Chapitre 3

« Millard, fous-moi la paix. Je bosse, alors tais-toi. Ou mieux encore : fiche le camp d'ici.

— La nouvelle voulait te voir, rétorqua Millard.

— Je me fous complètement de ce que veut la nouvelle ! s'écria la voix derrière la porte. Si elle veut me voir, qu'elle vienne, mais qu'elle la ferme ! »

Je tressaillis en entendant le ton peu aimable du garçon. Mon nouvel ami s'approcha de moi, un sourire large planté sur son visage.

« Ne t'inquiète pas, Enoch est toujours de mauvaise humeur. Ce n'est pas contre toi, loin de là. Vas-y, entre. »

Il esquissa un pas de côté pour me laisser passer.

La chambre d'Enoch ressemblait plus à un atelier qu'à une pièce à coucher. Une grande table, sur laquelle étaient posées des montagnes de poupées et de bonshommes d'argiles, trônait en son centre. Sur les étagères accrochées aux murs, je distinguai des bocaux au contenu peu ragoûtant. Des cœurs de poulets, pour la plupart.

« Tu comptes observer ma chambre longtemps ? »

Assis à une chaise en face de la table, Enoch avait planté ses yeux gris encerclés de cernes dans les miens. Il modelait une petite poupée avec une motte d'argile.

« Je comptais juste connaître les enfants de l'orphelinat, mais si tu veux que je m'en aille...

— Je n'ai jamais dis ça. »

Il soupira longuement, avant de continuer :

« Pourquoi voulais-tu me voir ?

— Millard m'a proposé de faire un tour des particuliers pour qu'ils me montrent leur... don. », dis-je en promenant mes doigts sur les étagères.

Le particulier se leva d'un bond et arrêta ma main.

« Ne touche pas à ça.

— Alors montre-moi ce que tu sais faire. »

Ma menace marcha à merveille. Il me lança de nouveau un regard noir, saisit un bocal et s'assit de nouveau à sa table. D'une main experte, Enoch ouvrit le petit torse de l'un des bonshommes d'argile et y glissa le petit cœur de poulet. Aussitôt, la petite poupée se leva et commença à marcher.

« C'est... c'est... étrange, bredouillai-je.

— Évidemment que ça l'est, répondit Enoch d'un ton désagréable. Ici, tout est étrange. Tu l'es aussi, n'est-ce pas ?

— On ne peut rien te cacher, n'est-ce pas ? »

Ma plaisanterie ne le fit absolument pas rire. Il ne devait pas connaître l'humour, ni même le fait de plaisanter.

« Effectivement. C'est à toi de me montrer ce que tu peux faire, maintenant. »

Je tendis mes mains vers l'une des poupées et me concentrai. L'image de la figurine se troubla un instant, devint complètement floue avant de totalement disparaître. Enoch poussa un long sifflement.

« Tu mérites donc ta place ici. »

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