grand Pruwie.

- J'ai déjà entendu parler de cette planète.

- Vraiment ? rétorque Iknos. Vous êtes sûr ?

Le Grand Pruwie paraît réfléchir un instant, puis reprend la parole.

- C'est une vieille légende que l'on m'a raconté lorsque j'étais jeune. Il y a environ deux cents ans, un vaisseau serait venu sur Terra avec à son bord deux êtres du ciel. On les appelait les Végaesses, ceux qui venaient de Véga. Alors qu'ils exploraient la planète, celle-ci les a engloutis. On disait qu'elle les avait punis de leur intrusion. Mais il est plus probable que les paschnebus les aient capturés et mis dans leurs cocons.

- Je sais que des membres de notre communauté ont atterri ici il y a deux cents ans. On a découvert leur navette, lui explique Iknos, très intéressé par ce récit. On se demandait ce qui leur était arrivé. Et bien maintenant, si cette légende dit la vérité, on détient une partie de l'explication. Mais nous avons appris qu'ils étaient revenus chez nous. Comment se fait-il qu'ils ne soient pas morts ?

-  La légende dit qu'ils se sont échappés grâce au paschnebus irackus.

- Au quoi ? fait Iknos, incrédule.

- Le paschnebus irackus, un papillon insoumis. Les anciens m'ont raconté qu'il aurait aidé les deux êtres du ciel à se sauver mais personne ne les a jamais revu tous les trois. Certains ont affirmé qu'ils étaient répartis dans leur monde et que irackus serait toujours vivant, caché dans le lieu sacré.

- Vivant ? s'exclame Iknos abasourdi. Mais il aurait quel âge ? Plus de deux cents ans ! Ce n'est pas possible !

- Pas s'il possède la potion de vie, intervient Enlebe.

Les deux astronautes restent interloqués par ces révélations. Serait-il possible que ce papillon existe vraiment et connaisse l'histoire des membres de Kepleride 1 sur Terra ? Iknos meurt d'envie d'en savoir plus. Il prend les choses en main.

- Et où se trouve ce lieu sacré ?

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Coucou,

J'espère que ce chapitre vous a plu. Rendez-vous au prochain pour découvrir si Iknos et Ephemis vont trouver le lieu sacré et si le paschnebus irackus est toujours en vie.

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Merci de votre fidélité et à bientôt pour la suite.




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