L'oubliée
Les jumeaux Dragonneau ne se ressemblaient pas du tout ; à tel point qu'on doutait parfois qu'ils fussent jumeaux, ou même frères !
Lorcan avait la tignasse blonde et les yeux bleus de sa mère, sa minceur et sa petite taille. Lysander, lui, était aussi brun que son père, grand et musclé comme lui. Même à seulement onze ans, il était déjà plus grand que Luna.
Côté tempérament, par contre, c'était le contraire. Lorcan était silencieux, calme et terre-à-terre, comme Rolf, alors que son frère était aussi rêveur et intrépide que leur mère.
Et pourtant, malgré leurs différences, les frères étaient inséparables. Lysander était toujours prêt à défendre Lorcan s'il en avait besoin, et Lorcan aidait Lysander avec ses devoirs, faisant preuve de toute la patience du monde. Pendant toute leur enfance, tous leurs voyages, jamais ils ne s'étaient disputés.
Jusqu'à leur première rentrée à Poudlard.
Nerveux, les jumeaux s'étaient installés dans un compartiment vide. Ayant beaucoup voyagé durant leur enfance, ils n'avaient pas eu le temps de se faire beaucoup d'amis en Angleterre, et ne pouvaient compter que sur l'un l'autre dans cette nouvelle aventure. Ils connaissaient bien toute la famille Weasley, mais les seuls qu'il restait à Poudlard – Louis, Lily et Hugo – étaient en septième année, et ne viendraient jamais voir les petits nouveaux qu'étaient les Dragonneau.
Bientôt, ils furent rejoints dans leur compartiment par deux fillettes et un autre garçon, qui entamaient eux aussi leur première année. Le passage du chariot de friandises et le partage d'une boîte de dragées surprise rompirent la glace, et avant même que le train soit sorti de Londres, le compartiment était plein de rires et de conversations enthousiastes.
Avant bien longtemps, la conversation toucha le sujet qui importait le plus à tous les nouveaux : la répartition.
— Mes deux parents étaient à Poufsouffle, dit une des deux filles. Je suppose que j'y serai aussi.
— Moi, j'espère être à Gryffondor, affirma le garçon en bombant le torse.
— C'est laquelle Gryffondor, déjà ?
La deuxième fillette était née-Moldue. Lorcan ouvrit la bouche pour répondre, mais le futur Gryffondor – qu'il n'aimait déjà pas – fut plus rapide.
— Gryffondor, c'est la meilleure de toutes les maisons. Celle des courageux qui n'ont peur de rien. Tous les héros de la guerre y étaient : Harry Potter, Hermione Granger, Ron et Ginny Weasley, Neville Londubat...
— Et Luna Lovegood ?
Lorcan avait les poings serrés et les yeux plissés. Toute sa vie, il avait entendu cette rengaine sur les héros de Poudlard à Gryffondor. Dans toutes les cérémonies de commémoration, les articles de journaux, les émissions spéciales de magivision, c'était Potter par-ci, Weasley par-là. Il ne leur en voulait pas, il adorait toute la famille, et sa mère lui disait préférer le relatif anonymat dont elle jouissait encore, mais il refusait d'accepter que même ici, on parle de Gryffondor comme la seule maison capable de former des héros. On venait de se départir d'un préjugé sur les membres d'une maison de Poudlard ; il ne fallait pas le remplacer par un autre.
— Ah oui, elle. Poufsouffle, c'est ça ?
— Serdaigle, répondit Lorcan, les dents serrées.
Le garçon haussa une épaule, puis se tourna vers Lysander.
— Et toi ? Tu m'as l'air de vouloir être un héros.
Lysander jeta un regard rapide à son frère, puis répondit :
— Ouais. Ça sera sûrement Gryffondor pour moi aussi.
Aux mots de son jumeau, Lorcan se leva brusquement, le visage rouge.
— Maman aurait honte, cracha-t-il entre ses dents serrées.
Ignorant les tentatives de Lysander de le convaincre de rester, et les rires de ses futurs camarades de classe, Lorcan attrapa son sac et sortit du compartiment en claquant la porte derrière lui.
Il parcourut les wagons d'un pas énervé, jusqu'à trouver un siège libre, dans lequel il se laissa tomber et appuya son front contre la fenêtre.
Il savait que ce qu'il avait dit à son frère était faux. Luna n'aurait jamais honte de lui, peu importe la maison dans laquelle il était réparti. Serdaigle, Gryffondor, même Serpentard, peu lui importerait, tant que ses garçons étaient heureux. C'était justement cette attitude effacée de sa mère qui lui avait permis de tomber dans l'oubli, de laisser les autres héros de guerre, ceux de Gryffondor, de prendre toute la place.
Mais Lorcan ne voyait pas cela de la mêmemanière. Avec ou sans Lysander, il allait montrer à tous que Gryffondor n'étaitpas la seule maison héroïque.
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